Table des matières - Précédente - Suivante


Chapitre VII - Plantations forestières irriguées


1. Introduction
2. Irrigation à l'aide d'une source d'eau permanente
3. Irrigation à l'aide d'une source d'eau intermittente: Récolte de l'eau de pluie
4. Irrigation par les eaux usées


1. Introduction

On peut créer des plantations forestières irriguées pour la production commerciale de bois de feu, de poteaux, de bois d'oeuvre et de fourrage. L'utilisation de l'irrigation permet également l'emploi d'espèces plus exigeantes d'arbres et d'arbustes à croissance rapide. Le fait de pouvoir avoir accès au bois fourni par les plantations irriguées réduira souvent la destruction de la végétation naturelle.

Dans les zones arides, on peut réaliser des plantations forestières irriguées à l'aide:

- d'une source d'eau fiable et permanente;
- d'une source d'eau intermittente;
- d'eaux usées.

2. Irrigation à l'aide d'une source d'eau permanente


2.1 Systèmes par gravité
2.2 Systèmes d'irrigation par aspersion
2.3 Systèmes localisés


Selon la quantité d'eau que peut fournir une source d'eau fiable (puits, barrage, cours d'eau...), on peut mettre en place des systèmes d'irrigation permanente. On peut choisir différentes conceptions selon les caractéristiques du lieu. Trois types de systèmes sont examinés dans les sections qui suivent: les systèmes par gravité, les systèmes par aspersion et les systèmes localisés

2.1 Systèmes par gravité

Les systèmes d'irrigation par gravité se caractérisent par le fait que le flux d'irrigation est déterminé par la surface du sol On peut distinguer quatre types: l'inondation de surface, l'irrigation par calants, par bassins d'infiltration, et par sillons.

Inondation de surface - Ce système ressemble aux inondations qui se produisent parfois sur les terrains plats qui bordent les cours d'eau et c'est la forme la plus simple d'irrigation permanente. Sur des terrains en pente douce demandant peu de préparation, l'inondation de surface est facile à réaliser. Elle consiste à libérer l'eau contenue dans des fossés et à la laisser se répandre sur la surface du terrain. Même si elle est simple, cette méthode convient en général assez mal aux cultures d'arbres et d'arbustes, car il est difficile d'obtenir une répartition uniforme de l'eau. D'autre part, le système racinaire des plants peut être privé d'oxygène du fait de la saturation en eau.

Irrigation par calants - Dans cette méthode, des bilions de terre parallèles guident la descente de l'eau le long de la pente sur des bandes dont la largeur varie de 3 à 30 mètres et dont la longueur peut atteindre 100 mètres. Le débit d'eau nécessaire est assez important. Le terrain doit présenter une pente modérée uniforme parallèle aux bilions. Une préparation soigneuse du terrain est nécessaire pour assurer la stabilité du sol. Cette méthode convient aux sols de texture moyenne, profonds et perméables. Sur les sols sableux, l'infiltration serait excessive, à moins que les bandes soient courtes. La lenteur de la percolation dans les sols lourds fait que cette méthode ne leur convient pas. Un fossé de drainage doit être créé à l'extrémité de la bande pour éliminer l'eau en excès. Il faut obtenir un équilibre optimum entre le type de sol, la pente, la largeur et la longueur des bandes et le débit d'eau, de façon que la profondeur d'eau voulue soit obtenue uniformément dans chaque compartiment sans percolation excessive à l'extrémité d'entrée. Dans les applications d'agroforesterie, cette méthode peut être idéale car on peut faire pousser des arbres le long du billon dont la largeur peut permettre la plantation d'une ou deux rangées d'arbres.

Irrigation par imbibation - Il s'agit d'un système dans lequel le champ ou le compartiment est divisé en petites sections de surface horizontale. Les cuvettes sont remplies d'eau qu'on laisse s'infiltrer, l'excédent éventuel étant évacué par drainage. Lorsqu'il s'agit de lessiver les sels du sol, on peut maintenir la hauteur d'eau pendant des périodes considérables en alimentant les cuvettes de façon continue. Cette méthode nécessite une main-d'oeuvre relativement importante.

Irrigation par sillons - C'est une méthode courante pour distribuer l'eau d'irrigation. Des sillons sont tracés à partir du principal canal d'alimentation en lignes parallèles régulièrement espacées pour permettre l'humidification de la zone d'enracinement des arbres. La largeur des sillons et leur espacement dépend en grande partie de la perméabilité du sol. Plus il est lourd, plus les sillons doivent être larges et espacés; le contraire est vrai pour les sols plus poreux. Cette méthode exige une main-d'oeuvre relativement importante et beaucoup de compétence et d'expérience pour diriger l'eau des canaux d'alimentation dans les sillons et en réguler le débit. Un inconvénient du système est que les racines des arbres tendent à se développer de façon linéaire le long du sillon; les arbres ont tendance à pencher et ils sont parfois abattus par le vent. Lorsque le sol n'est pas homogène, il peut se produire au bout d'un certain temps des différences de niveau des sillons et une inégalité de distribution de l'eau. Il est important d'assurer un entretien régulier des sillons.

2.2 Systèmes d'irrigation par aspersion

Les systèmes d'arrosage en pluie sont applicables surtout dans les zones où la topographie est irrégulière et où il n'est pas possible de niveler le terrain, là où la pente est irrégulière, où lorsqu'on souhaite une application rapide de quantités relativement faibles d'eau. Les applications dans la foresterie sont plutôt limitées par la hauteur des arbres et par le coût, mais elles sont possibles pendant la phase de première installation des plantations forestières.

Figure 7.1 Système d'irrigation au goutte à goutte.

Figure 7.2 Application dans un champ du système d'irrigation au goutte à goutte avec pompe à eau manuelle, bidon et tuyaux.

Tous les systèmes d'arrosage en pluie ont en commun une source d'eau sous pression, un système de canalisations d'amenée d'eau et des ajutages de distribution de l'eau.

Les avantages de ces systèmes sont qu'on peut les utiliser dans des zones de topographie et de forme irrégulières sans nivellement; on peut les utiliser dans des zones où la nappe phréatique est haute ou qui présentent un horizon induré près de la surface sans augmenter la salinité du sol; la quantité et le rythme d'application de l'eau sont faciles à réguler de sorte qu'on peut éviter le ruissellement ou la percolation en profondeur, ce qui constitue un avantage dans les zones de haute perméabilité. Ils peuvent utiliser une source d'eau peu abondante et continue mieux que les méthodes par gravité; l'eau est répartie de façon régulière s'il n'y a pas trop de vent; ces systèmes ne nécessitent pas de canaux, de fossés et de bilions, ce qui économise le terrain en même temps que les coûts d'entretien et autres inconvénients des systèmes d'irrigation.

2.3 Systèmes localisés

Les systèmes d'irrigation localisés, terme générique désignant les différentes méthodes d'irrigation au goutte à goutte sont parmi ceux qui provoquent une humidification partielle seulement du sol, localisée à la base ou autour du système radiculaire du plant. Ils se caractérisent par un apport lent et à petites doses d'eau à la zone radiculaire du plant par des tuyaux de distribution ou des orifices ou ajutages placés soit sous la surface du sol soit dessus.

Les éléments essentiels qui les composent sont une source d'eau sous pression, un dispositif de régulation, une conduite principale avec des branchements latéraux et des distributeurs (Figure 7.1). Pour obtenir la pression voulue de la source d'eau, il faut généralement une pompe et des citernes ou un réservoir. Le dispositif de régulation est généralement situé au point le plus haut du champ et relié à la source d'eau. Les avantages des systèmes d'irrigation localisés sont notamment qu'ils peuvent jusqu'à un certain point s'adapter à un terrain un peu accidenté, sont relativement faciles à gérer, impliquent des coûts de main-d'oeuvre relativement faibles et sont simples à faire fonctionner. Le principal problème est que les tuyaux fins et les distributeurs risquent d'être bouchés par du sable, de la terre, des matières organiques, des algues, des synbactéries et la précipitation d'éléments nutritifs, de matériaux colloïdaux ou de calcaire. Les dimensions ou l'étalement et la profondeur du système radiculaire étant fonction du volume d'eau appliqué à chaque irrigation, le développement des racines peut être limité si l'apport d'eau est insuffisant. D'autre part, les arbres peuvent mourir très rapidement s'ils ne reçoivent pas d'apport d'eau pendant une période même courte: aussi la source d'eau doit-elle être fiable (Figure 7.2).

3. Irrigation à l'aide d'une source d'eau intermittente: Récolte de l'eau de pluie

La récolte de l'eau de pluie est utilisée depuis des milliers d'années dans les zones arides pour obtenir de l'eau de façon saisonnière et pouvoir l'utiliser sur des périodes plus longues pour des cultures agricoles et arboricoles (arbres fruitiers, arbres d'agrément et autres). Cette méthode se pratique à l'aide de deux éléments essentiellement: (1) une zone de captage, généralement préparée de façon à améliorer l'efficacité du ruissellement et (2) une zone plus limitée de stockage de l'eau où l'on fait pousser des cultures ou des arbres ou bien où l'on stocke l'eau à usage ultérieur dans de petites citernes ou par d'autres moyens.

En cas de plantation d'arbres, l'eau de pluie est utilisée directement sans avoir à être stockée. Quatre techniques sont particulièrement intéressantes:

- la culture par ruissellement
- la culture en bandes alternées
- la culture en terrasses
- l'épandage de l'eau d'inondation.

Culture par ruissellement - Les bassins versants sont divisés en plusieurs micro-bassins versants selon la surface exigée par chaque arbre. La zone de collecte pour chaque micro-bassin versant peut aller de 20 à 1000 mètres carrés selon les précipitation et les besoins en eau des arbres. Les procédés de micro-captage sont utilisés dans les terrains complexes où les autres techniques de récolte de l'eau peuvent être difficiles à appliquer (Figure 7.3).

En général, on établit une série de micro-bassins versants bien conçus aux dimensions appropriées. Au point le plus bas, on creuse une cuvette d'environ 40 centimètres de profondeur et on y plante un arbre. Cette dépression collecte et stocke le ruissellement provenant du reste du micro-bassin versant, qui alimente le plant. A la zone radiculaire, le sol doit être profond d'au moins 1,5 mètre. Les distances en diagonale entre le coin le plus bas jusqu'au coin haut le plus éloigné doivent se situer entre 5 et 30 mètres.

Cette technique est particulièrement valable pour les années où les précipitations sont normales. En années sèches, la plupart des cultures annuelles ne résisteront pas. Il est donc conseillé lorsqu'on utilise ce système de sélectionner des végétaux résistant à la sécheresse.

Culture en bandes alternées - Bien que dans les zones arides et semi-arides seul un très faible pourcentage des précipitations atteigne les principaux cours d'eau, il se produit un ruissellement important sur beaucoup de bassins versants en pente douce. La culture en bandes alternées utilise cette eau grâce à une série de terrasses qui déversent l'eau sur une bande adjacente de sol productif (Figure 7.4).

Selon la topographie, les caractéristiques du sol et les conditions climatiques du site, on peut utiliser deux types de micro-bassins versants: (a) les micro-bassins versants unilatéraux pour les sols modérément perméables et les pentes naturelles supérieures à 6 pour cent et (b) les micro-bassins versants bilatéraux pour les sols hautement perméables et des pentes naturelles inférieures à 4 pour cent (Figure 7.5).

Figure 7.3 Principe de la culture par ruissellement.

Figure 7.4 Principe de la culture en bandes alternées.

Figure 7.5 Micro-bassin versant bilatéral avec un traitement différent appliqué aux sources de collecte.

Terrasses de niveau - Le but de la création de terrasses est de ralentir et de collecter la totalité du ruissellement entre les terrasses. Si ce ruissellement est convenablement géré, une quantité suffisante d'eau peut être apportée au sol de la terrasse pour améliorer de façon notable la croissance des arbres. Les terrasses sont indispensables sur des fortes pentes où toute la végétation ligneuse a été détruite et ne peut pas se régénérer avant que se produise une érosion sévère. Les terrasses doivent être suffisamment vastes pour retenir les plus fortes pluies.

La plantation de niveau consiste à établir de longues barrières basses perpendiculaires à la pente, le long de lignes de niveau, qui interceptent et retiennent le ruissellement et la terre emportée. Ces barrières peuvent être faites de pierres, de rondins, de terre ou être constituées par une haie.

Epandage de l'eau d'inondation (irrigation par submersion)

Dans les régions arides, les précipitations se produisent généralement en orages brefs et intenses. L'eau s'écoule rapidement dans les rigoles et rases et la région n'en profite pas. Il se produit parfois des inondations, souvent dans des zones qui n'ont pas reçu l'orage. L'épandage de l'eau est une technique consistant à dévier délibérément les eaux d'inondation de leur cours naturel et à les épandre sur les plaines d'inondation adjacentes ou à les retenir sur le fond des vallées (Figure 7.6). On utilise alors ces plaines d'inondation ou ces fonds de vallées pour planter des arbres ou des cultures fourragères.

La sélection du site est capitale pour la réussite de ce type de culture. Trois types principaux de sites conviennent particulièrement: (1) les pentes situées en dessous des escarpements, (2) les deltas alluviaux ou (3) les plaines d'inondation.

Si l'on rencontre des sites potentiels dans de nombreuses régions arides et semi-arides, les systèmes d'épandage de l'eau nécessitent une conception et une réalisation très étudiée pour supporter les inondations. Il faut les choisir de façon à disposer des conditions optimums en matière de topographie, de type de sol et de végétation.

4. Irrigation par les eaux usées


4.1 Eaux usées non traitées
4.2 Eaux usées partiellement traitées
4.3 Eaux usées entièrement traitées
4.4 Considérations techniques relatives aux plantations irriguées à l'aide d'eaux usées
4.5 Aspects sanitaires


L'utilisation des eaux usées pour l'agriculture et l'arboriculture est une approche intéressante pour de nombreux pays arides. Elle peut être justifiée par les éléments suivants:

- Création d'une ressource constituée par les eaux usées. L'équivalent d'engrais contenu dans les eaux usées d'un centre urbain de 10000 habitants environ sans industries polluantes s'élève à environ 30000 dollars E.-U.

- Cette technique peut être considérée comme une méthode économique de traitement des eaux usées.

- C'est un système qui économise l'eau, si indispensable aux régions arides où les ressources en eau sont rares.

Figure 7.6 Schéma d'un système d'épandage de l'eau d'inondation.

Plusieurs expérimentations ont montré que l'irrigation à l'aide d'eaux usées améliore la croissance des arbres. Cependant, il reste à déterminer un certain nombre de facteurs tels que la taille optimum de l'équipement, les techniques les plus adaptées et la solution des problèmes sanitaires associés dans la pratique à certaines techniques.

Selon les ressources en eau disponibles et le type d'exploitation, on peut distinguer trois situations:

- les eaux usées non traitées,
- les eaux usées partiellement traitées,
- les eaux usées complètement traitées.

4.1 Eaux usées non traitées

L'utilisation d'eaux usées non traitées est généralement impraticable à cause de l'odeur. Les eaux usées non traitées sont soit transportées par des camions citernes à partir des immeubles ou des maisons et des usines et déversées dans des tranchées préparées à cet effet ou épandues directement. L'odeur peut être rendue moins pénible en mélangeant les eaux usées non traitées avec de l'urée ou du sulfate d'ammonium et du muriate de potasse. Cette situation présente deux problèmes: le premier est l'organisation du transport des eaux usées et le deuxième l'accord entre le producteur et l'utilisateur des eaux usées sur le moment où ce dernier a besoin de l'eau.

4.2 Eaux usées partiellement traitées

Cette technique vise à réduire le coût du traitement de l'eau en remplaçant l'installation d'adoucissement d'eau par un dispositif simple d'adoucissement primaire. Le sol complètera le traitement (Figure 7.7). Cette technique est également utilisée pour récupérer les engrais contenus dans l'eau semi-traitée.

4.3 Eaux usées entièrement traitées

Cette situation est très courante dans de nombreux pays arides. Les centres urbains et les usines avoisinantes traitent leur eau. Les exploitations agricoles des environs peuvent l'utiliser en reliant des canalisations aux principal chenal d'eau traitée. Cette eau traitée peut être utilisée totalement pour les cultures agricoles et les cultures forestières, en partie réutilisée par l'usine ou déversée dans un canal voisin. (Figure 7.8).

4.4 Considérations techniques relatives aux plantations irriguées à l'aide d'eaux usées

L'utilisation d'eaux usées pour les plantations forestières irriguées exige une analyse chimique périodique de l'eau car la qualité des eaux usées varie beaucoup. Outre le pH de l'eau, il importe d'analyser la variation de quantités de chlorure, sulfate, ammoniaque libre, fluor, phosphate, zinc, bore et silice. Les sols destinés aux plantations doivent présenter une bonne porosité sans taux d'infiltration élevé. La capacité d'absorption du sol doit être surveillée de façon à suivre son évolution.

Figure 7.7 Eaux usées partiellement traitées.

Figure 7.8 Eaux usées complètement traitées.

4.5 Aspects sanitaires

L'utilisation d'eaux usées présente un certain nombre de risques pour la santé: contamination du sol et de la végétation, ruissellement des affluents polluant les canaux, infiltration des eaux usées dans l'eau souterraine, dispersion des microbes par voies biotique et éolienne. Cela nécessite de limiter l'utilisation des eaux usées non traitées ou partiellement traitées aux sites présentant une faible pente et un sol modérément perméable. D'autre part, ces sites doivent être éloignés des zones d'habitation. Les techniques d'irrigation par gravité limitent le contact direct des eaux usées avec le plant, mais ont l'inconvénient de contaminer les eaux souterraines si on applique les eaux usées en grande quantité. Les techniques d'irrigation par aspersion limitent le risque de pollution des eaux souterraines mais se traduisent par un contact direct des eaux usées avec les plants. Les systèmes d'irrigation localisés peuvent se révéler les plus adaptés à condition qu'on résolve les problèmes de bouchage des tuyaux.

On ne peut assurer une sécurité totale qu'en prenant un ensemble de mesures préventives adaptées à chaque site:

- sélection d'essences appropriées (les essences d'arbres forestiers destinés à la production de bois et de bois de feu sont celles qui sont les moins affectées);

- sélection d'un site approprié et des techniques d'irrigation qui conviennent;

- addition dans les eaux usées de produits appropriés de décontamination.


Table des matières - Précédente - Suivante