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Sur la voie des engagements du Sommet

Agir pour combattre la faim

Brésil: objectif «faim zéro»

Le Gouvernement brésilien a déclaré que le combat contre la faim était sa priorité numéro un. Le gouvernement du Président Luiz Inácio Lula da Silva a pris ses fonctions en janvier avec la promesse d'éradiquer la faim avant la fin de son mandat quadriennal.

Le Brésil est un gros exportateur de produits agricoles et de viande, mais sur ses 170 millions d'habitants plus de 40 millions vivent avec moins de 1 dollar EU par jour. La faim sévit surtout dans les zones rurales du nord-est du Brésil, mais son incidence augmente rapidement dans les grandes villes.

Pour vaincre la faim rapidement et définitivement, le gouvernement a adopté une stratégie à deux axes. Le Projeto Fome Zero (Projet faim zéro) combine des interventions d'urgence pour remplir les assiettes de ceux qui ont faim avec des initiatives visant à accroître la capacité d'emploi, à réduire la pauvreté et à stimuler la production vivrière.

Pour venir immédiatement en aide aux familles les plus démunies, Fome Zero distribue des cartes de paiement électroniques leur permettant d'acheter les aliments dont elles ont besoin. Les Brésiliens qui souffrent de la faim bénéficieront aussi de programmes de fourniture de repas gratuits ou à bas prix dans des écoles, sur les lieux de travail et dans les cantines populaires. Pour éviter d'encourager la dépendance, le droit à l'aide alimentaire est lié à la participation à des stages d'alphabétisation et de formation technique.

La stratégie à long terme de Fome Zero consiste à attaquer les causes profondes de la faim, à savoir la pauvreté, le chômage et la privation de terres. Le projet inclut des mesures visant à relever le sa-laire minimum, accélérer la réforme agraire et fournir un revenu minimum aux ménages dans le besoin ayant des enfants d'âge scolaire.

Fome Zero vise à réduire la pauvreté et la faim en milieu rural, en profitant de l'accroissement de la demande engendré par les filets de sécurité alimentaire pour stimuler une expansion de la production des petites et moyennes exploitations agricoles. Le projet comprend des initiatives visant à faciliter l'accès des familles d'agriculteurs aux services de crédit, d'assurance et de vulgarisation.

Fome Zero a démarré en flèche. A la fin du mois de mai, des dizaines de milliers de familles dans 181 municipalités touchées par la sécheresse recevaient des allocations mensuelles pour acheter des vivres. Plus de 10 000 réservoirs d'eau avaient été construits pour réduire l'impact de la sécheresse.

Fome Zero est supervisé par un Conseil national pour la sécurité alimentaire, qui rassemble des représentants d'organisations gouvernementales et de la société civile. Le projet jouit d'un très large soutien du public, principalement sous l'impulsion d'organisations non gouvernementales, du secteur privé et de particuliers qui veulent aider le Brésil à se libérer de la faim.

Le Viet Nam progresse rapidement

Un programme d'éradication de la faim lancé au niveau provincial en 1992 et élargi à tout le pays en 1996 a aidé le Viet Nam à progresser rapidement sur la voie de son objectif déclaré, qui est de garantir la sécurité alimentaire des ménages.

Stimulé par une croissance économique rapide et par des investissements dans l'agriculture et le développement rural, le Viet Nam est parvenu à réduire considérablement la proportion de la population sous-alimentée durant les années 90 (voir graphique). C'est en grande partie grâce au Programme interdisciplinaire d'éradication de la faim et de réduction de la pauvreté que ces progrès ont été réalisés et que les pauvres et les communautés isolées ne sont pas restés à la traîne.

Globalement, la faim et la pauvreté ont régressé de façon spectaculaire dans les zones rurales, tandis que la production agricole a considérablement augmenté, mais les taux de pauvreté restent à peu près deux fois plus élevés dans les campagnes (11,2 pour cent) que dans les villes (6 pour cent). Dans quelques zones montagneuses et communautés de minorités ethniques, plus de la moitié de la population vit encore dans la pauvreté.

Le Programme d'éradication de la faim est ciblé sur les communes les plus pauvres pour toute une gamme de services, dont l'accès au crédit, la vulgarisation et la formation, l'emploi et l'éducation nutritionnelle. En outre, il a investi en moyenne 60 000 dollars EU par an dans chacune des communes, qui sont plus de 2 000, en engageant de la main-d'œuvre locale pour améliorer les routes, les ponts, les installations d'irrigation, les écoles et d'autres infrastructures. Le programme vise à éliminer la faim chronique d'ici à 2005 et à réduire la pauvreté à moins de 5 pour cent d'ici à 2010.

La Tunisie établit un modèle de solidarité

En 1992, le Président tunisien Zine El Abidine Ben Ali a visité des zones éloignées du pays et immédiatement constaté que les communautés pauvres étaient dépourvues de routes, d'électricité, d'eau et d'autres infrastructures de base. En moins d'un an, la Tunisie a promulgué des lois pour établir un Fonds de solidarité national (FSN). Dix ans plus tard, le fonds a distribué près de 450 millions de dollars à 1 327 communautés pauvres et isolées et est devenu un modèle pour les initiatives internationales visant à éradiquer la pauvreté.

Le FSN rassemble des fonds provenant de multiples sources, notamment de particuliers, d'entreprises, du gouvernement et d'organisations nationales et internationales. Ces fonds sont utilisés exclusivement pour des projets dans des zones qui manquent de ressources ne serait-ce que pour garantir les conditions minimales pour mener une vie décente. Les résidents des communautés aident à établir les priorités, à planifier les projets et à sélectionner les bénéficiaires.

Au cours de ses huit premières années d'existence, le fonds a permis d'alimenter en électricité 72 000 ménages, fourni de l'eau potable à 81 000 ménages et financé la construction de plus de 30 000 logements et 122 centres de santé. Les projets du Fonds de solidarité ont aussi aidé à lancer près de 60 000 petits projets générateurs de revenus et créé plus de 17 000 emplois.

Inspiré par le succès du FSN tunisien, le Sommet mondial du développement durable de Johannesburg a approuvé à l'unanimité la création d'un fonds mondial pour renforcer la lutte contre la pauvreté. En décembre 2002, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution demandant la mise en œuvre effective et immédiate du Fonds de solidarité mondial. Le Fonds accepte les contributions volontaires d'organisations publiques et privées et de particuliers et est géré par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

Avancement des directives sur le droit à la nourriture

Un Groupe de travail intergouvernemental, établi par le Conseil de la FAO et chargé de mettre au point des directives volontaires à l'appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation suffisante, a tenu sa première session en mars 2003. La FAO assure le secrétariat du Groupe de travail intergouvernemental, en travaillant en collaboration étroite avec le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. Des représentants de 87 pays ont participé à la session. La plupart des membres ont confirmé que leur pays était intéressé par ces directives qui devraient être utiles dans la pratique pour mettre en œuvre le droit à la nourriture. Des représentants de la société civile et d'organisations internationales ont aussi souligné que de telles directives étaient nécessaires de toute urgence.

Une version préliminaire des Directives volontaires a été préparée par le Bureau du Groupe de travail intergouvernemental, constitué de sept membres, en vue de sa soumission à la Deuxième session du Groupe de travail en septembre 2003. Le mandat du Groupe de travail intergouvernemental prévoit que l'élaboration des directives doit être achevée avant la session d'octobre 2004 du Comité de la sécurité alimentaire (CSA).

Au-delà de l'irrigation: les utilisations multiples de l'eau pour améliorer l'alimentation et les revenus

DANS LES ZONES RURALES de tout le monde en développement, l'eau est souvent l'élément déterminant dans les efforts visant à faire reculer la faim. Les projets et la recherche dans divers pays ont mis en relief l'impact que peut avoir l'accès fiable à l'eau sur l'amélioration de la production vivrière, sur le revenu rural et sur l'état nutritionnel des populations.

Là où elle est possible, l'irrigation est la meilleure solution pour accroître la production agricole. En Afrique, où seuls 4 pour cent des terres sous cultures sont irriguées, les projets de petite irrigation et de collecte de l'eau de pluie ont mis en évidence leur fort potentiel d'accroissement des rendements et de réduction de la vulnérabilité à l'irrégularité des précipitations (voir graphique).

La production végétale n'est pas la seule source de vivres et de revenus à être dépendante de l'eau. Beaucoup de ménages pauvres s'adonnent à des activités artisanales au foyer pour lesquelles l'eau est un facteur essentiel. Et les agriculteurs, en nombre croissant, en particulier en Asie, constatent qu'ils peuvent accroître les rendements de la riziculture et s'assurer une source précieuse de protéines et de revenus en utilisant l'eau des rizières pour y élever du poisson.

Les avantages multiples de la petite irrigation et de la gestion de l'eau

Une étude récente réalisée par la FAO sur trois projets menés en Afrique a montré que la petite irrigation non seulement améliorait les rendements culturaux, mais qu'elle avait aussi des retombées positives directes sur la nutrition et la santé.

Au Mali, les agriculteurs utilisent l'eau d'un petit barrage pour accroître la production vivrière et introduire de nouvelles cultures, y compris des légumes riches en micronutriments. Au Burkina Faso, des familles ont investi une partie du surcroît de leur revenu agricole en soins de santé. La fréquentation du dispensaire local est en augmentation de 50 pour cent. En Tanzanie, les femmes libérées de la contrainte de la corvée d'eau ont maintenant le temps de cultiver un jardin pour vendre ses produits au marché, améliorant ainsi tantleur revenu que leur alimentation. Dans ces trois pays, l'irrigation a permis d'accroître la production vivrière et les revenus dans une proportion telle à assurer un repas supplémentaire par jour, même dans la période de soudure qui précède la récolte, au cours de laquelle nombreuses étaient les familles qui ne mangeaient qu'une fois par jour. Les agriculteurs peuvent également utiliser une variété de techniques simples et accessibles de gestion de l'eau pour accroître les rendements et réduire leur vulnérabilité à la sécheresse (voir diagramme). La récolte de l'eau de pluie consiste à recueillir l'eau qui s'écoule et à la concentrer sur les sites où le besoin en est le plus grand. L'une des techniques consiste à collecter l'eau dans un bassin de captage en amont et à la diriger vers le champ où sont pratiquées les cultures. Les études menées dans plusieurs pays africains ont montré que l'eau de pluie recueillie dans une zone peut tripler ou quadrupler la production dans une autre zone de superficie comparable.

Les façons améliorées - par exemple ne retourner la terre que le long des rangées de végétaux, ou au contraire faire un labour profond (sous-solage) pour briser la croûte qui tend à se former - permettent
de faire le meilleur usage de précipitations peu abondantes. Il est apparu que la collecte de l'eau de pluie et les façons améliorées permettent d'accroître de deux à trois fois les rendements par rapport aux cultures en sec traditionnelles (voir graphique). La collecte des eaux de pluie a d'autres avantages. Outre qu'elle permet de disposer d'eau pour les cultures, elle contribue à la recharge en eaux souterraines et réduit l'érosion des sols.

Allouer de l'eau aux activités de production artisanale au foyer

Les études récentes ont mis en relief l'importance de l'eau dans beaucoup d'activités essentielles à la subsistance des ménages vulnérables dans les régions rurales.

Dans la région de Bushbuckridge, en Afrique du Sud, les chercheurs ont constaté que beaucoup de ménages utilisaient l'approvisionnement domestique en eau pour mener une grande variété d'activités artisanales et agricoles modestes, y compris le brassage, la construction, l'élevage caprin et bovin, et la culture de potagers et de vergers autour du domicile (voir graphique). Des enquêtes ont confirmé que ces activités ont tendance à gagner en importance chez les plus pauvres et les plus vulnérables de la communauté, notamment les femmes chefs de famille. A mesure que les pays instituent des réformes pour affecter des contingents d'eau aux différentes parties prenantes sur la base de l'évaluation de leurs besoins minimaux, il est essentiel de faire prendre mieux conscience du rôle déterminant qui est celui de l'eau domestique dans la vie des ménages ruraux pauvres.

La rizipisciculture améliore la nutrition et le revenu

Elever des poissons dans les rizières permet d'accroître les rendements en riz tout en produisant des protéines précieuses et un revenu supplémentaire. Les agriculteurs de nombreux pays d'Asie ont établi qu'une rizière d'un hectare peut rapporter de 50 à 300 kg de poisson par an. Les familles paysannes consomment habituellement la majeure partie de ce poisson produit dans leurs champs, mais peuvent aussi vendre l'excédent pour compléter leur revenu.

Par ailleurs la présence de poissons permet d'accroître le rendement en riz de jusqu'à 15 pour cent. Les poissons mangent les mauvaises herbes et les parasites, par exemple les insectes et les escargots, et recyclent les nutriments quand leurs excréments se déposent au fond. En se nourrissant de parasites, les poissons contribuent aux pratiques de la lutte intégrée contre les ravageurs (PI) qui permettent de réduire au minimum les coûts économiques et environnementaux des pesticides. Les études effectuées en Indonésie ont prouvé que le recours à la PI permet de réduire le nombre moyen d'applications de pesticides dans les rizières de 4,5 à 0,5 par an, ce qui réduit notablement les coûts et les niveaux de résidus chimiques toxiques qui peuvent rendre impossible la pisciculture.

Cartographier la pauvreté et la faim pour les rayer plus facilement de la carte

POUR LUTTER EFFICACEMENT contre la faim et la pauvreté, il est important de savoir où sont concentrées les personnes qui ont faim et qui sont pauvres. Les estimations nationales du nombre de personnes sous-alimentées ou de la proportion de la population vivant avec moins de 1 dollar EU par jour fournissent des indications utiles sur les progrès accomplis par les pays au fil du temps, mais elles ne peuvent pas être utilisées pour le ciblage de villages spécifiques et des conditions qui infligent à leurs habitants la faim et la pauvreté.

Tirant parti des techniques récemment mises au point pour estimer la pauvreté locale, un certain nombre de pays ont recours à la technologie des Systèmes d'information géographique (SIG) pour établir des cartes détaillées de la pauvreté. Ces cartes peuvent être combinées avec d'autres données géoréférencées pour mettre en évidence les zones où la faim et la pauvreté se conjuguent avec d'autres problèmes sociaux, économiques et environnementaux. Des cartes peuvent être établies, par exemple, pour montrer les zones agricoles semi-arides où l'accès aux routes est insuffisant et où l'incidence du goitre et de l'analphabétisme chez les femmes est élevée. Ces informations peuvent ensuite être utilisées pour concevoir des programmes adaptés à des problèmes locaux spécifiques.

Modalités d'établissement des cartes de la pauvreté

Les cartes de la pauvreté sont souvent établies à l'aide de la technique d'«estimation de zones restreintes». L'approche combine des données de recensement avec des informations émanant d'enquêtes, telles que l'Etude sur la mesure des niveaux de vie.

Pris séparément, chaque ensemble de données a ses propres avantages et inconvénients. Les données provenant des recensements de la population et de l'agriculture couvrent tous les ménages et permettent une cartographie précise au niveau local. Mais les recensements sont peu fréquents et comprennent rarement l'ensemble complet d'indicateurs dont les décideurs ont besoin. En revanche, les enquêtes sur les ménages sont plus fréquentes et rassemblent souvent tous les indicateurs pertinents, tels que le revenu et les dépenses de consommation des ménages. Toutefois, elles sont basées sur de petits échantillons qui conviennent pour établir des profils nationaux statistiquement valables, mais ne sont pas suffisants pour l'établissement de cartes à l'échelle d'un village.

La méthode d'estimation de zones restreintes projette des schémas mis en évidence par des données d'enquête sur des groupes de ménages démographiquement et socialement similaires qui peuvent être identifiés dans les données de recensement plus complètes et plus détaillées. Ces projections peuvent ensuite être utilisées pour «prédire» les niveaux de pauvreté moyens d'un village ou d'un groupe de villages, comptant à peine 500 ménages.

Utilisation des cartes pour combattre la faim

Un nombre croissant de pays se sert de cartes de la pauvreté pour cibler des projets d'aide alimentaire et de travaux publics sur les zones où vivent les personnes les plus pauvres (voir encadrés). Cette approche de cartographie de la pauvreté reposant sur des données de recensement et d'enquête, les cartes ne reflètent pas toujours les pénuries et les crises alimentaires saisonnières, mais elles fournissent des données de base précieuses pour la planification et le suivi. Les résultats obtenus dans plusieurs pays indiquent que les cartes contribuent aussi à accroître la prise de conscience et la participation car les populations les comprennent facilement.

Au Malawi, des cartes de la pauvreté facilitent le ciblage de projets de travaux publics

Avec un appui de l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, le Malawi a produit un Atlas des statistiques sociales. Le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Fonds malawien d'action sociale se sont servis des cartes de la pauvreté que contenait l'Atlas pour cibler des projets de travaux publics qui créent des emplois et améliorent les infrastructures dans les communautés pauvres. On prévoit que les cartes de l'Atlas seront aussi utilisées pour faciliter la distribution gratuite d'engrais et de semences dans le programme «starter pack» du Malawi.

L'utilisation combinée de cartes de la pauvreté et de cartes d'autres indicateurs socioéconomiques et environnementaux peut mettre en évidence des facteurs qui contribuent à la faim et suggérer des moyens d'action. De nombreuses zones du sud et du centre du Malawi affichent à la fois des taux de pauvreté élevés et de faibles rendements en maïs.

 

Avec l'aide de cartes, le Panama fournit des repas scolaires aux enfants les plus pauvres

Le Panama a appliqué la cartographie de la pauvreté pour faciliter le ciblage de 150 millions de dollars EU décaissés par son Fonds d'investissement social (FIS). Un programme de repas scolaires financé par le FIS a utilisé les cartes pour toucher 120 000 enfants extrêmement pauvres dans 1 500 écoles. Une Division du Ministère de la santé se sert à la fois de cartes de la pauvreté et d'enquêtes communautaires pour suivre et évaluer des programmes nutritionnels.

Les programmes «vivres-contre-travail» aident les communes les plus pauvres du Cambodge

Le Cambodge a lancé d'importantes initiatives de cartographie de la pauvreté et de l'insécurité alimentaire. Le Programme alimentaire mondial a utilisé une carte de la pauvreté à l'échelle des communes pour faciliter l'allocation de 50 millions de dollars EU d'aide alimentaire. Des programmes «vivres- contre-travail», axés sur la construction de routes, d'écoles et de centres de santé et sur la remise en état des installations d'irrigation, ont été ciblés sur les communes les plus pauvres. Un comité interministériel du SICIAV coordonne les efforts à l'appui de la production de cartes de l'insécurité alimentaire plus détaillées, avec la participation et l'appui d'un réseau SICIAV incluant d'importantes institutions donatrices, des organisations des Nations Unies et des organisations non gouvernementales. Ces cartes seront utilisées pour planifier et cibler une vaste gamme de programmmes de lutte contre la faim et la pauvreté.

 

L'application de la technique d'estimation de zones restreintes à la cartographie de la pauvreté dans les pays en développement est relativement récente. Une bonne partie des travaux de base a été effectuée par une équipe du Département de recherche de la Banque mondiale. D'autres applications pilotes ont été financées par l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, la Fondation Rockefeller, le Département britannique pour le développement international, la Société norvégienne d'aide et le Secrétariat du SICIAV.

Plus récemment, le GCRAI, le PNUE/GRID-Arendal et la FAO ont lancé un projet pour incorporer des instruments d'analyse spatiale dans la cartographie de la pauvreté. Ces outils aideront à analyser les liens entre la pauvreté et l'environnement. Le fait de montrer que les concentrations de la pauvreté recouvrent différentes zones agro-écologiques, des systèmes de production de cultures vivrières importants ou des zones fragiles exposées à la dégradation, peut être utile pour mettre au point une action efficace et durable pour combattre la faim.

Identifier ce qui détermine la durabilité des programmes de nutrition

CES DERNIERES ANNÉES, nombre de pays ont mis en œuvre des programmes d'alimentation et de nutrition enracinés dans les communautés. La portée et les objectifs de ces programmes sont variables, allant des efforts généraux d'amélioration de la sécurité alimentaire des ménages à des campagnes étroitement ciblées visant à réduire les carences en un micronutriment unique.

Un programme de nutrition, pour être efficace, doit améliorer l'état nutritionnel de manière mesurable, par exemple avec une baisse du taux d'insuffisance pondérale chez les enfants ou des carences en micronutriments. Mais pour pouvoir être qualifié de succès, il doit également pouvoir maintenir et étendre ses résultats dans la durée.

Afin de façonner des initiatives qui auront un impact significatif et durable, il est essentiel de comprendre les facteurs qui font que certains programmes réussissent et que d'autres échouent. La FAO a récemment effectué une analyse détaillée d'un choix de programmes qui ont été opérationnels au moins cinq ans et ont entraîné une amélioration significative de l'état nutritionnel des intéressés. Les résultats de l'analyse ont mis en évidence un certain nombre de facteurs communs qui distinguent les programmes réussis et aux effets durables. Ces facteurs sont notamment: un soutien politique fort, une collaboration multisectorielle efficace, la participation et l'autonomisation des communautés, et le recours aux structures communautaires existantes et aux traditions culturelles.

Au Viet Nam: des vitamines dans le jardin

Au cours des 20 dernières années, le Viet Nam a remporté des succès remarquables dans le recul de la faim. Entre 1979-1981 et 1999-2001, la proportion de personnes sous-alimentées y est passée de 32 à 19 pour cent. Un projet de nutrition communautaire combinant le jardinage domestique et l'enseignement des principes de la nutrition aux familles ayant des enfants souffrant de malnutrition a notablement contribué au succès.

Le projet a commencé en 1991 avec des visées relativement restreintes - réduire l'incidence de la carence en vitamine A parmi les enfants de quatre communes. Pour y parvenir, le projet a associé formation, technologie et de très faibles subventions aux familles pour les aider à créer des jardins potagers où elles pourraient faire pousser fruits et légumes riches en nutriments. Parallèlement, on a enseigné aux parents l'importance d'un bon «mariage des couleurs dans le bol», concept coutumier au Viet Nam pour illustrer ce que doit être un repas équilibré. Le riz blanc ou la soupe de riz peuvent être colorés en brun en ajoutant de la viande ou du poisson, en vert en ajoutant des légumes, et en jaune en ajoutant des œufs.

Une enquête, faite trois ans après le lancement du projet, a montré que les communes participantes cultivaient et mangeaient plus de deux fois plus de légumes et de fruits et plus de 20 fois plus de poisson que précédemment (voir graphique). L'apport journalier de vitamine A chez les enfants participants était de deux fois supérieur à la valeur enregistrée dans la commune de référence. Mais l'effet nutritionnel le plus visible se mesurait au mètre à ruban: la proportion d'enfants qui présentaient des retards de croissance avait baissé de près de 20 pour cent.

Sur la foi de ce succès, un projet bien plus ambitieux combinant jardinage domestique et éducation nutritionnelle fut étendu à huit provinces à compter de 1997. Une évaluation au bout de deux ans a permis de constater que la malnutrition avait été réduite de 12,8 pour cent dans les communautés participantes.

Panama: les écoles «cultivent» la nutrition

Au Panama, un projet qui, initialement, consistait à enseigner aux écoliers de 13 communautés pauvres comment planter, faire pousser et manger des aliments nutritifs a solidement pris racine.

Le projet visait à améliorer la sécurité alimentaire et l'état nutritionnel des enfants en fournissant outils et formation pour la conduite de jardins scolaires, avec légumes riches en vitamines et élevage de volaille. Il a obtenu des résultats impressionnants. Une enquête réalisée trois ans après le début du projet a permis de constater que la proportion d'enfants qui présentaient un déficit pondéral avait été réduite de près de moitié, soit de 19,9 à 10,6 pour cent. Les communautés indigènes participant au projet manifestaient l'amélioration la plus spectaculaire, la sous-alimentation ayant reculé de 85 pour cent dans un cas (voir graphique).

La formation et l'impact ont largement dépassé le public immédiat des élèves pour s'étendre aux parents, professeurs, chefs locaux d'exploitations agricoles et experts techniques des ministères et d'organisations non gouvernementales. L'opération a tiré bénéfice d'une approche multidisciplinaire fondée sur les ressources locales et sur des techniques bon marché respectueuses de l'environnement. Tandis qu'il apportait semences, outils et savoir-faire pour la culture horticole, le projet a aussi mis l'accent sur la participation de la communauté, le petit élevage, l'éducation nutritionnelle, la transformation et la conservation des produits alimentaires, et l'agroforesterie.

Dans la plupart des communautés, les activités de production vivrière mises au point dans les écoles ont été adoptées par les familles des élèves et par d'autres ménages. Dans certains cas, des groupes de ménages ont constitué des associations volontaires pour cultiver des plantes nutritives et partager leurs connaissances, comme leurs enfants l'avaient fait autour des jardins scolaires.

Kenya: des secours au développement

Le Projet de nutrition appliquée mené au Kenya a été lancé en 1986 à la suite de la sécheresse et de la sévère famine consécutive dans le district aride de Makueni. Pendant plus de 15 ans, le projet a focalisé avec succès les communautés locales sur toutes les étapes de la transition entre secours d'urgence et action de développement.

Des réunions communautaires ont permis d'identifier quatre principaux problèmes liés à la nutrition: la malnutrition chez les enfants en bas âge, la médiocre sécurité alimentaire des ménages, le manque d'activités génératrices de revenus et l'insuffisance de l'approvisionnement en eau salubre. Les villageois ont appris à comprendre les interactions complexes entre la pauvreté, la malnutrition et la santé en même temps que le personnel de projet (voir diagramme ci-dessus). Cette compréhension commune a permis de définir différentes interventions, allant de l'éducation nutritionnelle à la promotion de cultures résistantes à la sécheresse et d'activités génératrices de revenus qui rédui-raient la charge de travail des femmes.

Le projet a fait recours à des groupes traditionnels de femmes, des conseils de village et des organes de décision communautaires comme points d'entrée. Une autre des clefs du succès et de la longévité de l'action a été l'appui efficace trouvé à tous les niveaux de gouvernement.

Le district de Makueni reste l'un des plus pauvres du Kenya, car il souffre de sécheresses et de pénuries alimentaires répétées, ainsi que de niveaux élevés d'infection par le VIH. Malgré ces menaces, le Projet de nutrition appliquée a su aider les communautés participantes à mettre fin à la détérioration de leur état nutritionnel et à enregistrer quelques modestes progrès. Entre 1994 et 1997, la proportion d'enfants présentant des retards de croissance a été réduite de plus de 13 pour cent.

Mobiliser les volontés et agir pour combattre la faim

LES DONNÉES ET LES ANALYSES présentées dans la présente livraison du rapport sur L'état de l'insécurité alimentaire dans le monde dépeignent une situation généralement peu encourageante. Le nombre des personnes sous-alimentées dans le monde en développement a diminué de moins de 20 millions depuis la période 1990-1992 utilisée comme point de référence au Sommet mondial de l'alimentation (SMA). Pis encore, au cours des quatre années les plus récentes pour lesquelles on dispose de données, le nombre des victimes de la faim chronique a augmenté en valeur absolue à raison de près de 5 millions par an.

Seule une poignée de pays a réussi à faire reculer durablement la faim au long des années qui nous séparent de la période de référence du Sommet. Analyser ce qui a contribué à leur succès jette une
lumière utile sur les mesures qui pourraient être prises dans d'autres pays pour hâter les progrès.

Comme on peut s'y attendre, les pays qui ont réussi à faire reculer la faim ont bénéficié d'une croissance économique plus rapide que ceux où les progrès se sont interrompus ou bien où la faim a gagné du terrain. Il est aussi significatif qu'ils ont également enregistré une croissance agricole plus rapide (voir graphique). Ils se caractérisent en outre par un accroissement plus lent de la population, des taux inférieurs d'infection par le VIH et par la fréquence nettement moindre des crises alimentaires.

Divers articles, ailleurs dans le présent rapport, précisent les relations entre nombre de ces facteurs et la sécurité alimentaire. Dans chacun des cas, ils montrent de façon indubitable que les rapports de cause à effet opèrent dans les deux sens. L'analyse révèle, par exemple, qu'à la fois le VIH/SIDA est un facteur important de faim et qu'inversement la faim accélère la diffusion et renforce l'impact mortel de la maladie (voir page 10). De même, la réduction de la faim est à la fois la conséquence et la condition préalable essentielle d'un développement économique plus rapide.

Trop souvent, l'éradication de la faim a été considérée comme un effet secondaire plutôt que comme un facteur important de croissance économique. L'une des conséquences de cette attitude a été la tendance à compter sur les processus normaux du développement économique, sur les mécanismes du marché et sur le stimulus de la libéralisation du commerce pour amener la disparition de la faim.

Toutefois, la faim généralisée fait obstacle aux résultats économiques non seulement des individus et des familles, mais aussi des nations. Comme le lien qui unit une croissance agricole plus rapide et le succès dans le recul de la faim le suggère, pour faire en sorte que le développement et le commerce aboutissent à un recul durable de la faim, il faut qu'ils s'accompagnent de politiques et d'investissements qui donnent à ceux qui ont faim accès à la nourriture et qui favorisent la croissance dans les zones rurales où vivent les trois quarts des affamés du monde.

Le programme de lutte contre la faim définit une campagne menée sur deux fronts

Le programme de lutte contre la faim dévoilé par la FAO lors du Sommet mondial de l'alimentation: cinq ans après présente une action à mener sur deux fronts, ou deux voies jumelles. Il plaide pour des mesures permettant d'accroître la productivité et d'améliorer les conditions de vie des petits exploitants et des travailleurs sans terre. Et, parallèlement, il propose une action immédiate pour donner aux affamés accès à la nourriture dont ils ont besoin.

Le document qui trace le Programme de lutte contre la faim établit des priorités et des budgets pour l'action dans cinq domaines:

• améliorer la productivité agricole dans les communautés rurales pauvres

• mettre en valeur les ressources naturelles et en assurer la conservation

• développer les infrastructures rurales et l'accès aux marchés

• renforcer les capacités de génération et de diffusion de connaissances

• assurer aux plus nécessiteux l'accès aux vivres.

Le document établi par la FAO propose aussi une solution permettant de financer l'investissement public supplémentaire, estimé à 19 milliards de dollars EU par an, nécessaire pour renforcer la croissance et la productivité agricoles. Les coûts pourraient être divisés à parts égales entre les gouvernements des pays où la faim fait problème et les donateurs internationaux. Cela représenterait un doublement du financement à des conditions de faveur de l'agriculture de la part des pays développés, et une augmentation moyenne des dépenses totales pour l'agriculture d'environ 20 pour cent pour les pays en développement.

En définitive, le succès des programmes de lutte contre la faim dépendra de l'appui et de la détermination qui seront trouvés aux niveaux national et international. A cet effet, la FAO a souscrit aux propositions de former une Alliance internationale contre la faim qui unirait les gouvernements nationaux, la communauté internationale, les organisations de la société civile, le secteur privé et les personnes privées intéressées pour mobiliser la volonté politique, l'expertise technique et les ressources financières requises pour réduire au moins de moitié le nombre des affamés d'ici à 2015.

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