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3. DÉCLARATION

Les pays africains se trouvent face à d'importantes mutations d'ordre politique, économique et social, caractérisées notamment par un processus de démocratisation et de pluralisme, la recherche de la paix, la décentralisation de la décision économique et politique, l'encouragement des opérateurs économiques et des acteurs de la société civile à reprendre progressivement plusieurs fonctions jusqu'alors assurées par les Etats.

Dans ce contexte, des défis majeurs doivent être relevés: assurer la sécurité alimentaire de populations en croissance rapide, augmenter la production agricole tout en préservant l'équilibre des ressources naturelles, améliorer les conditions de vie, de santé, d'éducation, de nutrition des populations, notamment des femmes et des enfants, créer des revenus et des emplois, conserver et valoriser le patrimoine culturel.

Ces défis ne peuvent être relevés sans une participation active des populations. Pour y parvenir, la communication est un facteur stratégique.

Les déclarations de Windhoek en 1991 et de Bamako en 1993 ont mis l'accent sur la nécessité du développement d'une presse et d'une radio indépendantes et pluralistes.

La radio demeure, pour le monde rural, l'outil de communication le plus populaire, le plus fiable, le plus économique et le plus accessible. Elle permet, plus que tout autre moyen, de surmonter les obstacles de la distance, de l'analphabétisme et de la diversité des langues.

L'utilisation de la radio au service du monde rural a connu d'importantes évolutions. Les innovations technologiques en matière d'équipements, la réduction du coût des émetteurs FM, l'assouplissement des monopoles de diffusion et l'apparition de nouveaux acteurs du secteur privé et associatif ont conduit, au cours des dernières années, au développement de nouvelles formes radiophoniques dans les centres urbains comme au niveau des communautés rurales.

Cette évolution a permis une diversification et une pluralité des approches, une couverture plus complète des territoires, une meilleure prise en compte de la diversité des contextes socio-économiques et des langues des auditoires. Les acteurs du développement, et notamment les animateurs de base ont désormais la possibilité de s'approprier cet outil de communication en créant leurs propres stations de radio ou en participant activement à l'orientation des programmes. Pour prometteuse qu'elle soit, cette évolution se caractérise toutefois par une grande dispersion des initiatives et une fragilité des dispositifs mis en place.

Aujourd'hui, les radios rurales africaines sont à la croisée des chemins. De nouvelles orientations doivent être dessinées pour le futur, des décisions doivent être prises et de nombreux problèmes restent à résoudre pour qu'elles puissent se développer harmonieusement et remplir leur mission d'information et de dialogue au service du développement rural:

En définitive, il est essentiel que tous les partenaires engagés dans le développement rural (gouvernements, partenaires internationaux, associations représentatives du monde rural, opérateurs économiques du secteur privé) s'engagent à soutenir et à accompagner le développement de la radio rurale en Afrique.

Pour cela, ils doivent identifier les ressources disponibles et mettre en place des mécanismes de concertation et de suivi qui permettent la planification et la mobilisation de leurs compétences techniques et de leurs ressources financières, de façon coordonnée et complémentaire. Un tel mécanisme devrait notamment trouver une articulation avec l'Initiative spéciale du système des Nations unies pour l'Afrique.

Tous les partenaires concernés sont invités à considérer le Plan d'Action de Ouagadougou comme un cadre de référence commun pour la définition et la mise en Oeuvre des futures actions de développement de la radio rurale en Afrique.

4. PLAN D'ACTION

Missions, aspects juridiques et institutionnels

Bases de l'action

Le développement des radios rurales à l'échelle nationale, régionale et locale et la prise en compte de l'ensemble des besoins de la population rurale impliquent le respect du pluralisme par l'Etat et les aubes acteurs, ainsi que la mobilisation concertée et complémentaire de stations de radio qui se situent à plusieurs échelles et niveaux, disposent de moyens différents les uns des autres et fonctionnent selon des statuts et des règles diversifiés.

Il est donc indispensable, au moment où de nouvelles stations s'implantent à un rythme rapide, en milieu urbain comme en zones rurales, de prendre les dispositions politiques, juridiques et réglementaires appropriées, à l'échelle nationale, régionale et locale, afin d'adopter des statuts juridiques appropriés, de définir des missions et d'établir des cahiers des charges conformes au statut et à la vocation des stations, d'édicter des règles de déontologie adaptées aux conditions nouvelles créées par l'apparition de nouveaux acteurs dans le paysage radiophonique, d'attribuer les autorisations et les fréquences sur des bases juridiquement fondées, d'encourager et de faciliter la constitution de réseaux.

L'adoption de statuts juridiques appropriés permettra par ailleurs aux radios rurales d'acquérir une autonomie administrative, financière et rédactionnelle en conservant une mission générale de service public.

Ces modifications juridiques et réglementaires doivent s'accompagner des dispositions institutionnelles qui permettent aux radios rurales de jouer pleinement leur rôle d'instrument de promotion et de soutien du développement rural. Pour cela, tous les acteurs du développement doivent être associés à l'orientation et à la définition des programmes radiophoniques, afin que la thématique de ces programmes, ainsi que leur traitement reflètent la diversité des besoins et la pluralité des opinions et des approches.

Objectif: Mettre en place, au niveau de chaque pays, les instruments juridiques pertinents et les dispositions réglementaires et institutionnelles appropriées pour favoriser le développement de la radio rurale dans ses différentes formes.

Activités

  1. Définition et mise en place de politiques nationales de communication pour le développement. Définition du rôle et des fonctions de la radio rurale au sein de ces politiques afin de légitimer leurs missions dans le processus global de développement rural et d'engager l'ensemble des partenaires au développement sur une plate-forme d'action commune couvrant les besoins d'information et de communication de tous les acteurs du développement rural.
  2. Inventaire, étude et adoption des instituts juridiques les mieux adaptés aux missions des radios rurales, dans leurs différentes configurations.
  3. Adoption des dispositions réglementaires appropriées pour accorder et/ou accroître l'autonomie administrative, financière et éditoriale des structures publiques de radio rurale.
  4. Réglementation du fonctionnement des radios rurales: établissement de cahiers des charges, contrôle de l'exécution des missions de service public, traitement des questions relatives à la législation et à l'attribution des autorisations et des fréquences, régulation des apports de la publicité aux ressources des stations.
  5. Adoption des dispositions juridiques, institutionnelles et techniques qui favorisent la constitution de réseaux de stations de radio rurale, aux niveaux local, régional et national, afin d'utiliser de façon optimale les moyens existants pour satisfaire les besoins de l'auditoire, assurer la meilleure couverture territoriale et linguistique possible, renforcer la démocratie et la participation.
  6. Mise en place d'instances partenaires de coordination et de concertation intersectorielle entre les acteurs concernés, afin de légitimer les orientations et les programmes des radios rurales, leur permettre de couvrir l'ensemble des thèmes du développement économique, social et culturel et favoriser la mobilisation des ressources techniques, financières et humaines nécessaires pour la mise en Oeuvre de ces programmes. La composition de ces structures de concertation devra être adaptée au contexte à la situation des différentes radios rurales, aux niveaux local, régional et national.

Infrastructures, équipements et choix technologiques

Bases de l'action

La survie des radios rurales est menacée en raison des maigres ressources qu'elles peuvent consacrer aux équipements et infrastructures techniques qui connaissent, dès lors, de sérieux problèmes de fonctionnement et de maintenance. Elles ne disposent généralement pas d'équipements spécifiques et connaissent de grandes difficultés pour s'approvisionner en pièces détachées.

Pour assurer un développement durable de la radio rurale, il est indispensable d'établir, au niveau de chaque pays, un plan de développement des infrastructures et équipements techniques des radios rurales et de rechercher, à l'échelle nationale et interafricaine, les solutions techniques appropriées pour une exploitation rationnelle de l'ensemble des équipements existants.

Objectif 1: Etablir, dans chaque pays, un plan de développement de la radio qui prenne en compte les avantages d'un usage partagé des infrastructures et équipements techniques avec les autres utilisateurs des systèmes de télécommunication.

Objectif 2: Développer, partout où cela est possible, une capacité industrielle nationale de production, d'assemblage et de commercialisation d'équipements radiophoniques

Activités

  1. Mise en place d'un système de circulation d'informations techniques actualisées. Production, par l'UIT, en collaboration avec d'autres partenaires, de manuels techniques portant à la fois sur les paramètres techniques des émetteurs, pour faciliter la gestion des fréquences au niveau national et sur les questions relatives à la conception, la construction, le traitement acoustique et la climatisation des locaux techniques.
  2. Développement d'un plan de généralisation de la modulation de fréquence comme mode privilégié de diffusion des programmes.
  3. Examen, par chaque pays des conditions permettant la réduction, voire la suppression des droits de douane sur l'ensemble des équipements destinés aux radios rurales.
  4. Mise en Oeuvre, avec le soutien de l'ONUDI, d'une série d'études de besoins et de faisabilité en vue de l'implantation d'unités industrielles locales de fabrication d'équipements radiophoniques, de récepteurs et de matériels fongibles (piles, bandes, cassettes). Ces études déboucheront sur la formulation de projets susceptibles d'être présentés aux partenaires pour financement.
  5. Etude de faisabilité pour la mise en place de centrales d'achat permettant de réduire les coûts d'acquisition des équipements et matériels radiophoniques.

Nouvelles orientations pour la formation et la recherche

Bases de l'action

Les questions relatives à la formation et à la recherche sont essentielles pour le développement de la radio rurale en Afrique.

Au niveau national, elles doivent être considérées comme prioritaires. Un secteur recherche/ formation au service de tous les acteurs engagés dans la mise en Oeuvre de nouvelles formes radiophoniques au service du développement rural doit être constitué dans chaque pays. ll doit déboucher sur la mise en place d'un programme de recherche porterait sur tous les aspects du développement de la radio rurale et sur un programme de formation qui aille au delà de la formation des producteurs pour prendre également en considération les questions relatives à la formation des techniciens d'exploitation et de maintenance, des gestionnaires, des documentalistes, des spécialistes de la recherche, des spécialistes de la formation, ainsi que des métiers liés au développement des nouvelles technologies de l'information. Par ailleurs, ce programme doit être ouvert aux nouvelles techniques et méthodologies de recherche participative et d'enquête sociale sur le milieu rural doit également s'étendre aux techniques de communication de proximité et aux autres moyens de communication permettant de compléter et de prolonger l'action de la radio rurale sur le terrain.

Au niveau interafricain, un mécanisme de coordination et d'appui aux programmes nationaux de recherche/formation doit être mis en place avec le soutien des partenaires de la coopération internationale. ll devra s'appuyer sur un réseau de chercheurs et de formateurs africains en radio rurale ainsi que sur la constitution et l'exploitation d'un centre de ressources international dans ce domaine. Une telle mission pourrait être confiée au CERRO, pour ce qui concerne les pays francophones et à des structures équivalentes, s'agissant des pays anglophones et lusophones.

Au niveau international, la collaboration entre les principaux organismes partenaires des radios rurales africaines doit être poursuivie et intensifiée pour coordonner les appuis apportés aux différents pays et aux structures interafricaine en matière de recherche et de formation.

Objectif l: Développer dans chaque pays, et au niveau interafricain, des programmes et outils de formation répondant à l'ensemble des missions des radios rurales et aux besoins des animateurs de base, dans une perspective globale de communication pour le développement

Objectif 2: Etablir et/ou renforcer un programme de recherche sur le développement de la radio rurale, au niveau national et interafricain, dans ses aspects juridiques, institutionnels, sociaux, culturels, économiques, techniques, ainsi que sur son impact.

Activités

  1. Evaluation, au niveau de chaque station, des besoins en formation en prenant en compte la spécificité des missions de la station, la situation individuelle des agents et l'évolution de la capacité de production et d'émission de la station. Elaboration d'un plan de formation.
  2. Elaboration, dans chaque pays, d'un programme national de formation à partir des besoins identifiés au niveau de chaque station.
  3. Mise en place ou réhabilitation des structures de formation en radio rurale au niveau de chaque pays.
  4. Adoption de dispositions qui favorisent l'accès à la formation pour les femmes travaillant dans les radios rurales ainsi que pour les agents provenant des radios associatives, communautaires et commerciales.
  5. Création d'un cycle de formation de niveau 3 au CIERRO.
  6. Développement au CIERRO, de programmes de formation au marketing, à l'étude des auditoires ruraux, à la formulation de projets, à la recherche participative.
  7. Développement, renforcement et suivi des programmes de formation des formateurs.
  8. Mise en place de structures de coordination et de suivi de la formation au niveau national et interafricain.
  9. Mise en place au niveau interafricain, d'un fichier de compétences (institutions et personnes-ressource).
  10. Soutien à l'URTNA dans son projet de création d'un établissement équivalent au CIERRO pour les pays d'Afrique anglophone.
  11. Développement d'un programme de recherche portant sur les points suivants:
  12. Développement d'une stratégie de recherche de financements et de partenariat pour la mise en Oeuvre du programme de recherche.
  13. Mise en place des mécanismes et des réseaux de diffusion des résultats de la recherche auprès de l'ensemble des partenaires des radios rurales.

Concertation internationale pour la mise en Oeuvre du plan d'action pour le développement de la radio rurale en Afrique

Bases de l'action

Une coordination et un large partenariat international sont essentiels à la mobilisation des ressources financières, techniques et humaines nécessaires à la mise en Oeuvre de ce plan d'action. Cette coopération permettra de rationaliser et de rentabiliser au mieux les initiatives en cours et en projet, en évitant notamment les duplications et en exploitant au mieux les moyens existants. Cette coopération internationale s'établir en collaboration avec les instituions actuellement impliquées dans le soutien aux radios rurales et à la communication rurale en respectant les dynamiques et processus en cours. Des institutions telles que le CIERRO joueront un rôle prépondérant dans cette action. Une attention particulière sera apportée à l'initiative spéciale du système des Nations Unies pour l'Afrique en faveur du développement des ressources humaines, de la santé, des femmes, du développement durable, de la paix, de la démocratie. La radio rurale joue et doit continuer à jouer un rôle central dans ces différents domaines.

Objectif: Développer la concertation internationale pour la mise en Oeuvre et le suivi du plan d'action dans ses différentes composantes

Activités

  1. Elaboration, d'après les recommandations de l'atelier, d'un ensemble de propositions de projets à financer.
  2. Etude et établissement d'un mécanisme de concertation approprié entre partenaires: Gouvernements, agences de coopération bi et multilatérales, associations professionnelles, ONG et secteur privé.
  3. Organisation d'une table ronde des bailleurs de fonds afin de leur soumettre des propositions d'actions spécifiques à la radio rurale. Les partenaires de la coopération internationale tels que la Banque Mondiale, le PNUD et la Commission Européenne seront tout particulièrement invités à y collaborer.
  4. En complément à cette table ronde, présentation de ce plan d'action à l'Initiative spéciale du système des Nations Unies pour l'Afrique, en raison du rôle prépondérant que la radio jouera pour en atteindre les objectifs.

Les conclusions de l'atelier de Ouagadougou seront également présentées lors de la table ronde sur la communication pour le développement, organisée en septembre 1996 à Harare par l'UNESCO, en présence d'agences des Nations Unies, d'ONG et d'Universités.

En tant qu'organisateurs de cette rencontre, 1'URTNA, la FAO et le Gouvernement du Burkina Faso sont mandatés pour mettre en Oeuvre le suivi de l'atelier et identifier les financements nécessaires.

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