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4. PRATIQUES ACTUELLES DE LA COMMISSION DU CODEX ALIMENTARIUS ET DES COMITÉS D'EXPERTS CONNEXES

L'analyse des risques est du ressort d'un certain nombre d'organismes différents au sein du système Codex. Certains d'entre eux sont des organes subsidiaires de la CAC, notamment les comités du Codex sur les additifs alimentaires et les contaminants, les résidus de pesticides, les résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments, l'hygiène alimentaire, l'hygiène de la viande, les systèmes d'inspection et de certification des importations et des exportations alimentaires, la nutrition et les aliments diététiques ou de régime. Il s'agit là d'organismes intergouvernementaux qui ont pour mission de préparer des projets de normes, lignes directrices et recommandations qui sont ensuite soumis à l'examen de la CAC.

La contribution scientifique au processus de décision du Codex est généralement assurée par des groupes d'experts indépendants, notamment le Comité mixte FAO/OMS d'experts des additifs alimentaires (JECFA) en ce qui concerne les additifs, les contaminants chimiques et les résidus de médicaments vétérinaires, et la Réunion conjointe FAO/OMS sur les résidus de pesticides (JMPR) pour les résidus de pesticides. Les comités du Codex prennent aussi de temps à autre l'avis d'autres organes extérieurs au système Codex, par exemple la Commission internationale pour la définition des caractéristiques microbiologiques des aliments (ICMSF).

Les questions relatives à la gestion des risques sont normalement examinées au sein des comités du Codex, mais en de rares occasions, le JECFA a formulé des recommandations dans ce domaine. La communication des risques est généralement assurée par les comités du Codex, les Etats Membres et des organisations non gouvernementales (ONG). Pour étudier le processus d'analyse des risques au sein du Codex il peut être commode de distinguer cinq domaines différents :

- les additifs alimentaires;

- les contaminants chimiques;

- les résidus de pesticides;

- les résidus de médicaments vétérinaires;

- les agents biologiques.

Pour décrire les usages actuellement en vigueur au sein du système Codex, on a utilisé la terminologie de l'évaluation des risques, telle qu'elle a été définie par la Consultation, tout en reconnaissant que dans certains cas les activités d'évaluation des risques du Codex sont incomplètes ou ne correspondent pas à ces définitions.

4.1 Additifs alimentaires

Pour les additifs alimentaires, la procédure d'analyse des risques est généralement lancée par le Comité du Codex sur les additifs alimentaires et les contaminants (CCFAC) lorsqu'il propose des additifs au JECFA en vue de leur évaluation. Cette procédure peut également être déclenchée à la suite de demandes adressées directement par les Etats Membres à la FAO ou à l'OMS. La procédure d'évaluation commence par l'étape d'identification des dangers.

Le JECFA procède à l'évaluation toxicologique des additifs alimentaires., Cela le conduit normalement à estimer la quantité d'additif, exprimée en fonction du poids corporel, qui peut être ingérée quotidiennement durant toute la vie sans risque appréciable pour la santé (risque théoriquement égal à zéro). Cette quantité est appelée la DJA. Pour établir la DJA, on applique un facteur de sécurité à la dose sans effet observé (DSEO) déterminée chez l'espèce animale la plus appropriée, c'est-à-dire en général la plus sensible (OMS, 1987). Le JECFA ne cherche pas à quantifier le risque correspondant à la DJA, mais conclut que celui-ci est si faible qu'il peut être tenu pour négligeable du point de vue de la santé publique. On peut considérer que l'évaluation toxicologique constitue essentiellement l'étape de caractérisation des dangers.

Il est des circonstances où le JECFA estime que l'utilisation d'une DJA numérique ne convient pas. Ce cas se présente lorsqu'il apparaît que la consommation estimée de l'additif sera bien inférieure à toute limite numérique qui devrait normalement lui être attribuée. Dans ces circonstances, le JECFA emploie l'expression "DJA non spécifiée". Cette expression signifie que, compte tenu des données disponibles (chimiques, biochimiques, toxicologiques et autres), l'apport journalier total de la substance, du fait de son utilisation aux concentrations nécessaires pour obtenir l'effet souhaité et de son niveau de fond admissible dans les aliments, ne constitue pas, de l'avis du comité, un danger pour la santé. Pour cette raison et pour les raisons indiquées lors des évaluations individuelles, l'établissement d'une DJA numérique n'est pas jugé nécessaire.

Une fois que le JECFA a recommandé une DJA pour un additif, le CCFAC est en mesure d'approuver l'utilisation de l'additif dans certains aliments à des concentrations définies. Les propositions concernant une telle utilisation et les concentrations autorisées émanent souvent des comités du Codex chargés des produits en cause. Le niveau d'utilisation est fondé sur la quantité nécessaire pour obtenir l'effet technologique souhaité dans un aliment déterminé. Jusqu'à une date récente, le CCFAC a adopté une approche ad hoc, produit par produit, sans considérer l'utilisation générale de l'additif. Toutefois, il met actuellement au point une norme générale pour les additifs alimentaires (GSFA) couvrant leur utilisation dans toutes les denrées alimentaires. Un groupe de travail ad hoc du CCFAC s'est également penché sur la question de l'absorption des additifs alimentaires.

Dans le système actuel, l'exposition totale potentielle à un additif tient peu de place dans la détermination de son niveau d'utilisation. Toutefois, l'approche recommandée pour l'élaboration du GSFA prévoit la prise en compte de l'évaluation de l'exposition.

4.2 Contaminants chimiques

Dans le présent rapport, on entend par contaminants chimiques les contaminants industriels et environnementaux (comme les métaux lourds ou les organo-halogénés persistants) et les produits toxiques naturels (par exemple les mycotoxines).

Dans le système du Codex, l'analyse des risques dus aux contaminants chimiques est normalement entreprise par le CCFAC, mais elle peut aussi l'être à l'initiative des pays membres comme dans le cas des additifs. Elle constitue l'étape d'identification des danger.

L'évaluation toxicologique est effectuée par le JECFA. Normalement, elle se traduit par l'estimation d'une dose hebdomadaire tolérable provisoire (DHTP) ou d'une dose journalière tolérable maximale provisoire (DJTMP). Cette estimation constitue l'étape de caractérisation des dangers. Comme dans le cas de la DJA (voir 4.1 Additifs alimentaires), il s'agit d'une estimation de la quantité dont l'absorption est associée à un risque négligeable pour la santé. Alors que la DJA sert à déterminer la quantité d'additif acceptable pour répondre à certains besoins technologiques, les contaminants présents à l'état de traces n'ont aucune fonction utile, de sorte que dans ce cas, le terme "tolérable" a été jugé plus approprié que le terme "admissible". Cela signifie que l'absorption des contaminants inévitablement associés à la consommation d'aliments par ailleurs sains et nutritifs est tolérée plutôt qu'acceptable. Selon cette convention, la dose tolérable est exprimée sur une base hebdomadaire lorsqu'il s'agit d'un contaminant qui peut s'accumuler dans l'organisme avec le temps. Pour les contaminants qui ne semblent pas s'accumuler dans l'organisme, comme l'étain, l'arsenic et le styrène on utilise la DJTMP. Le qualificatif "provisoire" indique qu'il s'agit d'une évaluation indicative, compte tenu de la rareté des données disponibles sur les conséquences de l'exposition humaine à des concentrations proches de celles auxquelles s'intéresse le JECFA. Comme dans le cas des additifs, ces limites sont fondées sur la détermination de la DSEO à laquelle est appliqué un facteur de sécurité. La méthode part de l'hypothèse qu'il existe un seuil au-dessous duquel aucun effet secondaire significatif ne se produit. Dans les cas où l'on considère qu'il n'existe pas de seuil (par exemple pour des contaminants comme les aflatoxines, qui sont des cancérogènes génotoxiques), le JECFA n'établit pas de DHTP ni de DJTMP, mais il recommande que la concentration du contaminant en cause dans les aliments soit réduite au niveau le plus bas raisonnablement réalisable (ALARA). Ce niveau, qui peut être considéré comme irréductible, est par définition la concentration d'une substance qui ne peut être éliminée sans entraîner le rejet pur et simple d'un aliment ou sans compromettre gravement la disponibilité d'une source importante de nourriture.

La question de l'établissement de concentrations maximales de contaminants chimiques dans les aliments est examinée par le CCFAC en consultation avec les comités du Codex spécialisés dans les différents produits. Des évaluations de l'exposition aux contaminants ont été effectuées par le JECFA, le CCFAC et GEMS/Food, ainsi que par des organismes nationaux. Ces évaluations ont été utilisées pour établir les concentrations maximales du Codex ou, dans certains cas, des valeurs guides. Le CCFAC travaille actuellement à la mise au point d'une norme générale pour les contaminants (GSC) fondée sur les principes de l'évaluation et de la gestion des risques, qui servira de cadre pour l'application des résultats de l'évaluation de l'exposition lors de l'établissement de normes.

4.3 Résidus de pesticides

La procédure d'analyse des risques dus à la présence de résidus de pesticides est généralement entreprise par le Comité du Codex sur les résidus de pesticides (CCPR) lorsqu'il propose au JMPR d'évaluer un pesticide déterminé. Ce processus peut aussi être parfois déclenché à la suite d'une demande directe adressée par un pays membre ou l'industrie à la FAO ou à l'OMS. Le CCPR a également établi des procédures pour la réévaluation de certains pesticides.

La JMPR procède à l'évaluation toxicologique des résidus de pesticides, ce qui se traduit normalement par l'établissement d'une DJA (OMS, 1990). En outre, la JMPR propose des limites maximales de résidus (LMR) pour certains pesticides dans ou sur un produit donné. Ces LMR se fondent principalement sur les niveaux de résidus déterminés à l'occasion d'essais contrôlés sur le terrain, au cours desquels le pesticide est utilisé conformément aux bonnes pratiques agricoles (BPA).

A partir des LMR, il est possible de faire une estimation préliminaire de l'exposition et de la comparer à la DJA (GEMS/Food, 1990). Actuellement, GEMS/Food calcule la dose journalière maximale théorique (DJMT) en se fondant sur la LMR et la consommation estimée du produit basée sur un régime alimentaire mondial. Ce calcul conduit à surestimer largement l'exposition, mais il est effectué à des fins de criblage préliminaire. Si la DJMT dépasse la DJA, on calcule une dose journalière maximale estimée (DJME) en tenant compte du régime alimentaire mondial et des régimes régionaux et en introduisant éventuellement des facteurs de correction pour améliorer la précision de l'estimation. Par exemple, des données sur la proportion comestible de l'aliment et sur l'influence des traitements subis par celui-ci sur les résidus peuvent être prises en compte. GEMS/Food recueille également des données sur l'exposition réelle aux pesticides, mais ces données se limitent principalement aux pays développés et sont souvent difficilement comparables (GEMS/Food, 1988, 1992).

Le CCPR examine ensuite les DJA et LMR recommandées par la JMPR; parfois, les LMR sont modifiées avant d'être transmises à la CAC pour adoption. Le CCPR évalue aussi l'exposition par diverses méthodes. Lorsque les premières estimations indiquent que la DJA risque d'être dépassée, les quantités consommées sont calculées de façon plus précise à l'aide des données de consommation nationales et à partir des informations fournies par les programmes de contrôle des résidus de pesticides.

4.4 Résidus de médicaments vétérinaires

L'analyse des risques présentés par les résidus de médicaments vétérinaires est normalement entreprise par le Comité du Codex sur les résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments (CCRVDF). Parfois aussi, elle peut être déclenchée par une demande directe adressée par un Etat Membre à la FAO ou à l'OMS. Cette analyse constitue l'étape d'identification des dangers.

Le JECFA procède à l'évaluation toxicologique des médicaments vétérinaires, pour lesquels il établit normalement une DJA de la même façon que pour les additifs alimentaires. En général, il utilise la DSEO chez l'animal le plus sensible. Toutefois, le critère servant à établir la DJA peut être l'activité antimicrobienne lorsque les résidus d'un médicament vétérinaire antimicrobien ingéré avec un aliment peuvent déséquilibrer la flore intestinale et avoir une incidence sur la santé de l'homme. L'établissement de la DJA constitue l'étape de caractérisation des dangers.

Le JECFA estime aussi l'absorption potentielle de résidus de médicaments vétérinaires à partir d'hypothèses standard concernant la consommation de produits comestibles d'origine animale, comme la viande et le lait, et il propose des LMR compatibles avec les bonnes pratiques d'utilisation des médicaments vétérinaires (BPUMV). Ces estimations sont comparées aux DJA. Ceci constitue l'étape de caractérisation du risque.

Les LMR proposées par le JECFA sont soumises aux gouvernements par le CCRVDF, dont le rôle principal est de recommander officiellement les LMR. Le CCRVDF n'examine pas en détail les questions scientifiques, mais les différentes possibilités de gestion des risques peuvent être considérées à la lumière des observations des gouvernements.

4.5 Agents biologiques

Les agents biologiques (bactéries, virus, helminthes, etc.) n'ont pas fait l'objet d'une analyse systématique des risques par la CAC. Cependant, des études au cas par cas ont été effectuées sur certains aliments lorsqu'on a constaté qu'ils pouvaient contenir des agents pathogènes présentant un risque pour la santé publique et le commerce international. Depuis le milieu des années 1970, le Comité du Codex sur l'hygiène alimentaire (CCFH) adopte une approche qualitative pour identifier les dangers d'origine alimentaire. Pour cela, il utilise principalement les descriptions qualitatives des risques proposées par l'ICMSF, qu'il applique à des aliments associés à l'apparition de flambées d'intoxication ou pour lesquels une telle association a été établie dans le passé. Les recommandations du CCFH se présentent sous la forme de codes d'usages en matière d'hygiène, souvent complétés par des spécifications microbiologiques indicatives servant à vérifier que les méthodes de contrôle décrites dans le code ont été exécutées correctement. Les spécifications relatives aux produits finis ont été jugées particulièrement utiles pour l'examen des produits d'origine inconnue. Les codes d'usages en matière d'hygiène ont été souvent mis au point en consultation avec les comités de produits du Codex.

L'hygiène de la viande a également fait l'objet d'une approche spécifique par produit de la part du Comité du Codex sur l'hygiène de la viande (CCMH). Toutefois, une approche très différente, fondée sur l'évaluation des risques, a été utilisée pour mettre au point les codes d'usages ne matière d'hygiène, et notamment le code pour l'évaluation avant et après l'abattage et l'inspection après abattage des viandes.

Plus récemment, le CCFH a examiné les problèmes posés par la présence de certains pathogènes, comme Listeria monocytogenes, dans les aliments. Bien que cet examen n'ait pas encore débouché sur l'élaboration de recommandations pour la lutte contre ces micro-organismes, les premières mesures ont été prises en vue d'établir une approche fondée sur l'évaluation des risques pour l'élaboration de recommandations internationales.

Le texte du Codex sur le système HACCP (analyse des risques - points critiques pour leur maîtrise), élaboré par le CCFH, prévoit un processus de prise de décision fondé sur l'évaluation des risques pour identifier les dangers significatifs en différents points de la chaîne de transformation des aliments et pour établir des limites en certains points critiques pour la maîtrise de ces dangers. Ce système est en cours d'intégration dans les principes généraux révisés d'hygiène alimentaire et sera appliqué aux autres codes d'usages en matière d'hygiène qui existent déjà.

4.6 Autres comités du Codex

Le Comité du Codex sur les systèmes d'inspection et de certification des importations et des exportations alimentaires (CCFICS) a confirmé que des méthodes fondées sur l'évaluation des risques seraient utilisées lors de l'établissement de systèmes nationaux d'inspection des aliments importés. Ces approches seront davantage axées sur la résolution des problèmes et assureront une meilleure protection des consommateurs que les systèmes fondés uniquement sur des inspections aléatoires. Il reste cependant à mettre au point des protocoles détaillés.


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