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4. CARACTÉRISATION DES DANGERS


4.1 Populations à risque

Bien que E. sakazakii ait été une cause de maladie dans tous les groupes d'âge, la répartition par âge des cas signalés a permis d'établir qu'un groupe particulièrement à risque est celui des nourrissons (enfants < 1 an). Parmi eux, les nourrissons immunodéprimés et les nouveau-nés (£ 28 jours) sont considérés comme étant les plus à risque, notamment les nouveau-nés de faible poids de naissance (< 2 500 g selon l'OMS [1994]). Les nourrissons de mères séropositives constituent également un sujet de préoccupation, car ils peuvent avoir expressément besoin de préparations pour nourrissons[11] et être plus sensibles aux infections.

Aux États-Unis, l'enquête FoodNet 2002 (C. Braden, communication personnelle, 2004) a estimé que le taux d'infection à E. sakazakii chez les nourrissons (obtenu en isolant l'organisme à partir de sites stériles uniquement) était de 1 pour 100 000, alors que chez les nouveau-nés de faible poids de naissance ce taux était de 8,7 pour 100 000.

Une analyse des cas d'infection chez les nourrissons (notamment à partir d'enquêtes sur les flambées infectieuses) signalés dans les publications scientifiques en langue anglaise produites entre 1961 et 2003, a permis de constater que 25 cas de maladies dues à E. sakazakii sur 48 (soit 52 pour cent) concernaient des nourrissons de faible poids de naissance. Bien que ces données ne permettent pas d'établir avec certitude l'existence d'un risque plus important, elles confirment certainement la conclusion que les nouveau-nés de faible poids de naissance constituent un groupe à haut risque quant aux maladies causées par E. sakazakii.

Une observation courante est que l'âge des patients atteints de salmonellose suit une distribution bimodale avec des sommets chez les enfants et les personnes âgées. Les raisons d'un excès relatif de cas chez les très jeunes tiennent notamment à une plus grande vulnérabilité à la première exposition ou à une probabilité majeure pour les très jeunes de faire l'objet de soins médicaux, ces derniers étant également plus susceptibles d'être soumis des tests que d'autres groupes d'âge. Quelle que soit leur vulnérabilité, une fois infectés, les nourrissons (et surtout les nourrissons médicalement immunodéprimés) risquent davantage de subir des conséquences graves, voire mortelles, de la salmonellose. Les nourrissons nourris au sein sont moins susceptibles d'être infectés par Salmonella. Dans une étude cas-témoin pour l'identification des facteurs de risque pour la salmonellose sporadique, les patients-cas étaient 44,5 fois plus susceptibles d'avoir une alimentation liquide sans lait maternel et 13,2 fois plus susceptibles de résider dans un foyer dont un membre était atteint de diarrhée (Rowe et autres, 2004).

4.2 Dose-Réponse

En raison des informations limitées dont on dispose sur E. sakazakii, concernant notamment le nombre d'organismes auxquels les patients malades étaient exposés, il n'a pas été possible d'élaborer une courbe dose-réponse pour ce pathogène. Aux fins d'une évaluation des risques, une estimation sûre de l'infectivité par organisme (valeur r du modèle exponentiel) basée sur certaines valeurs prévisionnelles peut être faite, en partant de l'hypothèse que toutes les portions infectées ne contiennent qu'un seul organisme. Comme il y aura une croissance, il s'agira toujours d'une valeur de sécurité tandis que la valeur réelle sera un chiffre encore inférieur.

Aux Pays-Bas, dix cas d'infections à E. sakazakii chez les nourrissons ont été signalés en 40 ans (1). Au total, on enregistre dans ce pays 12 500 naissances par million d'habitants et par an. Selon les estimations, 2 pour cent de ces bébés avaient à la naissance un poids inférieur à 2 000g, soit 250 nouveau-nés de 2 000g ou moins par million d'habitants et par an. Il convient de noter que ces hypothèses reposent sur les informations spécifiques disponibles dans les pays et que le nombre des nouveau-nés de faible poids de naissance variera d'un pays à l'autre. En outre, on considère généralement comme des bébés de faible poids de naissance ceux dont le poids est égal ou inférieur à 2 500 g.

Étant donné que les préparations en poudre pour nourrissons constituent une source nutritionnelle pour bon nombre de nourrissons à risque, les portions consommées sont très nombreuses. Il existe de ce fait une petite possibilité qu'un ou plusieurs organismes présents dans les préparations en poudre reconstituées puissent être la cause de maladies. Il a été supposé qu'un bébé est alimenté 300 fois en un mois et que dans le cycle de vie d'un nourrisson la période à risque est d'un mois. Au niveau de la population, si l'on estime que 250 bébés par million d'habitants et par an ont un poids égal ou inférieur à 2 000g, 75 000 repas (250 bébés multipliés par 300 repas) sont consommés. Ainsi, aux Pays-Bas, en l'espace de 40 ans, 45 millions de repas ont été consommés par des bébés de 2000 g, soit 75 000 (repas par an par million d'habitants) x 40 (nombre d'années) x 15 (millions d'habitants).

La probabilité (P) d'infection est égale au nombre de cas/nombre d'expositions à un organisme. Pour l'approximation de la relation dose-réponse à de faibles doses, P = rD, r indiquant l'infectivité par organisme et D la dose ou la quantité d'organisme ingérée. Comme il est supposé que tous les repas infectés ne contiennent qu'un seul organisme, D = 1. De ce fait, P = r*1, ce qui est égal au nombre de cas/nombre d'expositions à un seul organisme. Donc, r = nombre de cas/nombre d'expositions à un seul organisme. Si la probabilité qu'un organisme soit présent dans le repas est de 0,025 (prévalence), le nombre des repas contaminés consommés en 40 ans par des bébés de poids égal ou inférieur à 2 000 g dans ce pays, c'est-à-dire le nombre d'expositions à un seul organisme, est estimé à 45 000 000 x 0,025 = 1 125 000 (2). Comme indiqué plus haut, le nombre de cas enregistrés dans le pays en 40 ans est de 10 (1). La valeur r est alors calculée comme suit:

(1)/(2) = 10/1 125 000 = 8,9 x 10-6

Cette valeur repose sur un calcul utilisant des valeurs données telles que l'infectivité est surestimée. Si la dose est inférieure à 10 000, on peut supposer que "1-exp(rD) = (-rD)" et que l'effet de dose est dans l'échelle linéaire.

Pagotto et autres (2003) n'ont décelé que 2 souches infectieuses létales, sur 18, pour un souriceau nouveau-né par voie buccale, avec la mort d'un souriceau sur 4 à une dose de 107 ufc/souris. Cela donne (pour les souches infectieuses) une valeur r de 2,5 x 10-8 (0,25 x 10-7), ce qui signifie que toutes les doses inférieures à 107 auront probablement un comportement linéaire.

Sur la base de ces deux estimations, on peut conclure que la meilleure hypothèse est une relation dose-réponse linéaire à de faibles doses, mais la base de ces deux nombres n'est bien entendu pas assez solide pour en tirer une valeur du paramètre dose-réponse qui soit applicable aux nouveau-nés humains.


[11] Les directives des Nations Unies pour ces nourrissons recommandent d'éviter l'allaitement maternel lorsqu'une alimentation de remplacement est acceptable, possible, sûre et durablement disponible à un prix abordable, les préparations en poudre pour nourrissons pouvant alors représenter une telle solution de remplacement.

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