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5. ÉVALUATION DE L'EXPOSITION


5.1 Exposition aux préparations pour nourrissons/taux d'alimentation au lait maternel

Il est impossible d'estimer au niveau mondial le pourcentage des enfants qui reçoivent l'un des produits examinés. Cela est dû d'une part aux taux variables de l'allaitement maternel dans les diverses populations et d'autre part, à la disponibilité des produits dans les différentes régions du monde.

Les taux d'alimentation exclusive au sein diffèrent d'un pays à l'autre. Dans les pays scandinaves, par exemple, 95 pour cent des bébés sont nourris au sein dès la naissance et à 6 mois d'âge près de 75 pour cent d'entre eux sont encore allaités au lait maternel. Dans d'autres pays d'Europe, les taux d'allaitement maternel à la naissance sont inférieurs à 30 pour cent, jusqu'à disparition quasi totale de l'alimentation exclusive au sein à l'âge de six mois. Les données disponibles concernant les taux et l'exclusivité de l'alimentation au lait maternel en Australie en 1995 (Donath et Amir, 2000) et en Allemagne en 1997/98 (Kersting et Dulon, 2002) permettent d'effectuer une estimation par tranche d'âge du pourcentage des nourrissons exposés aux préparations pour nourrissons (tableau 1).

Les préparations pour nourrissons peuvent être une source directe, une source indirecte (en contribuant à un réservoir de E. sakazakii dans l'environnement) et/ou un vecteur de maladies dues à E. sakazakii; elles peuvent aussi n'être ni la source, ni le vecteur de maladies dues à E. sakazakii. La réunion a estimé, sur la base des informations disponibles, que dans 50 à 80 pour cent des cas, les préparations en poudre pour nourrissons sont à la fois le vecteur et la source (directe ou indirecte) de maladies dues à E. sakazakii. Pour estimer la proportion des cas dus aux préparations en poudre pour nourrissons par rapport à certaines autres sources, la réunion a examiné des données de 2003 provenant des États-Unis (C. Braden, communication personnelle, 2004). Concernant les cas sporadiques de septicémie et de méningite à E. sakazakii, six cas sur sept avaient été exposés à des préparations en poudre pour nourrissons; dans le cas restant, l'exposition n'était pas claire. Ces préparations étaient donc une source potentielle pour au moins 85 pour cent de ces cas. Une étude de 48 cas d'infection à E. sakazakii signalés dans les publications scientifiques en langue anglaise à partir de 1961, a révélé que 25 cas au moins (52 pour cent) étaient directement liés aux préparations en poudre pour nourrissons.

Tableau 1. Pourcentage estimatif des nourrissons (à terme et en bonne santé) exposés à des préparations en poudre pour nourrissons ou à des préparations de suite en Australie et en Allemagne.

Âge

Australie, 1995
(Donath et Amir, 2000)
n = 2874

Allemagne, 1997/98
(Kersting et Dulon, 2002)
n = 1717

1 mois

29%

-

2 mois

-

42%

3 mois

40%

-

4 mois

-

51%

6 mois

57%

61%

Les préparations en poudre reconstituées sont sans doute un vecteur courant de transmission de Salmonella aux nourrissons, considérant la place importante qu'elles occupent dans l'alimentation des nouveau-nés, mais il est plus probable que leur contamination intervienne au niveau du préparateur ou du milieu de préparation, plutôt qu'à celui du processus de fabrication. Une contamination intrinsèque des préparations en poudre pour nourrissons responsable de flambées infectieuses peut se produire, mais les cas sont plutôt rares. La réunion a donc estimé que la plupart des cas de salmonellose chez les nourrissons n'étaient probablement pas dus à une contamination intrinsèque des préparations en poudre. Les maladies dérivant de la contamination des préparations en poudre pour nourrissons par des sérotypes rares sont susceptibles d'être décelées plus aisément. Comme indiqué plus haut (section 2.1.2), il serait difficile de déceler des flambées ou des sources spécifiques de salmonellose dues à des sérotypes courants en cas d'incidence accrue d'une maladie générale.

5.2 Pays en développement

L'on manque d'informations concernant la contamination des préparations en poudre pour nourrissons vendues dans les pays en développement, tandis qu'aucune surveillance des maladies résultant de la consommation de préparations en poudre contaminées n'a été mise en place dans les pays en développement. Toutefois, même en l'absence d'études visant à établir la contamination des produits utilisés dans ces pays, les risques potentiels d'une contamination ne peuvent être écartés sachant que des rapports émanant de divers pays développés ont montré que certains lots de préparations en poudre pour nourrissons sont contaminés. De nombreux pays en développement importent des préparations en poudre pour nourrissons produites dans les établissements de transformation d'un petit nombre de pays, par exemple le Bangladesh. L'incidence et les niveaux de E. sakazakii sont probablement les mêmes que dans les produits analysés dans les pays exportateurs d'origine et signalés dans les enquêtes publiées. Les niveaux devraient rester stables pendant le transport et la distribution.

Dans bien des pays en développement, la proportion des sous-populations spéciales de nourrissons de faible poids de naissance et de nouveau-nés de mères séropositives est plus élevée que dans les pays développés; dans de telles conditions, le recours aux préparations en poudre pour nourrissons peut donc être en hausse. L'augmentation de la demande de préparations en poudre pour nourrissons découle de la recommandation d'éviter tout allaitement par une mère VIH-positive - lorsque l'alimentation de remplacement est acceptable, possible, sûre et durablement disponible à un prix abordable (OMS, 2001). Les produits d'enrichissement du lait maternel sont nécessaires pour couvrir les besoins nutritionnels des nourrissons de très faible poids de naissance. Lorsque la mère est dans l'incapacité d'allaiter ou choisi de ne pas le faire pour une raison quelconque, il peut être nécessaire de recourir à des préparations spéciales en poudre pour l'alimentation des nourrissons de faible poids de naissance. Des études contrôlées doivent donc être conduites pour évaluer l'ampleur des risques associés aux préparations en poudre contaminées dans les pays en développement.

5.3 Aspects microbiens de la fabrication et de l'utilisation de préparations en poudre pour nourrissons

Selon les experts américains et européens du secteur, les préparations en poudre pour nourrissons peuvent être fabriquées de différentes façons. Un diagramme de flux de la production et de l'utilisation de ces produits met en lumière les points auxquels ceux-ci sont susceptibles d'une contamination microbienne (figure 2).

Figure 2. Diagramme de flux pour la production et l'utilisation des préparations en poudre pour nourrissons. L'étape thermique au cours du mélange humide devrait assurer l'élimination effective des entérobactéries.

* = sites potentiels de contamination environnementale

5.3.1 Fabrication

Il existe trois types de procédé pour la fabrication des préparations déshydratées pour nourrissons:

a. Mélange d'ingrédients liquides: tous les ingrédients sont traités à l'état liquide puis thermiquement (point critique pour la maîtrise [CCP]), par exemple pasteurisés ou stérilisés, et enfin déshydratés.

b. Mélange d'ingrédients secs: les ingrédients sont préparés individuellement, traités thermiquement s'il y a lieu, déshydratés et enfin mélangés à sec.

c. Procédé mixte: une partie des ingrédients font l'objet du procédé a), afin d'obtenir une poudre de base à laquelle le reste des ingrédients est ensuite ajouté conformément au procédé b).

5.3.2 Contrôle de la qualité des ingrédients

Les principaux aspects microbiologiques constituant actuellement un problème de santé publique, associés aux préparations en poudre pour nourrissons, sont liés à la présence de Salmonella et d'autres entérobactéries (coliformes), y compris E. sakazakii. La présence de ces microorganismes peut être déterminée par:

Il faut souligner que les ingrédients mélangés à sec ne sont pas "bruts"; ils sont transformés par les fournisseurs pour satisfaire aux mêmes exigences que prévu pour les préparations en poudre pour nourrissons finies. La présence d'entérobactéries est due à une recontamination postérieure au traitement thermique. Les résultats d'une enquête non publiée sur les industries, concernant les ingrédients, sont récapitulés au tableau 2 (J.L. Cordier, communication personnelle, 2004). Pour s'assurer de la qualité microbiologique des ingrédients, divers facteurs doivent être pris en compte:

5.3.3 Traitement

Les préparations en poudre pour nourrissons sont produites à partir d'ingrédients tels que: lait, produits dérivés du lait, isolats de protéines de soja, glucides, matières grasses, minéraux, vitamines et certains additifs alimentaires. Ces ingrédients, sous forme liquide ou en poudre, sont généralement mélangés avec de l'eau pour obtenir un mélange liquide qui est ensuite déshydraté et réduit en poudre (aw£0,3) dans de grandes tours de séchage. Avant la dessiccation, le mélange liquide est chauffé (pasteurisé à 71,6°C pendant 15 secondes ou à 74,4°C pendant 25 secondes [pour les produits contenant des amidons ou des épaississants], ou à des températures supérieures [par exemple, à 105°-125°C pendant au moins 5 secondes]), homogénéisé, évaporé dans certains cas et parfois stocké dans de grandes cuves réfrigérées. Les vitamines sont ajoutées juste avant la dessiccation. Pendant l'opération de séchage, le mélange liquide est chauffé à environ 82°C, puis pompé sous forte pression vers des buses de pulvérisation ou un atomiseur installés dans une vaste chambre à dessiccation dans laquelle on insuffle de l'air filtré, à haute température. La température de l'air insufflé oscille entre 135° et 204°C, tandis que la température de sortie se situe entre 45° et 80°C. Le mélange liquide est séché presque instantanément au contact de l'air chaud et la poudre ainsi obtenue se dépose au fond de la tour de séchage où elle peut être collectée. Une autre possibilité consiste à recueillir la poudre dans l'air d'évacuation à l'aide de collecteurs à cyclone ou de filtres à manche. La poudre passe alors de la chambre à dessiccation à un sécheur à lit fluidisé où elle est refroidie rapidement à moins de 38°C à l'aide d'air froid sur filtre à très haute efficacité (HEPA) > EU 10.[12] Elle est ensuite tamisée et transportée par voie pneumatique ou mécanique vers des silos de stockage ou des réservoirs de petite ou de grande capacité, ou bien directement destinée aux opérations de remplissage.

Tableau 2. Enquête sur les industries concernant la présence d'entérobactéries et de E. sakazakii dans les ingrédients utilisés dans les opérations de mélange à sec pour tous les types de préparations en poudre (jusqu'à 3 ans).

Ingrédients

n (10g)

Positifs aux coliformes ou aux entérobactéries

Positifs à E. sakazakii

Vitamines

793

8

0

Lait écrémé en poudre

835

1

1

Poudre de lactosérum

23

3

0

Saccharose

1 691

28

0

Lactose

2 219

70

2

Poudre/flocons de bananes

105

3

1

Poudre/flocons d'orange

61

1

1

Lécithine

136

1

1

Amidon

1 389

155

40

Dans certains cas, les fabricants produisent les préparations en poudre pour nourrissons en procédant tout d'abord à la dessiccation d'un mélange humide des principaux ingrédients (protéines, matières grasses et glucides). Ils obtiennent ainsi ce que l'on appelle la poudre de base. Les ingrédients mineurs, tels que les vitamines, les minéraux et les glucides additionnels, sont ensuite incorporés à la poudre de base dans de grands mélangeurs ou malaxeurs afin d'obtenir la composition finale du produit. Cette méthode permet des périodes de dessiccation prolongées et réduit la fréquence des changements dans la composition des produits. Un autre procédé consiste à mélanger tous les ingrédients préalablement soumis à dessiccation pour obtenir la poudre finie de la préparation pour nourrissons. Ce système est plus efficace d'un point de vue énergétique et offre une plus grande souplesse au niveau de la modification des formules. Dans le processus de mélange à sec, il est essentiel que les ingrédients secs répondent aux mêmes normes microbiologiques que le produit final, puisqu'ils ne font pas l'objet d'un traitement thermique additionnel. Comme à lui seul le contrôle en amont des ingrédients "bruts" ne garantit pas la conformité aux exigences de qualité de l'industrie, les fabricants qui font appel à ces procédés entretiennent des relations étroites avec leurs fournisseurs de matières premières et exigent le strict respect des bonnes pratiques de fabrication (BPF) et des principes de l'analyse des risques et des points critiques pour leur maîtrise (HACCP).

Au terme des étapes de la dessiccation ou du mélange, le produit final passe des silos de stockage ou des mélangeurs, à des machines de remplissage, pour être placé dans des boîtes ou dans des récipients souples. Du gaz inerte est insufflé dans les récipients qui sont ensuite scellés, codés, étiquetés et emballés pour l'expédition. Le produit fini est généralement conservé jusqu'à son contrôle final (teneur en éléments nutritifs, uniformité et analyse microbiologique, notamment).

5.3.3.1 Traitement thermique

Il a été indiqué que la forte résistance thermique des souches de E. sakazakii par rapport à d'autres membres de la famille des Enterobacteriaceae, pouvait sans doute expliquer leur prévalence élevée dans les préparations lactées en poudre et prêtes à l'emploi (Nazarowec-White et Farber, 1997a). De récentes études mettent toutefois en évidence que l'osmotolérance de cet organisme est peut-être plus importante à cet égard (Breeuwer et autres, 2003). Du fait de cette capacité, la prédominance de l'organisme dans l'environnement pourrait se renforcer, augmentant ainsi le risque d'une contamination post-traitement des préparations en poudre pour nourrissons. De précédents travaux de Nazarowec-White et Farber (1997b) et d'autres ouvrages (Nazarowec-White, McKellar et Piyasena, 1999); Iversen, Lane et Forsythe, 2004) ont montré l'efficacité des méthodes standard de pasteurisation pour l'inactivation de E. sakazakii. Edelson-Mammel et Buchanan (2004) ont montré qu'une réduction supérieure à 4 log pouvait être obtenue en réhydratant les préparations en poudre avec de l'eau pré-équilibrée à ³ 70°C. Cela signifie que reconstituer les préparations selon cette méthode (réhydratation à 70°C) devrait accroître les probabilités que la portion servie ne contienne pas E. sakazakii. Chose intéressante, il est apparu qu'il existait deux phénotypes distincts de cet organisme et que la résistance à la chaleur de l'un était vingt fois supérieure à celle de l'autre (Edelson-Mammel et Buchanan, 2004). La figure 3 illustre les écarts enregistrés au niveau de la résistance à la chaleur et établit une comparaison avec d'autres entérobactéries (Edelson-Mammel et Buchanan, 2004). Une liste complète des valeurs D et z est donnée au tableau 3. En bref:

Cela laisse à penser que le recours à des traitements thermiques relativement légers constitue une stratégie potentielle de réduction des risques qui peut être adoptée pour réduire ou éliminer E. sakazakii dans les préparations en poudre destinées aux nourrissons.

Figure 3. Résistance à la chaleur de différentes souches de E. sakazakii et autres Enterobacteriaceae (Buchanan, 2003).

Note: E. sakazakii (pool) = pool de 10 souches, comme indiqué dans Nazarowec-White et Farber (1997a).

5.3.4 Opérations post-traitement et conditionnement

Une difficulté dont il faut tenir compte au moment de l'évaluation de traitements potentiels pour l'inactivation de pathogènes microbiens dans les préparations en poudre pour nourrissons, tient au comportement des cellules végétatives dans les produits secs, sachant que la résistance à la chaleur est très souvent accrue. Sur la base des connaissances actuelles, la stérilisation du produit final déshydraté une fois conditionné en boîtes ou en sachets, ne paraît possible que par l'irradiation. Toutefois, avec les doses qui devraient être nécessaires pour inactiver E. sakazakii à l'état sec, cette technique ne paraît pas applicable du fait de la détérioration organoleptique du produit.

D'autres techniques de traitement, comme celles de l'ultra haute pression et des champs magnétiques, peuvent être des solutions possibles. Ces nouvelles technologies n'en sont encore qu'à un stade de développement initial et aucune d'entre elles n'est actuellement applicable aux aliments déshydratés. Il est recommandé de conduire des recherches dans ce domaine, en tenant compte de la nécessité d'une validation quantitative de l'effet destructeur.

5.3.5 Analyse des risques et points critiques pour leur maîtrise (HACCP) dans la fabrication des préparations en poudre pour nourrissons

Aux États-Unis et en Europe, les fabricants de préparations pour nourrissons reconnaissent depuis longtemps le rôle primordial des BPH et du système HACCP pour la maîtrise des risques microbiologiques, chimiques et physiques, et le contrôle des allergènes. Bien qu'aucune exigence réglementaire ne leur impose actuellement de mettre en place des plans HACCP, la plupart (si ce n'est la totalité) des fabricants intègrent ces principes dans leurs programmes de contrôle, ainsi que de bonnes pratiques d'hygiène. La qualité des matières premières, les filtres à air et à liquide, les tamiseuses, les aimants/détecteurs de métaux, les températures de pasteurisation et de stockage sont des points de contrôle importants et doivent faire l'objet d'une attention spécifique.

Tableau 3. Temps de réduction décimale (valeur D)a et valeur zb pour E. sakazakii dans les préparations en poudre pour nourrissons.

Valeur D (min.)

Valeur z (ºC)

Référence

52°C

53°C

54°C

56°C

58°C

60°C

62°C

65°C

70°C



(Température à laquelle les valeurs D ont été déterminées)



54,8
±4,7


23,7
±2,5

10,3
±0,7

4,2
±0,6

2,5
±2




5,8

Nazarowec-White y Farber, 1997ac


8,3
20,2

6,4,
7,1

1,1,
2,4

0,27
0,34,
0,4,
0,48





3,1
3,6

Breeuwer et al., 2003d





0,50






Breeuwer et al., 2003




21,1
±2,7

9,9
±0,8

4,4
±0,4


0,6
±0,3

0,07

5,6

Edelson-Mammel y Buchanan, 2004e



16,4
±0,67

5,1
±0,2

2,6
±0,4

1,1
±0,1

0,3
±0,1



5,8
±0,40

Iversen, Druggan y Forsythe, 2004f



11,7
±5,80

3,9
±0,0

3,8
±1,9

1,8
±0,8

0,2
±0,1



5,7
±0,12

Iversen, Druggan y Forsythe, 2004g

a La valeur D est le temps nécessaire pour diviser par 10 le nombre des organismes viables à une température donnée.

b La valeur z est le changement de température nécessaire pour modifier la valeur D par un facteur 10.

c Valeurs D d'un pool de 10 souches (5 isolats cliniques et 5 isolats alimentaires) de E. sakazakii.

d Ces valeurs D pour 4 souches différentes de E. sakazakii ont été déterminées dans un tampon phosphate. Les auteurs signalent que le traitement thermique dans les préparations en poudre pour nourrissons reconstituées n'a pas influé sur la valeur D.

e Valeur D pour la souche E. sakazakii 607 indiquée comme la plus résistante à la chaleur parmi les souches de E. sakazakii examinées dans l'étude.

f Données relatives à la souche type de E. sakazakii.

g Données relatives à la souche encapsulée de E. sakazakii.

Les traitements thermiques (CCP) appliqués sont théoriquement suffisants pour garantir la destruction de huit unités logarithmiques ou plus d'entérobactéries, y compris Salmonella et E. sakazakii, ainsi que d'autres microorganismes végétatifs, tels que L. monocytogenes ou S. aureus. Les bactéries productrices de spores, comme B. cereus et C. botulinum, sont inactivées dans une mesure qui est fonction des conditions de traitement. D'autres étapes thermiques sont généralement prévues dans le procédé de mélange d'ingrédients liquides, mais elles ne sont pas considérées comme des CCP; il s'agit notamment des suivantes:

1. la thermisation ou la pasteurisation des ingrédients bruts (par exemple, du lait cru ou du lactosérum au moment de leur introduction);

2. le préchauffage des préparations liquides avant le séchage par atomisation; et

3. le séchage effectif par atomisation.

Bien que ces différentes étapes puissent avoir un certain effet destructeur (surtout les étapes 1 et 2), elles répondent à des raisons techniques et ne sont pas considérées comme des CCP.

5.3.6 Surveillance

5.3.6.1 Méthodes de détection

Différents genres et espèces d'Enterobacteriaceae ont été isolés dans les préparations en poudre reconstituées après enrichissement (Muytjens, Roelofs-Willemse et Jasper, 1988; Iversen et Forsythe, 2004), notamment E. sakazakii, E. cloacae, C. koseri, C. freundii, Pantoea agglomerans et Escherichia vulneris (ces deux derniers précédemment connus sous le nom de E. agglomerans). Des méthodes de détection spécifiques sont nécessaires pour isoler et faire une distinction entre des membres très proches de la famille des Enterobacteriaceae.

Figure 4. Procédure quantitative d'isolement de E. sakazakii.

a USFDA (2002);
b Muytjens, Roelofs-Willemse et Jasper, 1988;
c Nazarowec-White et Farber (1997b) à partir de Iversen et Forsythe (2003).

EPT, eau peptone tamponnée; bouillon EE, bouillon d'enrichissement de Enterobacteriaceae; GVRB, agar glucose violet rouge bile.

Des isolats de E. sakazakii issus de préparations en poudre pour nourrissons en vente au Canada et des isolats cliniques canadiens ont été caractérisés à l'aide de méthodes phénotypiques (biotype et antibiogrammes) et génotypiques (ribotypage, RAPD et ECP) (Nazarowec-White et Farber, 1999). Actuellement, au moins une importante industrie alimentaire fait appel au ribotypage de E. sakazakii pour déceler cet organisme dans les installations de fabrication de lait en poudre ou pour en identifier la source. Les méthodes de typage moléculaire, telles que le ribotypage et l'ECP, sont des instruments tout à fait appropriés pour l'étude de la contamination environnementale dans les installations de traitement, en cas de problèmes et pour l'identification des sources de contamination, et devraient donc être encouragées, dans toute la mesure du possible.

5.3.6.2 Surveillance et tests mis en place par l'industrie

Au niveau des installations de traitement, les programmes d'échantillonnage et d'essais sont des plans d'échantillonnage intégrés mis en œuvre pour vérifier l'efficacité des mesures de contrôle prises pour éliminer ou réduire au minimum la présence de Salmonella et d'autres entérobactéries (y compris E. sakazakii) dans les produits finis, ainsi que d'agents pathogènes spécifiques tels que B. cereus et S. aureus. Ces plans d'échantillonnage intégrés ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux des laboratoires de contrôle officiels - ils peuvent être tout aussi rigoureux, voire davantage, mais prévoir une focalisation et des types d'échantillon différents. Ils sont souples et peuvent être adaptés aux résultats obtenus. Ainsi, des écarts décelés au niveau de l'environnement de fabrication et de la chaîne de traitement (indication d'un risque de contamination accru) peuvent donner lieu à un élargissement de l'échantillonnage (nombre et taille des échantillons) ainsi qu'à un renforcement des essais et des investigations sur ces écarts.

Ces plans d'échantillonnage peuvent varier selon les fabricants et les paramètres choisis (agents pathogènes, indicateurs, inspections visuelles, etc.) sont adaptés à la chaîne de traitement visée. Ils intègrent les types d'échantillon suivants:

Pour un examen détaillé, voir ICMSF (2002).

5.3.7 Spécifications microbiologiques

Les spécifications microbiologiques actuelles du Codex concernant les bactéries aérobies mésophiles, les coliformes et Salmonella dans les préparations en poudre pour nourrissons (CAC/RCP 21-1979) figurent au tableau 4. Ces critères ont été établis il y a de nombreuses années et doivent être révisés à la lumière des derniers progrès et des connaissances actuelles.

Tableau 4. Spécifications microbiologiques actuelles du Codex pour les produits déshydratés et instantanés (à caractère consultatif) a


Case

Plan Classe

n

c

Limite per gb






m

M

Bactéries aérobies mésophiles

6

3

5

2

103

104

Coliformes

6

3

5

1

<3c

20

Salmonellad

12

2

60

0

0

-

a Y compris les produits destinés à être consommés après adjonction de liquide, les préparations sèches pour nourrissons, les céréales instantanées pour nourrissons, etc.;

b Les limites microbiennes s'appliquent au produit sec (CAC/RCP 21-1979).

c <3 signifie qu'aucun tube ne présente de réaction positive lorsque l'on fait appel à «l'épreuve à trois tubes» pour la détermination du NPP (nombre le plus probable) (ICMSF, 1978).

d Pour les Salmonella, il convient de prélever des échantillons de 25 g.

Les spécifications microbiologiques actuelles pour Salmonella ont été jugées adéquates par la réunion et sont proches de la limite des tests microbiologiques pratiques. Toutefois, il n'existe actuellement aucune prescription de tests pour E. sakazakii et il a été conclu que les spécifications actuelles devraient être révisées sur la base des informations présentées à la réunion. La révision des spécifications du Codex devrait notamment porter sur les éléments suivants:

Avec la technique actuelle du mélange d'ingrédients secs, il semble difficile d'assurer l'absence d'entérobactéries telles que E. sakazakii dans les préparations en poudre pour nourrissons. Même une spécification microbiologique plus rigoureuse pourrait ne pas être véritablement efficace pour déceler la présence d'organismes en nombre très réduit. Sachant que ces produits sont consommés en grande quantité et qu'une seule bactérie contaminatrice est en mesure de croître en grand nombre, une combinaison de mesures de réduction des risques peut être nécessaire pour la gestion efficace de ces risques.

5.3.8 Reconstitution et consommation

5.3.8.1 Stockage des récipients ouverts

Edelson-Mammel et Buchanan (R. Buchanan, communication personnelle, 2004) ont étudié la survie à long terme de E. sakazakii dans les préparations en poudre pour nourrissons en préparant une certaine quantité de produit en poudre contenant E. sakazakii à raison d'environ 10 6 ufc/ml après reconstitution suivant les instructions du fabricant. Au cours d'une période d'environ 1 an et demi, la préparation déshydratée enrichie a été stockée à température ambiante dans une bouteille fermée avec bouchon à vis. Des échantillons de la préparation ont été périodiquement prélevés et hydratés, et le niveau des cellules viables a été déterminé par étalement en double sur des plaques de gélose trypticase soja. Durant les cinq premiers mois de stockage, le nombre de E. sakazakii viables a diminué de près de 2,5 cycles log (passant de 6,0 log ufc/ml à 3,5 log ufc/ml) à un rythme d'environ 0,5 cycle log par mois. Au cours de l'année suivante, le nombre de cellules viables a encore reculé de 0,5 log pour tomber à quelque 3,0 log ufc/ml (figure 5). Ces résultats montrent clairement que E. sakazakii peut survivre pendant des périodes prolongées dans les préparations en poudre destinées aux nourrissons.

Figure 5. Survie à long terme de Enterobacter sakazakii dans les préparations en poudre pour nourrissons.

On connaît mal le comportement des préparations en poudre pour nourrissons à contamination intrinsèque, une fois ouvertes puis stockées à température et humidité ambiantes élevées, typiques des pays tropicaux. D'après les informations dont on dispose actuellement, dans de telles conditions l'augmentation de la teneur en humidité des préparations en poudre destinées aux nourrissons ne devrait pas être telle qu'elle puisse favoriser la croissance des contaminants intrinsèques.

5.3.9 Étiquetage et préparation

5.3.9.1 Étiquetage

L'étiquetage des préparations en poudre destinées aux nourrissons renferme généralement de nombreux éléments d'information, des conseils et des avertissements. La norme Codex pour les préparations en poudre pour nourrissons prescrit: un étiquetage comportant la liste complète des ingrédients, ainsi que des renseignements d'ordre nutritionnel; des conseils pour l'alimentation des nourrissons ("le lait maternel est le meilleur aliment pour votre bébé"); des mises en garde contre une administration erronée aux nourrissons; et des recommandations pour la préparation, l'administration et le stockage du produit pour la vente, après ouverture et une fois préparé pour la consommation. Selon la législation nationale, l'étiquette peut également contenir des informations concernant certaines propriétés spécifiques du produit.

Les recommandations pour la préparation à la maison des préparations en poudre pour nourrissons, des préparations données à des fins médicales spéciales aux nourrissons et des préparations de suite pour nourrissons, sont détaillées et souvent accompagnées d'illustrations. Actuellement, ces recommandations sont notamment les suivantes:

"Préparer un nouveau biberon à chaque repas - faire bouillir de l'eau - la verser dans un biberon propre et laisser refroidir à environ 50°C - ajouter une quantité mesurée de poudre (nombre de mesurettes) - agiter vigoureusement - laisser refroidir à la température de consommation (contrôler sur la peau) - administrer directement - jeter les restes du biberon."

L'étiquetage des préparations données à des fins médicales spéciales aux nourrissons doit en outre comporter des informations plus spécifiques concernant le produit: en quoi est-il spécial? quelle est son utilité au regard de l'indication pour laquelle il est présenté? à quels maladies, troubles ou états pathologiques est-il destiné? Un avertissement indiquant que le produit ne doit pas être consommé par des personnes en bonne santé et ne doit être utilisé que sous surveillance médicale, devra figurer sur l'étiquette.

5.3.9.2 Préparation

Les fabricants recommandent qu'à la maison, les aliments en poudre soient préparés avant chaque administration avec de l'eau bouillie. Il est recommandé de porter l'eau à ébullition, puis de la laisser refroidir à 50°C avant d'ajouter des quantités mesurées du produit en poudre. Les fabricants recommandent de se conformer scrupuleusement au mode d'emploi figurant sur l'étiquette.

La recommandation de laisser refroidir l'eau a trois raisons. Tout d'abord, il semble que des pertes d'éléments nutritifs, notamment de vitamine C, soient associées à certaines préparations. Ensuite, des grumeaux peuvent se former au moment de la réhydratation de certaines préparations en poudre avec de l'eau chaude. Enfin, l'utilisation d'eau à haute température pourrait donner lieu à une augmentation des cas de brûlure chez le nourrisson ou chez le préparateur (dans ce dernier cas, surtout du fait du réchauffement inapproprié du biberon dans un four à micro-ondes). Aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) a publié des données (Buchanan, 2003) relatives aux pertes d'éléments nutritifs associées à la réhydratation des préparations pour nourrissons à l'aide d'eau bouillante. L'atelier n'a disposé d'aucune donnée concernant l'effet de l'utilisation d'eau chaude sur la formation de grumeaux ou sur le problème des brûlures.

Après avoir mélangé la poudre et l'eau en agitant le biberon et avoir refroidi ce dernier à température de consommation en le plaçant sous l'eau (test de la joue), la préparation doit être immédiatement administrée au nourrisson. Le réchauffement du biberon ne peut pas être exclu pour les enfants qui s'alimentent lentement, mais il devrait être déconseillé. Pour des raisons pratiques, les parents pourraient être tentés de préparer à l'avance tous les biberons de la journée et de les conserver dans le réfrigérateur. Dans ce cas, le refroidissement rapide du produit préparé et son stockage à basse température sont des facteurs importants pour la sécurité microbiologique de la préparation reconstituée.

En milieu hospitalier, les pratiques varieront en fonction des arrangements locaux, et du personnel qualifié et des installations disponibles[13]. La préparation centralisée d'aliments lactés prêts à l'emploi et la préparation en salle sont possibles et présentent l'une et l'autre des avantages et des inconvénients. Dans les deux cas, la disponibilité d'eau stérile et des conditions d'asepsie pour la préparation, sont essentielles. Le transport des préparations prêtes à l'emploi vers les salles sous réfrigération constante et la réfrigération en salle jusqu'au moment de l'administration, sont des facteurs importants à contrôler.

Les nourrissons capables de coordonner la succion, la déglutition et la respiration recevront les préparations dans un biberon rapidement réchauffé immédiatement avant le repas. Les temps d'administration peuvent être prolongés chez les enfants malades et hypotoniques, et doivent être contrôlés. Les biberons ne devraient pas être réchauffés. Passé un certain laps de temps, les restes de lait dans le biberon doivent être jetés.

Dans le cas de nourrissons immatures ou malades, n'ayant pas une activité de succion-déglutition coordonnée, on pratique une alimentation par sonde naso- ou oro-gastrique ou par sonde de gastrotomie. Les préparations peuvent être appliquées en continu à l'aide d'une pompe ou bien en administrant des bolus d'un volume adapté à la tolérance du nourrisson (volume gastrique et motilité gastro-intestinale). L'instillation à débit continu dans le tractus gastro-intestinal à l'aide d'une pompe nécessite le contrôle du temps d'administration d'un certain volume ainsi que l'observation de l'homogénéité de la préparation dans la seringue. Le réchauffement pré-administration peut être omis. La manipulation du système d'instillation doit faire l'objet des mêmes précautions que pour les systèmes d'alimentation parentérale. Le rinçage de la sonde après chaque administration à l'aide d'eau stérile peut réduire la contamination microbienne et la formation de films biologiques à l'intérieur des systèmes nutritifs. Les résidus gastriques et les sondes enlevées devraient être régulièrement contrôlés pour déceler la présence de bactéries pathogènes.

5.3.10 Stockage et manipulation des préparations reconstituées

Farmer et autres (1980) ont examiné 57 souches de E. sakazakii et signalé la croissance de l'organisme à 25°, 36° et 45°C. Cinquante des souches examinées avaient proliféré à 47°C, tandis qu'il n'y avait eu aucune croissance à 4°C et à 50°C. Nazarowec-White et Farber (1997b) ont rapporté que les températures minimales de croissance pour E. sakazakii en bouillon cœur-cervelle (BHI) avaient oscillé entre 5,5° et 8°C; et que les souches avaient commencé lentement à mourir à 4°C. Par ailleurs, pour les isolats cliniques et alimentaires, les températures de croissance maximum s'étaient situées entre 41°C et 45°C (voir aussi Gavini, Lefebvre et Leclerc, 1983). Cela a des répercussions pour les bouillons d'enrichissement qui ont une température d'incubation recommandée de 45°C. Iversen, Lane et Forsythe (2004) et Zwietering (communication personnelle, 2004) ont mesuré le taux de croissance de E. sakazakii dans les préparations en poudre destinées aux nourrissons (figure 6). Les temps de génération pour E. sakazakii dans les préparations reconstituées oscillaient à 10°C entre 4,15 et 5,52 heures, et à 22°C entre 37 et 44 minutes. Le temps de latence à 10° et à 23°C se situait respectivement entre 19 et 47 heures et entre 2 et 3 heures (Nazarowec-White et Farber, 1997b). Iversen, Lane et Forsythe (2004) ont examiné les souches cliniques et alimentaires, et constaté que les temps de génération pour E. sakazakii dans les préparations reconstituées étaient de 13,7 heures, 1,7 heure et 19-21 minutes à 6°, 21° et 37°C respectivement. La relation entre la température et le taux de croissance spécifique au travers des différentes études est récapitulée à la figure 6. Il est donc évident qu'un stockage inapproprié des préparations en poudre pour nourrissons reconstituées et contaminées peut accélérer la croissance de E. sakazakii.

Il est important de souligner que l'adjonction - en milieu hospitalier ou à la maison - d'ingrédients comme l'amidon ou le sucre aux préparations en poudre destinées aux nourrissons peut présenter un risque de contamination du produit. Les ingrédients ajoutés doivent être conformes aux mêmes prescriptions que les préparations en poudre pour nourrissons. Le risque spécifique associé à l'adjonction de ces ingrédients n'a toutefois pas été examiné à l'occasion de la réunion.

5.3.11 Éducation

De nombreux consommateurs, y compris ceux qui sont directement concernés par les soins aux nourrissons, ignorent que les préparations en poudre pour nourrissons ne sont pas des produits stériles et qu'elles peuvent être contaminées par des organismes pathogènes susceptibles de causer des maladies graves, et ils manquent d'information sur la façon dont les pratiques de manipulation, de stockage et de préparation peuvent influer sur ce risque. De véritables efforts de communication sur les risques s'imposent, auprès du grand public et des professionnels de la santé. Il est également nécessaire de renforcer l'information et l'éducation concernant les pratiques fondamentales en matière d'hygiène au moment de la manipulation, du stockage et de la préparation des aliments à domicile.

Figure 6. Taux de croissance de E. sakazakii (n=27) dans les préparations en poudre pour nourrissons reconstituées en fonction de la température (Iversen, Lane et Forsythe, 2004; Zwietering, communication personnelle, 2004).


[12] La norme Eurovent 4/4 a classé les filtres à air HEPA (à très haute efficacité) et ULPA (à très faible pénétration) en cinq catégories différentes, de EU 10 à EU 14, en fonction de l'efficacité déterminée par le test de la flamme de sodium. EU 10 indique une efficacité de 95 à 99,9%, tandis que EU 14 correspond à une efficacité > 99,999%.
[13] Voir par exemple: Infant feedings; Guidelines for the preparation of formula and breast milk in health care facilities. American Dietetics Association. 2004

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