Lanalyse des risques est une démarche que les gens font intuitivement dans leur vie quotidienne et dans leur travail. Cest seulement récemment quelle sest développée en une discipline plus formelle, de plus en plus utilisée dans de nombreux domaines. Cest dans le domaine de la santé animale quelle a été peutêtre le plus appliquée avec la quarantaine. Les analyses de risques de quarantaine sont utilisées pour aider à décider des conditions de santé les plus appropriées pour les animaux et les produits animaux importés, et pour les stratégies des opérations de quarantaine.
Lanalyse des risques est un outil pouvant également être utilisé très avantageusement pour la planification dintervention durgence en cas de maladie animale. Dans ce contexte, elle est appliquée le plus facilement à la planification dintervention durgence contre les maladies exotiques (ou les souches exotiques dagents endémiques de la maladie) et elle sera décrite dans cette optique dans le présent chapitre. Cependant, aucune raison nempêche dappliquer lanalyse des risques à dautres planifications durgence de santé animale.
Lanalyse des risques comprend quatre volets: lidentification des risques, lévaluation des risques, la gestion des risques et la communication des risques.
Dans le premier volet, les risques quun événement se produise ou suive un cours particulier sont identifiés et décrits. La probabilité de lapparition de ces risques est alors estimée. Si les risques se produisent, leurs conséquences potentielles sont évaluées et utilisées pour modifier lévaluation des risques. Par exemple, si une maladie exotique a un risque élevé dentrer dans un pays, mais seulement un risque faible de sy établir ou des conséquences socioéconomiques potentielles négligeables, elle naura quun score général faible dans une évaluation des risques. Inversement, un faible risque dintroduction mais des conséquences importantes de la maladie seront classés plus haut.
Les risques peuvent être évalués de manière quantifiée, semiquantifiée ou qualitative. Il est fondamentalement très difficile de quantifier les risques (ou de donner effectivement des probabilités chiffrées de ces risques) dans de nombreux systèmes biologiques en raison du manque de précédents historiques et de lacunes graves dans les données biologiques disponibles. Les risques devraient être quantifiés tant que faire se peut. Si cela ne peut pas être fait, les évaluations qualitatives des risques sont recommandées pour les maladies exotiques. Les risques peuvent être décrits comme extrêmes, élevés, moyens et faibles, ou qualifiés par un système de notation simple, par exemple de 1 à 5 pour le niveau de risque et pour le degré de conséquences potentielles. Cela aidera à établir un classement préalable pour les risques identifiés, qui fournira une plate-forme solide pour planifier lintervention.
Le volet de lanalyse des risques est exécuté le mieux par lUnité épidémiologique du Service vétérinaire national, comme composante du système national dalerte rapide pour les TAD et autres maladies à caractère durgence. La gestion et la communication des risques sont des tâches accessibles à tous, mais elles doivent être coordonnées par le chef des services vétérinaires (CVO).
Il faut garder à lesprit que les risques ne sont pas figés. Ils évolueront avec des facteurs tels que le changement climatique; lévolution et lexpansion au plan international des maladies épidémiques du bétail; lémergence de nouvelles maladies; et la modification des mécanismes du commerce international dans le pays. Lanalyse des risques ne devrait donc pas être considérée comme une activité exceptionnelle mais être répétée et mise à jour régulièrement.
Lanalyse des risques de fièvre de la Vallée du Rift (FVR) doit être envisagée sur une base régionale, et non simplement au niveau national. Les déterminants de facteurs propices à une activité épizootique de FVR sont, par exemple, les caractéristiques de la zone de convergence intertropicale (ZCIT) en Afrique, lindice doscillation australe et les données par satellite de télédétection (RSSD) telles que la durée dennuagement par des nuages à sommets froids (CCD), lindice de végétation normalisé par différence (NDVI) et les systèmes de suivi des excédents pluviométriques au niveau des bassins versants (BERMS). Des facteurs climatiques régionaux et continentaux affectent de grandes superficies en Afrique. La mise en réseau coordonnée de ces informations doit être entreprise par EMPRES, par lAutorité intergouvernementale sur le développement (IGAD), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et dautres organismes qui élaborent des bulletins mensuels évaluant le niveau des risques en cours.
Comme décrit plus haut, lévaluation des risques consiste à identifier les risques, en évaluant la probabilité de leur apparition et en les modifiant par une évaluation de leurs conséquences potentielles.
Le statut et lévolution sur le plan international de foyers de FVR (et autres TAD importantes) ainsi que les dernières découvertes scientifiques doivent être suivis de manière constante. Lanalyse de ces informations doit constituer une fonction de routine de lUnité épidémiologique du service vétérinaire national. Outre la documentation scientifique, la source la plus précieuse dinformations est lOIE, par exemple par le biais de ses rapports hebdomadaires sur les maladies, de sa publication annuelle Santé animale dans le monde et de sa base de données HandiSTATUS. Des renseignements sur les maladies sont aussi disponibles auprès de la FAO, en particulier dans le Bulletin EMPRES des maladies animales transfrontalières, publié sur une base trimestrielle (et également disponible sur Internet à ladresse www.fao.org/empres). Le Programme pour le suivi des maladies émergentes (ProMED), un serveur Internet et service de courrier, fournit actuellement un forum utile pour une dissémination rapide des informations officielles et officieuses sur lapparition de maladies animales, végétales et humaines dans le monde. Des informations peuvent également être obtenues auprès dexperts de lOIE et de la FAO et de laboratoires de référence désignés, ainsi que de groupes régionaux de santé animale.
Ayant identifié et répertorié les menaces de maladies exotiques, létape suivante est dévaluer la gravité de la menace dentrée de chaque maladie dans le pays, et les voies et mécanismes par lesquels la maladie peut entrer. Les questions importantes à résoudre pour la FVR sont les suivantes:
Quelle est la répartition géographique et lincidence actuelles de la FVR?
La répartition est-elle plutôt figée ou y a-t-il eu des précédents dexpansion à de nouveaux pays, régions ou continents?
A quelle distance est la maladie? Quel est le statut des pays voisins, non seulement en ce qui concerne la présence connue de la FVR, mais aussi en ce qui concerne la confiance dans la capacité de leurs services vétérinaires à déceler et lutter contre les foyers de la maladie?
Si la FVR est présente dans les pays voisins, où se trouvent les foyers les plus proches des frontières communes?
Le virus de la FVR est-il déjà présent dans le pays? Si oui, à quel endroit?
Quels animaux constituent la cible probable de la FVR dans le pays? Sont-ils de génotypes sensibles ou non sensibles?
Des espèces de moustiques vecteurs de FVR sont-elles présentes dans le pays?
Quelles sont les espèces de moustiques vecteurs qui pourraient être impliquées dans les cycles enzootiques et épizootiques de la FVR? Que connaît-on de leur répartition, écologie et biologie de population?
Quels sont les antécédents de foyers de FVR?
A quelle fréquence les conditions climatiques et environnementales propices au virus de la FVR se produisent-elles dans différentes zones du pays? Dans quelle mesure peuvent-elles être prévues?
Y a-t-il eu des changements dans les schémas des eaux de surface dans le pays, tels que la construction de périmètres dirrigation, de barrages, de barrages de rivière et de lacs?
Si le virus de la FVR est encore exotique, les procédures de quarantaine à limportation sont-elles adéquates pour le maintenir hors du pays?
Est-il probable que le virus sétablisse sil entre dans le pays?
Les conditions épidémiologiques et environnementales pouvant favoriser la FVR sont-elles suivies sur une base longitudinale?
Les données de base sont-elles disponibles au niveau de lactivité cryptique du virus de la FVR dans différentes zones écologiques du pays?
Des données longitudinales sont-elles disponibles sur la biologie des moustiques vecteurs potentiels de la FVR dans le pays?
De bonnes données de base sont-elles disponibles sur les RSSD telles que le NDVI, la CCD et les BERMS dans les zones potentielles connues ou soupçonnées dépizootie de FVR?
Ces données peuvent-elles être mises en corrélation avec lactivité antérieure de lépizootie de FVR dans la région?
Létape suivante est dévaluer la gravité des conséquences socioéconomiques et de santé publique si la maladie apparaît. Un certain nombre de questions doivent être résolues:
Quelle est la taille des populations de bétail sensibles dans le pays? Se trouvent-elles dans des zones écologiquement favorables à la génération dimportantes populations de moustiques vecteurs de la FVR?
Quelle est limportance de ces industries du bétail pour léconomie nationale et pour la satisfaction des besoins nutritionnels et autres de la communauté?
Beaucoup de personnes seront-elles en danger de contracter la maladie?
Quel effet aura la présence de la maladie sur les exportations de bétail? Dans quelle mesure des pertes éventuelles pourraient- elles être évitées?
Sera-t-il difficile de reconnaître rapidement la maladie dans différentes parties du pays?
Quelles seront les difficultés à affronter dans la mise en place dun programme efficace de lutte contre la maladie dans différentes parties du pays? Quel sera le coût de tels programmes?
Sera-t-il possible déradiquer la FVR du pays?
En traitant ces questions et problèmes, il sera possible détablir un profil des risques de FVR et de juger de lampleur du risque représenté par la maladie en termes qualitatifs, si ce nest quantitatifs. Il sera également possible de se faire une idée quant à la position de la FVR par rapport à dautres maladies hautement prioritaires à risque, et de décider des ressources qui devront être consacrées à la préparation à la FVR par rapport à dautres maladies. Des points possibles de pression pour lentrée et/ou lapparition de la maladie peuvent être déterminés, indiquant les points à renforcer dans les activités préventives et de surveillance de la maladie, et déterminant si les services vétérinaires et la planification de lintervention sont adéquats pour gérer le risque.
Manifestement, de nombreux facteurs de risque varieront au cours du temps, qui est une des nombreuses raisons pour lesquelles ce manuel doit être périodiquement révisé.
Le type dévaluation des risques décrit aidera à:
déterminer où la FVR se place dans la liste de priorité des menaces sérieuses de maladies pour le pays et quel niveau de ressources devrait être consacré à sy préparer par rapport à dautres maladies;
déterminer comment et où les protocoles et procédures de quarantaine doivent être renforcés;
déterminer comment les moyens diagnostiques des laboratoires doivent être renforcés;
planifier des cours de formation pour le personnel vétérinaire ainsi que des campagnes de sensibilisation et de publicité auprès des exploitants;
établir un profil des risques de FVR pour différentes zones du pays;
déterminer comment et où la surveillance active de la maladie doit être renforcée;
planifier des stratégies de réponse à la maladie;
planifier comment minimiser les pertes dans lexportation du bétail.