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Chapitre VIII
ORGANISATION ET GESTION DE L'INVESTISSEMENT


Les aspects liés à l'organisation et la gestion reçoivent rarement l'attention qu'ils méritent, dans les propositions d'investissement. L'essentiel des efforts est généralement consacré aux aspects financiers et techniques et très peu à la définition d'une structure de gestion appropriée et efficace. En conséquence, beaucoup d'investissements petits et moyens, spécialement ceux qui relèvent de groupes ou de communautés, échouent pour des problèmes de contrôle ou de gestion.

Généralement les communautés rurales ne disposent pas de beaucoup de personnes ayant une expérience de l'encadrement ou de la gestion d'entreprise. Il est risqué de prétendre que les problèmes associés à ces fonctions se solutionneront d'eux-mêmes ou que leur définition peut être reportée à la phase d'exécution du projet. Trois facteurs sont particulièrement importants pour déterminer l'organisation et la gestion d'un projet:

a) le statut légal;
b) la supervision et le contrôle;
c) la gestion au quotidien.

Nous discuterons également brièvement de l'utilisation de l'assistance technique pour l'encadrement d'une équipe.

A. Statut légal

La première tâche à remplir lorsque l'on veut déterminer le modèle d'organisation et de gestion d'un investissement est de choisir un statut légal. Il existe généralement plusieurs options, dont des structures formelles et informelles. Toutefois, la décision dépendra, en grande partie, du fait que l'investissement sera conduit par une personne seule, une famille, ou un groupe de personnes ou de familles.

1. Propriétaires individuels

Dans le cas d'un investissement réalisé par un individu ou par une seule famille, la principale décision concerne la nécessité et l'utilité de formaliser le statut légal de l'activité en l'enregistrant comme une société.

Ce manuel ne donne pas de directives concernant les aspects légaux, en particulier en raison du grand nombre de pays qui vont l'utiliser. Il est donc de la responsabilité des personnes chargées de la formulation et de l'évaluation de l'investissement de déterminer, au cas par cas, quelles sont les exigences légales, ainsi que les avantages et les inconvénients d'enregistrer les petites activités commerciales.

Toutefois, d'une façon générale, l'enregistrement formel d'un projet en tant que société peut apporter les avantages suivants:

a) Il peut faciliter l'accès aux sources officielles de crédit (banques, etc.) ainsi qu'aux programmes gouvernementaux d'aide aux petites entreprises.

b) Il permettra souvent de récupérer la taxe à la valeur ajoutée (TVA) sur les biens et services achetés.

c) Il peut aussi faciliter l'accès des employés aux programmes d'État d'assurance maladie et de sécurité sociale.

d) Il peut donner le droit à la société d'importer certains produits (matériel d'emballage et intrants, par exemple) hors taxe, dans le cas où le produit final est destiné à l'exportation.

Les inconvénients d'un enregistrement peuvent être:

a) Les tâches administratives entraînées, qui prennent beaucoup de temps et sont souvent contraignantes.
b) La nécessité de tenir un certain nombre de registres et de documents afin de satisfaire les exigences légales.
c) La responsabilité de collecter la TVA sur les ventes et de la remettre aux autorités fiscales.
d) La possibilité d'attirer plus l'attention des autorités du fisc.

2. Propriétaires multiples

Lorsque l'on a affaire à une activité qui met en jeu un groupe de personnes ou une communauté tout entière, de nouvelles options peuvent être ajoutées à celles présentées pour un investissement personnel (informel et société). La possibilité la plus courante est l'utilisation de la structure coopérative, mais certains pays offrent d'autres formes de propriété collective.

Nous ne recommandons pas de créer une coopérative dans le seul but de gérer un investissement. Une coopérative qui fonctionne bien est le résultat d'une série d'activités mettant en jeu un certain nombre d'efforts de la communauté. Un processus d'apprentissage et de maturation est nécessaire avant qu'une coopérative puisse prendre avec succès la responsabilité de la direction et du contrôle d'un projet d'une taille importante. Si elle existe, une coopérative active et bien gérée par la communauté peut constituer une solution intéressante. solution intéressante.

Néanmoins, malgré les idéaux qui les portent, les coopératives de nombreux pays ont eu une histoire décevante, et la plupart des succès sont souvent le résultat des efforts et du dévouement d'une seule personne dynamique. Dans le cas où l'on envisage une structure coopérative, il est nécessaire de s'assurer que ses membres s'engagent fermement à la faire fonctionner convenablement.

Si avez à choisir une structure d'entreprise pour un projet qui relève d'un groupe ou d'une communauté, il sera nécessaire de prendre des décisions importantes en ce qui concerne la nature de cette entreprise; aussi, il est recommandé de consulter si possible un juriste, afin de s'assurer que les diverses options possibles sont clairement comprises.

Une des possibilités est de distribuer des parts à tous les participants, de façon assez similaire à ce que ferait une société cotée en bourse. A la fin de l'année, l'entreprise partagera les bénéfices en fonction du nombre et de la distribution des parts. Toutefois, dans ce cas, le droit des actionnaires de vendre leurs parts (et à qui) et la nécessité de leur participation active au projet doivent être établis dès le départ. Par exemple, si l'entreprise communautaire est utilisée pour commercialiser les produits provenant de quelques villageois seulement, il peut être important de prévoir que ces participants aient le droit d'augmenter le nombre de leurs parts comparées à celles des non participants.

B. Supervision et contrôle

Tout projet ou opération qui gère des ressources importantes et représente les intérêts de plus de deux personnes requiert la présence d'une sorte de conseil ou de comité de supervision. Bien sûr, la taille et la responsabilité d'un tel groupe dépondront de la dimension du projet.

Si un petit groupe de familles crée une entreprise utilisant cinq ouvriers, il ne sera pas nécessaire d'avoir un comité de direction de douze membres se réunissant chaque mois. Toutefois, même pour une petite entreprise, ou pour une entreprise n'ayant qu'une seule activité (par exemple, la vente des produits agricoles des membres de la famille), une certaine supervision est nécessaire. Si elle n'existe pas, l'entreprise court le risque que la personne qui l'administre utilise mal les fonds et les ressources.

Dans le cas de groupes relativement petits, il est possible que chacun puisse participer aux responsabilités de direction et au suivi général de l'activité.

Toutefois, lorsqu'il s'agit de groupes plus importants, il est nécessaire d'avoir recours à la formation d'un conseil ou d'un comité de pilotage. Un tel conseil nécessitera des statuts définissant des points tels que:

a) Le nombre de personnes constituant ce conseil. Nous recommandons un minimum de cinq et un maximum de huit à neuf personnes.

b) La durée du mandat de chaque membre du conseil. Cette durée peut ne pas être limitée, mais on considère généralement qu'une durée de deux à trois ans convient parfaitement.

c) Est-il nécessaire de définir les responsabilités du président, du secrétaire et du trésorier? Ceci n'est généralement pas recommandé, excepté pour les plus petits conseils.

d) La fréquence des réunions. Elles peuvent être mensuelles, tous les quatre mois ou même tous les six mois selon la dimension de l'entreprise et la complexité de ses activités.

e) La fréquence de la présentation du rapport du conseil aux autres membres. Il est recommandé qu'elle ait lieu une fois l'an.

La définition des modalités de supervision d'un projet peut être aussi importante en ce qui concerne ce qui ne doit pas être fait que ce qu'il doit être fait. Un conseil des directeurs ou un comité de supervision doit jouer un rôle important dans le contrôle des progrès d'un projet et dans les décisions stratégiques permettant ces progrès; ce n'est toutefois pas le lieu où les décisions de direction doivent être prises (et encore moins lorsque la supervision est la responsabilité de tous les participants). Beaucoup de projets ont échoué parce que des conseils et des comités de supervision ont empêché leur direction d'assurer ses pleines responsabilités.

En plus de définir la structure du conseil ou du comité de supervision, les statuts d'une société, d'une coopérative ou d'un groupe doivent spécifier les points suivants:

i. Les domaines de responsabilité du comité de direction:

ii) Domaines normalement 'en dehors' de la compétence du Comité de direction:

Il est important que le conseil ou le comité de pilotage permette au directeur de gérer l'activité selon ses propres critères, et qu'il n'essaie pas d'imposer ses décisions au quotidien. Si le comité n'a pas confiance en son directeur, il doit refuser de renouveler son contrat lorsque celui-ci arrive à terme et chercher un remplaçant. En revenant sur les décisions de la direction ou en les modifiant, il ne fait qu'affaiblir la capacité de la direction à faire fonctionner le projet de manière efficace.

Le comité ne doit intervenir directement dans les activités que lorsqu'il s'aperçoit (ou suspecte) que le directeur mène des activités coupables ou illégales, ou contraires à celles préalablement établies et autorisées par les directives. Même dans ce cas, il est recommandé que le conseil ou le comité de pilotage demande l'approbation d'une assemblée générale extraordinaire avant d'agir.

C. Gestion quotidienne

Lorsque la structure et le mandat du groupe de supervision et de contrôle ont été établis, les besoins concernant la direction et l'administration du projet doivent être définis.

Dans le cas de petits projets, une seule personne peut être responsable de ces deux domaines. Toutefois, ce serait une fausse économie que de donner toutes les responsabilités à une seule personne lorsque le projet génère des dépenses et des recettes importantes.

Une combinaison courante, dans le cas de petits projets, est celle d'un directeur général aidé d'un comptable. Cette deuxième personne peut aussi se charger des tâches de secrétariat. Dans les structures plus importantes, et selon le type d'activité, les différents postes suivants peuvent aider le directeur général. Un de ces postes peut être de la responsabilité particulière du directeur général:

Néanmoins, seules les sociétés importantes peuvent se permettre de remplir tous les postes décrits ci-dessus. Rappelez-vous que ces postes représentent des coûts fixes, en d'autres termes, des coûts qui doivent être payés quelque soit le volume de la production. De plus, bien que chaque personne supplémentaire au niveau de la direction n'ait pas d'impact direct sur le volume de la production, elle contribue à accroître les frais généraux (téléphone, équipement de bureau, espace de bureau, etc.). Aussi doit-on être très prudent avant de décider de mettre en place une équipe de direction importante.

Parmi ses responsabilités, le directeur général doit déléguer à ses assistants les tâches suivantes:

D. Assistance technique et aide à l'encadrement

Les exigences en matière de direction et d'administration d'une activité commerciale ou d'une autre activité rurale dépassent souvent les capacités et l'expérience des promoteurs du projet. Trois types d'assistance extérieure peuvent apporter un appui dans ce domaine. Un projet peut nécessiter un ou plusieurs type(s) d'assistance parmi les suivants, au cours de ses premières années d'activité:

1. Directeurs professionnels à plein temps

Cette option est recommandée lorsqu'il s'agit d'une opération complexe ou lorsque les activités techniques sont exigeantes et que les participants ont peu d'expérience antérieure. Les opérations de transformation alimentaire telles que la production de fromages et de jus de fruit sont des exemples courants d'activités pour lesquelles la mauvaise qualité ne peut être tolérée. Il est rare, sauf dans le cas des projets importants, qu'il soit nécessaire de faire appel à plus d'un directeur venant de l'extérieur.

Dans quelques cas, il se peut que la communauté ou les investisseurs aient des capacités techniques, mais pas de compétences administratives, ou que la commercialisation nécessite un expert hautement qualifié. Aussi, ce n'est pas toujours le poste de directeur général qui doit être pourvu: un comptable extérieur, un responsable de la production ou des ventes peuvent se révéler être plus précieux encore.

Lorsque l'on a recours à un directeur externe, il est recommandé que son contrat soit suffisamment long pour permettre d'établir les activités sur une base solide. Ce contrat peut avoir une durée minimum de deux à trois ans, avec la possibilité de terminer l'engagement plus tôt, au cas où l'investissement ne permettrait pas d'atteindre les volumes ou les ventes prévus, ou encore d'autres indicateurs. De plus, il doit être clair dès le départ qu'il ne s'agit pas là d'un poste permanent et que le directeur devra former un ou plusieurs assistants parmi les membres de la communauté ou du groupe pour pouvoir le remplacer.

En plus de la possibilité de terminer le contrat avant la date prévue, nous suggérons que la rémunération du travail (salaire, primes) soit liée aux performances de l'activité. Par exemple, un salaire de base moyen plus une participation annuelle aux bénéfices lui permettra d'avoir de bons revenus si le projet marche bien.

Le coût d'un directeur ayant de l'expérience et de bons résultats peut être élevé. Il s'avère parfois impossible d'en engager un pour un petit projet, pour lequel le chiffre d'affaire serait insuffisant pour à la fois couvrir son coût et laisser des profits aux propriétaires/participants. Un directeur à plein temps ne pourra pas être embauché pour des investissements sociaux ou environnementaux (qui génèrent peu ou pas de revenus) sauf si une ONG, un bailleur de fonds international ou une institution publique garantit le financement de ce poste.

2. Consultant en gestion d'entreprise et administration

Dans les cas où la dimension et la complexité des opérations ne justifient pas l'embauche d'experts à plein temps, il est judicieux de prévoir des consultations périodiques ou des services de conseil. Dans le cas des investissements de petite et de moyenne importance, cette assistance peut être bénéfique dans les domaines suivants:

Que ce dernier service soit disponible, utilisé, ou non, il est très utile d'être en contact avec quelqu'un qui puisse être contacté par téléphone en cas d'urgence, pour conseiller le directeur sur la façon d'évaluer un problème et de lui dire là où il peut trouver de l'aide, si nécessaire. La solution idéale est que la personne qui aide à l'évaluation de l'investissement, c'est-à-dire, la personne qui a mis en place RuralInvest, reste en contact avec les investisseurs après la phase de formulation afin de les aider dans tous les domaines nécessaires.

3. Acquisition des compétences et formation

Sauf pour les petits investissements, il est rare qu'un projet ne nécessite pas de formation. Dans la sous-section précédente, nous avons analysé les domaines pour lesquels il est souvent nécessaire de renforcer les compétences du personnel du projet, en particulier en matière de système comptable, contrôle financier, marketing et vente, et planification stratégique. Il peut être aussi nécessaire de former les techniciens en matière de procédés de production, de conditionnement, de contrôle de qualité et de gestion des intrants et des produits finis.

Il est en général nécessaire que les formations soient conduites avant le démarrage du projet. Dans certains cas, il est préférable de mettre au départ l'accent sur les formations dans les domaines les plus critiques au démarrage des activités. Des formations dans des domaines tels que la planification stratégique ou le contrôle des inventaires peuvent être reportées à plus tard.

Lors de la programmation des activités de formation, il est bon de se rappeler que quelques-unes des personnes formées ne seront peut-être pas disponibles dans l'avenir, soit parce qu'elles quitteront leur travail, parce qu'elles seront malades ou simplement en congé. Aussi est-il particulièrement recommandé, lorsque les finances et la programmation le permettent, d'envoyer deux ou même trois personnes suivre chaque formation extérieure, pour être sûr d'avoir à sa disposition une deuxième personne en cas de besoin.

Comme dans le cas de l'assistance technique, il est souvent possible de trouver des fonds pour financer, ou au moins pour subventionner partiellement, le coût de la formation du personnel des petits investissements. Au cas où le groupe proposant l'investissement n'a pas de contact avec une institution d'appui disposant de ce type de fonds, il est recommandé qu'il approche le Ministère de l'agriculture, du développement rural ou de l'économie ou des ONG actives dans le développement rural, afin de trouver des sources de financement.


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