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2. Opérations sylvicoles

2.1. Les éclaircies et les dépressages
2.2. Les élagages
2.3. Les plantations
2.4. Les semis directs
2.5. Les pare-feu
2.6. Protection intégrale ou feux précoce ?


2.1. Les éclaircies et les dépressages

L'éclaircie peut être réalisée, soit sur des arbres de franc pied, soit sur les brins âgés (baliveaux) d'une cépée pour accroître la production. Le terme de dépressage sera réservé à des opérations moins différenciées, comme celles qui portent sur de jeunes rejets (ou de jeunes semis) en vue d'améliorer leur croissance individuelle.

* Les éclaircies

Le principe d'une éclaircie consiste à favoriser le développement de certains arbres qui présentent un intérêt, le plus souvent économique par élimination d'arbres proches. Cette technique ne peut s'employer que dans les peuplements denses. De plus, il faut être sûr que l'investissement en temps et en hommes permette un gain économique appréciable en qualité et en quantité des volumes récoltés. L'enseignement apporté par les plantations conduit à penser que si l'éclaircie est tardive, les arbres conservés ne réagissent que faiblement et que, par contre, les éclaircies précoces donnent de meilleurs résultats.

Si les techniques d'éclaircie et leurs effets sont relativement bien connus dans le cas de plantations, leur application aux formations naturelles n'a été que peu étudiée; en effet, la densité d'arbres dans les formations tropicales sèches (à l'exception de certaines forêts denses sèches) ne permet pas le passage en éclaircies. Ces dernières ne sont que très exceptionnelles et rarement justifiées d'un point de vue économique.

En forêt naturelle, l'éclaircie ne peut se pratiquer qu'au détriment, soit d'espèces très répandues' soit d'espèces qui ne font l'objet d'aucune demande importante (bois, fruits, feuilles, racines, etc.). Ainsi dans les forêts classées de Tiogo et de Laba (Burkina Faso), Entada africana, Annona senegalensis et Gardenia ternifolia, espèces peu utilisées, sont abattues avant fructification et leurs branches sont ensuite étalées sur les plages de sol nu pour servir de pièges à graines et ainsi favoriser la régénération sexuée d'autres ligneux et herbacées (Nouvellet et al., 1995).

Il pourrait s'avérer intéressant de couper en éclaircie les espèces localement non recherchées durant la saison la moins propice à leur multiplication végétative ou à une hauteur, à déterminer inhibant leurs rejets. Inversement, pour favoriser les drageons ou les rejets des espèces à usages multiples, des éclaircies pourraient être programmées lors de la période la plus favorable.

Jackson et al. (1983) estiment que le traitement du couvert par le jeu de coupes intermédiaires ou de coupes de régénération n'est pas réaliste dans la plupart des pays sahéliens. En effet, les éclaircies sélectives, dans le but de favoriser certaines espèces, exigent beaucoup de savoir-faire et ne sont pas réalisables dans l'état actuel des connaissances (notamment en ce qui concerne la part respective de la multiplication végétative naturelle et celle de l'ensemencement).

A Morondava (Madagascar), les résultats montrent que des éclaircies sélectives peuvent doubler la croissance en diamètre des espèces héliophiles notamment des étages inférieurs ou intermédiaires pendant au moins cinq ans (Deleporte, 1995).

* Les dépressages

En ce qui concerne les espèces autochtones, la sélection de rejets, un à deux ans après la coupe (c'est-à-dire lorsque la mortalité naturelle ou l'abroutissement ne sont plus à craindre) n'a fait l'objet que de rares; études. Les gains résultant d'un dépressage artificiel (sur le volume produit par souche, sur la vitesse de croissance permettant d'écourter la mise en défens) n'ont pratiquement pas été analysés.

Au Mali, des observations relevées durant une année ont indiqué que les rejets d'essences productrices de bois d'oeuvre (Daniellia oliveri, Isoberlinia doka, Pterocarpus erinaceus) ont une croissance près de moitié plus forte grâce à une sélection de rejets (Irkonanan, 1994). Le dépressage semble présenter un réel intérêt pour l'amélioration d'un peuplement.

Au Botswana, des peuplements naturels, quasiment monospécifiques, de Colophospermum mopane couvrent la région de Boteti dans la province centrale. Dans un dispositif sans répétition; trois parcelles sur quatre ont été dépressées à différentes intensités et comparées après onze mois à la parcelle témoin (tableau n° 17) Les trois densités de dépressage testées ont provoqué une meilleure croissance des arbres sur pied et, en outre, les souches des arbres coupés ont produit de nombreux rejets au cours de l'année (Coe, 1992).

Tableau n° 17: Essai de dépressage au Botswana: diamètres moyens des tiges, hauteurs et surfaces terrières de: Colophospermum mopane dans quatre parcelles de 10 x 10 mètres avant, immédiatement après et onze mois après un dépressage d'intensité variable.


Parcelle 1

Parcelle 2

Parcelle 3

Parcelle 4

Densité d'origine (tiges/ha)

7 900

8 300

8 600

8 000

Densité après dépressage (tiges/ha)

2 800

3 400

8 600

1 500

% de matériel végétal initial laissé sur pied

35,4

40,9

100

18,7

Diamètre (cm) à 10 cm du sol





Avant dépressage


2,71

2,36

2,89

2,73

Après dépressage


4,42

3,26

-

3,99

Au bout de 11 moins


4,65

3,61

3,09

4,35

Hauteur (m)





Avant dépressage


1,09

1,02

1,31

1,19

Après dépressage


1,82

1,54

-

1,71

Au bout de 11 moins


1,85

1,60

1,37

1,73

Surface terrière (cm2/ha)





Avant dépressage


616,16

454,46

731,29

563,73

Après dépressage


472,43

315,10

-

205,53

Au bout de 11 moins


525,46

381,27

756,85

241,80

De très nombreuses questions sans réponse subsistent dans les domaines de l'éclaircie et du dépressage: vitalité et longévité des souches après plusieurs éclaircies, gains attendus des dépresages de rejets, effet de la coupe sur la production ou non dé drageons chez certaines. espèces. Par ailleurs, jusqu'à présent les effets des éclaircies ou des dépressages sur la production herbacée n'ont pas été étudiés.

2.2. Les élagages

Les différentes possibilités de taille des arbres (dont certaines sont extrêmes) varient en fonction de l'objectif assigné à la récolte prioritaire (figure n° 17). Le recépage permet la conduite en taillis simple, alors que l'étêtage (ou écimage ou éhouppage ou taille en tétard) vise l'exploitation à une certaine hauteur du bois de cime. L'élagage consiste en la coupe au ras du tronc de branches latérales de façon à améliorer la forme, la qualité du fût et du bois. En zone tropicale sèche de savane, l'élagage pratiqué n'a généralement pour but ni l'amélioration du bois de fût, ni la; suppression des fourches, ni la rectitude du tronc. C'est une méthode employée pour la fourniture de fourrage et/ou de bois de feu et pour réduire l'ombrage des cultures; L'émondage, quant à lui, correspond à une coupe des extrémités des branches ou des jeunes pousses adventives sur le tronc (il est traité au chapitre VII.4.2-e).

L'étêtage, qui revient souvent dans ces régions à un élagage presque total: des branches, est aussi une pratique commune qui vise plusieurs objectifs:

- la production de fourrage (en fin de saison sèche, cette technique peu; recommandable donne à l'arbre une forme de parapluie à moitié ouvert);

- la production de fruits (en contrôlant la hauteur des arbres et en facilitant la récolte de fruits);

- le positionnement des rejets (suffisamment hauts pour éviter d'être broutés par le bétail ou détruits par les feux-courants).

Au Niger, l'élagage des formations de bas-fonds à Acacia nilotica est recommandé pour produire du bois et du fourrage et pour utiliser les petites branches épineuses en vue de protéger la régénération naturelle dans les clairières (Peltier et al., 1995).

Au nord du Burkina Faso, les populations accroissent la productivité sous Faidherbia albida par un élagage périodique. Au Kenya, certaines tribus taillent leurs arbres (étêtage) afin de récoltée du bois de feu et d'augmenter la production de bois de construction (Shepherd, 1992).

En Amérique latine, le système d'ébranchage des arbres (afin de fournir du bois de feu) est largement répandu et fait partie intégrante de la gestion des formations naturelles par les paysans (Maldonado Aguirre, s.d.; Parra Hake, 1985). Au Mexique, les Prosopis spp. subissent un élagage de pratiquement toutes leurs branchés à l'âge de cinq à sept ans. Les arbres sont ensuite laissés en repos pendant quatre à cinq ans afin de produire des rejets vigoureux très appréciés; pour la carbonisation. Enfin, ils sont coupés au ras de terre quand leur diamètre, à trente centimètres Je hauteur;. atteint quinze centimètres.

Le but de l'élagage pour le forestier est d'améliorer la qualité du bois d'oeuvre ou d'augmenter la production de bois de feu par une coupe sélective des branches (une coupe anarchique des; branches est synonyme de destruction du potentiel ligneux). Pour le paysan, c'est avant tout une façon d'obtenir rapidement du petit bois sans; se soucier le plus souvent de l'impact sur la qualité du bois de fût. Cette multiplicité des usagés a pu constituer une difficulté supplémentaire pour entreprendre une recherche finalisée des effets de l'élagage. C'est une lacune qu'il conviendrait de combler dans un proche avenir en s'intéressant par exemple davantage aux possibilités de tailles des fruitiers et des arbres fourragers, mais en modifiant la législation, car la plupart du temps, c'est une pratique souvent interdite par la loi.

2.3. Les plantations

Dé nombreux plans d'aménagement contiennent un chapitre consacré au reboisement des défriches. Avant d'aborder les techniques sylvicoles, il convient de rappeler que l'adéquation espèce et milieu est le premier critère de réussite.

La production de plants en pépinière est bien maîtrisée de très nombreuses essences L'usage de sachets en polyéthylène, et plus récemment de mottes en vermiculite, s'est généralisé aux dépens de conteneurs plus coûteux. L'utilisation de plants à racines nues ou la plantation de barbatelles (plants élevés en pleine terre dont on sectionne la tige à 2,5 cm du collet [parfois à 30-40 cm] et dont on conserve 20 à 25 cm de la racine principale) sont des techniques coûteuses, qui demandent un soin tout particulier de la part des ouvriers. L'utilisation de rosettes ou striplings (plantules mises en place avec un maximum de racines et une tige intacte, mais dépouillée de leurs feuilles) est une technique peu utilisée dans les zones sèches. Au Sénégal, elle a été employée occasionnellement pour certaines espèces qui supportaient mal d'être traitées en barbatelles: Khaya senegalensis, Azadirachta indica. En Afrique de l'Ouest, le collet de certains jeunes plants est enterré dans le but d'accroître le nombre de racines.

Il est important de différencier les reboisements sur défriches agricoles des plantations dans les trouées Ces dernières sont souvent constituées de légères dépressions, où toute plantation est à proscrire, car elles sont inondées en saison des pluies. Les programmes d'enrichissement par la méthode des layons se sont avérés coûteux en entretien (Casamance) et n'ont pu être conduits avec, suffisamment de soins.

Au Mali, des plantations dans des "trouées" semblent cependant fournir des résultats plus probants que par la méthode des layons (Cuny, 1993), avec un meilleur taux de survie et une meilleure croissance (tableau n° 18). Ces résultats sont à prendre avec prudence.

Tableau n° 18: Hauteurs moyennes et accroissement par espèce en fonction de la technique de plantation (layon ou trouée). Site de Farako, plantation de 1988


Nombre initial de plants

Hauteurs en cm

Accroissement en hauteur (en cm) 10/90-11/91




Oct. 1990

Nov. 1991



Espèces

Layon

Trouée

Layon

Trouée

Layon

Trouée

Layon

Trouée

Afzelia

90

107

40,2

68,1

45,3

91,5

5,1

23,4

Daniellia

70


14,2


échec


-


Khaya

80

97

90,8

124,4

124,3

177

33,5

52,6

Parkia

95

80

16,1

27,1

18

36,4

1,9

9,3

Pterocarpus

75

59

16 6

25 2

10 8

21 6

5 8

3 6

Extrait de Cuny et al., 1992

Kelly (1995) tire les conclusions des essais d'enrichissement réalisés en 1988, 1990 et 1991 au Mali dans la forêt classée de Farako (caractérisée par un climat de type soudano-guinéen avec une pluviosité de 1 000 à 1 300 mm par an). Sur sept espèces locales testées, les taux de survie après quatre années d'observation sont excellents pour Khaya senegalensis et Afzelia africana et leur croissance est assez moyenne: 25 à 50 cm par an pour la première et 30 cm pour la seconde. A l'inverse, Faidherbia albida et Daniellia oliveri ne donnent pas satisfaction pour ces deux critères, de même qu'Isoberlinia doka, testé uniquement en racines nues en 1988. Pterocarpus erinaceus et Parkia biglobosa ont des comportements intermédiaires, variables d'une année de plantation à l'autre.

Ces résultats montrent à l'évidence que la réussite de plantation à base d'espèces autochtones est souvent aléatoire. Une étude synthétique (étudiant la survie, les accroissements, les caractéristiques pédologiques et topographiques des sites, etc.) pourrait être entreprise dans les arboreta, collections et essais dans divers pays ou sous-régions écologiquement semblables.

Les inconvénients des plantations d'enrichissement en zone tropicale sèche sont nombreux: réussite aléatoire dépendant étroitement de la régularité des précipitations, nécessité de protection et de longues mises en défens, croissance initiale moyenne à faible, regarnis et entretiens indispensables, coûts élevés, etc. Autant que faire se peut, la plantation sera remplacée par la gestion de la régénération naturelle (semis, rejets, drageons).

2.4. Les semis directs

De très nombreux essais de semis direct ont eu lieu dans les zones tropicales sèches depuis un demi-siècle. Ils montrent que leur réussite passe par:

- un approvisionnement en graines, de bonne qualité physiologique et génétique;

- la maîtrise de leur prétraitement suivant des méthodes simples et peu coûteuses;

- un semis en début de la saison des pluies;

- une mise en place soignée des graines (scarification de la couche de sol superficielle et indurée) et une simplification des techniques;

- le contrôle de l'enherbement ou si possible la sélection d'espèces à enracinement juvénile pivotant, car les dégagements nécessitent une main d'oeuvre importante, qui à la même époque est accaparée par les travaux agricoles;

- une faible pression anthropique et un environnement humain favorable (agriculture en voie de sédentarisation);

- une sélection judicieuse d'espèces à croissance aérienne juvénile vigoureuse pour être rapidement à l'abri de la dent du bétail ou de la faune sauvage;

- une bonne adéquation entre le choix des espèces (forestières, fourragères, fruitières) et l'objectif des agriculteurs, des éleveurs et autres utilisateurs.

Techniquement, les paysans peuvent facilement maîtriser cette méthode, car il n'y a pas de différences majeures par rapport aux cultures agricoles et son coût est faible. Mais l'on constate que les résultats en milieu paysan sont très variables.

En conclusion, le semis direct est, par son faible prix et sa relative simplicité qui le met à là portée des paysans, une technique sylvicole simple et efficace, lorsque les pluies sont régulières. Encore faut il choisir une espèce à croissance rapide ou non appétée afin de réduire les mises en défens. La multiplication végétative naturelle permet cependant des mises en défens beaucoup moins longues.


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