3.1 Les fonctions fiscales des gouvernements centraux et locaux sont généralement analysées sur la base des responsabilités et des rôles respectifs de ces instances quant à la redistribution du revenu, aux provisions pour dépenses, à laffectation des impôts et aux transferts dimpôt. Certaines questions concernant lampleur de la centralisation et de la décentralisation sont cruciales lorsque lon considère le problème du financement intergouvernemental. Quel niveau de gouvernement sera responsable de la fourniture de services spécifiques? Comment ces services seront-ils financés? Ces questions sont examinées dans le présent chapitre.
3.2 Les considérations distributives et macroéconomiques militent généralement contre les extrêmes dont lun attribue la totalité ou la plus grande partie des pouvoirs dimposition aux collectivités locales et lautre confère au contraire ces pouvoirs à lÉtat central. Loption la plus fréquemment observée dans les pays du monde entier est celle qui attribue des sources de recettes comme les impôts à chaque niveau de gouvernement, en association avec divers types de transferts intergouvernementaux pour combler déventuels écarts entre les dépenses et les recettes de provenance locale.
3.3 Il nexiste pas de solution universellement acceptée quant à la façon dont la décentralisation et les investissements des collectivités locales devraient être financés. Daprès lexpérience dun grand nombre de pays, il semble que le premier pas doive être celui dassurer, dès le commencement du processus de décentralisation, la meilleure concordance possible entre les transferts de recettes et les dépenses relatives à la prestation de services. Cela signifie que la décentralisation devrait être une dévolution fiscalement neutre de responsabilités. Pour atteindre la neutralité fiscale, il conviendra de procéder à une estimation du coût total des services qui doivent être confiés aux collectivités locales. Ces estimations devraient servir de base pour un accord concernant la combinaison des services et des recettes qui seront finalement transférés.
3.4 La façon la plus directe de financer linfrastructure et de soutenir la décentralisation consiste à transférer aux collectivités locales à la fois la responsabilité de fournir les services et la capacité de produire des recettes fiscales. Dans les pays en développement, les gouvernements centraux et locaux ont toutefois été nombreux à opposer une résistance à une telle approche. Dun côté, lÉtat central rechigne à abandonner le contrôle des principaux impôts nationaux car cela signifie perdre la tutelle du volet recettes du budget national. De lautre, la plupart des collectivités locales ne sont pas particulièrement désireuses dassumer les principales responsabilités dune administration fiscale et ne veulent pas lever des impôts locaux tout simplement parce quelles nont pas la capacité de les administrer. Toutefois, beaucoup peut être fait pour renforcer les capacités au niveau local et permettre ainsi aux pouvoirs locaux dassurer lévaluation et le recouvrement des impôts locaux sous la supervision réglementaire de lÉtat central.
3.5 Une stratégie adoptée par de nombreux pays consiste à essayer de renforcer les collectivités locales en leur confiant davantage de responsabilités quant aux services quelles sont appelées à fournir. Cela peut sembler favoriser la constitution de pouvoirs locaux plus indépendants, mais en réalité les collectivités locales ne seront pas en mesure dexercer leurs nouveaux pouvoirs sans un financement adéquat. Lattribution aux instances locales de pouvoirs de dépense supérieurs à leur capacité de financement à partir de leurs propres sources de revenu fiscal, détermine un déséquilibre entre les fonctions et les financements. Cette discordance, dite «déséquilibre vertical», rend les collectivités locales fortement tributaires des transferts de lÉtat central. Aussi est-il essentiel que ceux qui déterminent les responsabilités des collectivités locales, soient bien conscients des sources de recettes qui seront nécessaires pour les financer.
3.6 Un autre problème qui est au coeur des financements intergouvernementaux dans bien des pays, est celui de lexistence dun «équilibre horizontal». Cette situation se présente lorsque les collectivités locales ne sont pas égales en termes de population, dextension géographique, de niveau durbanisation et de revenu par habitant. Lélaboration de programmes de décentralisation fiscale et de péréquation pour faire face à cette réalité complexe, constitue un défi majeur.
3.7 La décentralisation sera sans doute plus efficace si le gouvernement local est à même de produire localement une partie relativement importante de ses recettes fiscales. Si le transfert des responsabilités de lÉtat central nest pas assorti de la capacité de financer lexercice de ces responsabilités, la décentralisation mise en oeuvre risque dêtre en grande partie fictive. Dans ce cas, les collectivités locales tendront à rester excessivement tributaires, pour leur financement, de la bonne volonté de lÉtat central. Étant donné que ce dernier fixe les règles et réserve normalement pour son propre usage les impôts les plus rémunérateurs, les collectivités locales nont en général pas accès aux recettes et aux sources de revenu fiscal qui les libèreraient véritablement de leur dépendance à légard des transferts. Les transferts intergouvernementaux sont essentiels pour les pouvoirs locaux, mais ils ne devraient pas être utilisés pour empêcher ces derniers datteindre un niveau dindépendance adéquat. Sans une source suffisante de recettes fiscales sous le contrôle du gouvernement local, il nest pas possible datteindre un niveau satisfaisant dautonomie fiscale.
ENCADRÉ 3 Les raisons pour lesquelles les recettes fiscales des pouvoirs locaux devraient provenir de sources locales sont les suivantes:
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3.8 Les collectivités locales devraient être en mesure de collecter des recettes fiscales pour financer les coûts des services proposés, auprès des bénéficiaires de ces services. La relation entre les bénéficiaires et les contribuables est pertinente du point de vue des finances publiques: les services publics devraient être définis par le groupe bénéficiaire qui devrait également en couvrir les coûts. Cest-à-dire que le modèle fiscal idéal est basé sur une «taxation proportionnelle aux avantages» quant à la fonction de répartition. Les recettes de provenance locale qui sont dépensées localement au profit des contribuables locaux, illustrent clairement le lien direct de limpôt avec les avantages tirés par lensemble de la communauté. Cela signifie que les citoyens locaux devraient payer des impôts plus élevés sils souhaitent bénéficier de meilleurs services ou si le gouvernement local est inefficace. Cela donne de bonnes motivations aux citoyens locaux en période électorale. Un niveau de taxation élevé prive également les pouvoirs locaux de lexcuse du manque de fonds de la part de lÉtat central en cas de défaillance dans la délivrance de services locaux.
3.9 Dans la pratique, il existe des variations importantes dans la proportion des ressources produites localement, ou sur lesquelles le gouvernement local a un véritable pouvoir décisionnel. Cette proportion est difficile à établir car il faut pour cela évaluer limportance et la nature des transferts gouvernementaux, ainsi que le degré dautonomie réel des pouvoirs locaux dans létablissement du niveau de ressources (fiscales et non fiscales) produites localement. Il est toutefois largement reconnu que lautonomie des collectivités locales est encore faible dans les pays en développement par rapport aux pratiques enregistrées dans dautres pays. Lavantage dune augmentation des impôts locaux par rapport au renforcement des arrangements sur le partage des recettes fiscales est que le contrôle dune «taxation locale» renforce la responsabilité à légard des citoyens. Cela se répercute dune manière positive sur le comportement de la population et des collectivités locales.
3.10 La composition des recettes varie considérablement dun pays à lautre, mais les principaux types de revenu fiscal des collectivités locales sont généralement les suivants:
Recettes provenant de la vente de services (recettes non fiscales et participation aux frais des utilisateurs).
Emprunts, par exemple pour les dépenses dinvestissement.
Différents types de subventions (générales et spécifiques, par exemple) accordées aux collectivités locales par lÉtat central.
Recettes fiscales: impôts locaux (par exemple, taxes sur la propriété foncière) ou impôts nationaux partagés.
3.11 Les redevances de services constituent une source de recettes importante, surtout si les collectivités locales sont considérées principalement comme des fournisseurs de service. Ce point de vue est en partie en concordance avec le concept de la décentralisation de certaines responsabilités au niveau local sur la base de critères defficacité concernant laffectation des ressources. De tels services pourraient donc être financés par le biais dun système de redevances.
3.12 Les subventions de lÉtat central sont un facteur clé. Bien quen diminution, les subventions continuent néanmoins de représenter une source importante de recettes pour les collectivités locales. Dans certains pays, les budgets locaux sont constitués à hauteur de 50 pour cent ou plus, de transferts en provenance de lÉtat central. Les subventions resteront importantes du fait de létendue des nouvelles responsabilités des pouvoirs locaux et du niveau généralement insuffisant des sources locales de recettes. Normalement, les subventions ne devraient représenter quune partie des recettes locales car les gouvernements locaux sont en général davantage responsables des revenus quils perçoivent directement et parce que les contribuables parviennent mieux à établir un lien entre les services publics reçus et les taxes à payer sils émanent tous deux dune même autorité.
3.13 Le partage automatique des recettes fiscales nationales (ou régionales) avec les collectivités locales est considéré comme une solution pour financer la décentralisation dans de nombreux pays. Cette approche permet aux autorités centrales de maintenir le contrôle des taux dimposition et de ladministration de limpôt, tout en assurant parallèlement aux instances locales la réception dun volume plus important de recettes fiscales. Toutefois, le partage automatique des recettes ne fournit pas toujours une base stable pour le financement de la décentralisation et des projets dinfrastructure locaux. Lorsque lÉtat central conserve le pouvoir dajuster chaque année la part des impôts levés au niveau central, les collectivités locales restent dans une profonde incertitude quant à leurs recettes fiscales, de sorte quil leur est alors difficile de procéder à une budgétisation et à une planification anticipées des immobilisations.
3.14 Les taux dimposition du revenu ont augmenté au cours des deux siècles derniers, notamment en temps de guerre, jusquà atteindre des niveaux records dans les années 80. Depuis, les taux dimposition des particuliers, surtout dans les tranches supérieures de revenu, ont diminué. Les chiffres de lOrganisation de coopération et de développement économiques (OCDE) montrent que, dans les pays membres, la part de limpôt sur le revenu des particuliers en pourcentage des recettes fiscales est passée de 30 pour cent en 1975 à 27 pour cent en 1998. Les pressions démocratiques et économiques empêcheront probablement toute modification importante de la situation actuelle.
3.15 Les impôts sur les sociétés étaient autrefois considérés comme une cible aisée de prélèvement fiscal. Peu de voix risquaient en effet dêtre perdues en augmentant limpôt sur les sociétés. Les choses ont changé aujourdhui en raison de lintense concurrence internationale qui sexerce pour attirer les entreprises vers des sites nationaux ou régionaux. Le niveau de limpôt sur le revenu des sociétés joue un rôle important dans les décisions prises par les multinationales quant à la localisation de leurs activités. Un obstacle substantiel empêche donc les gouvernements centraux daugmenter les taux dimposition des sociétés aux niveaux précédents.
3.16 Les cotisations sociales ont eu tendance à augmenter face à laccroissement des prestations sociales et elles représentant aujourdhui en moyenne 25 pour cent de la part des recettes fiscales dans les pays de lOCDE.
3.17 Les taxes à la consommation en tant que source de recettes fiscales sont restées constantes en moyenne par rapport aux autres impôts dans les pays de lOCDE, mais laccent est mis aujourdhui sur les taxes sur la valeur ajoutée. Il existe des contraintes dordre économique, concurrentiel et démocratique dont les gouvernements doivent tenir compte lorsquils envisagent délever le taux des taxes à la consommation.
3.18 Les impôts fonciers font apparaître des variations importantes dans la contribution des taxes sur la propriété aux recettes fiscales totales. Si les impôts sur la fortune et certaines autres taxes sont compris dans la définition, les impôts fonciers représentent alors plus de 10 pour cent du total au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Canada et au Japon. Dans les siècles précédents, les taxes sur la propriété constituaient la principale source de recettes fiscales au niveau national et local. Limportance relative des taxes foncières a toutefois marqué un fléchissement sur le long terme et ces impôts représentent aujourdhui environ cinq pour cent du revenu fiscal dans les pays de lOCDE. Quoi quil en soit, limportance de limpôt foncier nest pas en rapport avec lassiette fiscale nationale, mais plutôt avec celle des gouvernements locaux.
3.19 Les possibilités de choix dun bon impôt pour les collectivités locales sont limitées par rapport à celles qui soffrent aux gouvernements centraux ou même régionaux. Cela est dû au fait que les niveaux supérieurs de gouvernement sont plus vastes, quils couvrent des juridictions comprenant des populations plus nombreuses et quils ont une meilleure capacité dadministration de limpôt. Un certain nombre de conditions doivent être réunies pour quune taxe puisse constituer une «taxation locale» adéquate:
Le revenu dun bon impôt local devrait augmenter au fil du temps de façon à suivre la progression naturelle des coûts et celle des besoins de services publics locaux.
Les impôts locaux ne devraient pas être trop sensibles aux fluctuations cycliques.
Un bon impôt local devrait être réparti dune façon relativement égale entre les collectivités locales. La péréquation des recettes fiscales entre les collectivités pourrait savérer nécessaire pour équilibrer les différences au niveau de laccès à lassiette fiscale.
Lampleur du revenu fiscal potentiel est importante. Si les collectivités locales ne sont autorisées à lever que des impôts à relativement faible rendement, cela déterminera un déséquilibre vertical (cest-à-dire lassignation aux collectivités locales de responsabilités supérieures à celles quelles sont en mesure de financer à partir des sources de recettes fiscales locales).
Il devrait y avoir une relation étroite entre les citoyens contribuables et les citoyens bénéficiaires.
Ladministration de limpôt ne devrait pas comporter de frais, cest-àdire que le rendement de limpôt devrait être largement supérieur aux dépenses administratives. Un objectif réaliste est que le coût dadministration dun impôt foncier soit bien inférieur à cinq pour cent des recettes produites.
3.20 Daprès la classification de lOCDE, lampleur de lautonomie fiscale dune collectivité locale devrait être mesurée sur la base de deux critères: la liberté de déterminer lassiette fiscale et celle détablir le taux dimposition (lassiette fiscale est la valeur collective des biens fonciers imposables, tandis que le taux dimposition est le pourcentage de la valeur dun bien foncier qui est versé sous forme de taxe). La classification ci-après des recettes fiscales propres et partagées a été élaborée par lOCDE, en fonction du degré dautonomie fiscale locale:
La collectivité locale contrôle à la fois le taux dimposition et lassiette fiscale;
La collectivité locale fixe le taux dimposition;
La collectivité locale établit lassiette fiscale;
Ententes de partage fiscal;
La collectivité locale détermine la répartition des recettes fiscales.
Étant donné quen général les impôts locaux représentent la principale source de recettes propres pour les collectivités locales, la capacité dinfluer sur lassiette fiscale, sur le taux dimposition et sur les recettes produites est une condition très importante. Une telle capacité permet aux pouvoirs locaux dadapter la prestation de services à leurs conditions financières.
3.21 Une bonne pratique consiste à éviter tout conflit dintérêts. Les procédures détablissement de lassiette fiscale et du taux dimposition devraient être menées séparément et dune façon indépendante. Létablissement de lassiette fiscale est confié à des experts en évaluation qui pourront être appelés à en rendre compte par le biais dune procédure dappel. Établir le taux dimposition est dordinaire la prérogative des responsables politiques élus. Une telle répartition des responsabilités devrait intervenir même si les deux procédures détablissement de lassiette fiscale et du taux dimposition sont conduites au même niveau de gouvernement. Le conflit dintérêts peut également être évité en faisant en sorte que les procédures relèvent de différents niveaux de gouvernement. Par exemple, lorsque les sources locales de recettes sont limitées, les collectivités locales pourraient être tentées délargir lassiette fiscale pour accroître leur revenu, ou bien des personnalités locales influentes pourraient faire pression pour pouvoir bénéficier dun allègement fiscal. Dans ces cas, les évaluateurs de lÉtat central pourraient fournir une évaluation plus objective de lassiette fiscale.
3.22 Il existe une vaste documentation concernant les critères à suivre pour avoir de bons impôts locaux et il est possible dévaluer chacune des taxes possibles sur la base de ces critères, pour en mesurer lefficacité. Bien quun tel exercice puisse être utile, il a cependant des limites dans une certaine mesure car limpôt local parfait nexiste pas. Certains impôts locaux sont toutefois considérés à léchelon international comme étant particulièrement satisfaisants. Les taxes locales les plus communes sont les impôts fonciers, les impôts sur le revenu et les taxes sur les ventes. Peu de pays ont levé dautres impôts locaux générateurs de recettes fiscales importantes.
3.23 Limpôt foncier est une taxe locale efficace car de par la nature même de la propriété foncière, il est relativement simple pour les collectivités locales didentifier les contribuables et de recouvrer les impôts. Les taxes sur la propriété sont généralement moins intéressantes pour lÉtat central parce que les recettes quelles génèrent sont dordinaire bien inférieures à celles de limpôt sur le revenu, sur les ventes ou sur les sociétés. Dautre part, limpôt foncier nest en général pas considéré comme un instrument pour les politiques sociales et économiques de plus grande envergure qui tendent à être du ressort de lÉtat central.
3.24 Limpôt foncier constitue peut être une bonne source locale de recettes fiscales, relativement prévisible, stable et sans effet de distorsion quant à son impact sur les décisions économiques. Bien entendu, un impôt sur la propriété ne devrait pas être considéré isolément mais en relation avec dautres taxes locales et nationales. Le régime fiscal dun pays est asservi aux objectifs sociaux et économiques nationaux. Les analyses détaillées requises pour la conception ou ladministration de tout impôt des particuliers ne doivent pas empêcher une perspective élargie, reposant sur la connaissance de lhistoire et sur lexpérience internationale.
3.25 Limpôt foncier est une taxe annuelle sur les biens immobiliers. Il sagit généralement, mais pas toujours, dune taxe locale. Cet impôt est le plus souvent fondé sur le concept de valeur marchande. La base dimposition peut être la terre seule, la terre et les bâtiments, ou bien diverses combinaisons de ces facteurs. Aux fins du présent guide, limpôt foncier est circonscrit aux taxes annuelles et ne comprend ni les impôts annuels sur la fortune, ni les taxes ponctuelles sur les transferts et sur les gains en capital réalisés.
3.26 La taxe sur la propriété rurale est généralement appliquée aux propriétés commerciales, industrielles et résidentielles situées en milieu rural, ainsiquaux terres et aux bâtiments agricoles. Le recours à limpôt sur la propriété rurale nest pas exceptionnel. Dans le monde entier, de nombreux pays lèvent des impôts sur les terres agricoles et autres propriétés rurales. Cet impôt nest pas nouveau non plus. Il existe depuis au moins trois mille ans. Ses avantages et ses inconvénients sont bien connus et peut-être mieux compris que ceux des autres taxes.
3.27 De nombreux pays en développement tendent à se concentrer, du moins initialement, sur la taxation des propriétés urbaines, car il sagit généralement de biens de plus grande valeur. Et lorsque les terres agricoles et forestières sont imposables, les taux dimposition sont dordinaire relativement faibles par rapport à ceux des terres en milieu urbain. Toutefois, la prise en compte de la propriété rurale à des fins dimposition dans les pays en développement devrait être considérée comme une importante orientation stratégique pour un élargissement maximal de lassiette fiscale. Une base dimposition ainsi élargie offre lune des rares sources de recettes fiscales stables dont peuvent disposer les collectivités locales rurales.
3.28 Limpôt foncier présente des avantages clairs, notamment les suivants:
Il est techniquement et administrativement possible de lintroduire et de le maintenir pratiquement en toute circonstance.
Sa gestion est peu onéreuse et il est possible datteindre un rapport coût-rendement de deux pour cent ou moins.
Il est très difficile dy échapper, et des taux de recouvrement de 95 pour cent peuvent être aisément obtenus.
Il est transparent.
Le public comprend le concept de valeur de marché (quil sagisse de la valeur en capital ou de la valeur locative) et se rend donc compte de la base dévaluation.
Il existe en général une bonne corrélation entre la valeur fiscale et la capacité contributive.
Sil est bien conçu, limpôt peut être en partie progressif.
Les recettes fiscales sont prévisibles et abondantes.
Il constitue pour les collectivités locales une source tout à fait appropriée de recettes fiscales de provenance locale.
Il impose une responsabilité politique aux élus locaux. Si ces derniers décident daugmenter limpôt foncier, ils sexposent à des critiques directes de la part des électeurs.
3.29 Les inconvénients de limpôt foncier sont moins évidents que ses avantages. Cet impôt nest pas parfait et il est souvent impopulaire; toutefois, il ne faut pas oublier quil nexiste pas de taxe parfaite et que les impôts ne sont jamais populaires.
3.30 Certains des avantages recèlent des inconvénients cachés. La transparence de limpôt peut révéler déventuelles discordances que lopinion publique pourrait percevoir dune manière amplifiée. Ces discordances se situeront aussi bien au niveau des cotisations établies (incohérences inévitables dans un rôle dévaluation foncière pouvant porter sur des milliers, voire des centaines de milliers de biens immobiliers) quà celui de la capacité contributive. Dautres taxes, comme limpôt sur le revenu, sont beaucoup moins convergentes dans la pratique, mais le public ne connaît que la façon dont limpôt devrait fonctionner et non comment il est appliqué en réalité. La confidentialité masque les résultats réels. Avec limpôt foncier, le public voit toutes les imperfections du régime fiscal. De la même façon, la difficulté déchapper à limpôt sur la propriété peut le rendre impopulaire. Cela est le cas notamment dans les sociétés où les riches et les puissants ont coutume de manipuler le système dimposition à leur propre avantage. Ces personnes tendent à se faire entendre et à être particulièrement influentes sur le plan politique, et elles peuvent donc contester ou entraver le fonctionnement équitable de limpôt à ce niveau.
3.31 Il y a également un inconvénient plus subtil et moins bien compris. Dans certaines circonstances, limpôt foncier peut constituer une «représentation sans taxation» pour un vaste segment de la population. Au suffrage universel, tous les électeurs ne seront pas soumis à limpôt sur la propriété. Si les noncontribuables sont bien plus nombreux que ceux qui sont imposables, le lien entre la démocratie et la taxation au niveau local pourra sen ressentir. Ces effets négatifs seront amplifiés si limpôt foncier constitue le seul revenu fiscal local sur lequel les pouvoirs locaux exercent un contrôle. Dans ce cas, une augmentation même modeste des recettes fiscales totales peut exiger une hausse importante des impôts fonciers du fait du nombre restreint des contribuables.
3.32 Il existe également le problème de donner un caractère «dynamique» à la taxe sur la propriété. Il sagit de favoriser la progression des recettes fiscales et, dans le cas de limpôt foncier, cet accroissement relève de deux mécanismes. Le premier est celui de la réévaluation périodique des biens immobiliers; en périodes de hausse des valeurs du marché, une telle réévaluation donne lieu à un accroissement de lassiette fiscale. Le second consiste à relever le taux dimposition afin dobtenir les recettes voulues. Ces deux mécanismes ont un caractère éminemment politique. Théoriquement, lun et lautre pourraient être facteur de dynamisme. Il est techniquement possible daugmenter le taux dimposition sur la base dun rôle foncier périmé. Toutefois, lexpérience de nombreux pays montre que lopinion publique ne comprend et naccepte pas un rôle dévaluation foncière non mis à jour. On enregistre toujours une résistance aux réévaluations et moins le rôle foncier est à jour et plus cette résistance est forte. Dans bien des pays, le principal facteur de la baisse de rendement des taxes foncières est labsence de réévaluations périodiques.
3.33 Les difficultés de mise en oeuvre ne devraient pas être sous-estimées. Bien quil soit possible de les surmonter, les problèmes techniques peuvent entraver lavancement du processus, surtout aux premiers stades de la mise en oeuvre. Ces facteurs techniques sont notamment les suivants:
Le système requiert une série de connaissances techniques pour la constitution et la mise à jour dun rôle dévaluation foncière et pour létablissement et la conduite de la procédure dappel. Or, dans de nombreuses juridictions, le personnel qualifié nécessaire fait défaut, notamment au niveau local.
Certaines parties du processus peuvent être longues et coûteuses à mettre en oeuvre. Par exemple, létablissement dun relevé complet des biens immobiliers imposables (surtout lorsque les registres sont insuffisants ou incomplets, ou encore lorsquil existe de nombreux problèmes dordre juridique); lattribution des services au secteur privé; la mise en place dun tribunal dévaluation pour instruire les appels, et le soutien administratif et en infrastructure (comme la technologie de linformation spécifique pour les systèmes dévaluation et de comptabilité financière dans les procédures de facturation, de recouvrement et dexécution).
Sil est vrai que le concept de valeur de marché est généralement bien compris par lopinion publique, il y a néanmoins une véritable confusion quant à la relation entre la «valeur imposable» et létablissement du «taux dimposition». Cela est particulièrement vrai lorsque les réévaluations sont effectuées après une longue période dintervalle ou lorsquil y a eu des réticences politiques à augmenter les taux dimposition. Cela se traduit souvent par de nombreux appels injustifiés.
3.34 Sils représentent pour les collectivités locales une source majeure de recettes fiscales, les impôts fonciers peuvent également soutenir dautres fonctions gouvernementales. Les rôles dévaluation établis pour les pouvoirs locaux peuvent être utilisés par dautres instances, notamment par celles que lon pourrait appeler des organes à «fonction unique» comme les offices des eaux. Les redevances deau sont parfois calculées sur la base de la valeur fiscale des biens immobiliers telle quelle ressort du relevé cadastral. De telles procédures sont particulièrement efficaces en termes de coût et peuvent avoir une corrélation raisonnable avec lutilisation de leau dans de nombreux cas (bien quil arrive que des propriétés commerciales et industrielles aient une faible consommation deau malgré une valeur fiscale relativement élevée). Les offices du drainage peuvent également être financés par des redevances liées au rôle dévaluation, ce qui présente des avantages par rapport à des redevances calculées uniquement sur la base de la surface des biens immobiliers.
3.35 Les avantages de limpôt sur la propriété foncière rurale seront presque toujours locaux, plutôt que nationaux. Il apparaîtra clairement que, dans la quasi-totalité des pays, lextension de limpôt foncier aux zones rurales aura un impact limité sur le total des recettes fiscales nationales. Lassiette fiscale rurale est généralement bien plus réduite que celle de léconomie urbaine. La capitale et deux ou trois grandes villes produisent bien souvent une grande partie du PIB dun pays. Limportance relative du PIB régional constitue une bonne indication de lampleur de lassiette fiscale. Ainsi, par exemple, si un impôt foncier renforcé étendu à lensemble du pays a la capacité potentielle de produire 10 pour cent des recettes fiscales totales, la contribution des zones rurales à cet impôt en revanche ne dépassera probablement pas 20 pour cent. Dans de telles circonstances, lassiette fiscale rurale ne représente que deux pour cent du total national et peut être proportionnellement plus onéreuse à administrer.
3.36 Dans la plupart des cas, les chiffres indicatifs ci-dessus surestiment le rendement potentiel des zones rurales. Toutefois, cela ne diminue pas limportance dun impôt foncier rural. Cet impôt constitue un élément fondamental de la décentralisation. Ce nest pas tant sa contribution à lassiette fiscale nationale qui importe, mais plutôt son importance au regard des recettes dont dispose le gouvernement local, surtout de celles produites localement. Voilà pourquoi limpôt foncier est un instrument décisif pour lamélioration des conditions de vie en milieu rural.
ENCADRÉ 4 Les facteurs suivants peuvent inciter les pouvoirs publics à envisager soit lintroduction dune taxe foncière là où un tel impôt fait défaut, soit un examen de lappareil administratif en vue den renforcer lefficacité. Les perspectives daccroissement du rendement: si de nombreux impôts atteignent désormais les limites maximales imposées par les facteurs économiques, la concurrence internationale ou lacceptation du public, en revanche une amélioration du rendement des taxes foncières est possible dans la plupart des pays. Les exemples dimpôts fonciers produisant un rendement supérieur à 12 pour cent des recettes fiscales totales sont rares et telle peut être la limite dacceptation du public. Dans la plupart des pays, les taxes sur la propriété se situent bien en dessous de ce plafond théorique. Lampleur relativement limitée de lassiette fiscale rurale: lassiette fiscale rurale sera toujours réduite par rapport à la base dimposition urbaine. Dans les zones rurales, limpôt foncier revêt une importance essentiellement locale. Ses avantages pour léconomie nationale sont indirects. Limportance de la taxe au-delà de son ampleur relative: Limportance dun impôt foncier appliqué aux zones rurales est supérieure en termes politiques à celle que lon pourrait attendre au vu de son rendement strict. En tant que fondement de lautonomie locale et moyen de financement pour certaines instances à fonction unique, lintroduction dun impôt foncier est souvent pleinement justifiée. La viabilité administrative de limpôt foncier: Lapplication étendue de limpôt foncier et lexpérience acquise dans ce domaine montrent quavec une volonté politique suffisante, il nexiste pas dobstacles techniques ou administratifs insurmontables à lintroduction dune taxe sur la propriété. La volonté politique: Tous les impôts exigent une détermination politique et lacceptation du public. Du fait de la transparence de limpôt foncier, toute introduction subreptice savère impossible. La volonté politique est donc essentielle. En cas dincertitudes politiques substantielles, envisager lintroduction dun impôt foncier ne serait quune perte de temps et dargent. |