La présente section traite des problèmes spécifiques souvent évoqués à propos de la sécurité sanitaire des aliments génétiquement modifiés. Il s'agit notamment de l'analyse phénotypique, l'échantillonnage, l'analyse nutritionnelle et la surveillance après mise sur le marché. Nous évaluerons, dans ce qui suit, les connaissances acquises sur ces sujets et la définition d'approches scientifiques susceptibles d'être utilisées pour évaluer les risques éventuels pour la santé.
Le processus de sélection des premiers fondateurs sera très limité par comparaison au domaine végétal où l'on crible des milliers de cals génétiquement modifiés pour l'incorporation du fragment de transgène, puis on observe leurs caractéristiques phénotypiques. Cela signifie que la fourchette de variation entre les animaux ayant subi les mêmes modifications génétiques sera assez étroite et que les différences détectées entre les animaux seront difficiles à interpréter.
6.2.1 Caractéristiques phénotypiques
L'analyse phénotypique portera sur l'analyse nutritionnelle mais aussi sur des paramètres de performance générale (tels que le rythme de croissance, l'efficacité alimentaire, la reproduction, des paramètres cliniques), la résistance aux maladies et, selon l'animal et la modification génétique, la colonisation par des agents pathogènes susceptibles d'avoir une incidence sur la sécurité sanitaire des aliments, et leur excrétion.
Dans certains cas, l'analyse phénotypique peut aussi être indiquée après transformation ou, pour le poisson, à différentes étapes de son altération. Des amines biogènes peuvent par exemple se former pendant la détérioration du saumon, du thon, du hareng et d'autres espèces. De même, il peut y avoir formation de formaldéhyde dans les crevettes, le cabillaud, le merlu et de nombreuses autres espèces en cours d'altération.
6.2.2 Échantillonnage
Le nombre d'animaux génétiquement modifiés et d'animaux traditionnels de référence nécessaires, par espèce, pour l'analyse nutritionnelle doit être déterminé afin que les résultats soient statistiquement fiables, c'est-à-dire qu'il faut réaliser une analyse de puissance. Il faudra par ailleurs décider quels sont les tissus comestibles et les produits à analyser dans les différentes espèces animales.
Il est clair que, dans le cas des poissons génétiquement modifiés et d'autres espèces aquatiques, le nombre des individus pouvant être soumis à une analyse nutritionnelle sera plus élevé que dans celui, par exemple, du gros bétail. Afin d'obtenir des résultats statistiquement significatifs dans les deux cas, il faudra:
avoir des informations sur la variation naturelle dans les différents tissus;
appliquer des conditions d'expérimentation homogènes aux animaux génétiquement modifiés et aux animaux traditionnels de référence;
effectuer les prélèvements de tissus et autres produits animaux dans des conditions homogènes, notamment quant au stade de développement, à l'âge ou au poids de commercialisation.
Si l'on prend l'exemple d'un poisson génétiquement modifié dans le génome duquel a été introduit un gène d'hormone de croissance, les prélèvements aux fins de l'analyse nutritionnelle seront effectués en fonction du poids de commercialisation plutôt que de l'âge.
6.2.3 Analyse nutritionnelle
Pour l'analyse des produits alimentaires dérivés d'animaux génétiquement modifiés, il convient d'appliquer la même approche de base que pour les végétaux. Comme pour les végétaux génétiquement modifiés, il conviendra de déterminer quels sont les constituants essentiels du tissu, notamment nutriments, et quels sont les composés susceptibles d'avoir des effets néfastes sur la santé humaine, par exemple la thiaminase dans le poisson (Kleter et Kuiper, 2002), ou les esters de cire dans les stromatés (Nichols, Mooney et Elliot, 201). La liste des constituants essentiels par tissu devra être flexible et pouvoir être adaptée de manière continue en fonction de l'état de la science. Il importe de produire des données de référence sur la variation naturelle des différents constituants dans les différents tissus. Il conviendra d'évaluer les bases de données existantes concernant la composition des produits alimentaires d'origine animale pour voir si les données qu'elles contiennent ont une qualité suffisante pour être utiles dans une analyse nutritionnelle comparative.
La surveillance après mise sur le marché requiert des données relatives à l'ingestion et, éventuellement, la mise en place de systèmes adéquats de traçage des produits. À cet égard, le secteur des aliments d'origine animale présente des avantages par rapport à celui des végétaux, où les systèmes de traçage sont encore pratiquement inexistants. Dans le secteur de la production animale, des systèmes de ce type sont déjà bien implantés dans certains pays et pour certaines filières de production d'aliments d'origine animale, et de nombreuses autres initiatives ont été lancées dans ce domaine. Il faudra néanmoins continuer à les développer et les adapter pour pouvoir les utiliser aux fins de la surveillance après mise sur le marché.
Les programmes en cours sur le génome permettront de développer l'utilisation des manipulations génétiques dans la production animale. La diversité des gènes pouvant être utilisés ira en augmentant et il deviendra peut-être aussi plus facile de transférer des voies entières du métabolisme. On peut prévoir que le nombre de produits dérivés d'animaux génétiquement modifiés possédant des caractéristiques sanitaires améliorées augmentera, et que l'on produira par exemple davantage de porcs dont la viande offre une meilleure composition nutritionnelle, ou des crevettes moins allergènes.
Grâce au développement des connaissances sur la physiologie des animaux destinés à l'alimentation, le nombre d'effets secondaires d'une modification génétique imprévisibles et qu'il n'est pas possible d'analyser dans une étude ciblée pourra diminuer, réduisant ainsi théoriquement le nombre des effets inattendus d'une transformation.
Le développement et la validation des méthodes de profilage dans les domaines de la génomique, de la transcriptomique, de la protéomique et de la métabolomique permettront de mieux connaître les effets non intentionnels d'une transformation.
L'amélioration du traçage des produits et des systèmes de transfert de l'information peut faciliter la mise en place de systèmes de surveillance après mise sur le marché qui permettent d'évaluer les effets à long terme de produits alimentaires complexes, parmi lesquels les produits alimentaires dérivés d'animaux génétiquement modifiés.
