Table des matières - Précédente - Suivante


Chapitre VI - Réhabilitation des environnements salins


1. Introduction
2. Buts des programmes de réhabilitation des environnements salins
3. Ressources en arbustes tolérants au sel
4. Sélection des végétaux
5. Implantation
6. Points marquants de ce chapitre


1. Introduction

Dans les conditions naturelles, les sols salins permettent la croissance d'une végétation tolérant le sel, et qui comprend des arbres, des arbustes et des graminées. Cette végétation sert au pâturage ovins, des caprins et des camélidés et les arbustes servent également de combustible une fois coupés. Le surpâturage et la coupe de bois de feu ont pour effet de dénuder de nombreuses zones salines.

Les sols salins sont aussi dénudés à la suite de modifications de l'hydrologie dues soit à la mise en valeur des terres pour l'agriculture, soit à l'installation de systèmes d'irrigation et de drainage. Les zones salines ainsi dénudées sont généralement considérées comme improductives, mais en réalité elles sont capables de produire une biomasse utile comme fourrage ou comme combustible. On s'intéressera ici aux arbustes tolérants au sel.

2. Buts des programmes de réhabilitation des environnements salins

La réhabilitation des sols salins peut répondre à un certain nombre d'objectifs:

- Alimentation des animaux - De nombreuses plantes résistantes au sel constituent un aliment de réserve précieux en cas de sécheresse ou pendant les périodes de soudure. On utilise beaucoup les arbustes chénopodes en peuplement naturel et on peut les planter sur des sites salins dénudés. Ils offrent aux bétail un abri et une source d'aliments (Figure 6.1).

- Réduction de l'érosion et de la dégradation des sols - L'installation d'un couvert végétal sur des sites salins par ailleurs nus contribue beaucoup à réduire l'érosion éolienne et hydrique. Plusieurs Atriplex spp. ont un port rampant et marcottent naturellement, deux caractéristiques excellentes pour empêcher l'érosion du sol. En outre, les tiges marcottées sont davantage capables de résister à un pâturage intensif (Figure 6.2).

- Production de combustible - Les arbustes des zones salines naturelles sont coupés et utilisés comme combustible. Certaines espèces plantées pour la production de fourrage peuvent être aussi utiles comme combustible; ou bien on peut planter des espèces qui ne servent que de combustible.

- Amélioration esthétique - Il existe autour de nombreuses villes des zones arides de grandes étendues de terres salines peu attrayantes qui sont source de poussière emportée par le vent sur la ville. Les problèmes de poussière se posent également dans des zones telles que les terrains d'aéroport, les emprises de routes et les franges des projets d'irrigation. Les buissons chénopodes tels qu'Atriplex cinerea, qui atteint environ 50 centimètres de haut et jusqu'à 6 mètres de diamètre, constituent un moyen possible d'éviter la poussière et d'améliorer à la fois les conditions d'existence et l'esthétique du lieu.

- Conservation de la faune sauvage - Les déserts salins et les terrains de parcours surpâturés offrent à la faune sauvage un habitat très pauvre en aliments, en couvert et en lieux de reproduction. Les espèces que l'on fait pousser pour assurer un couvert comprennent le grand Atriplex Lentiformis, connu sous le nom de buisson à cailles. Les espèces destinées à produire du combustible comprennent Melaleuca spp., tolérantes au sel et à la sécheresse, et qui servent aussi de lieu de nidification et d'abri.

- L'utilisation de l'eau souterraine saline peu profonde - Il existe dans les pays arides de vastes superficies où l'on trouve une eau souterraine saline peu profonde. On peut y planter des espèces tolérantes au sel.

Figure 6.1 Pâturage en environnement salin.

Figure 6.2 L'Atriplex omnicola produit des marcottes naturelles qui contribuent à la lutte contre le surpâturage et l'érosion.

3. Ressources en arbustes tolérants au sel

Il existe trois grands groupes d'arbustes halophytes:

- Les Salicornes - qui comprennent les genres Salicornia, Arthrocnemum, Halocnemum, Halosarcia et Allenrolfea. Ces plantes se rencontrent sur les sites très salins qui sont souvent saturés en eau à certaines époques de l'année. En général, l'eau souterraine saline est suffisamment peu profonde pour que la frange capillaire intercepte la surface pendant de nombreux mois de l'année. Les tiges de ces plantes sans feuilles sont succulentes et extrêmement salines mais certaines salicornes sont consommées par les ovins lorsqu'ils manquent d'autres aliments. Certaines salicornes développent une ossature ligneuse importante.

- Les Chénopodes - qui comprennent les genres Atriplex, Chenopodium, Rhagodia et Halimione. Ces arbustes feuillus ont une couleur gris-vert caractéristique due au développement de vésicules à sel sur les cellules de leur épiderme. Ils sont très tolérants au sel mais se rencontrent dans des lieux moins saturés en eau que les salicornes. Ces arbustes ont une appétabilité très variable mais constituent un élément important des pâturages arbustifs arides et semi-arides dans bien des pays. Les Atriplex spp. servent de combustible et certaines espèces produisent une forte ossature ligneuse.

- Les Soudes et "Bluebushes" - qui comprennent les genres Salsola, Kochia, Maireana, Sarcobatus, Suaeda et Enchylaena. Ces arbustes possèdent des feuilles succulentes et présentent une appétabilité très variable pour les animaux. Leur tolérance au sel et à la saturation en eau va de ceux qui se rencontrent en association avec les salicornes et les chénopodes à ceux qui sont moins tolérants au sel et à la saturation en eau que la plupart des chénopodes.

4. Sélection des végétaux

La réhabilitation des environnements salins exige un choix attentif d'espèces tolérantes au sel. Il faut pour opérer ce choix prendre en considération l'adaptation d'une espèce donnée aux paramètres environnementaux tels que le climat, la salinité et l'hydrologie du site.

Les différences les plus importantes que l'on rencontre entre les sols salins résident dans les relations entre le site et l'eau. Pour les sites côtiers, la profondeur et la fréquence de l'inondation par les marées ou la profondeur de la nappe phréatique sont des facteurs importants dans la répartition des espèces. Dans les cuvettes endoréiques, les zones de remontée saline et les zones ou la nappe phréatique est haute, le zonage des espèces est fonction de la profondeur de la nappe phréatique ou de la susceptibilité du site à l'inondation ou à la saturation en eau de surface aussi bien que de la salinité. Dans le Tableau 6.1, les espèces sont classées selon les zones climatiques et les types de terres salines où elles poussent

5. Implantation

On peut implanter des arbustes sur le terrain soit sous forme de plants ou de boutures, soit par semis. Les boutures conviennent pour Tamarix spp. mais ne sont pas suffisamment fiables pour les autres arbustes. L'utilisation de plants est fiable si le sol est adéquatement préparé. Dans les zones salines, les techniques de préparation du sol doivent avoir deux objectifs principaux: le premier est de maîtriser l'eau souterraine là ou sa présence entraîne l'accumulation de sel sur la surface du sol. Cela peut se faire par drainage, ou en traçant des sillons profonds et des bilions; le second objectif est d'obliger le sel à descendre dans le sol au lieu de s'accumuler à la surface. Cet objectif peut être réalisé en choisissant dans la zone considérée des "niches" où le lessivage du sel est assuré naturellement, ou en créant artificiellement de telles "niches" où de jeunes plants ou des semences pourront s'installer.

On en trouve une illustration dans la "technique des niches" mise au point en Australie pour le semis d'arbustes tolérants au sel dans des zones salines. La technique consiste à tracer un sillon et un billon et à créer une "niche" sur le billon (Figure 6.3)

Le sillon est destiné à capter l'eau et à la stocker dans le sous-sol au voisinage de l'arbuste pour l'aider à survivre et à pousser. Le billon permet de surélever le site de plantation au-dessus du niveau général du sol de façon à éviter le problème de saturation en eau ou d'inondation et d'aider à lessiver le sol de la niche. La niche constitue un site de plantation abrité avec une pente latérale tassée de façon que l'eau de ruissellement se concentre dans la niche. On peut semer ou planter la niche. Lorsqu'il y a semis, un paillis peut favoriser la pénétration de l'eau, le lessivage du sel et réduire l'évaporation et la formation du sol en croûte (Figure 6.4).

Figure 6 3 Section transversale d'un sillon, d'un billon et d'une niche de plantation.

Figure 6.4 Atriplex undulata implanté par la technique des niches.

TABLEAU 6.1 Espèces naturelles ou introduites qui poussent avec succès sur des types de terres salines dans diverses zones climatiques


Types de terres salines

Climat

Zone côtière

Cuvettes endoréiques

Nappes phréatiques hautes

Remontées de sel

Zones salines en altitude

Tiède - méditerranéen

Sporobolus virginicus, Atriplex cinerea, A. paludosa

-

Maireana brevifolia, Atriplex amnicola, A. undulata, A. lentiformis, A. nummularia, Halosarcia pergranulata

Paspalum vaginatum , Puccinellia ciliata, Tamarix gallica, Agropyron elongatum

Maireana brevifolia

Sec - steppe

Juncus acutus, J. rigidus, Salsola tetandra

Phragmites communis

Leptochloa fusca, Salsola vermiculata var. villosa, Atriplex halimus, A. glauca, Suaeda fruticosa, Haloxylon schmidtii, Atriplex undulata ,

Puccinellia distans

Atriplex vesicaria, A. nummularia

Sec - désertique chaud

Avicennia marina, Aeluropus spp., Sporobolus spicatus, Suaeda menoica, Atriplex undulata, A. amnicola, A. canescens, A. farinosa

Suaeda fruticosa , Sporobolus marginatus , Aeluropas lagopoides

Atriplex argentina, A. boecheri , A. cpenatifolia, A . undulata, Aeluropus lagopoides , Sprorobolus tremulus , Agropyron elongatum, A. leucoclada, Salvadora persica

Tamarix gallica, T. pentandra


Sec - froid





Kochia prostrata, Aellenia subaphylla , Haloxylonaphyllum, Salsola rigida

Il est souvent possible également d'implanter les arbustes par semis en place. Les recherches faites dans plusieurs pays ont cependant montré que cette technique impliquait de nombreux risques. Les problèmes sont dus à:

- une faible tolérance au sel au moment de la germination;
- une mauvaise utilisation des précipitations occasionnelles;
- des exigences spécifiques en températures;
- une mauvaise structure du sol;
- une période où l'eau est en excès;
- l'attaque par des insectes et les dommages dus au gel.

La meilleure méthode d'implantation pour un environnement salin donné doit être déterminée par une expérimentation sur le terrain.

Les principes suivants doivent être observés:

- Minimiser les possibilités de saturation en eau de surface, d'inondation et d'érosion en protégeant la zone de traitement par des travaux appropriés de conservation du sol.

- Il est possible de réduire les niveaux de sel dans la couche superficielle du sol en ameublissant celui-ci avant les premières pluies de façon à faciliter la pénétration de l'eau et le lessivage du sel.

- La zone ensemencée doit être protégée contre les animaux domestiques ou sauvages, y compris les rongeurs.

- Des mesures doivent être prises pour lutter contre les risques d'érosion éolienne là où ils existent.

- Les problèmes d'insectes doivent être détectés grâce à des inspections régulières et traités rapidement.

- Il convient d'utiliser une méthode de semis éprouvée.

6. Points marquants de ce chapitre

En conditions naturelles, beaucoup d'environnements salins acceptent des arbustes tolérants au sel qui sont utiles soit comme fourrage soit comme combustible.

La reconstitution du couvert végétal des sols salins dénudés à l'aide de ces arbustes peut permettre l'approvisionnement en fourrage ou en combustible, réduire le ruissellement, l'érosion et les niveaux de l'eau souterraine et améliorer l'aspect esthétique et l'habitat de la faune sauvage d'une région.

Un inventaire des arbustes tolérants au sel doit être fait de façon à sélectionner les sites qui conviennent pour leur plantation. Une liste est donnée des espèces à planter en environnement salin et les méthodes de plantation à utiliser dans des sites spécifiques sont exposées.

Il convient d'essayer des techniques d'implantation moins chères (semis en place) et de mesurer la productivité des arbustes de façon à permettre une évaluation au plan économique d'une plantation à grande échelle.


Table des matières - Précédente - Suivante