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4. Incidences des politiques de foresterie en zones arides pour le développement de ces zones

Les politiques de foresterie en zone aride ont souvent réussi jusqu'à un certain point mais beaucoup ont dû être abandonnées lorsque la pression démographique s'est accentuée. La démarcation classique de la "limite nord de culture" au Sahel, telle qu'elle avait été fixée à l'origine par les puissances coloniales puis adoptée et reprise par les gouvernements sahéliens, a dû être abandonnée (dans certains cas, les gouvernements ont même encouragé l'agriculture plus au nord) étant donné la nécessité de plus en plus pressante de produire davantage de denrées alimentaires.

Pour protéger leur couverture naturelle d'arbres et d'arbustes, certains pays ont interdit la production ou l'exportation de charbon de bois. Les résultats ont été mitigés et les conséquences difficiles à éviter: contrebande, augmentation de l'abattage d'arbres pour le bois de feu près des centres de population, etc.

Les efforts faits dans le passé pour interdire l'abattage ou la mutilation des arbres (en particulier les plus importants tels qu'Acacia albida) ont presque certainement eu des effets bénéfiques mais ils ont aussi ajouté aux difficultés et aux coûts sociaux en même temps qu'ils ont réduit la productivité des individus, en particulier celle des femmes et des enfants qui sont obligés d'aller beaucoup plus loin de chez eux pour se procurer du bois de feu.

Des politiques bien intentionnées accordant une large place aux grandes opérations de reboisement et de plantation ont conduit à la création de nouvelles surfaces boisées. Malheureusement, les terres nécessaires ont été obtenues trop souvent dans le passé en expropriant les populations locales. Les coûts économiques, sociaux et politiques ont donc été beaucoup plus élevés que prévu (et les avantages réels souvent décevants).

Plusieurs pays ont récemment révisé leur législation forestière. Les faits commencent à montrer que lorsque cela s'est fait en harmonie avec d'autres lois relatives au régime foncier et forestier et lorsque d'autres aspects de l'économie rurale (en particulier celle des agriculteurs) ont été pris en compte, les résultats nets ont été positifs (par exemple au Rwanda, encore que ce pays soit loin d'être un pays "aride"). Là encore cependant, l'expérience prouve que les changements de politique sont loin de pouvoir à eux seuls résoudre définitivement le problème. Ils ne sont, dans le meilleur des cas, qu'un début important (et nécessaire).

Lorsque les décisions relèvent en particulier de la seule autorité d'un gouvernement central, de nouvelles politiques peuvent être rapidement mises en oeuvre. S'il peut être facile dans ce cas de changer d'orientation, de tels changements auront peu d'effet si la réglementation et les modalités d'application sur le terrain ne sont pas elles aussi modifiées.

On annonce souvent les nouvelles politiques forestières visant à lutter contre la désertification parmi des déclarations énergiques sur la "volonté du gouvernement". Si cette "volonté" ne s'exprime pas en même temps par des augmentations parallèles des budgets de fonctionnement et de gestion des organismes chargés de les appliquer, rien ou pratiquement rien ne changera dans les faits.

Plusieurs pays (notamment le Sénégal) se sont lancés dans une vaste réorientation à l'échelle nationale de leurs administrations locales. De nouvelles communautés rurales ont été créées. La participation locale à la planification des ressources et de l'aménagement du territoire ainsi qu'aux décisions a été intégrée dans un mode nouveau et mieux équilibré de décision collective sur les ressources à utiliser, le principe et la responsabilité de leur gestion. À long terme, cette approche est riche de promesses. Ses effets en sont en général favorables bien que - comme dans toute opération de redistribution - certains éléments de la population se retrouvent finalement avec moins de ressources qu'auparavant et que l'équité sociale ou économique dépende toujours du point de vue où on se place.

5. Études de cas

Outre les divers exemples mentionnés plus haut, certains autres méritent une attention particulière car ils illustrent l'importance relative que les politiques forestières peuvent avoir pour le développement des zones arides et/ou la lutte contre la désertification.

Soudan: programmes d'agriculture mécanisée

Pour pouvoir accroître les exportations et compte tenu en particulier du prix préférentiel payé par l'un de ses voisins, le gouvernement du Soudan accorde des concessions sur de grandes étendues de terre (jusqu'à 500 ha par contrat, selon certains) pour cultiver le sorgho par rotation, la zone cultivée retournant après un certain nombre d'années, du moins théoriquement, à son état d'origine, sur une base plus ou moins continue.

Les textes des contrats énoncent en détail les procédures de conservation à respecter, qui consistent notamment à laisser des bandes de végétation naturelle entre les superficies défrichées pour la culture.

Si sur le papier, dans le souci d'arrêter l'avancée du désert, la politique vise effectivement à prévenir la dégradation du sol et de la végétation, les calendriers ne sont en fait pas respectés et de grandes surfaces sont défrichées en une seule opération rapide. On entasse et on brûle (!) les broussailles et les arbres pour s'en débarrasser rapidement et la terre est ensuite cultivée de façon expéditive afin d'en tirer des bénéfices sans tarder. Elle est ensuite abandonnée dans un tel état que toute remise en valeur sera par la suite d'un coût prohibitif sinon impossible.

La conclusion est que si elles ne sont pas convenablement respectées et appliquées sur le terrain, les mesures de conservation des ressources (c'est-à-dire d'anti-désertification) sont inutiles.

Algérie: ceintures vertes contre le désert

Depuis un certain nombre d'années, les premières mesures datant de l'époque qui a immédiatement suivie l'indépendance, le gouvernement algérien a adopté une politique ambitieuse pour arrêter l'avancée du désert dans diverses régions du pays. Une mobilisation massive de la population dans l'esprit de la Révolution populaire a été renforcée par le déploiement d'importants contingents des forces armées. Ce qui avait commencé comme une opération "vivres contre travail" financée par des organisations volontaires privées a ensuite bénéficié d'un financement beaucoup plus important de la part d'un donateur bilatéral puis du Programme alimentaire mondial. Lorsque le gouvernement a été en mesure de développer l'opération sur son budget propre, des millions d'hectares d'arbres étaient déjà plantés dans la partie montagneuse du nord du pays ainsi que dans une large bande continue au nord du désert du Sahara.

Il est bientôt apparu que si, dans les montagnes du nord où la population rurale est surtout sédentaire (même si l'élevage est une importante activité secondaire), la plantation d'arbres a été en général une réussite et le paysage rapidement parsemé de zones forestières (en particulier sur les pentes les plus raides), dans la partie centrale du pays, la ceinture verte a beaucoup moins bien réussi. Des précipitations clairsemées, jointes à la nécessité toujours présente de fourrage (et de bois de feu) pour les pasteurs, en dépit des vaillants efforts du gouvernement et du reste de la population, n'ont pas permis d'ériger une barrière totale et efficace contre l'avancée du désert.

Conclusion: lorsque les conditions du site sont raisonnablement favorables et que la population rurale est essentiellement composée d'agriculteurs sédentaires, les mesures de foresterie et de conservation ont beaucoup plus de chances de réussir que dans les zones arides pastorales, en particulier lorsque la participation locale est fondée sur une forte motivation politique et appuyée par une structure de gestion efficace des pouvoirs publics.

Les politiques, législations et réglementations ne serviront de rien dans les pays tropicaux arides si la population locale elle-même ne change pas son mode d'utilisation de la terre, de l'eau et de la végétation existantes. Un certain nombre d'études socio-économiques effectuées dans différentes parties du monde montrent clairement que chaque région se caractérise par un certain type de relations entre la population et la terre sur laquelle elle vit.

Il est facile d'élaborer des mesures politiques, mais tout l'art consiste à en concevoir un ensemble qui soit opérant. Lorsque les donateurs et les gouvernements centraux font de leur mieux pour trouver des méthodes de lutte contre la désertification qui soient applicables, la population locale met chaque année le feu à des plantations d'arbres qui avaient été créées, au moins en partie, pour lutter contre la désertification. Dans ce cas, il est évident que le gouvernement serait bien inspiré de revoir sa politique forestière et c'est peut-être tout aussi important - la façon dont elle est appliquée.

6. Lacunes des connaissances

Selon le point de vue de chacun, on peut dire que la principale lacune consiste en ce que les gouvernements et les donateurs ne savent pas exactement ce qui peut être compris ou non par la population locale.

Autrement dit, il y a une deuxième priorité: l'attitude et la motivation des exécutants d'une politique une fois que celle-ci a été élaborée. Ce qu'il faut, c'est que les organismes gouvernementaux (du haut en bas de l'échelle) changent d'attitude et d'approche envers la population locale pour obtenir une réponse plus productive et plus efficace de ceux qui peuvent en fin de compte concrétiser ou détruire les programmes les mieux intentionnés.

Il existe certes beaucoup d'autres problèmes et d'autres incertitudes. Mais il nous paraît, et cela mérite un débat beaucoup plus approfondi, qu'il faut surtout en savoir plus sur ce qui peut paraître justifié aux yeux de la population locale et sur ce qu'il faut faire pour que les organismes publics et les fonctionnaires soient plus ouverts et aient davantage l'esprit de service vis-à-vis de ceux qui, en définitive, gagneront ou perdront la lutte contre la désertification

7. Conclusions

Les politiques forestières en zone aride ne peuvent avoir d'utilité que: a) si elles sont harmonisées avec les autres mesures et lois relatives au développement rural et à la conservation, notamment le régime foncier et forestier, les prix agricoles et les autres politiques de commercialisation ainsi que les politiques d'utilisation et de conservation des autres ressources naturelles renouvelables; b) si elles sont comprises et - du moins en principe - acceptées par la majorité de la population rurale, sans distinction de profession ou de statut social; c) si une structure officielle de gestion est en place et fonctionne suffisamment bien pour les appliquer de façon efficace.

GLOSSAIRE

Description des termes clés utilisés dans ce texte

Politique

D'après les "Principles of Management" de R.C. Davis et A.C. Filley, Grolier's Modern Business series, N.Y. (1962): ... un principe (ou un ensemble cohérent de principes), avec les règles d'action qui en découlent, qui conditionne et régit la réalisation effective des objectifs qu'il vise.

D'après le "Webster's New International Dictionary" (1925): ... une ligne d'action ou une méthode ferme et définie adaptée et suivie par un gouvernement, une institution, un organisme ou un individu.

Plan:

Terme général désignant une méthode d'action ou une procédure proposée. Une méthode d'action, une procédure ou un dispositif.

Selon la Grolier's Modern Business series, un "plan" comprend:

- une mission ou des objectifs

- des mesures de réalisation

- une quantité, une qualité, un délai et un coût

- des politiques

- des dispositions organisationnelles

- un calendrier

- des facteurs de dépenses, main-d'oeuvre, temps, etc.

- la désignation des responsables de l'exécution

- une délégation de responsabilité et d'autorité.

Principe:

Règle d'action. Règle de conduite, opinion ou conviction qui exerce une influence directrice sur l'existence et le comportement.

Règle de conduite régissant de manière constante les actions, soulignant l'idée d'une vérité fondamentale d'application générale.

Méthode:

Procédure ou procédé ordonné, manière de faire ...système particulier ou précis de procédure.

Stratégie:

Planification et direction de grandes opérations, plus précisément manoeuvres pour placer les forces (ou les ressources) dont on dispose dans la situation la plus avantageuse avant engagement effectif.

Zones arides:

Dans le présent contexte, toute zone étendue souffrant périodiquement d'un manque de précipitations qui constitue une menace grave pour l'approvisionnement de base de la population en aliments ou en eau.

3.3 La désertification - Repenser la stratégie forestière en Afrique: L'expérience des activités de l'USAID


1. Introduction
2. Sécheresse et désertification


T.M. CATTERSON, F.A. GULICK et
T. RESCH (1)*

* Toutes les notes se trouvent à la fin du texte.

1. Introduction

Les problèmes de sécheresse et de désertification ont acquis une notoriété mondiale depuis la fin des années 1960 et le début des années 1970 où le désastre écologique et la famine se sont abattus sur les zones arides et semi-arides de l'Afrique sahélienne. Cette catastrophe a donné lieu d'abord à une aide humanitaire et plus tard à des programmes de développement visant à en atténuer les causes. En dépit des efforts concertés déployés depuis dix ans pour renverser la situation, une autre période d'extrême sécheresse fait des ravages dans le paysage africain. Le monde se trouve à nouveau confronté à la réalité tragique de la fragilité de l'existence humaine dans les régions arides et semi-arides d'Afrique.

Il n'est donc pas surprenant que les préoccupations ressenties par les gouvernements africains et leurs partenaires de l'aide au développement suscitent une intense introspection. Les efforts déployés dans le passé sont réexaminés et l'on s'efforce activement de mieux comprendre les problèmes et leurs solutions. La consultation actuelle organisée par la FAO n'est que l'une des importantes rencontres qui ont lieu dans ce but.

Les activités du secteur forestier, considérées souvent comme le fer de lance de la lutte contre la désertification se sont énormément développées dans la partie de l'Afrique sujette à la sécheresse. En 1983, Weber (2) estimait qu'environ 200 millions de dollars E.-U. avaient été affectés à des opérations de foresterie dans les huit pays du CILSS uniquement (3). Il était beaucoup moins optimiste quant aux résultats qualitatifs de ces opérations. Néanmoins, malgré des échecs évidents, dont le moindre n'est pas la poursuite du dramatique recul d'un couvert végétal essentiel, d'importants enseignements ont été tirés de ce qui a été fait quant au rôle que la foresterie peut et doit jouer dans le développement de la région, Il faut soigneusement préserver ces résultats et en tenir compte lors de la conception des programmes futurs, Le but de la présente communication est donc de décrire le rôle des activités forestières tel qu'il ressort de cette expérience et ses implications pour la lutte contre la sécheresse et la désertification.

2. Sécheresse et désertification


Les activités forestières dans le passé
Mise en oeuvre d'une plus grande intégration de l'agriculture et de la foresterie
Un dernier mot
Notes


Avant d'aller plus loin, il est utile de revenir sur la différence entre la sécheresse et la désertification. Ces deux phénomènes sont à notre avis souvent confondus, ce qui nuit évidemment à l'efficacité des mesures appliquées pour les combattre.

La sécheresse est essentiellement un événement climatique S'il n'entre pas dans notre propos d'examiner en détail ici cette question complexe, il n'est pas inutile d'évoquer quelques notions importantes. On pense que les systèmes météorologiques auxquels est due l'extrême variabilité des précipitations dans les régions d'Afrique arides et semi-arides sont dus au déplacement des vents et des modes de précipitation provoqués par d'autres événements climatiques qui ont lieu bien au-delà des zones touchées (4). Il existe encore peu de données empiriques qui permettent de lier l'apparition de la sécheresse à des activités humaines. Certains auteurs ont cependant estimé que la sécheresse se nourrit d'elle-même dans une certaine mesure par ses effets sur la végétation et l'état des surfaces dans les zones touchées. Nicholson souligne que cette relation a une signification importante pour l'utilisation des terres dans les zones affectées, car l'activité humaine elle-même - défrichement des terres - peut avoir le même effet (5). Il faut que les responsables des pays africains et des donateurs prennent conscience du risque énorme de dégradation qu'implique la conversion systématique et bien intentionnée de zones de végétation naturelle en zones consacrées à une agriculture marginalement viable. Il semble donc tout à fait logique d'adopter un "scénario du probable" lorsqu'on définit des interventions mettant en jeu des pratiques d'utilisation des terres dans la région (6). La précipitation moyenne n'est pas un bon indicateur pour évaluer le potentiel de production de ces zones étant donné l'extrême variabilité maintenant bien connue des précipitations. Une fois que ces terres ont été défrichées, il est extrêmement onéreux et long de les remettre en état. Il ne faut pas voir ici une invitation pessimiste à contrôler simplement l'expansion des terres agricoles. Ce qu'il faut, ce sont des méthodes nouvelles d'utilisation de ces terres qui assurent une stabilité de l'environnement. Ce qui suit consiste en grande partie en des informations sur ces nouvelles méthodes.

D'un autre point de vue, prendre la sécheresse en considération est un exercice qui exige un soin particulier dans le choix des mesures de remplacement à prendre dans les zones frappées. Confrontés à l'effet de la sécheresse, les gouvernements aussi bien que donateurs ont parfois choisi des solutions consistant en projets à grande échelle difficiles à gérer. Constitués essentiellement "d'apports" gouvernementaux, ces projets visent à mettre en place des solutions technocratiques conçues de façon superficielle à des problèmes mal compris. Mis à part le fait qu'ils sont inapplicables, ils dégénèrent aussi souvent en programmes de protection sociale inefficaces qui ne font que déliter le tissu communautaire sur lequel des solutions peuvent et doivent s'appuyer. Le sens de la perspective est aussi nécessaire pour comprendre qu'il s'agit d'un problème à long terme. Il faut en même temps, et c'est tout aussi important, se concentrer sur ce qui est faisable et réalisable plutôt que sur les problèmes les plus difficiles. Cela peut signifier, dans les conditions de sécheresse actuelles, mettre l'accent sur le maintien de systèmes agricoles et de modes d'existence viables pour les populations situées sur le côté sédentaire vulnérable de la frontière de l'agriculture et dont les terres doivent souvent absorber le choc de l'afflux de nomades et de réfugiés.

La sécheresse est imprévisible et récurrente et la famine qui l'accompagne souvent encore plus. Elle pose donc aux gouvernements comme aux donateurs un problème particulier, qui est celui d'être prêt à fournir l'aide humanitaire en temps voulu et de façon appropriée. Heureusement, la technologie d'évaluation des effets climatiques qui se développe à partir des applications de plus en plus larges et complexes de la télédétection par satellite est prometteuse pour l'avenir. Grâce à ces outils et à ces techniques, il est désormais possible de prévoir 60 à 90 jours à l'avance les risques de pénurie alimentaire dus à la sécheresse. Ceci doit permettre d'examiner de plus près la situation réelle sur le terrain et de mobiliser à l'avance les moyens de secours. À mesure que cette technologie se développera, elle devrait de toute évidence permettre d'augmenter dans une très large mesure les informations si nécessaires à un aménagement approprié du territoire dans les zones arides et semi-arides d'Afrique.

La désertification pose un problème encore plus grave que la sécheresse en ce qu'elle implique une baisse progressive et prolongée de productivité dans un monde qui peut difficilement se le permettre compte tenu de l'ampleur de la croissance démographique. La sécheresse aggrave souvent les effets de la désertification, mais celle-ci résulte principalement de la mauvaise gestion de la terre à laquelle l'homme est conduit pas ces pressions démographiques exponentielles. La désertification est le problème environnemental majeur de l'Afrique aujourd'hui. C'est aussi une limitation importante, sinon la plus importante, qui empêche l'autosuffisance alimentaire dans de vastes étendues de ce continent.

La désertification est la perte de capacité productive de la terre l'instauration de conditions désertiques. Plus précisément, elle peut avoir les résultats négatifs suivants:

- dégradation du sol résultant de la diminution des matières organiques qui réduit la capacité d'échange de cations, d'où une diminution de la rétention d'eau et une accélération du lessivage et de l'élimination des éléments nutritifs du sol; déclin persistant des rendements des cultures et succession de mauvaises récoltes;

- dommages causés aux cultures par les vents de sable qui décapent les jeunes plants ou dénudent leurs racines;

- décomposition de systèmes traditionnels d'exploitation socialement et économiquement acceptés;

- perte d'une terre végétale indispensable due à l'érosion éolienne;

- accroissement du ruissellement des eaux de pluie, avec ce que cela implique d'érosion du sol, de formation de ravines et d'inondations en aval;

- diminution de l'eau de surface durablement disponible et baisse de la nappe phréatique du fait de la diminution des infiltrations et de la dégradation des bassins versants;

- insuffisance des ressources en fourrage et en brout ou conversion à des espèces végétales moins appétées;

- déstabilisation du sol et déplacement des dunes de sable; diminution de la capacité de régénération naturelle;

- déficits localisés des produits de la forêt, des bois et des arbres, y compris le bois de feu et le charbon de bois, les produits alimentaires, les matériaux de construction, la viande de gibier et les matières premières destinées aux activités productrices de revenu, aux besoins artisanaux et domestiques;

- baisse de la diversité biologique.

En dernière analyse, le résultat le plus important de la désertification est la misère et la pauvreté des populations qui en sont les victimes. Ces populations n'ont souvent, même dans les meilleures années, que de très faibles possibilités d'assurer la stabilité économique. Il peut être remédié à la sécheresse et à ses conséquences par des palliatifs d'urgence tels que l'aide alimentaire et médicale; la désertification au contraire peut nécessiter un changement complet de mode de vie.

Pour accorder aux activités forestières la place qui leur revient dans la lutte contre la désertification, il faut examiner les causes de cette dernière. Il n'y a pas de doute qu'il est largement admis que la cause principale de la désertification est la pression démographique qui incite à utiliser de façon de plus en plus intensive des ressources fragiles, ce qui conduit à leur dégradation et à leur destruction. Dans ces conditions, la désertification peut se produire non seulement pendant les années de sécheresse mais aussi dans les années plus humides.

La disparition du couvert végétal - arbres, arbustes et plantes herbacées étant éliminés par d'autres utilisations de la terre - expose la surface du sol à des conditions climatiques constamment extrêmes et délite la fine couche de terre végétale. L'expansion et l'intensification de l'agriculture sont les raisons premières de cette nouvelle utilisation de la terre Les faibles gains de productivité agricole réalisés dans les pays sahéliens de l'Afrique de l'Ouest ont été obtenus en grande partie en reculant les frontières agricoles jusqu'à des sols souvent trop marginaux pour pouvoir soutenir une production pendant plus de quelques années sans nécessiter de mesures assez importantes de conservation du sol et d'application d'engrais (7). Cette expansion pose des problèmes particulièrement graves lorsqu'elle se fait sur des terres en pente dont la dégradation rapide annule alors l'important effet de bassins versants qu'elles exerçaient pour recharger la nappe phréatique. Même sur de meilleurs sols, l'intensification de l'utilisation comprend une expansion des monocultures, le choix de cultures qui épuisent le sol, une mécanisation inappropriée, l'indifférence à l'égard des nécessités de conservation du sol et le raccourcissement des périodes de jachère. Les feux non contrôlés, courants dans les zones semi-arides, aggravent encore démesurément le problème. Le surpâturage, qui se traduit par une élimination des espèces fourragères annuelles appétées, la destruction du couvert végétal et la compaction du sol, sont depuis longtemps associés à la désertification. La récolte de bois de feu et de charbon de bois pour les besoins domestiques (souvent pour plus de 85 pour cent de la population) a également beaucoup contribué à la dégradation durable des ressources.

Ces causes, qui témoignent d'un comportement apparemment irrationnel de l'agriculteur de subsistance, doivent aussi être considérées dans le contexte des facteurs sociaux. économiques et institutionnels oui interdisent une exploitation soutenable et la conservation des ressources. Ces facteurs sont notamment les suivants: les questions de régime foncier et forestier; le manque d'accès aux facteurs de production agricole et au crédit; le caractère limité des initiatives prises pour assurer le développement rural; les conflits à l'intérieur des communautés et avec les autorités locales (par exemple avec les services forestiers); les changements de système politique; l'insuffisance des débouchés; l'absence de possibilités de revenu extra-agricole; la perception des risques dans la population rurale (qui la conduit par exemple à avoir de grands troupeaux) et l'absence de garanties sociales, pour n'en citer que quelques-uns.


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