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6. LES PÊCHES MODERNES DES HÉBRIDES ET DE LA CÔTE OCCIDENTALE


6.1 Les installations portuaires, les pêcheurs et les installations de transformation

L'industrie moderne de la pêche des Hébrides et de la côte occidentale est avant tout une activité à petite échelle et de taille limitée, bien qu'elle contribue considérablement à la sécurité alimentaire locale fondée sur le poisson. Sa contribution tend néanmoins à diminuer en raison d'un certain nombre de facteurs extérieurs.

D'un point de vue administratif, la région étudiée est divisée en sept districts de débarquement du poisson, comportant 55 lieux de débarquement effectif ou ports de pêche. Les districts sont ceux de Stornoway pour les Hébrides extérieures, et sur la côte occidentale, du nord au sud, Kinlochbervie, Lochinver, Ullapool, Mallaig, Oban et Campbeltown Le district de Mallaig comprend Skye et les districts de Oban et de Campbeltown couvrent certaines îles du sud (voir carte).

D'après les statistiques officielles des pêches, le nombre des pêcheurs locaux opérant dans ces zones est de 1 729 et dépasse 2 000 si l'on tient compte de ceux qui travaillent à temps partiel et des petits fermiers. Il y a actuellement peu de pêcheurs fermiers, mais nombre de pêcheurs à plein temps ont aussi une ferme. Les nombres d'embarcations, dans chaque catégorie de longueur, sont indiqués au tableau 5 ci-dessous.[94]

Tableau 5: Nombre de bateaux de pêche (classés par longueur en m)

District

Moins de 10

10 - 15

15 - 20

20 - et plus

Total

Stornoway

283

44

25

4

356

Kinlochbervie

12

5

5

6

28

Lochinver

19

1

4


24

Ullapool

40

14

6

0

60

Mallaig

175

40

28

4

247

Oban

137

26

9

0

172

Campbeltown

133

34

29

0

196

Totaux

799

164

106

14

1 083

Les installations de transformation du poisson de la région étudiée sont rares et généralement de petite taille. Pour les crevettes et les crustacés il en existe dans les îles occidentales et à Mallaig, alors que les villes de Stornoway, Kinlochbervie, Lochinver, Mallaig et Campbeltown comptent des installations de transformation primaire du poisson blanc. Il n'y a pas d'installations de ce type à Ullapool, qui est un port de transbordement, jadis la principale base de l'ancienne gigantesque flotte de navires usines «klondyker» qui venaient de Russie et d'Europe orientale pour y acheter et y transformer du poisson depuis 1970 jusqu'en 1990. La transformation des langoustines consiste essentiellement à congeler les queues. Les langoustines de plus grande taille capturées par les caseyeurs sont expédiées vivantes en Espagne et en France et ne créent localement aucune valeur ajoutée. La principale doléance des transformateurs régionaux de poisson est l'insuffisance des approvisionnements, problème qui s'il n'est pas corrigé risque de contraindre plusieurs usines locales à fermer leurs portes.[95]

6.2 La production de poisson et les difficultés actuelles

Les captures réalisées par la flotte locale des Hébrides et de la côte occidentale représentent une faible partie seulement des captures effectuées dans les eaux locales, c'est-à-dire dans la zone maritime VI du CIEM. Les flottilles écossaises et anglaises de la côte orientale (Fleetwood & Milford Haven) pêchent dans la région depuis plus de 200 ans. Les navires de pêche français et espagnols y opéraient avant la guerre. Depuis la Deuxième guerre mondiale, la présence de flottes anglaise, irlandaise, néerlandaise, allemande, espagnole et d'autres pays européens s'est développée considérablement; elle a été soutenue juridiquement par la Politique commune de la pêche de l'Union européenne, avec ses principes d'égalité d'accès, fondés sur la possibilité de présenter un relevé des captures effectuées localement sur une période de trois années seulement.

Les débarquements réalisés dans la zone étudiée ont été légèrement inférieurs à 60 000 tonnes en 1998. Les chiffres relatifs aux trois années précédentes et aux quatre années antérieures sont indiquées à des fins de comparaison au tableau 6 ci-dessous.

Tableau 6: Les débarquements de poisson dans la zone étudiée

Totaux annuels

1998: 59 719 tonnes

1985: 264 006

1997: 78 500

1970: 200 473

1996: 94 286

1950: 100 000

1995: 113 976

1938: 30 000[96]

1990: 123 937


District: débarquements de poisson en tonnes par catégorie d'espèces - 1998[97]


Démersaux

Pélagiques

Crustacés et coquillages

Totaux

Stornoway

933

52

5 044

6 029

Kinlochbervie

13 143

4

314

13 461

Lochinver

5 513

2

560

6 075

Ullapool

3 248

5 133

1 484

9 865

Mallaig

4 621

3 501

5 094

13 215

Oban

193

304

4 004

4 501

Campbeltown

630

638

5 264

6 573

Totaux

28 321

9 634

21 964

59 719

Valeur des débarquements de 1998 (en livres sterling)

Stornoway

742 700

21 600

9 513 300

10 277 600

Kinlochbervie

15 017 500

1 000

349 200

15 367 700

Lochinver

7 508 900

200

1 328 800

8 837 900

Ullapool

4 175 400

1 112 800

2 610 300

7 898 500

Mallaig

5 179 800

598 300

10 128 400

15 906 500

Oban

186 200

34 300

6 844 700

7 065 200

Campbeltown

540 200

73 800

8 938 600

9 552 600

Totaux £

33 350 700

1 842 000

39 713 300

74 906 000

Montant équivalent en USD

53 361 120

2 947 200

63 541 280

119 849 600

6.3 Evolution historique observée dans trois communautés types

Les changements observés dans la production alimentaire de poisson et dans les emplois connexes au sein des pêches de la côte occidentale et des Hébrides, transparaissent dans les communautés locales qui furent jadis de prospères villages de pêche, mais qui à présent ressentent les effets du déclin des stocks de poissons et de la réduction des flottilles locales. En 1971, le Comité HIDB a entrepris une étude de trois villages de pêche côtière situés respectivement sur la côte sud-ouest, dans les Hébrides et sur la côte nord-ouest. Les communautés en question étaient Campbeltown sur le Mull of Kintyre, l'île de Scalpay dans les Hébrides extérieures et le port de Lochinver sur la côte occidentale de Sutherland. Les pêcheurs de Campbeltown opéraient principalement dans le Firth of Clyde; ceux de Scalpay opéraient dans le détroit (Minch) entre les Hébrides extérieures, Skye, et la terre ferme. Et enfin, à partir de Lochinver une flottille de navires provenant essentiellement de la côte orientale opérait à partir de Butt of Lewis jusqu'à St. Kilda et parfois jusqu'à Rockall.

Campbeltown: Campbeltown, située dans une baie abritée sur la rive sud-ouest de la péninsule du Mull of Kintyre, a une population dont l'effectif est tombé de 8206 en 1901 à 7172 en 1951, puis à 5 961 en 1971 et à 5 601 en 1991. Les pêcheurs étaient au nombre de 179 en 1951, 151 en 1971 et 75 (effectif équivalent à plein temps) en 1991.

Campbeltown est un port, dont le développement s'est appuyé sur la pêche au hareng au XIXe siècle, bien connu des pêcheurs pour l'invention et le perfectionnement du filet tournant écossais, efficacement utilisé par les petits bateaux de pêche pendant 140 ans à partir de 1838[98]; le filet tournant consistait initialement en une senne faite d'un certain nombre de filets dérivants mais devint un engin efficace et bien adapté en 1910 lorsque les embarcations des pêcheurs locaux furent motorisées et se trouvèrent en mesure de suivre les bancs de harengs dans tout le Firth of Clyde et au-delà[99]; il pourrait encore être utilisé de nos jours si les autorités n'avaient pas permis l'utilisation de grandes sennes coulissantes et la présence de puissants chaluts semi-pélagiques dans les eaux côtières. Ce type d'engin était adapté et économique pour des navires en bois de faible puissance, et de 43 à 63 pieds de long (de 13 à 19 m).[100]

Tandis que la pêche au hareng a assuré l'essentiel de l'activité de la flottille de Campbeltown pendant une centaine d'années, le poisson blanc ou l'espèce démersale prirent une importance croissante après la Deuxième Guerre mondiale. D'énormes stocks de merlans étaient présents en abondance dans le Firth of Clyde, et chaque année, de février à avril, des bancs de morues adultes envahissaient tout le secteur; enfin des merlus adultes circulaient dans les eaux profondes du détroit. Toutefois, un afflux saisonnier de flottilles de grands chalutiers venus de France, a considérablement réduit les stocks de morues et une invasion annuelle de chaluts semi-pélagiques et de bateaux équipés de sennes coulissantes venant de la côte orientale a eu un effet similaire sur le stock de harengs.

En dehors des pêches, l'économie de Campbeltown était tributaire de l'extraction du charbon et de la construction navale dans la période d'avant guerre. Une nouvelle mine de charbon a été mise en exploitation, à Machrahanish dans l'immédiat après-guerre.[101] Or, la fermeture de la mine en 1967 a entraîné la perte de 250 emplois. Afin d'améliorer la situation le Comité HIDB a facilité un redéploiement de la construction navale. Un nouveau petit chantier naval a été lancé en 1968 et il est devenu en 10 ans un des plus grands constructeurs de navires de pêche d'Écosse, fournissant du travail à une main-d'œuvre de 120 à 150 personnes.[102] Avec le déclin de la pêche en Écosse, suite aux restrictions imposées par la Politique commune de la pêche de l'Union européenne, le marché des bateaux de pêche s'est réduit et le chantier naval a fermé ses portes en 1997. Une usine locale fabricant des filets avait fermé quelques années auparavant. Aujourd'hui, la seule usine locale de quelque importance est une usine textile produisant des vêtements en laine. L'industrie de transformation du poisson, qui jadis employait plus de 200 personnes n'occupe à présent qu'une fraction de cet effectif. Le tourisme est par ailleurs une activité estivale moyennement importante, favorisée par l'existence d'un terminal de ferry-boat vers l'Irlande.

Avec le soutien du Comité HIDB, la flottille de pêche a été modernisée et développée dans les années 1970. Près de la moitié des bateaux ainsi financés avait moins de 40 pieds de long. Cette politique était l'expression d'une règle locale interdisant certains types de pêche par les navires de taille plus importante. La réduction des stocks de harengs et de poissons blancs a amené les pêcheurs de Campbeltown à concentrer de plus en plus leur activité sur la crevette et différents crustacés, à partir de 1970. La flottille des 13 navires de plus de 10 m de long est équipée de chaluts à crevettes, tandis que les seuls navires de moins de 10 m sont pratiquement tous prévus pour le caseyage. Au total, ils réalisent des débarquements de plus de 1 200 tonnes de crustacés, et de 300 tonnes de poissons divers d'une valeur de 3,1 millions de dollars EU en 1997.[103]

Campbeltown est le siège des bureaux de l'Association des pêcheurs de la Clyde qui s'est employée énergiquement à faire valoir son point de vue dans le cadre de la gestion des ressources halieutiques locales et qui a formulé un certain nombre de propositions visant à protéger les emplois du secteur et à garantir la durabilité des pêches.

Scalpay: La petite île de Scalpay se trouve entre l'extrémité sud-est de Lewis et l'extrémité nord-est de Harris, à l'embouchure de l'East Toch Tarbert. Elle a été occupée dans les années 1840, suite à l'éviction de la population de Pabbay, de Uist et de Harris, par les propriétaires terriens pendant la période des Clearances. Un habitant de Scalpay a commencé à saurir le hareng en 1856 et dans les années 1900 l'île comptait neuf établissements de saurissage. Les habitants avaient peu de choix, sinon de continuer à pratiquer la pêche, l'île proprement dite étant petite, rocheuse et stérile. «Sur une centaine de familles, dans les années 1880, quarante seulement avaient une ferme et même ces dernières ne pouvaient vivre de l'agriculture que deux mois par an».[104]

La population s'est donc tournée vers la pêche du homard à la ligne et vers la pêche au hareng, puis après la Seconde Guerre mondiale, avec le soutien d'un homme d'affaires local, vers l'utilisation du filet tournant pour le hareng et de la senne pour le poisson blanc. «Les gens se donnaient à fond sur le rocher de Scalpay...Ils se valurent une réputation de marins qui fit leur célébrité dans tout le pays».[105] La seule autre petite île des Hébrides où la population pratique la pêche avec autant d'ardeur était Eriskay plus au sud, entre Barra et South Uist.

En 1930 l'île comptait 950 habitants et son école était fréquentée par 150 élèves. En 1980 la population était tombée à 450 et aujourd'hui, elle compte seulement 380 résidents. Scalpay est maintenant reliée par un pont à Lewis, ce qui permet à sa population d'aller travailler dans les fermes aquacoles des Loch Tarbert et Seaforth. A l'heure actuelle 14 hommes de Scalpay travaillent dans des établissements piscicoles d'élevage de saumon.

En 1972 le Comité HIDB a établi que 118 hommes de Scalpay vivaient directement de la pêche. Aujourd'hui ce nombre est tombé à quarante. Constituée de 53 bateaux en 1948, la flottille de pêche était réduite en 1999 à douze bateaux - deux dragueurs de pétoncles et 10 caseyeurs plus petits. La pêche est actuellement concentrée exclusivement sur les crustacés et les coquillages - crevettes, pétoncles et étrilles. La prospérité ancienne des pêche au hareng et au poisson blanc n'est plus qu'un souvenir et les stocks ont disparu des eaux du détroit de Minch et enfin, les établissements de transformation ou de saurissage sont à présent fermés.

Toutefois, bien que la population et l'activité de pêche aient décliné à Scalpay, l'île reste tributaire de ce secteur qui occupait plus de 25 pour cent de la main-d'œuvre, en 1972. En 1999, la proportion était de 16 pour cent pour la seule pêche en mer et de 20 pour cent en tenant compte des fermes piscicoles d'élevage du saumon. Il existe des projets de réimplantation sur l'île d'établissements de transformation du poisson (utilisant le saumon comme matière première); si ces projets aboutissent, ils pourraient accroître encore l'importance de ce secteur capital pour l'économie de la petite île. En 1999, un projet d'aménagement d'un nouveau port a été approuvé pour Scalpay, qui renforcerait l'infrastructure locale des pêches.

Le tableau 7 ci-dessous illustre la dépendance à l'égard de la pêche et de la pisciculture dans les îles occidentales. Vu le déclin de l'agriculture et du tissage, la pêche est la principale industrie primaire.

Table 7: Estimations du nombre d'emplois dans les îles occidentales (par secteur en pourcentage de la main-d'œuvre) [106]

Secteur

1971

1996

pour cent

Effectif

pour cent

Effectif

Administration publique

26

2 860

28

2 692

Grossistes&détaillants

11

1 207

12

1 171

Bâtiment

16

1 756

11

1 049

Secteur de la pêche

8

879

10

954

Hôtels, Alimentation, boisson & tabac

5

541

8

788

Agriculture

7

772

7

686

Construction mécanique, Energie, eau

5

517

6

559

Finance & affaires

2

228

5

500

Tissage & industries manufacturières

12

1 306

5

455

Services divers

8

880

8

805

Total

100

10 946

100

9 663

Note: Les nombres d'emplois sont indiqués en nombres d'emplois équivalents à plein temps. Certaines catégories sont regroupées. Le secteur des pêches inclut les établissements de pisciculture d'élevage de saumon, et les installations de transformation. Les chiffres concernent uniquement les îles occidentales et ne comprennent ni les Hébrides intérieures, ni la côte occidental

Lochinver: Le port de Lochinver dans la paroisse de Assynt, (West Sutherland) s'est surtout développé après la guerre, principalement à la suite des efforts déployés par une équipe constituée d'un père et de son fils, Hector et George Mackay, qui ont encouragé les exploitants de navires de la côte orientale à opérer à partir de leur ville, et qui se sont employés à mettre à leur disposition toutes les infrastructures et les services nécessaires. Lochinver n'a jamais bénéficié de la présence d'une importante flottille locale. On comptait à Lochinver 24 petits bateaux de pêcheurs locaux en 1948. En 1971 il n'y en avait que neuf[107] et en 1999 seulement deux. A l'instar du port voisin situé au nord (Kinlochbervie), il a constitué avant tout une base d'opérations pour les bateaux de la côte orientale, principalement de Moray Firth. Des bateaux de la côte orientale opèrent également à partir de Mallaig qui par ailleurs, possède sa propre flottille d'une certaine importance.

Les alentours de Lochinver figurent parmi ceux qui avaient été victimes des Clearances et restent maintenant encore très peu peuplés: actuellement stationnaire, la population du village compte quelque 388 personnes, tandis que celle du district dont il fait partie en compte 639.[108] Aucune autre activité économique n'occupe une place comparable à celle de la pêche, sauf peut-être le tourisme qui revêt une importance saisonnière pour les communautés locales. Les activités liées à la pêche se limitent au débarquement et à l'expédition des captures, ainsi qu'à la fourniture aux bateaux de la glace et des services d'entreposage nécessaires. Il n'y aucun établissement local de transformation et puisque les bateaux qui opèrent depuis le port viennent d'ailleurs, les équipages dépensent peu d'argent dans la communauté. L'influence de la côte orientale et son implication dans les pêches de la côte ouest et des Hébrides constituent un phénomène assez complexe, dont l'origine remonte au début du XIXe siècle.

A l'époque des filets dérivants, des milliers de pêcheurs des Highlands obtinrent des emplois saisonniers à bord de navires de la côte est.[109] Il y avait en outre alors un certain transfert de technologie, puisque les pêcheurs de la côte occidentale étaient familiarisés avec l'utilisation des filets dérivants, puis avec la pêche à la senne et au chalut dans la deuxième moitié du XXe siècle. Les bateaux opérant à partir de Moray Firth commencèrent à être basés toute l'année dans les ports de la côte occidentale à partir des années 1950. Les infrastructures de Lochinver et de Kinlochbervie n'auraient pas été construites sans la présence de la flotte de pêche de la côte orientale. Toutefois, les avantages liés à la conservation de l'activité de cette flotte ont été limités. Au début, on pouvait également observer un certain mécontentement à l'égard des bateaux de la côte est qui opéraient dans la limite des trois milles et ce faisant, détruisaient de temps à autre les engins statiques des pêcheurs locaux. A présent, le nombre officiel de pêcheurs locaux employés dans le secteur des pêches à Lochinver est minuscule - puisqu'il ne dépasse guère 7 personnes à bord des bateaux de pêche et 19 à terre, pour 279 employés dans l'ensemble du district. Les pêcheurs locaux de la côte nord-ouest sont concentrés principalement plus au sud dans la région de Loch Torridon et plus au nord vers Ullapool.

Les débarquements de poisson à Lochinver ont augmenté régulièrement après la guerre, pour culminer à plus de 10 000 tonnes dans les années 1970. A présent les débarquements des navires du Royaume-Uni s'élèvent globalement à quelque 6 000 tonnes par an, en quasi-totalité de poissons démersaux. Quelques navires français et espagnols effectuent des débarquements à Lochinver, mais leurs captures sont envoyées directement sur le continent et ne passent pas par le marché local.

Le port a bénéficié de trois extensions majeures de ses quais et de ses infrastructures au cours des 40 dernières années. Il est maintenant doté d'une fabrique de glace, d'un dépôt de combustible, d'un marché au poisson, d'un magasin de fournitures navales, de bureaux de commercialisation du poisson, d'un immeuble de la mission des pêcheurs avec cantine et équipements de loisir. Il y a 45 ans, le port était constitué simplement d'une jetée en bois délabrée et ne possédait pratiquement aucune infrastructure portuaire.

Lochinver devait avoir une usine de transformation du poisson dans les années 1980. Une entreprise espagnole prévoyait de réaliser cet investissement, mais abandonna le site envisagé et choisit à sa place un emplacement de la côte orientale. Le problème en cause fut l'absence de logement pour les employés. En effet, beaucoup de gens étaient disposés à travailler à l'usine, mais peu avaient un logement à proximité. L'absence de logement à Lochinver était une conséquence de l'épisode des «Clearances» et de la réticence du principal propriétaire terrien à laisser les gens s'installer dans la région. Cet échec est caractéristique des difficultés auxquelles se heurtent les communautés de la côte occidentale et des îles lorsqu'elles s'évertuent à amorcer un développement économique modéré qui leur assurera des emplois et des revenus.

Actuellement, le port sert essentiellement de base pour des chalutiers de pêche hauturière qui opèrent à la limite du plateau continental, comme aux abords de St Kilda et Rockall à l'ouest. Plusieurs navires modernes de ce type venant des ports de la côte orientale (Macduff, Buckie et Lossiemouth) débarquent régulièrement. En outre, on observe la présence de navires espagnols de la Corogne, dont deux ou trois débarquent du poisson quotidiennement et de chalutiers français qui font escale chaque semaine.[110] Les navires écossais de la côte orientale fournissent du travail à l'entreprise de vente de poisson et achètent sur place des fournitures et du carburant. Les bateaux de pêche venant du continent achètent très peu de choses, préférant stocker dans leur port d'attache où ils rentrent toutes les trois ou quatre sorties en mer.

Les investissements dans le port de Lorchinver ont par conséquent été bénéfiques pour la flottille de la côte orientale et utiles pour les navires de pêche du continent opérant au large de la côte occidentale, mais n'ont guère été profitables pour la population locale en termes d'emplois ou de revenus.

Résumé: Dans ces trois communautés types on a observé un recul démographique, une diminution du nombre de pêcheurs et de navires de pêche, et une chute des quantités de poisson débarquées. La pêcherie locale de Campbeltown et Scalpay repose à présent exclusivement sur les crustacés et les coquillages et la seule source de nouveaux emplois liés aux pêches a été le secteur de l'aquaculture. La production des fermes piscicoles est en grande partie, mais pas totalement tournée vers l'exportation. Lochinver reste un port de débarquement de poissons blancs, ainsi qu'un port d'expédition. Le poisson qui y est vendu a été pêché en eaux profondes au large par les navires de la côte orientale. Quant aux débarquements des chalutiers du continent ils sont simplement expédiés vers leurs pays d'origine respectifs, sans avoir été vendus ou transformés sur place. Le tableau 8 ci-dessous récapitule la tendance observée:

Tableau 8: Recul des effectifs des navires de pêcheurs et quantités de poisson débarquées dans les trois ports

Communauté

Année

Population

Pêcheurs

Bateaux

Débarquements (tonnes)*

Campbeltown

1951

7 172

179

39

1 200

1971

5 961

151

35

2 600

1991

5 601

75

29

1 582

Scalpay

1930

950

150

63

- -

1971

450

118

39

- -

1999

380

40

12

- -

Lochinver**

1971

388

24

12

11 000

1986

388

12

4

7 675

1999

- -

7

2

7 251

Notes:

* Une partie de la production de poisson de Campbeltown a été débarquée à Ayr et à Girvan.

Le poisson de Scalpay a été débarqué en grande partie à Lewis et sur la côte occidentale.

Les débarquements de poisson à Lochinver proviennent essentiellement des navires de la côte orientale qui y sont basés.

** La population du village de Lochinver est restée stable, mais non celle du district.

Les bateaux recensés sont des bateaux de la localité et du district. Ceux de la côte est ne sont pas pris en compte. Les chalutiers du continent ne figurent pas dans le décompte des bateaux, ni leurs captures dans la colonne total des débarquements, puisque ces quantités sont directement expédiées en Espagne et en France.


[94] Ministère de l’Agriculture et des pêche, Scottish sea Fisheries Statistical Tables, 1997
[95] John Nicolson, Scottish Seafoods, Lewis communication personnelle, 1999
[96] Ministère de l’Agriculture et des pêches, Scottish Sea Fisheries Statistical Tables, 1998
[97] Ibidem
[98] Peter F. Anson, Scots Fisherfolk, Saltire Society, Banffshire Journal, 1950
[99] Agus Martin, The Ring-net Fishermen, John Donald Publ. 1981
[100] D.B. Thomson, Pair Trawling and Pair Seining, the technology of two-boat fishing, Fishing News Books, 1978
[101] Alastair Carmichael, Kintyre, best of all Isles, David&Charles, 1974
[102] Les Howarth, ancien Directeur, Chantier naval de Campbeltown, (communication), 1999
[103] Murlo MacDean, In Great Waters, Fisheries Report on Kintyre, Islay, Jura&Gigha, Rapport PESCA Argyll&Islands, 1999
[104] Paul Thompson, the chiliasm of despair: Lewis, dans Living the fishing, Routledge&kegan Paul, 1983
[105] Ian Grimble, Scottish Islands, BBC, 1985
[106] Wester Isles Enterprise, The Western Isles Economy, Prospects for Renewal, Document de conférence, 19 mars 1999 et autres chiffres tirés de précédents rapports
[107] W. Russell, in Great Waters, a study of the social and economic impact of investment in the fisheries of the Highlands and Islands, HIDB Inverness, 1972
[108] Données du Conseil des Highlands (1999) d’après le recensement de 1991
[109] Paul Thompson, the chiiliasm of despair: Lewis, dans Living the Fishing, Routledge&Kegan Paul, 1983
[110] I.MacLennan, Lochinver Fish Agent, communication, 1999

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