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Chapitre 7: Recommandations


Notes préliminaires
Recommandations générales
Recommandations spécifiques


Notes préliminaires

Dans les zones de l'enquête, la propagation et les répercussions du SIDA sont fortement tributaires des phénomènes migratoires internationaux ou interrégionaux à l'intérieur d'un pays donné, et des déplacements moins distants et prolongés, notamment en direction des villes ou des marchés. Comprendre et tenir compte de la mobilité spatiale constitue un préalable indispensable à toute étude sur le SIDA en Afrique de l'Ouest. Dans la même veine, soulignons qu'il aurait été hautement souhaitable d'étudier des groupes à prédominance pastorale qui pratiquent la transhumance. Une telle étude demeure toujours recommandable. Mais au vu des de la complexité du travail exigé par l'étude de groupes officiellement «sédentaires», il faudrait prévoir des moyens techniques, logistiques et financiers renforcés pour mener à bien une recherche auprès de populations transhumantes.

La mobilité spatiale d'une grande partie des habitants de la sous-région entraîne des chaînes de répercussions successives qu'il est très complexe de prévoir ou même de suivre. Par exemple, il est fréquent qu'un agriculteur travaille au sein d'une unité de production pendant une période de l'année et, dans une autre, le reste du temps. Sa maladie est donc susceptible d'affecter la disponibilité en main-d'œuvre de deux exploitations agricoles. Tel autre travaillera et vivra à 1 000 km de chez lui pendant des années mais, en phase terminale de la maladie, il reviendra dans son village d'origine. S'il était agriculteur, l'exploitation au sein de laquelle il travaillait perdra un actif mais la force de travail de l'unité de production responsable de la prise en charge finale ne sera que provisoirement perturbée par la venue de ce malade.

Les contraintes de main-d'œuvre au sein de l'unité d'accueil peuvent d'ailleurs ne pas provenir exclusivement du détournement d'une partie des effectifs pour accompagner le malade ou lui prodiguer des soins. L'obligation de nourrir les conjoint(s) et enfants du sidéen revenu mourir au village, tout en gardant les mêmes superficies agricoles, oblige parfois à des restrictions alimentaires qui amènent tous les membres de l'exploitation élargie à souffrir de la faim.

Recommandations générales


Stratégies et politiques
Echanges avec d'autres pays d'Afrique
Mobilisation des ressources locales
Principales voies à suivre dans l'immédiat
Instaurer ou renforcer les liens entre les intervenants


Stratégies et politiques

Que ce soit au Burkina Faso ou en Côte d'Ivoire, très peu d'intervenants gouvernementaux ou non-gouvernementaux déploient leurs activités en direction du monde rural. Même si des instances nationales, comme le Programme national de lutte contre le SIDA et d'autres organisations ayant une vocation de planification ou d'intervention à l'échelle du pays le préconisent, en pratique, le nombre d'actions significatives en milieu rural est négligeable, par rapport à ce qui se fait en milieu urbain. A cause de la très grande mobilité des populations étudiées, il serait erroné de limiter les efforts d'éducation, de prévention et de soins au milieu urbain ou à certains groupes à risques, comme les prostituées, les transporteurs, les chercheurs d'or ou les travailleurs dans les complexes agro-industriels, dans le cas de la Côte d'Ivoire. L'immigrant a de fortes chances de devenir l'hôte et le vecteur du VIH/SIDA. En vertu des phénomènes migratoires qui prennent place en Afrique de l'Ouest, il devient impérieux que les populations rurales y bénéficient des programmes de lutte contre le SIDA, quitte à élaborer des stratégies pour rejoindre en priorité les régions ou les groupes où la mobilité est la plus accentuée.

Il serait d'ailleurs hautement souhaitable que le Burkina Faso et la Côte d'Ivoire, de même que tous les pays pourvoyeurs de main-d'œuvre pour les régions côtières, s'entendent pour élaborer des politiques et mesures communes pour faire face à ce fléau qui les affecte souvent de façon complémentaire.

Echanges avec d'autres pays d'Afrique

De nombreuses expériences sont tentées en Afrique de l'Est et en Afrique centrale pour essayer de freiner l'avancement du SIDA en milieu rural. Des échanges plus soutenus devraient prendre place entre techniciens ou bénévoles de ces deux régions et leurs homologues d'Afrique de l'Ouest afin de favoriser des échanges d'informations utiles, susceptibles d'être adaptées et diffusées rapidement en milieu rural.

Mobilisation des ressources locales

Tel que constaté dans l'étude sur Afrique de l'Est, les situations varient énormément d'un pays à l'autre, voire même d'une région à l'autre. Les facteurs qui conditionnent les décisions et changements de comportements en matière d'alimentation, agriculture, ou autres moyens de subsistance, se révèlent d'une telle complexité et d'une telle spécificité qu'une bonne connaissance du milieu s'avère essentielle pour envisager ce qu'il est souhaitable d'entreprendre dans telle ou telle région. Il est donc indispensable de mobiliser les ressources locales pour définir les interventions à entreprendre et les mettre en œuvre.

Principales voies à suivre dans l'immédiat

Malgré la spécificité que les interventions devront posséder pour être utiles, il est tout de même possible d'indiquer des grandes pistes qui devront être suivies pour l'élaboration des actions de terrain. Telles sont par exemple:

· Une information et une formation de base des tradipraticiens en prévention et soins car la majorité des patients actuels transitent par eux pour se faire soigner. Autant que leurs interventions soient les plus bénéfiques possibles. Certaines expériences sont actuellement tentées dans ce domaine, entre autres, en Ouganda.

· Une mobilisation et une formation beaucoup plus poussées qu'à l'heure actuelle des agents de terrain (santé et agriculture, notamment) afin que ceux-ci puissent jouer un rôle plus efficace dans le domaine de la prévention du SIDA. Des efforts timides sont déployés en ce sens dans les deux pays de l'enquête mais il faut aller beaucoup plus loin.

· En plus d'être préparés à fournir de l'information aux populations rurales, les agents de terrain devraient également apprendre à identifier les types de personnes les plus vulnérables afin de leur donner des conseils et services appropriés.

· Des appuis pour que se constituent des groupes de sensibilisation et d'information, au sein même des villages, parmi les leaders d'opinion et les agriculteurs ayant assuré la prise en charge d'un sidéen durant sa maladie. Dans l'immédiat, tous les groupes ethniques ne seraient pas prêts à entreprendre une telle démarche mais certains y seraient ouverts.

· Des crédits et de l'appui technique, en particulier pour les femmes, pour favoriser une diversification des activités génératrices de revenus.

· La conception de matériel d'information et de formation adapté au milieu rural, c'est-à-dire dont la langue et les moyens de transmission sont accessibles à des hommes et des femmes, souvent analphabètes. A ce propos, il faut souligner le peu d'importance accordée à la transmission de messages par le chant, les jeux de rôles ou le théâtre qui attirent beaucoup plus les agriculteurs d'Afrique de l'Ouest que les banderoles ou les affiches.

· La mise au point d'une formation de masse dans les domaines de l'alimentation et des soins à donner aux malades lorsqu'ils sont à domicile.

Instaurer ou renforcer les liens entre les intervenants

· Qu'il s'agisse de ministères, d'agences internationales de développement ou d'ONG, il devient urgent qu'une collaboration intersectorielle plus étroite s'établisse afin de faire face à tous les problèmes auxquels sont confrontés les sidéens et leurs proches et d'y répondre de façon polyvalente.

Recommandations spécifiques


Renforcement des actions de sensibilisation, information, communication, formation
Augmentation des revenus et réduction de la vulnérabilité
Amélioration de la nutrition et de la sécurité alimentaire
Adaptation des soins aux sidéens


Renforcement des actions de sensibilisation, information, communication, formation

· S'assurer de l'accord des chefs coutumiers avant d'entreprendre des campagnes de sensibilisation et de formation en milieu rural.

· Identifier, sensibiliser et former des leaders d'opinion villageois masculins et féminins (personnes influentes et dynamiques) pour créer des relais intermédiaires et pour que leur propos et leur conduite deviennent des points de référence pour les autres villageois en ce qui a trait:

- aux coutumes néfastes et
- au SIDA

· Mobiliser et informer les personnes qui ont eu à subir des répercussions du SIDA, à titre personnel, afin que celles-ci interviennent dans le domaine de la prévention au sein de leur communauté.

· Encourager financièrement et mieux valoriser les personnes-ressource qui interviennent bénévolement en milieu rural, à différents paliers.

· Véhiculer des messages corrects concernant les vecteurs possibles du VIH/SIDA. L'information actuelle, très orientée sur la prostitution, porte parfois les personnes en milieu rural à croire qu'elles ne sont pas concernées par l'endémie.

· Informer la population rurale sur l'existence de tests de dépistage du SIDA.

· Entreprendre l'éducation sexuelle des jeunes gens et jeunes filles en fonction de deux stratégies différentes pour former efficacement:

i) ceux qui habitent dans les villages et qui sont peu ou pas scolarisés;
ii) ceux qui poursuivent leurs études.

· Informer et former les jeunes en milieu scolaire et en dehors du milieu scolaire sur les moyens de transmission du SIDA et sur les mesures à prendre pour s'en protéger.

· Améliorer la communication entre mari et femme(s), en abordant les problèmes de genre et de couple, grâce à des discussions pratiques au niveau communautaire. Pour y parvenir:

- constituer des groupes homogènes de discussion;

- puis, créer des groupes mixtes, et

- amener les participants à se fixer des objectifs pratiques à atteindre dans des délais déterminés (par exemple, accroître la participation des femmes aux prises de décision).

· Susciter et soutenir les efforts de communication entre hommes et femmes afin de les encourager à entreprendre une analyse des comportements à risque dans leur milieu.

· Financer des activités d'information et d'éducation pour enseigner aux femmes et aux hommes à identifier les symptômes des maladies sexuellement transmissibles (MST) et les encourager à se rendre dans les services de santé pour s'y faire traiter.

· Lancer des projets de création de supports de communication appropriés à l'analyse des questions de MST/SIDA, en prenant en ligne de compte les besoins spécifiques des femmes en milieu rural.

· Former les divers intervenants en approche participative. Les messages véhiculés grâce aux mass médias, projections vidéocassettes, affiches, banderoles et brochures, par exemple, auront un meilleur impact si, en milieu rural faiblement alphabétisé, une stratégie d'éducation et de communication plus participative est adoptée. Quelles que soient les méthodes, il s'agira d'encourager les communautés visées à prendre une part plus active dans l'analyse des problèmes, la recherche de solutions et l'adoption de comportements nouveaux.

· Utiliser des moyens tels les chansons, jeux de rôle et pièces de théâtre, qui ont fait la preuve de leur efficacité ailleurs en Afrique.

Augmentation des revenus et réduction de la vulnérabilité

· Former le personnel de terrain du Ministère de l'agriculture à repérer les catégories les plus vulnérables d'agriculteurs et encourager l'élaboration de recommandations spécifiques pour de telles exploitations.

· Redéfinir partiellement le rôle des agents de terrain pour qu'ils puissent, entre autres, lutter contre la stigmatisation dont sont victimes les personnes directement ou indirectement touchées par le SIDA, notamment les femmes et les veuve de sidéens, et qu'ils puissent trouver, avec les villageois, des moyens pratiques de leur permettre de subvenir aux besoins de leur famille, que ce soit grâce à des activités agricoles, para ou non-agricoles.

· Promouvoir et financer la diversification des activités génératrices de revenus. Durant l'enquête, les personnes qui pratiquaient une gamme étendue d'activités sont apparues beaucoup moins vulnérables que les autres.

· Renforcer les systèmes d'épargne-crédit et rendre le crédit facilement accessible à toutes les femmes, du moins le crédit court terme.

· Faire transiter le crédit destiné aux femmes par des groupements féminins et, éventuellement, prévoir une assurance décès pour garantir le remboursement au-dessus d'un certain montant de prêt.

· S'assurer que toutes les femmes d'un groupe d'épargne-crédit ont accès aux ressources, en contrôlant le nombre de femmes bénéficiaires et le montant des sommes octroyées. Etablir que le roulement des prêts et leur octroi généralisé constituent des conditions pour le renouvellement du crédit au groupe.

· Ne pas limiter les prêts à l'agriculture mais encourager les investissements dans l'élevage, le petit commerce, les services, par exemple.

· En zone de savane, stimuler la diffusion de la petite irrigation en appuyant les efforts de creusage/forage de puits et en rendant plus accessible les semences améliorées pour le maraîchage, ainsi que le petit équipement susceptible de diminuer la pénibilité des tâches et de mieux valoriser la main-d'œuvre (arrosoirs, par exemple).

· Encourager la diffusion des techniques et du matériel de séchage des produits maraîchers et des fruits, en vue:

i) d'une consommation locale mieux étalée au cours de toute l'année et

ii) de ventes accrues sur les marchés locaux, régionaux, nationaux ou internationaux.

· Constituer avec les intéressé(e)s des groupements de réflexion/action destinés à améliorer la commercialisation de la production.

· Promouvoir et financer des projets d'allégement des tâches des femmes.

· Enseigner aux agriculteurs, notamment aux femmes, comment mieux étaler leur production et pratiquer des cultures de contre-saison.

· Favoriser l'insertion socioéconomique des orphelins en facilitant leur formation agricole ou leur apprentissage d'un métier.

Amélioration de la nutrition et de la sécurité alimentaire

· Diffuser à grande échelle des conseils simples de nutrition, destinés aux migrants qui reviennent au village, aux personnes qui sont responsables de la prise en charge de malades, aux veuves, et aux femmes en général.

· Multiplier les banques céréalières et former des groupements à les gérer correctement, de façon à en assurer la pérennité.

Adaptation des soins aux sidéens

· Sensibiliser et donner une formation de base aux tradipraticiens, notamment pour ce qui est de la réhydratation, pour que leurs interventions soient le plus bénéfique possible pour les patients qu'ils traitent.

· Divulguer des conseils pratiques pour que les villageois responsables de la prise en charge d'un malade du SIDA sachent comment éviter toute contamination, tout en prenant soin le mieux possible du patient en matière d'alimentation et d'hygiène.


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