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4. Quelques caractéristiques hydrologiques des bassins versants des zones arides

La mise en valeur et l'aménagement des ressources en sol et en eau des bassins versants des zones arides nécessitent une connaissance de l'hydrologie des systèmes arides. Contrairement aux relations prédictives concernant le comportement des bassins versants dans la zone tempérée humide plus peuplée, les relations quantitatives concernant les bassins versants des zones arides n'ont pas été bien définies. Les études effectuées mettent en lumière quelques caractéristiques frappantes qui ont des implications importantes pour l'aménagement. Parmi les plus notables, on peut citer:

- l'extrême variabilité des précipitations sporadiques, à la fois dans le temps et dans l'espace;

- la variabilité encore plus grande des ruissellements de courte durée dans les systèmes de drainage éphémères;

- de fortes pertes en ligne dans des lits de cours d'eau à sec et souvent très perméables;

- une faible humidité, un fort rayonnement incident et des températures élevées qui entraînent des risques d'évapotranspiration très rapide;

- des cours d'eau en pente abrupte et d'importantes alluvions qui produisent des rendements sédimentaires élevés;

- une végétation rare et des vents violents;

- de forts taux d'érosion éolienne dus aux gradients thermiques et à l'insuffisance du couvert végétal;

- des sols peu profonds mal lessivés, souvent à forte teneur en sels minéraux, ce qui se traduit par de faibles taux d'infiltration et des ruissellements salins;

- un rendement hydrique qui décroît lorsque la taille du bassin versant croît, en raison de fortes pertes en ligne et de la faible dimension des unités ou "cellules" de précipitation productrices de ruissellement.

Tableau 1 - Critères de sélection des espèces

TOLÉRANCE/ADAPTABILITÉ

sécheresse

vent

salinité/alcalinité/acidité

température

maladie

saturation en eau

broutement

insectes/animaux

autres espèces

CARACTÉRISTIQUES

vitesse de croissance

forme

robustesse/densité

capacité thermique

capacité hydrique

ouvrabilité

PRODUITS/AVANTAGES

combustible

lutte contre l'érosion

produits pharmaceutiques

produits du bois

abri pour les animaux/ombrage

brise-vent

aliments

amélioration du sol

feux sauvages

fourrage

huiles/résines/gommes/nectar

paysage

RÉGÉNÉRATION

Graines

Régénération naturelle

Pépinière

Plantation

disponibilité

graines

locale (petite)

semis en place à racines nues

quantité/viabilité

rejets

commerciale ou d'Etat (grande)


traitements spéciaux

marcottage

délai de production de sujets

en motte

Parmi ces caractéristiques, ce sont la variabilité des précipitations, celle du ruissellement, l'érosion et l'évapotranspiration potentielle qui présentent le plus d'importance pour l'aménagement des bassins versants des zones arides. Les relations entre l'eau de surface et l'eau souterraine ont elles aussi des incidences importantes pour les travaux d'irrigation en aval.

Précipitations: Dans les climats tempérés, l'écart-type de la pluviométrie annuelle est d'environ 10 à 20% dix-neuf années sur vingt. Dans les climats plus arides où la précipitation annuelle est en moyenne de 200 à 300 mm, l'écart-type se situe généralement entre 40 et 200%. En général, les valeurs annuelles se situent plus souvent au-dessous de la moyenne qu'au-dessus. Sur un site du nord du Chili, exemple extrême, aucune précipitation n'a été relevée pendant quatre années consécutives, mais la cinquième année elle a été de 15 mm, soit une moyenne de 3 mm pour les cinq ans.

Le fait qu'on n'ait pas mesuré de précipitations à cette station du Chili ne signifie pas qu'il n'a pas plu dans la zone. En termes statistiques simples, si 50 orages de 1,5 km de diamètre chacun se produisent en des lieux aléatoires compris dans une zone de 150 km sur un site qui possède 50 stations de pluviométrie, situées elles aussi au hasard, la probabilité qu'une station enregistrera une précipitation n'est que de 0,4% Les nomades du nord du Soudan où l'on ne relève de précipitation qu'une année sur plusieurs, savent cela depuis longtemps et survivent depuis des siècles en suivant les orages et le fourrage qu'ils produisent.

Étant donné le lien étroit qui existe entre les précipitations erratiques et la phénologie de la végétation, il est difficile d'optimiser le moment où les hommes utiliseront les zones arides, notamment pour le pâturage. Des changements à long terme tels que la désertification sont presque toujours liés à une altération des régimes hydrauliques. Même dans les systèmes contemporains, l'eau est le principal influent de l'écosystème, à l'exception des impacts physiques de l'activité de l'homme.

La répartition spatiale des précipitations, en particulier lorsqu'il s'agit d'orages de convection qui produisent l'essentiel du ruissellement des bassins versants dans beaucoup de zones arides, est essentiellement fonction des caractéristiques des grappes de cellules d'orage et de leur déplacement par rapport au terrain. Les cellules de pluie font couramment 1 à 5 km de diamètre et ne se déplacent pas de plus de quelques kilomètres avant de se dissiper. Le résultat est un diagramme elliptique isohyète. C'est le long de l'axe de l'ellipse que le ruissellement de surface produit par les cellules est au maximum et, ces cellules étant isolées, il n'y a ruissellement que sur une partie de la zone.

Ruissellement: Dans la plupart des régions sèches, la nappe phréatique est très en dessous du radier des cours d'eau, surtout près de la source, ce qui fait que ces cours d'eau sont infiltrants plutôt que drainants. En conséquence, l'eau ne coule dans les chenaux que lors de gros orages et seulement pour de courtes périodes. Ces chenaux sont donc à sec la plupart du temps.

Lorsqu'il y a écoulement de pluies d'orage dans ces chenaux généralement secs et souvent très perméables, le débit est réduit par les infiltrations dans le lit du cours d'eau, les rives et éventuellement la plaine d'inondation. Ces pertes par infiltration, appelées pertes en ligne, réduisent non seulement le volume du flux mais aussi le débit de pointe. Les pertes en ligne sont généralement un élément important du bilan hydrique des bassins versants de zone aride et peuvent représenter jusqu'à 15 à 20% de l'apport d'eau total des précipitations.

En raison des pertes de transmission et de la variabilité spatiale des précipitations, qui se traduisent par un ruissellement sur une partie seulement de la zone, le débit maximum de même que le volume de flux par unité de surface du bassin versant diminuent en général lorsque la dimension du bassin versant augmente. C'est le contraire de ce qui se passe dans les zones plus humides où le rendement hydrique par unité de surface augmente en général avec la surface de drainage (Renard, 1985).

Les débits maximums au niveau des sources des bassins versants de zone aride sont souvent d'une importance étonnante, surtout dans des endroits proches du centre d'intenses orages de convection. Ceci est dû à la brièveté du temps (temps de concentration) nécessaire à l'eau pour se déplacer des points les plus éloignés du bassin versant vers son débouché. Les temps de concentration sont courts parce que la plus grande partie du ruissellement d'orage dans les zones arides consiste en écoulements le long des pentes vers les chenaux qui ne sont pas entravés par de la végétation et des débris comme ce serait le cas dans les zones plus humides. En outre, les sols des zones arides qui, caractéristiquement, ne possèdent pas d'horizons organiques ni d'horizons A peu profonds ou non développés, ne permettent pas une ifiltration rapide de pluies d'orage de courte durée et augmentent par conséquent le volume du ruissellement de surface. Pour de nombreux sols de zones arides, l'infiltration est aussi réduite par des couches imperméables proches de la surface, comme celles qui sont cimentées par le carbonate de calcium et par le colmatage de la surface du sol par des flaques dues à la pluie ou par des croûtes résultant de l'activité d'algues ou de cryptogames. La formation de murs d'eau descendant à grande vitesse au cours d'un orage les chenaux des oueds est un phénomène courant dans les zones arides et résulte à la fois de la grande quantité de ruissellement rapide de surface et des fortes pertes en ligne.

Érosion et sédimentation: Du fait de l'importante contribution du ruissellement de surface au bilan hydrique des bassins versants des zones arides, l'érosion pose un grave problème dans toutes les régions sèches du monde, en particulier celles où la végétation naturellement rare est encore réduite par un surpâturage et/ou la collecte de bois de feu. C'est dans les régions semi-arides plus habitables qui reçoivent de 200 à 400 mm environ de précipitations annuelles que l'érosion est la plus forte et ce sont ces régions du monde qui subissent actuellement une grave désertification.

Les taux élevés d'érosion qui sont caractéristiques des bassins versants des zones arides contribuent à expliquer la faible profondeur des profils pédologiques que l'on rencontre dans de nombreuses zones et l'absence fréquente de développement d'un horizon A. Le sol le plus utile, avec ses matières organiques et ses éléments nutritifs, est souvent inexistant parce que l'érosion l'élimine des hauteurs des bassins versants aussi vite qu'il est créé à partir du matériau géologique originel. Cette érosion explique aussi les pavages qui dominent la surface du sol dans de nombreuses zones à végétation rare.

La quantité de matériaux érodés qui passe par un point d'un système de cours d'eau est appelée rendement sédimentaire. Dans de nombreux bassins versants de zones arides, le réseau de chenaux reçoit une quantité presque illimitée de sédiments dus à l'érosion. Les chenaux s'y adaptent en prenant une forme rectangulaire ou trapézoïdale plus efficace que ne le seraient les chenaux paraboliques des zones plus humides pour le transport des sédiments. En outre, les profils longitudinaux des lits de cours d'eau tendent à être linéaires plutôt que concaves comme le sont généralement ceux des zones humides. Ce phénomène est dû à la diminution du rendement hydrique et, par conséquent, des rendements sédimentaires par unité de surface, ce qui se traduit par un dépôt de sédiments donnant un profil convexe, mais qui est équilibré par l'arrivée des affluents.

Évapotranspiration: Les zones arides et semi-arides se caractérisent par des insuffisance d'humidité dues au fait que l'évapotranspiration potentielle est supérieure aux précipitations annuelles ou saisonnières. Dans le sud-est de l'Arizona par exemple, une évaporation de 2 m ou plus représente sept à huit fois la précipitation annuelle, de sorte que la végétation doit pouvoir utiliser de façon rapide et efficace l'humidité limitée du sol.

Dans la plupart des régions arides, la végétation des bassins versants se compose de mélanges de communautés végétales (graminés, broussailles et plantes herbacées). L'humidité étant faible, la superficie totale couverte par des plantes vivantes est généralement très réduite. Dans le sud de l'Arizona par exemple, le couvert végétal est en général inférieur à 10% et ne dépasse parfois pas 2%. La plupart des zones dénudées entre les végétaux comportent des racines qui influent sur l'humidité du sol sous les plantes et entre les plantes et, par conséquent, sur le problème d'érosion. La plupart des graminés de saison chaude sont classées comme végétaux C4, qui utilisent l'eau plus efficacement que les broussailles C3. La plupart des graminées utilisent le tiers environ de l'eau utilisée par les broussailles à montant égal de biomasse. Aini, lorsqu'on définit les caractéristiques des régions d'humidité du sol, ce qui est indispensable pour prévoir le ruissellement, il ne faut pas seulement considérer la densité de la végétation, mais aussi sa composition.

Relations eaux de surface/eaux souterraines: Lorsqu'on prévoit de mettre en valeur une nappe souterraine, la quantité d'eau disponible n'est pas la seule variable importante; la qualité peut l'être tout autant ou même plus, en particulier dans les zones arides où le système est peu alimenté par les précipitations. Le problème qui se pose dans ces régions est celui de l'apport des flux d'eaux de surface et de l'alimentation des nappes souterraines, qui contiennent toujours des sels dissous provenant des roches et du sol et l'accroissement des charges en sels dû aux engrais et aux eaux usées - alors que la perte principale par évapotranspiration est exclusivement de l'eau pure. S'il n'y a pas lessivage, les sels s'accumulent inévitablement dans le sol et dans la nappe phréatique; il y a alors "perte" d'eau pure.

5. Lacunes des connaissances

L'un des problèmes majeurs de l'aménagement des bassins versants en zone aride tient à l'absence de méthodes de prédiction adéquates, des méthodes qui fourniraient des estimations fiables de l'effet des pratiques d'utilisation des terres à la fois sur les bassins versants et en aval. Ces estimations sont nécessaires pour pouvoir recommander des pratiques appropriées d'utilisation des terres et en déterminer la faisabilité économique dans l'ensemble amont-aval.

De meilleurs systèmes sont nécessaires pour assurer la correspondance entre les schémas de précipitation et, par conséquent, le phénologie végétale et les besoins de l'homme, en particulier pour l'agriculture et l'élevage. Il faudra donc de meilleures méthodes de prédiction pour évaluer la variabilité spatiale et temporelle des précipitations et mieux connaître les besoins des végétaux économiquement utiles.

Pour l'élevage, qui est souvent la principale activité économique sur les terres arides, on manque d'informations pour gérer des troupeaux de différents types de bétail en tenant compte de la composante aussi bien verticale qu'horizontale des terres de pâturage. Les interrelations écologie-bétail de ce type de système sont mal connues.

Il est indispensable de mieux connaître le rapport entre la variabilité des précipitations et la croissance des cultures. Il existe des modèles, mais il faut maintenant disposer d'informations plus précises sur les variabilités à court terme des précipitations; des recherches supplémentaires sont également nécessaires sur les variations à plus long terme mesurées en années.

On a besoin d'informations supplémentaires sur les espèces et variétés végétales qu'il est possible d'adapter aux conditions sociales, économiques et géographiques de contextes spécifiques de zone aride. Il faut développer les expérimentations d'espèces, l'amélioration des plantes, les méthodes d'utilisation et les marchés pour les graminées, arbustes et arbres indigènes et exotiques.

Des études supplémentaires doivent être faites dans le domaine de la foresterie sociale afin de trouver de meilleures méthodes pour faire accepter les projets de foresterie par la population. Il est souvent plus important de savoir pourquoi un projet a échoué que les raisons de sa réussite. Malheureusement, les échecs ne sont pas souvent signalés ou, pour diverses raisons, ne sont pas nettement mis en évidence. Une "chambre de compensation" internationale serait utile.

Les techniques de réhabilitation des zones désertifiées sont très nombreuses. Très rares sont les cas où l'une ou plusieurs d'entre elles ne peuvent pas être appliquées, mais leur économie et leur durabilité dans les diverses conditions rencontrées dans les pays en développement n'ont pas été démontrées dans la plupart des cas.
Des informations plus complètes sont nécessaires sur le développement et la gestion des forêts riveraines. Celles-ci sont souvent la principale ou l'unique source de produits forestiers sur de nombreux bassins versants des zones arides

6. Références

Bonner, Douglas F., (1982), Julia Collen and William Ramsay Social Forestry in Developing Nations, Resources for the Future. Discussion paper D-73F, Washington, D.C.

Branso, F.A., R.F. Miller and I.S. McQueen Contour Furrows, (1966), Pitting and Ripping on Rangelands of Western United States. Journal of Range Management 19 (4):182-196.

Delwaulle, I.C. (1977), Essences, techniques et problèmes concernant les zones semi-arides (Sahel) dans: Boisement des savanes en Afrique. FAO Rome. pp. 160-167.

Ffolliot, Peter F. and J.L. (1983), Thames Environmentally Sound Small-Scale Forestry Projects. CODEL-VITA. 109 p.

Hammer, Turi (1982), Réforestation and Community Development in the Sudan. Resources for the Future. Discussion paper D-73M, Washington, D.C.

Hass, H.J., W.O. Willis, and G.O. (1966), Boatwright Moisture Storage and Wheat Yields on Level Bench Terraces as Influenced by Contributing Area, Cover, and Evaporation Control. Agro. Jour. 58:297-299.

Hinz, W.W. and Frost, K.R. (1974), Reseed Rangelands with Basin Farming Machines. (Agri-File Q-134. University of Arizona Cooperative Extension Service.

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Mickelson, R. (1968), Level Pan System for Spreading and Storing Watershed Runoff. Soil Sc. Soc. Amer. Proc. 30:388-392.

Renard, Kenneth G. (1985), Water Resources of Small Water Impoundments in Dry Regions. In: Small Water Impoundments in Semiarid Regions. J.L. Thames (editor). University of New Mexico Press (sous presse).

Shah, Bashir and J.L. (1985), Thames Role of Riparian Vegetation in Pakistan. Paper presented at the North American Riparian Conference, University of Arizona; April 16-18, 1985.

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Wright, J.R. and F.H. (1972), Siddoway Improving Precipitation-Use Efficiency on (Rangeland by Surface Modification. Jour. Soil and Water Cons. 27(4):170-174.

Wright, Nel and Streetman, (1960), L.J. Grass Improvement for the Southwest Relative to Drought Evaluation. Ariz. Agr. Exp. Sta. Tech. Bull. 143. 16 p.

3.11 Collecte de l'eau


1. Introduction
2. But de la collecte de l'eau
3. Systèmes de collecte de l'eau
4. Contraintes et stratégies
5. Exemples
6. Lacunes des connaissances
7. Conclusions
8. Références


JOHN L. THAMES
Professeur, School of Natural Renewable Resources
Tucson - Arizona

1. Introduction

La collecte de l'eau est une technique de mise en valeur des ressources en eau de surface que l'on peut utiliser dans les régions arides pour fournir de l'eau pour le bétail, les usages domestiques et l'agro-foresterie ainsi que pour la petite agriculture de subsistance.

On peut définir les systèmes de collecte de l'eau comme des méthodes artificielles permettant de collecter et de stocker les précipitations jusqu'à ce qu'elles puissent être utilisées de façon bénéfique. Ces systèmes comprennent: 1) une aire de captage, généralement arrangée de façon à améliorer l'efficacité de ruissellement et 2) une installation de stockage pour l'eau récoltée, à moins qu'on la concentre immédiatement dans le profil pédologique d'une plus petite surface pour y cultiver des plantes résistant à la sécheresse. Un système d'épandage est aussi nécessaire pour l'irrigation en période sèche lorsqu'il s'agit d'alimenter les cultures de subsistance.

Les premiers cas connus de collecte de l'eau sont les fameux systèmes utilisés par la population du désert du Neguev il y a environ 4000 ans. Les pentes des collines étaient défrichées et lissées de façon que le ruissellement soit aussi important que possible; l'eau était ensuite canalisée par des fossés de niveau vers des champs cultivés et/ou des citernes. Lorsque l'empire romain s'est étendu à cette région, cette méthode, devenue très élaborée, s'est appliquée à plus de 250000 hectares.

Dans le Nouveau Monde, il y a environ 400 à 700 ans, la population de ce qui est maintenant l'État du Colorado et celle du Pérou utilisaient des méthodes relativement simples de collecte de l'eau pour l'irrigation (O'Bryan, Cooley et Winter, 1969).

Bien que la pratique qui consiste à recueillir l'eau s'écoulant des toits soit très ancienne et pratiquée depuis la nuit des temps jusqu'à ce jour, c'est dans les années 1920 que la collecte de l'eau de pluie pour l'agriculture et l'élevage a commencé en Australie. Des structures en forme de toits galvanisés ont été construites près de la surface du sol uniquement à cet usage (Kenyon, 1929).

Un regain d'intérêt pour la technologie de la collecte de l'eau s'est manifesté dans les années 1950 en Israël, en Australie et aux États-Unis. En Australie, des aires de captage "à chaussées" fondées sur le principe de la terre compactée ont été réalisées sur plus de 2000 ha afin de recueillir l'eau pour les besoins agricoles. À la même époque, les surfaces de captage consistaient essentiellement aux États-Unis en tôles pour l'abreuvement du bétail. En même temps, on a entrepris d'expérimenter des membranes de plastique et de caoutchouc artificiel pour la construction de surfaces de captage et de réservoirs (Lauritzen, 1960). Depuis les années 1950, la technologie s'est diversifiée et perfectionnée grâce à des expérimentations et des projets de démonstration. Tous n'ont pas été couronnés de succès mais certains ont été très efficaces.

La technologie et l'expérience acquises ont maintenant atteint le point où l'on peut concevoir un système de collecte de l'eau répondant aux contraintes physiques, climatologiques et économiques de presque toutes les régions arides du monde.

2. But de la collecte de l'eau

À l'heure actuelle, comme récemment, la mise en valeur des ressources en eau des terres arides consiste essentiellement en projets de grande irrigation. Certains bénéficient d'une alimentation en eau par des systèmes fluviaux tels que l'Indus, le Nil, le Fleuve Jaune, le Tigre et l'Euphrate. D'autres sont tributaires d'eaux souterraines anciennes et limitées. Mais le fait que l'on ait mis à la disposition de sociétés qui n'y étaient pas préparées une technologie moderne et que les responsables politiques se préoccupent avant tout des objectifs urgents et à court terme a eu des conséquences à long terme et irrévocables dans bien des pays.

À l'heure actuelle, du fait essentiellement de la salinisation, la quantité de terres perdue de façon définitive pour l'agriculture le long des grands systèmes fluviaux est aussi importante que celle des nouvelles terres ajoutées. Les pompes électriques et à moteur et les méthodes améliorées de construction des puits ont beaucoup accru la capacité de ces dernires. Mais dans bien des terres arides, l'absence de contrôles effectifs du forage et du pompage s'est traduite par une surexploitation de la nappe phréatique, d'où une baisse des rendements, une détérioration de la qualité de l'eau, l'intrusion de sel et le gaspillage de l'eau.

Les grands projets d'irrigation sont indispensables à de nombreuses économies nationales en zone aride. Ils peuvent être efficaces à long terme s'ils ne s'accompagnent pas seulement de compétences techniques mais d'une bonne information des milieux sociaux et politiques. Quoi qu'il en soit, ces projets offrent peu d'avantages directs pour le petit propriétaire foncier ou le nomade qui doit subsister malgré les contraintes de son environnement sans bénéficier d'une nouvelle technologie qui réponde à ses besoins.

La collecte de l'eau est un moyen d'améliorer leur existence. Ce n'est pas une panacée mais, selon le régime des précipitations d'une zone donnée, on peut l'utiliser pour accroître les approvisionnements existants, améliorer l'utilisation des parcours et fournir des denrées alimentaires pour une meilleure nutrition, du bois pour le feu et, ce qui est peut-être plus important, aider à parvenir à une stabilité économique en réduisant l'incertitude de l'existence humaine dans les écosystèmes arides.

L'économie des terres arides dépend en grande partie de l'élevage; il n'est donc pas surprenant que la plupart des travaux concernant la collecte de l'eau ait eu pour but d'assurer l'abreuvement du bétail. Un grand nombre des systèmes mis au point ont été très efficaces.

Beaucoup de terrains de parcours sont surpâturés autour des sources d'eau, alors que d'importantes quantités de terres et de fourrage sont inutilisées en raison du manque d'eau. Une distribution uniforme des points d'eau permettrait de tirer parti au maximum de ces terres. La collecte de l'eau peut permettre une distribution adéquate des points d'eau dans la plupart des cas et, avec de l'eau, même le fourrage sec peut être utilisé. Il existe toutefois le risque qu'en l'absence d'une régulation du pâturage, toute nouvelle source d'eau ne conduise à accroître les troupeaux, d'où surpâturage et nouvelle expansion du désert. Exactement comme pour les autres formes d'exploitation des ressources en eau, les projets de collecte de l'eau et en particulier ceux destinés à l'abreuvement du bétail doivent, pour pouvoir être durablement efficaces, être précédés d'une planification et d'un contrôle complet et accompagnés de dispositions pour un soutien opérationnel perpétuel.

Le but de la collecte de l'eau est soit d'augmenter les approvisionnements en eau existants soit de fournir de l'eau où il n'existe aucune autre source ou là où les coûts de mise en valeur seraient prohibitifs. Le but est de fournir cette eau en quantité et en qualité suffisantes pour l'usage prévu.

On décrit souvent les zones arides comme des systèmes de réserve par impulsion qui se déclenchent lorsqu'il y a de l'eau, la stockent pour la période sèche puis s'arrêtent jusqu'à l'arrivée d'eau suivante. L'écosystème naturel s'est créé avec ces contraintes, mais les difficultés qu'elles causent à l'homme sont considérables, surtout chez les populations sédentaires. Le but de la collecte de l'eau est d'égaliser la courbe entre pénurie et abondance en collectant et en stockant de l'eau pour la période de pénurie et d'exploiter dans l'écosystème aride une ressource renouvelable.


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