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APERÇU SUR LES BESOINS EN RESSOURCES HUMAINES

Dans le secteur forestier en Afrique centrale, les pratiques n'ont pas évolué au même rythme que les idées et les politiques. Les circonstances extra-sectorielles n'ont pas toujours permis de mettre en œuvre les nouvelles directives de développement forestier. D'une manière générale, les problèmes rencontrés se posent non seulement en terme de moyens financiers et techniques mais surtout en terme de moyens humains. La mise en œuvre des nouvelles politiques forestières est étroitement liée au "capital humain". Cependant, les ressources humaines sont non seulement insuffisantes, mais elles n'ont pas su s'adapter aux changements observés dans le secteur forestier.

L'adoption des Programmes d'Ajustement Structurel et de Relance Économique à la fin des années 1980 a contraint les Gouvernements, en particulier, à prendre des mesures visant à limiter les dépenses de l'État. Les recrutements du personnel ont été suspendus6 et les budgets de fonctionnement réduits. Dix ans après, la situation est caractérisée par le vieillissement de la population des fonctionnaires et le déficit des effectifs.

Le vieillissement de la population des fonctionnaires a été constaté dans tous les pays de la sous-région. Au Congo Brazzaville, par exemple, les derniers recrutements dans l'Administration forestière remontent à la fin des années 1980. Aussi, l'âge des fonctionnaires oscille entre 40 et 55 ans. Les fonctionnaires les plus jeunes sont par conséquent appelés a être mis à la retraite dans 15 ans. Ce cas de figure est assez similaire avec la situation en RCA, où 40% du personnel technique partira à la retraite dans les 10 ans à venir. Dans ce contexte, les jeunes fonctionnaires insuffisamment formés et inexpérimentés qui prendront la relève n'auront pas l'opportunité de bénéficier d'un encadrement adéquat de la part des "aînés".

Les effectifs de fonctionnaires sont limités dans l'ensemble des pays d'Afrique centrale. Toutefois, la situation est variable d'un pays à un autre. Au Cameroun, par exemple, la mission chargée de la revue institutionnelle du secteur forestier a fait remarquer que les effectifs du MINEF sont globalement suffisants mais mal déployés, peu informés, en déficit de formation et surtout démotivés (I&D, juin 2002:10). Le déficit des effectifs est par contre notoire dans les autres pays.

Au Gabon, l'Administration forestière ne dispose que 350 agents alors qu'il en faudrait plus de 2000 agents, si l'on respecte le ratio de 1 agent pour 10.000 ha de forêt (Sambo et Ndoutoume,2002). Le déficit de personnel a été signalé tant au niveau central qu'au niveau des Inspections provinciales. Dans les Directions centrales, les ingénieurs de conception sont insuffisants. Dans les Inspections provinciales des Eaux et Forêts, les effectifs actuels sont en dessous des effectifs requis. En effet, l'effectif minimum requis pour un fonctionnement normal des Inspections Provinciales des Eaux et Forêts est de 12 agents par Inspection. Il a été constaté que certaines Inspections, celles de Nyanga et de l'Ogooué Maritime notamment, n'ont à chacune que 4 agents. La situation dans les Provinces est aussi caractérisée par l'absence d'ingénieurs de conception.

En RCA, Bainville et al. (1996) ont noté qu'il fallait, toutes catégories confondues, 415 postes organisés, mais à peine 308 postes étaient pourvus et 107 étaient vacants en 1996. La situation s'est détériorée davantage suite au vieillissement des fonctionnaires; 52 départs à la retraite ont été notés en 2001. En raison de la gravité du problème, il a été autorisé au Ministère des Eaux, Forêts, Chasses, Pêches, de l'Environnement et du Tourisme de procéder à l'intégration de 60 cadres et de 40 préposés forestiers ou agents d'exécution en 2002 (Mahodé et Mvalé, 2002).

En RDC, une centaine d'ingénieurs et près de 400 techniciens forestiers sont actifs actuellement alors que les besoins étaient estimés déjà en 1990 à environ 700 ingénieurs et 2000 techniciens (Lubini et al., 2002).

Le déficit de ressources humaines est aussi lié à la "fuite de cerveaux", phénomène courant dans tous les pays. Les fonctionnaires compétents sont engagés dans le secteur privé ou dans les organisations internationales. Ces départs sont souvent justifiés en évoquant le niveau de rémunérations et les conditions de travail.

Le déficit de ressources humaines est un problème qui se pose avec acuité; tous les pays concernés sont conscients de la nécessité de nouveaux recrutements de fonctionnaires. Si dans certains pays les besoins en ressources humaines n'ont pas encore été évalués, dans d'autres des estimations sont disponibles pour la période allant d'ici à l'an 2010, voire 2011. En Guinée Équatoriale, par exemple, il faudrait 144 agents en plus (toutes catégories confondues), comme cela apparaît dans le tableau ci-dessous.

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Tableau 3. Effectifs actuels et besoins futurs de techniciens forestiers en Guinée Équatoriale

N

Catégorie

Existence actuel

Nécessités futures

1

Docteur

2

8

2

Ingénieur de conception

14

60

3

Ingénieur d'exécution

58

36

4

Garde

50

40

5

Technicien supérieur

14

Pas prévu

6

Technicien

16

Pas prévu

 

Total

164

144

SOURCE: MBA AVORO J. & F. ENEME (2002)

La question des ressources humaines se posent aussi en terme de spécialités. Au delà des besoins partagés par tous (le besoin en aménagistes, par exemple), des besoins spécifiques prioritaires ont été exprimés. Au Congo Brazzaville, une attention particulière est accordée aux métiers de bois. Au Gabon, l'accent est mis sur le besoin en économistes forestiers. Le secteur privé est confronté aux besoins en prospecteurs, boussoliers, abatteurs, etc. En Guinée Équatoriale, les besoins en ingénieurs spécialisés se présentent de la manière suivante.

Tableau 4. Besoin en Ingénieurs spécialisés (2003 - 2011) en Guinée Équatoriale

Spécialités

Nécessité

Sylviculture tropicale

4

Aménagement forestier

6

Topographie et cartographie

2

Taxonomie et botanique

3

Dendrométrie, commercialisation et classification des bois

4

Transformation du bois

2

Édaphologie

2

Ecologie forestière

2

Impact environnemental

2

Sols et pédologie

2

Climatologie

2

Traitement des données

2

Législation et politique de l'environnement

4

Inventaire floristique

4

Inventaire faunistique

3

Entomologie et pathologie forestière

2

Biologie forestière

4

Gestion et aménagement des aires protégées

6

Agroforesterie et développement rural

4

Total

60

SOURCE: MBA AVORO J. & F. ENEME (2002)

Les évaluations des besoins en ressources humaines ne sont pas disponibles dans la plupart des pays, bien que ces d'informations soient indispensables pour la planification des formations et des recrutements. La présente étude n'étant pas consacrée spécifiquement à ce sujet, on peut cependant constater que la demande future en techniciens spécialisés dans certains domaines (aménagistes forestiers, par exemple) devrait augmenter rapidement tant pour le secteur public que pour le secteur privé.

ADAPTATION DES RESSOURCES HUMAINES AUX CHANGEMENTS

En dépit des évolutions générales notées dans le secteur forestier, peu d'efforts ont été déployés en faveur du renforcement des capacités du personnel. Dans l'Administration forestière, les plans de formation n'ont pas figurés parmi les priorités au cours de ces dernières années pour des raisons de financement. Par conséquent, les opportunités de formation se présentent souvent de manière sporadique, sans réelle planification: un stage par ici proposé dans le cadre de la coopération bilatérale, un séminaire ou un atelier par là. Mais, l'accès à ces opportunités de formation n'est pas "donné à tous" et ne répond pas toujours à un besoin précis. Il est apparu que:

Dans ce contexte, les administrations forestières feront difficilement face à leurs responsabilités. Une telle situation peut compromettre l'ensemble du processus de gestion durable des écosystèmes forestiers. Il est donc opportun de réfléchir sur les lacunes existantes en matière de compétences chez les "forestiers".

CONCLUSION

Les mutations qui touchent le secteur forestier en Afrique centrale, depuis le début des années 1990, sont relativement importantes. Elles ont pour conséquences, l'élaboration des nouvelles politiques et lois forestières, l'adoption des nouvelles directives d'aménagement forestier, l'émergence des pratiques "responsables", etc. Le nouveau paysage qui prévaut sous l'effet de ces mutations est caractérisé par une répartition des rôles entre toutes les parties prenantes (Administration, secteur privé, ONG, populations, etc.) dans la gestion forestière. Il est apparu que tous ces groupes d'acteurs ne sont pas prêts à assumer convenablement leurs nouvelles responsabilités; les compétences requises pour assumer ces nouvelles responsabilités ne sont pas toujours disponibles, comme nous allons le voir dans le chapitre suivant.


6 A l'exception du Gabon où les jeunes formés à l'ENEF sont recrutés par la Fonction publique.

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