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Les effets du couvert végétal

Pour arrêter l'érosion, un couvert végétal est d'autant plus efficace qu'il absorbe l'énergie cinétique des gouttes de pluie, qu'il recouvre une forte proportion du sol durant les périodes de l'année où les pluies sont les plus agressives, qu'il ralentit l'écoulement du ruissellement et qu'il maintient une bonne porosité à la surface du sol. Cependant, il est difficile d'évoquer l'action protectrice d'un couvert végétal sans préciser les techniques culturales au sens le plus large, utilisées pour l'obtenir.

Parmi les facteurs conditionnels de l'érosion, le couvert végétal est certainement le facteur le plus important puisque l'érosion passe de 1 à plus de 1 000 tonnes lorsque toutes choses étant égales par ailleurs, le couvert végétal d'une parcelle diminue de 100 % à 0 % (comparer les parcelles sous ananas et résidus de récoltes maintenus à la surface avec les parcelles nues du tableau 13).

L'INFLUENCE DES TYPES DE COUVERT VEGETAL

Le tableau 13 met en évidence l'existence de trois groupes de couverts végétaux:

Les couverts complets toute l'année

La forêt dense, mais aussi les forêts secondaires arbustives, les savanes arborées non brûlées, les jachères naturelles, les prairies de plus d'un an, les cultures arbustives avec plantes de couverture ou de paillage. L'érosion est toujours négligeable sous ces couverts denses (E = 0,01 à 1.5 t/ha/an) et le ruissellement est très faible (KR % = 0,5 à 5 % en moyenne, 10 à 25 % au maximum pour les averses exceptionnelles). L'érosion et le ruissellement sont généralement très faibles sous forêt; quelques cas font cependant exception: une forêt sur une pente de 65 % sur des sables tertiaires près d'Abidjan et une parcelle de 20 % de pente sur des sols issus de schistes à Azaguie, une parcelle forestière en Guyane sur des schistes Bonidoro (Blancaneaux et Ecerex, 1982) et une parcelle forestière en milieu hyperhumide du Gabon, étudiée par Collinet en 1973. Le ruissellement maximal observé dans ces conditions de forêt souvent très humides peut dépasser 35 % pour des averses unitaires. Sur les pentes les plus répandues, il semble que les ruissellements soient nettement plus forts sur les sols ferrallitiques issus de schistes que sur ceux qui sont issus de granit ou de sédiments tertiaires. La forêt, avec sa frondaison dispersée sur plusieurs étages, les buissons et la litière de feuilles mortes, couvrent le sol toute l'année et le protègent contre l'énergie des gouttes de pluie.

La mésofaune (termites et vers de terre) entretient une bonne porosité et la vitesse d'infiltration reste élevée tout au long de la saison des pluies. Seule peut intervenir la saturation du sol au-dessus d'un horizon relativement peu perméable, à faible macroporosité. C'est le cas de la base de la nappe graveleuse à Azaguié, mais aussi des sols à drainage latéral en Guyane. Des résultats semblables, c'est à dire très faible érosion et ruissellement, ont été observés sur trois parcelles couvertes de fourrés forestiers denses dégradés de la station d'Agonkamé, dans le sud du Bénin (Verney, Volkoff et Willaime, 1967; Roose, 1976). Comme en forêt, le ruissellement court entre le sol et la litière, il est continuellement freiné par les aspérités du sol et piégé par les trous laissés par les racines pourries et la faune. Sa trajectoire est discontinue et son volume réduit dans les séquences étudiées.

TABLEAU 13 : Erosion et ruissellement à Adiopodoumé (Côte d'Ivoire) en fonction du couvert végétal, des techniques culturales et de la pente (1956 à 1972) (d'après Roose, 1973)

Couvert végétal et façons culturales

Erosion annuelle (t/ha)

Ruissellement annuel moyen (%)

Ruissellement maximum


Extrêmes

Moyenne



Forêt secondaire (pente 23,3 %)

0,01 à 0,2

0,1

0,7

6* (12)**

Sol nu. pente

(p = 4,5)

34 à 74

60 37

71 (98)



(p = 7)

69 à 150

138

33

66 (87)


(p = 20-23,3)

266 à 622

570 25

65 (73)


Plante de couverture ou fourragère (p= 7%)
• 1 ère année






- plantation hâtive, fort développement dès la 1ère année Pennisetum purpureum, Guatemala grass, Panicum maximum, Cynodon dactylon, Setaria

0,1 à 1,9

0,5

4

25 (29)


- plantation tardive, faible densité, faible développement 1ère année Crotalaria, Flemingia congesta, Mimosa invisa, Panicum maximum, Digitaria umfolozi, Centrosema, Titonia diversifolia, Stylosanthes

23 à 89

40

20

62 (87)

2ème année






- toutes les plantes de couverture - 2d an.

0,05 à 0,7

0,3

1

8 (12)

Jachère naturelle (pente 4,5 %)

-

0,6

8

64

Caféier, palmier à huile ou cacaoyer (p = 7 %)






- avec une bonne plante de couverture

0,01 à 0,5

0,3

2

8 (16)


- avec une plante de couverture peu développée

5 à 143

-

30

60 (87)

Bannanier avec paillis (p = 7%)

0,04 à 0,05

0,04

0,5

4


1ère année

) à plat 7 %

8 à 20

12

14

51

Ananas


) butté 4,5 %

-

1,5

9

5


2ème année

0,1 à 0,3

0,2

3

12

Manioc et igname (p = 7 %)






. butté 1 ère année

22 à 93

32

22

53 (82)


. butté 2ème année

-

2

7

24

Maïs 20 x 100 cm (p = 7 %) billoné dans le sens de la pente

(35) à 131

92

30

75 (86)

Arachide 20 x 40 cm à plat (p = 7 %)

59 à 120

82

27

73 (87)

* Le premier chiffre est le maximum probable chaque année par pluie unitaire.
** Le deuxième chiffre correspond à un événement exceptionnel de récurrence décennale.

Sous les savanes ou les vieilles jachères protégées depuis quelques années, les ruissellements moyens (Kram = 0,02 à 5 %) et les ruissellements maxima ne sont guère plus élevés que sous forêt. Par contre, nous verrons plus loin que si les feux interviennent chaque année, en particulier tardivement, les conditions sont radicalement différentes.

Les sols nus, les jachères nues ou peu couvrantes, durant les mois les plus agressifs

L'érosion est alors d'autant plus considérable que la pente est forte et le climat agressif. A Adiopodoumé, l'érosion passe de 60 à 138 et 570 t/ha/an en moyenne, si la pente augmente de 4 à 7 et 23 % et le ruissellement est très abondant (KR moyen = 25 à 40 % et KR max = 70 à 90 %). En principe, un paysan ne laisse jamais son sol nu pendant la saison des pluies, il y fait pousser des récoltes sans quoi, la parcelle est envahie de mauvaises herbes. Mais il arrive qu'il soit amené à semer trop tard ses cultures, si bien que pendant les premiers mois de la saison des pluies, les sols sont dénudés et se comportent comme des parcelles nues. On constate alors que les parcelles cultivées tardivement développent une érosion qui est de l'ordre de 80 % de l'érosion mesurée sur parcelle nue.

Les couverts incomplets durant une partie de l'année

Ce sont les cultures vivrières ou industrielles, les plantes de couverture ou de culture fourragère implantées tardivement ou encore celles qui démarrent lentement. Les phénomènes d'érosion sont évidemment intermédiaires mais extrêmement dépendants de la précocité et de la densité de plantation, de la pente et des techniques culturales. On remarque au tableau 13, que les cultures vivrières sont parmi les plantes les moins protectrices du sol. L'érosion sous manioc ou igname s'élève de 22 à 93 t/ha/an sur une pente de 7 %, tandis que sous maïs et arachide elle varie de 35 à 131 t/ha/an. Ceci provient du fait qu'on n'a utilisé aucune technique antiérosive, que les dates de plantation furent tardives et les densités assez faibles, vu la pauvreté du sol. En tout cas, le couvert n'a atteint 80 % de la surface cultivée qu'après deux à cinq mois, c'est à dire après l'époque des plus fortes pluies. Dans les champs paysans traditionnels, il n'en va pas de même car les paysans plantent souvent très tôt après les premières averses et presque toujours en associant plusieurs cultures dont les couverts se complètent et se succèdent dans le temps et dans l'espace. En culture intensive, on ne peut pas prendre le risque de devoir recommencer les semis si des périodes sèches succèdent aux premiers orages. Les plantations se font donc nécessairement relativement tard après le labour, souvent deux à trois semaines après les semis en système traditionnel. Mais le labour favorise un enracinement profond et la fertilisation permet de rattraper le retard de végétation et d'augmenter la densité de plantation.

Du tableau 13, il ressort encore que l'érosion, et dans une moindre mesure le ruissellement, dépendent pour une large part de la proportion du sol non couvert par la végétation avant les grosses pluies. Il ne s'agit pas seulement de la matière verte produite sur un champ, mais de façon plus précise, de la projection verticale ou mieux, légèrement oblique du couvert sur le sol: lors des grosses averses, l'angle est généralement inférieur à 25° sauf lors de certaines tornades où il peut atteindre 45°. Il dépend aussi de l'architecture des plantes: hauteur du feuillage au-dessus du sol, disposition en gouttière comme un entonnoir concentrant les eaux (ex. ananas et maïs) ou au contraire en parapluie dispersant les gouttes (ex. manioc).

Il existe peu d'études générales sur la dynamique du couvert des cultures et aucune technique valable pour mesurer tous les types de végétaux. On a donc utilisé différents procédés pour évaluer le couvert végétal sur les parcelles d'érosion (Roose, 1973):

- le diamètre moyen du cercle couvert par les rosettes de l'arachide, la proportion de surface couverte du cercle circonscrit à une touffe de manioc (sur photo verticale),

- le nombre et la surface des feuilles du maïs,

- les surfaces géométriques simples, couvertes ou dénudées entre les lignes de Stylosanthes ou d'arachide ou dans la savane,

- les points quadrats (aiguilles touchant ou non le couvert) pour les graminées, les adventices, les résidus de cultures et l'ananas.

FIGURE 25 :

Evolution du couvert végétal de différentes cultures au cours de l'année (Adiopodoumé, cases d'érosion: 1966 à 1975) (d'après Roose, 1977)

TABLEAU 14 : Protection antiérosive de trois plantes fourragères après la fauche (Adiopodoumé, 1970-1972)


Pluie

Cynodon aethiopicus

Stylosanthes guyanensis

Panicum maximum

Sol nu



Hauteur mm

Agressivité RUSA

R %

E kg/ha

R %

E kg/ha

R %

E kg/ha

R %

E kg/ha

3.11.1970

41,5

13,8

3,6

47

19,6

10

0

0

39

1843

4.11.1970

fauche










5.11.1970

20,0

4,4

2,3

12

16,6

69

13,3

110

53

1323

7.11.1970

22,0

7,3

2,6

2

14,9

87

25,0

175

74

1111

22.9.1971

fauche










27.9.1971

33,5

18,5

1,9

9

15,2

188

3,3

175

32

1542

15.7.1972

fauche










17.7.1972

65,0

42,3

3,4

10

6,1

16

21,8

335

77

9710

Total après fauche

140,5

72,5

2,8

33

11

360

17

795

62

13686

Couvert végétal après la fauche le 17.7.1972

60 à 80 %

42 %

8 à 14 %

0

La figure 25 montre que la dynamique de la croissance du couvert végétal est très variable en fonction du type de plante mais aussi des techniques culturales (densité et date de plantation, fertilisation) et du climat (précipitations et éclairement). On comprend dès lors que si les fortes averses tombent un mois après la date de semis, l'érosion sera fonction du type de plantes tout autant que des techniques culturales. D'où la notion de plantes dégradantes ou protectrices, suivant la vitesse du recouvrement du sol par ces plantes, notion qui doit être tempérée par celles des techniques culturales appropriées. En effet, une graminée protège généralement mieux le sol qu'une légumineuse ou qu'un manioc, encore qu'une plantation hâtive par rapport aux périodes plus pluvieuses, permet d'améliorer très nettement la valeur protectrice des plantes. Par exemple, le Stylosanthes, atteint le même pouvoir couvrant (95 %) que le Panicum, mais avec deux mois de retard. Certaines plantes sont dites dégradantes parce qu'elles couvrent lentement le sol. C'est le cas de l'ananas et du manioc qui ne gagnent que 10 à 20 % de couvert végétal par mois.

Certaines plantes comme l'arachide, le maïs et d'autres céréales, couvrent très mal le sol les deux premiers mois. Ce n'est qu'à la fin du troisième mois qu'elles dépassent 80 % de couverture du sol mais leur cycle étant assez court (de 4 mois), tout le reste de l'année, les sols nus sont soumis à la battance, à moins que les adventices ne couvrent le sol et n'absorbent l'énergie des gouttes de pluie. D'autres plantes sont considérées comme dégradantes alors que c'est simplement leur mode de culture qui est mal adapté ou qui couvre mal le sol. C'est le cas par exemple, du tabac que l'on plante à grand écartement de façon à avoir de très belles feuilles. On peut résoudre ce problème en paillant les surfaces des cultures peu couvrantes. Il n'est évidemment pas possible d'utiliser du paillage sous cotonniers, autre plante dégradante renommée. Le cotonnier met au moins deux mois à couvrir le sol. Par ailleurs, il ne laisse aucune trace de matière organique dans le sol après son passage puisque les feuilles sont broûtées, les tiges soigneusement arrachées et brûlées, y compris les racines. C'est donc à la fois le manque de couverture végétale et le déséquilibre du bilan organique qui entraîne la dégradation des sols sous ces différentes cultures. Par contre, le Panicum maximum et d'autres graminées en grosses touffes, arrivent à couvrir le sol au bout d'un mois.

Le tableau 14 montre l'importance de la protection antiérosive qu'offre la base des tiges et les racines superficielles de trois plantes fourragères après leur fauche.

On constate que même après la fauche, la protection par les cultures fourragères est considérable:

- le ruissellement est réduit de moitié et l'érosion à 1/17ème et jusqu'à 1/415ème de ce que l'on a observé sur la parcelle nue;

- le Cynodon fauché reste bien plus efficace que le Stylosanthes (semé en lignes) et surtout que le Panicum qui vit en touffe. L'érosion est fonction de la surface du sol découverte après la fauche, soit 20 à 40 % sous Cynodon, 60 % sous Stylosanthes en ligne et près de 90 % sous Panicum.

TABLEAU 15 : Influence du développement d'une plante de couverture sous cultures arbustives sur la protection antiérosive du sol (Adiopodoumé, 1961 et 1962, sur sols ferrallitiques sableux très désaturés, pente de 7 %)

Couverture végétale

Développement de la plante de couverture

E t/ha/an

Ruissellement moyen %

Ruissellement maximum %

1961

Pluies: 2289 mm





1

Caféier + couverture Flemingia

bon

0,4

2,6

8

P2

Palmier + couverture Centrosema

presque nul

143,2

2,1

87

P5

Caféier + couverture Stylosanthes

lent

5,2

1,8

75

1962

Pluies : 2773 mm





P1

Caféier + Flemingia 2d an

complet

0,05

0,7

2

P2

Palmier + Centrosema 2d an

moyen

0,08

1,4

4

Il est nécessaire de noter au tableau 13, que lorsque le couvert est incomplet, la variabilité des résultats est très importante. C'est une chance pour l'aménagiste, car cette variabilité ne provient pas seulement de l'hétérogénéité des pluies et des imperfections de la méthode de mesure, mais surtout de la façon dont les cultures ont été mises en place et menées jusqu'à la récolte. On pourra donc jouer sur les techniques culturales, lesquelles agissent par voie biologique ou mécanique. La première méthode à laquelle il faut penser pour conserver l'eau et le sol, est la méthode biologique qui vise à intensifier la production sur les meilleures terres en augmentant le couvert végétal. La technique comporte une plantation hâtive et dense de variétés à forte croissance bien adaptées aux conditions régionales, une préparation adéquate du sol, une fertilisation équilibrée, une protection phytosanitaire suffisante, l'usage de plantes de couverture ou de paillage, des rotations et l'alternance de plantes couvrantes et de plantes sarclées.

Il est particulièrement important d'assurer la couverture du sol pendant la période des pluies les plus agressives, en particulier du 15 mai au 15 juillet à Adiopodoumé. Sur deux parcelles identiques de 7 % de pente, le retard d'un mois de la plantation d'un Panicum maximum a entraîné une augmentation de l'érosion de 1 à 89 t/ha et du ruissellement de 10 à 20 % pour les trois mois les plus agressifs de l'année.

Le choix d'une variété de manioc très vigoureuse et l'apport de fumier ont réduit l'érosion de 93 à 30 t/ha/an sur des parcelles voisines.

En culture arbustive, l'implantation d'une bonne plante de couverture résoud généralement les problèmes d'érosion (voir les plantations de café, palmiers, cacao, hévéas, en Côte d'Ivoire) (tableau 15).

L'INFLUENCE DE LA HAUTEUR DU COUVERT VEGETAL (figures 26 et 27)

A la figure 26, on constate que l'érosion est fonction non seulement du couvert végétal, mais également de la hauteur du couvert végétal au-dessus du sol. Par exemple, lorsque le couvert végétal est de 100 % mais qu'il se trouve à 4 m de hauteur, l'érosion sera de l'ordre de 75 % d'une parcelle nue. Si le couvert est à deux mètres, l'érosion sera de l'ordre de 50 %. S'il est à 50 cm, l'érosion sera encore de l'ordre de 18 %. Par contre, au cas où l'on a une litière, l'érosion sera réduite à 3 %. Si on regarde la baisse de l'érosion en fonction du pourcentage du sol couvert par le mulch, on observe une baisse très rapide de l'érosion pour une surface couverte relativement réduite. Par exemple, pour 10 % de sol couvert, l'érosion n'est plus que de 78 %, pour 20 %, l'érosion n'est plus que de 60 %, pour 50 % de sol couvert, l'érosion est réduite à 30 % de celle mesurée sur la parcelle nue témoin.

On constate donc que l'effet de la litière sur l'érosion est extrêmement rapide. Il n'est pas indispensable de couvrir tout le sol pour que le paillage soit intéressant pour lutter contre l'érosion. Si déjà, on couvre 20 %, on réduit l'érosion de 40 %. Si le paillage couvre de l'ordre de 40 %, on réduit l'érosion de 60 % et si l'on a couvert le sol à 80 %, on réduit l'érosion au 1/10ème de celle que l'on peut trouver sur sol nu.

A la figure 27, on constate l'effet combiné d'une litière et d'une canopée. En effet, si l'on n'a aucune canopée, on retrouve la courbe précédente de l'effet de la litière sur l'érosion. Mais si en plus de la litière, on a 20, 40, 60, 80 ou 100 % de sol couvert par la canopée, on constate une augmentation progressive de la maîtrise de l'érosion. Ainsi, lorsque la litière est seule et couvre 20 %, l'érosion est de l'ordre de 60 %, mais si en plus de ces 20 % de litière, on a un couvert d'une canopée de 100 %, l'érosion ne sera plus que de 30 %. Si donc la litière au ras du sol est incomplète, on constate que la voûte foliaire peut avoir un effet important sur la réduction de l'érosion.

Enfin, l'alternance dans le temps (rotation) et dans l'espace de cultures qui protègent mal le sol (par exemple: maïs, arachide, tabac, manioc, igname) et de prairies temporaires ou permanentes, ou encore de bandes d'arrêt, permet de réduire l'érosion à l'échelle du bassin.

L'ARCHITECTURE DES PLANTES

L'architecture des plantes peut également avoir un impact sur le développement du ravinement et de l'érosion. En effet, les arbres dont les feuilles canalisent les eaux vers le tronc, fonctionnent comme un entonnoir et ces eaux qui se rassemblent à la base du tronc, peuvent être à l'origine d'un cisaillement des billons qui vont drainer ensuite toutes les eaux contenues dans les sillons et provoquer un ravinement. C'est le cas en particulier, de l'ananas mais également, dans une moindre mesure, du maïs. L'autre architecture est celle des plantes "parapluie" qui renvoient à l'extérieur les gouttes d'eau et qui dispersent ainsi leur énergie: le bananier et le manioc en sont des exemples.

Enfin, on constate l'influence des racines. Les racines superficielles fasciculées retiennent la surface de la terre; par ailleurs, les racines pivotantes augmentent de volume dans un premier temps, occupent les macrospores des sols et réduisent donc l'infiltration, mais dans un deuxième temps, elles pourrissent, laissent des tuyaux stabilisés par la matière organique et favorisent l'infiltration.

L'intensification de l'agriculture n'entraîne pas forcément une augmentation de la dégradation et de l'érosion des sols. Hudson (1973) a démontré en effet, que la production d'un sac de maïs provoquait 50 fois plus d'érosion en culture extensive du maïs qu'en plantation dense avec engrais. Ceci ne tient pas seulement au fait qu'il a fallu défricher des surfaces plus importantes pour produire la même quantité de maïs, mais aussi que sur des champs à faible densité, l'érosion supérieure à celle observée sur des champs à forte densité. De même, les engrais peuvent avoir un impact significatif sur la protection contre l'érosion (tableau 16).

TABLEAU 16 : Influence de l'intensification de la production sur le ruissellement et l'érosion (d'après Hudson, 1973)


K R %

Erosion en t/ha/an

Maïs sans engrais

14

18

Maïs avec engrais

8

6,3

FIGURE 26

: L'érosion est fonction de la hauteur du couvert végétal au-dessus du sol

FIGURE 27

: Effet combiné d'une litière et d'une canopée lorsque la hauteur moyenne de chute des gouttes de pluie ne dépasse pas 1 mètre (d'après Wischmeier et Smith, 1978)

L'INFLUENCE DE LA GESTION DES RÉSIDUS DE CULTURE

Rappelons l'essai situé au tableau 11, où la présence du couvert d'ananas et de résidus brûlés a réduit l'érosion de 200 tonnes sur sol nu à 25 t/ha et 11 t/ha si les résidus sont enfouis, mais si les résidus sont laissés en surface, à 0,4 t/ha. De même, le ruissellement est passé de 36 % en moyenne sur sol nu labouré à 6,4 % sur ananas avec résidus brûlés, 2 % si les résidus sont enfouis et 0,6 % si les résidus sont laissés en surface. Il semble donc évident que les résidus laissés à la surface du sol sont largement plus efficaces pour réduire l'érosion que les résidus qui sont enfouis dans le sol pour en améliorer sa structure.

En France, les meilleurs vignobles sont souvent situés sur coteaux. Comme la vigne couvre très peu le sol durant l'hiver et les orages de printemps (couvert végétal max = 40 %), elle pose pas mal de problèmes pour gérer les eaux de ruissellement sur fortes pentes sans entraîner trop de terre. Gril (1983) a été amené à tester, sur une vigne du Beaujolais, à l'aide du minisimulateur de pluies de type ORSTOM, l'influence de six modes de préparation du sol et de gestion des matières organiques sur le coefficient de ruissellement (% de la pluie), sur l'érosion (g/m2/heure) et sur la qualité du vin (figure 28).

Il apparaît clairement:

- que le labour réduit (de 15 %) le ruissellement observé sur sol non travaillé, mais n'a guère modifié l'érosion;

- que la présence de sarments broyés aurait plutôt tendance à augmenter le ruissellement et l'érosion (+ 37 %); curieusement, c'est le traitement le plus mauvais !

- que le compost enfoui réduit le ruissellement (de 11 %) et l'érosion (de 24 %) par rapport au labour simple;

- que la couverture du sol par un compost ou, mieux encore, par de la paille, est le mode le plus efficace puisqu'il réduit le ruissellement de 65 % et l'érosion de 98 % par rapport au témoin labouré, sans que la quantité, le pH et le degré alcoolique du vin n'en ait à souffrir !

- que le coefficient de variation est élevé au cours de la première demi-heure (13 à 54 %), mais qu'il diminue à mesure que la pluie se prolonge: l'état de surface est donc très variable et important à la surface de la vigne durant les brefs orages, mais les différences se confirment au cours de la deuxième demi-heure.

FIGURE 28 : Effet de divers traitements antiérosifs de la vigne du Beaujolais (Pommier, France) sur le ruissellement, l'érosion et la qualité du vin (d'après Gril, 1983)

Mesures sous une pluie simulée de 60 mm/heure pendant 1 heure sur 1 m2.

Traitements


Ruissellement (%)

Erosion (g/m2) pendant 1 heure

Poids de vendage (g/cep)

Degré alcoolique

pH



première demi-heure

deuxième demi-heure

matière sèche totale

matière organique




Paille

PA

13

26

1,8

0,18

1573

8°33

6,59

Compost (surface)

CS

24

57

6,9

2,2

1499

8°69

6,71

Compost (enfoui)

CE

34

66

108

9,7

1514

8°63

6,76

Labour

LA

41

74

142

11

1565

8°38

6,50

Sarments broyés

SA

54

83

190

15

1546

8°33

6,58

Absence de travail

AT

52

87

137

11

1481

8°38

6,50

Coefficient de variation % Répétition = 4

41

13

60

44

9,30

2,80

3,65

Graphique a

Graphique b

Continué


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