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Troisième partie: Documents thématiques: Politiques, systèmes de production, conservation et restauration, transformation et utilisation


3.1 Politique forestière des zones arides dans la région nord de l'Afrique
3.2 Politique liant la foresterie en zone aride au développement rural et à la lutte contre la désertification
3.3 La désertification - Repenser la stratégie forestière en Afrique: L'expérience des activités de l'USAID
3.4 Recherche, démonstration, vulgarisation et diffusion
3.5 Centre d'activité relative aux programmes de lutte contre la désertification PNUE, Nairobi
3.6 Les systèmes pastoraux maghrébins et leur rôle dans la lutte contre la desertification
3.7 Transformation et utilisation de la végétation pérenne dans la zone aride de l'Inde
3.8 Utilisation de la faune sauvage
3.9 Réhabilitation des milieux salins
3.10 Aménagement des bassins versants dans les zones arides
3.11 Collecte de l'eau
3.12 Restauration des terres et reconstitution du couvert végétal
3.13 La réserve nationale de la pampa del Tamarugal: Régénération d'un peuplement fourrager dans le désert d'Atacama au Chili
3.14 Utilisation améliorée des ressources génétiques des espèces ligneuses: Une stratégie d'action


3.1 Politique forestière des zones arides dans la région nord de l'Afrique


1. Introduction
2. Éléments d'une politique forestière
3. Stratégies d'application de la politique
4. Impact de la politique forestière sur le développement des terres arides
5. Conclusion
6. Références


M.B. MESSAOUDI
Conseiller agricole et forestier
Secrétariat de l'Agriculture de la mise en valeur et du développement
Tripoli - Jamahiriya

1. Introduction

Le Nord de l'Afrique couvre une vaste superficie de zones arides et semi-arides, y compris une grande partie du Sahara et, étant donné son importance, le PNUE a accordé plus d'attention à la création de ceintures vertes pour lutter contre l'avancée du désert, c'est-à-dire la désertification dans cette région du monde.

Depuis la dernière période humide (il y a 5 à 7000 ans), cette région souffre de problèmes climatiques, socio-économiques et d'utilisation de la terre.

Les événements historiques montrent que les ressources renouvelables (sols, plantes, eau, faune et êtres humains) se trouvaient écologiquement en équilibre, que la terre était recouverte de savanes, d'herbes courtes et hautes, qu'il y avait de l'eau, que les ressources utilisables étaient équilibrées, de sorte que la population les utilisait (y compris le bois pour l'énergie) en fonction de leurs possibilités de production.

Cet équilibre naturel s'est trouvé rompu avec l'augmentation de la population et l'apparition de nouveaux facteurs. Il a fallu plus d'aliments, plus de bois pour différents usages, en particulier domestiques, de sorte que la terre, l'eau, le couvert végétal et la faune sauvage se sont trouvés soumis à une pression plus grande. La rupture de cet équilibre naturel a eu pour conséquence la disparition du couvert végétal, l'érosion, les inondations, le déplacement des dunes, etc. D'autres facteurs ont accéléré la détérioration de l'environnement, accroissant la désertification, c'est-à-dire que l'incapacité de la population de maintenir les ressources en période de guerre, d'invasion et d'autres pressions sociales a joué un rôle important Il est évident que le feu, la coupe, la suppression des arbres et arbustes pour d'autres usages, le surpâturage, etc. ont mis le secteur forestier dans une situation très critique, la foresterie continuant toutefois de jouer un rôle social et économique important dans les zones arides. Elle a essentiellement des avantages tangibles et intangibles comme l'amélioration du climat, la fourniture de combustible et de bois, la lutte contre l'érosion, la conservation de l'eau, qui contribuent tous à lutter contre la désertification.

Au siècle dernier et au début de ce siècle, nombre de pays africains (y compris en Afrique du Nord) étaient colonisés. Ils ont commencé à prendre conscience du danger de désertification et de l'importance d'élaborer une politique forestière pour y faire face.

La première mesure a consisté à réglementer l'abattage illégal des arbres des forêts, l'utilisation du sol et de l'eau et, dans une certaine mesure, la remise en valeur des dunes de sable. Ce furent là les principaux éléments de la politique forestière entre la Première et la Deuxième Guerre mondiales.

Après la Deuxième Guerre mondiale, de nombreux pays africains ont obtenu leur indépendance et ont commencé à s'attaquer aux problèmes en adoptant une politique forestière plus raisonnable.

Après l'indépendance, du fait de la nécessité croissante d'une production végétale et animale, d'une amélioration des niveaux de vie et de la croissance démographique, les ressources naturelles ont été soumises à des pressions sévères. Il a donc fallu prendre conscience de la nécessité d'une politique forestière stable et claire, en particulier dans les zones arides, pour lutter contre la désertification et préserver l'équilibre naturel des ressources.

2. Éléments d'une politique forestière

Dans les pays arides, la politique forestière est intégrée dans le cadre des plans de développement socio-économique. Elle prend donc en considération toute une série de facteurs notamment ceux qui concernent le mode d'existence de la population, dont certains sont énumérés ci-dessous:

- l'indépendance des pays et la responsabilité confiée à leurs populations de gérer leurs propres affaires;

- la grande révolution et les changements rapides du mode de vie de certains pays qui ont découvert du pétrole, comme l'Algérie et la Libye. De nouveaux éléments, qui modifiaient la structure de leurs besoins et les habitudes de la population, ont été incorporés dans cette politique;

- l'amélioration du niveau de vie de la population;

- l'ouverture d'un plus grand nombre d'écoles, suivie d'une élévation des niveaux d'instruction;

- la croissance normale de la population qui se traduit par une augmentation de la demande d'aliments, de combustible (passant progressivement au gaz, au pétrole et à l'électricité);

- la protection des ressources naturelles, surtout le sol et l'eau, pour les besoins généraux de la production et de la protection;

- la fourniture de bois à différents usages y compris la pâte à papier, comme dans le cas du Maroc;

- la politique forestière doit viser à protéger, utiliser et développer correctement les ressources naturelles et à améliorer le niveau de vie de la population. Toute politique forestière qui ne prend pas le plus possible en considération ces objectifs ne répond pas aux buts qui doivent être les siens;

- enfin, compte tenu de la situation dynamique actuelle, la politique forestière doit être définie de manière à répondre aux besoins de la population.

3. Stratégies d'application de la politique

Chaque pays a élaboré sa propre politique forestière et établi un plan de travail pour son application, en étant tout à fait conscient des pertes provoquées par la désertification et des menaces qu'elle comporte, mais des stratégies forestières étaient tout à fait nécessaires au plan régional, en dépit du caractère impressionnant des activités entreprises par ces pays au nord de l'Afrique.

Ces pays ont estimé qu'il leur fallait coordonner leur action, échanger leurs connaissances et leur expérience et établir des plans de travail pour que les échecs et les succès de chacun d'entre eux puissent être portés à la connaissance des autres et les aider à obtenir les meilleurs résultats possibles.

Pour cela, ils ont créé le Projet de Ceinture verte d'Afrique du Nord, dont les principaux objectifs sont les suivants:

a) protection des terres agricoles contre l'avancée du désert et leur amélioration;
b) aménagement et amélioration des terrains de parcours et développement de la richesse animale;
c) boisement;
d) développement rural;
e) accroissement de la production vivrière pour remédier aux pénuries existant dans la région.

Les moyens d'application sont notamment:

a) élaboration d'un plan d'action commun pour l'ensemble de la région définissant les directives de lutte contre la désertification, telles que l'aménagement des terrains de parcours, la plantation d'arbres, etc.;

b) coordination des méthodes d'exécution et organisation des activités correspondantes dans chaque pays;

c) échange de connaissances et d'expérience;

d) échange de semences et de jeunes plants;

e) coordination des activités de formation, etc.

La stratégie du Projet de Ceinture verte se fonde sur les principes suivants:

- utilisation appropriée des terres;
- intégration de la politique forestière dans la politique générale relative à l'agriculture, à l'eau et aux sols;
- mise en valeur des ressources naturelles et humaines;
- utilisation des espèces appropriées, en particulier celles à croissance rapide;
- recherche de combustible bon marché destiné à remplacer le bois de feu pour la cuisine, le chauffage et autres usages,

4. Impact de la politique forestière sur le développement des terres arides

La foresterie a joué un grand rôle dans le développement des zones arides à plusieurs égards. La plantation d'arbres offre toute une série d'avantages, notamment les suivants:

- protection du sol et des cultures grâce aux brise-vent;

- fourniture de fourrage à partir de certaines espèces telles que Acacia cyanophylla, qui devient une ressource principale d'alimentation animale en saison sèche dans des pays comme la Tunisie et la Libye. En outre, les plantations d'eucalyptus près de Tripoli offrent de meilleurs rendements à l'hectare que les autres cultures dans une rotation moyenne;

- fourniture de bois et de menus produits forestiers;

- fourniture de travail dans les entreprises d'État;

- dans de nombreux cas, elle a aidé les zones rurales à développer l'apiculture, qui constitue une source importante de revenu pour la population de la région,

Les activités suivantes illustrent l'importance de la politique forestière dans la mise en valeur des terres arides et la lutte contre la désertification.

Fixation des dunes de sable

Cette activité est fondamentale dans cette sous-région. Elle vise à restaurer les capacités de la terre, à lui rendre son couvert végétal et à améliorer ainsi l'environnement.

Cette activité offre à la population un supplément de revenu, élève son niveau de vie et protège indirectement les sols et les cultures.

Ceintures vertes

Les ceintures vertes visent à arrêter la désertification et l'envahissement par les dunes et à protéger ainsi les terres, les villages, les villes, les routes ou toute autre infrastructure contre le déplacement des sables. En Algérie, un projet de ceinture verte a été lancé au début des années 1970 pour lutter contre la désertification. Le but de ce projet, qui consiste en une bande de 10 à 15 km de large et environ 1000 km de long et qui s'étend de la frontière tunisienne à la frontière marocaine, est de stopper l'avancée du Sahara vers le nord. Au fur et à mesure de l'application de ce projet, on s'est rendu compte que l'avancée du désert était un phénomène "endogène" qui nécessitait un aménagement polyvalent des fragiles ressources en bois et en terres.

5. Conclusion

Les politiques forestières dans les zones arides doivent prendre en compte la lutte contre la désertification. Il importe que cette politique soit intégrée dans les plans de développement socio-économique et que la population soit invitée à y participer. Les buts ultimes de cette politique doivent être les suivants:

- accroître le revenu de la population et améliorer son niveau de vie dans les zones rurales;
- maintenir l'équilibre environnemental;
- développer les ressources naturelles.

Pour obtenir les résultats optimums, il faut que la population et les différentes institutions de recherche, de formation, d'enseignement et de vulgarisation participent à l'application de la politique forestière.

6. Références

1. Politique forestière de la Tunisie et de la Libye.
2. Rapports techniques sur les projets de Ceinture verte d'Afrique du Nord.
3. Notes sur le barrage vert en Algérie.
4. Étude de faisabilité sur le projet de ceinture verte.
5. Ministère de la Forêt - Rapports régionaux.

3.2 Politique liant la foresterie en zone aride au développement rural et à la lutte contre la désertification


1. Introduction
2. Éléments de l'élaboration d'une politique
3. Stratégies d'application des politiques
4. Incidences des politiques de foresterie en zones arides pour le développement de ces zones
5. Études de cas
6. Lacunes des connaissances
7. Conclusions


F.R. WEBER

1. Introduction

Confrontée tout au long de l'histoire à une vaste évolution de son environnement vers la sécheresse, la société a généralement réagi de l'une des deux façons suivantes: soit une migration massive (à la suite du «dustbowl» de 1930 aux États-Unis, un grand nombre d'agriculteurs sont partis vers l'Ouest), soit le lancement de grandes actions correctives de conservation des ressources (barrages, terrasses, etc., l'exemple du Nord Yémen datant de l'époque lointaine de la reine de Saba).

La conjugaison d'un accroissement de la pression démographique et d'une diminution des précipitations pendant de longues périodes a eu des répercussions spectaculaires sur les zones arides dans de nombreuses parties du monde, surtout au cours des dernières décennies: les sources d'eau s'assèchent, la fertilité des terres agricoles diminue, la végétation naturelle disparaît. La famine, la maladie, la souffrance généralisée, la misère et finalement la mort en sont les conséquences inévitables.

Mus par la ferme volonté de remédier à cet état de choses, individus, groupes, institutions, gouvernements et la plupart des donateurs ou des communautés de financement s'efforcent de lutter contre ce qu'on décrit généralement comme une "désertification" avec une volonté et des moyens croissants.

S'il était clair dès le début que la multitude d'efforts privés et collectifs, locaux et étrangers, individuels et publics doivent être coordonnés pour éviter les chevauchements, les lacunes et les doubles emplois, la définition d'approches et de plans faisant l'objet d'un consensus a été lente et parfois péniblement complexe en raison de la diversité des intérêts, des priorités et des points de vue.

Au surplus, l'élaboration d'une politique poursuivant un but précis ou de méthodes à adopter et à suivre par tous ceux qui participent à l'action commune (de lutte contre la désertification) a été encore plus laborieuse et plus longue. Aujourd'hui encore, après tout ce qui a été dit, écrit et dépensé, nombre de grandes organisations internationales n'ont toujours pas de politiques cohérentes de lutte contre la désertification. C'est le cas aussi d'un grand nombre des grands organismes régionaux ou bilatéraux.

Un certain nombre de tentatives régionales ou nationales ont été faites pour améliorer les politiques forestières d'utilisation et de conservation des ressources naturelles renouvelables. On admet généralement aujourd'hui que ces politiques ne peuvent s'attaquer en même temps à tous les aspects du développement rural et aux autres problèmes liés à la diminution de la base de ressources naturelles. Le conflit qui en découle est clair: développement ou conservation? De toute évidence, tant que cette question ne sera pas réglée, les parties intéressées continueront d'aller dans des directions différentes. Un premier pas fondamental et nécessaire à faire avant de pouvoir mener à bien des programmes et projets et des interventions et actions individuelles est l'élaboration par les gouvernements de politiques précisant clairement les compromis à adopter. Il est indispensable de trouver le difficile compromis entre la réalisation de l'autosuffisance alimentaire et le rétablissement d'un équilibre écologique (l'un des principaux objectifs du CILSS).

Si les politiques des gouvernements (les donateurs) sont extrêmement importantes et constituent un préalable à toute action, beaucoup de celles qui existent aujourd'hui ne valent pas grand-chose car, dans la pratique quotidienne, elles ne sont pas et ne peuvent peut-être pas être appliquées. Les politiques forestières en zones arides (comme n'importe où ailleurs) sont importantes mais, comme on peut l'observer dans beaucoup des pays où la nécessité d'une approche globale de la gestion des ressources s'impose avec le plus d'urgence, elles ne valent souvent pas le papier sur lequel elles sont imprimées pour un ensemble de raisons qui sont plus faciles à énoncer qu'à corriger:

- les organisations et organismes charges de les appliquer ne disposent ni des crédits, ni du soutien politique, ni du personnel nécessaires;

- les intérêts privés qui ne participent qu'à l'exploitation rapide et à court terme des ressources encore disponibles ont le pouvoir, l'argent et la volonté nécessaires pour faire ce qu'ils veulent, sans s'occuper des règlements et des lois qui prescrivent le contraire;

- les politiques forestières qui interdisent d'abattre les arbres ou de défricher les terres ne résistent pas à la nécessité toujours croissante d'augmenter les quantités de produits alimentaires, de bois de feu et de matériaux de construction;

- les politiques forestières, si elles ne font pas partie d'un ensemble plus large d'aménagement global des ressources (politiques foncières, des produits agricoles, de la commercialisation et du transport, etc.), sont dans le vide et souvent contre-productives, tuant l'initiative privée ou facilement esquivées par ceux qui achètent les agents locaux souvent mal payés et obligés de se débrouiller pour vivre.

2. Éléments de l'élaboration d'une politique

Le terme "politique" a des sens différents selon les gens et les organisations. Pour les uns, il désigne une définition générale très large d'objectifs globaux de planification et de programmation, pour d'autres, des objectifs ou des procédures précis. D'autres encore l'utilisent pour décrire des restrictions ou des fonctions législatives ou réglementaires.

L'élément peut-être le plus fondamental de la formulation d'une politique est que le sens et l'application de ce terme soient bien compris (et acceptés) par les différents partenaires engagés dans des activités telles que la lutte contre le désertification.

Il s'ensuit qu'une politique "forestière" n'est pas seulement un élément important de la planification et de l'exécution des activités de développement rural et de conservation des ressources mais une référence commune indispensable et un point de départ qui définit le cadre technique, économique, social et politique de tout effort visant un objectif spécifique, en l'occurrence le ralentissement, l'arrêt ou l'inversion du phénomène de désertification.

Une politique doit se fonder sur un principe et sur une règle (ou un ensemble de règles) d'action. Pour que leur l'efficacité soit maximum, ils doivent être définis ensemble.

Les politiques officielles (des gouvernements, des sources de financement, des organismes) relatives à l'aménagement des ressources naturelles peuvent se classer en deux grandes catégories: administratives/politiques et opérationnelles.

Les ensembles de mesures administratives/politiques sont généralement larges et à long terme. On peut en citer les exemples suivants: toutes les activités de terrain doivent être fondées sur la participation volontaire et bénévole de la population locale; ou encore: tous les projets de développement rural doivent dorénavant comporter une composante de foresterie ou de conservation (Niger, Burkina Faso par exemple).

Les ensembles de mesures opérationnelles sont plus spécifiques et concernent des principes ou des questions de programme à court terme: les pentes de plus de 15 degrés (27%) ne doivent pas être cultivées Elles doivent être couvertes d'une végétation permanente, soit des arbres (pour la production du bois), soit des cultures fourragères ou des pâturages permanents (Chine).

Enfin, avant d'entreprendre ou de formuler ou de formuler des politiques, il convient de réfléchir à la manière dont elles doivent s'intégrer dans le modèle général de développement et d'aménagement des ressources du pays. La séquence généralement utilisée dans les affaires est la suivante:

- détermination des objectifs précis; politiques;
- programmes;
- relations organisationnelles;
- projets, procédures, budgets.

Le premier pas consiste à définir l'objectif de façon précise. Ici, la tâche est simple: il s'agit de lutter contre la désertification. Il faut toutefois dès ce stade ne pas oublier que d'autres responsables charges du "développement" ou chargés d'améliorer la balance des paiements, de fournir des emplois, d'accroître la productivité dans les zones rurales, etc. fixeront presque inévitablement des objectifs différents qui se traduiront par des programmes et des plans d'action totalement opposés à ceux qui découlent naturellement du souci d'arrêter la désertification. Il est inutile d'entrer davantage dans le détail tant que l'on n'aura pas pris la décision fondamentale, c'est-à-dire définir ce qu'il faut développer par opposition à ce qu'il faut conserver ou "aménager de façon rationnelle".

3. Stratégies d'application des politiques

Les stratégies et tactiques communes d'application des politiques forestières en zone aride qui ont réussi sont très peu nombreuses.

Si quelques succès importants ont été obtenus dans de nombreuses parties du monde, la plupart ont eu lieu dans des zones à climat tempéré (par opposition aux tropiques). Dans les zones arides de Russie, de Chine et des États-Unis, diverses combinaisons de mesures à grande échelle de conservation des sols, de l'eau et de la végétation ont été mises en oeuvre avec des résultats positifs durables. Mais dans chaque cas, les "stratégies et tactiques" suivies ont été entièrement différentes en ce qui concerne les principes et les modes d'application.

Le seul dénominateur commun que l'on puisse trouver à ces différents cas est la volonté du gouvernement central et sa capacité au niveau technique et au niveau de la gestion de prendre des mesures suffisamment importantes pour provoquer les changements décisifs et indispensables dans l'utilisation des terres et la couverture végétale. Une planification et une application centralisées, une délégation des responsabilités (et des moyens!) à l'échelon régional et sous-régional ainsi qu'une série d'incitations impliquant une collaboration entre le gouvernement et le secteur privé (avantages fiscaux, partage des coûts, services de vulgarisation en coopération) ont toutes réussi, chacune à sa façon et chacune dans son propre contexte socio-politique.

Dans les zones tropicales arides, des efforts considérables ont aussi été faits pour provoquer les changements nécessaires. À l'échelon national, le "débat national sur la lutte contre la désertification" au Niger (mai 1984) est un exemple remarquable de la façon dont un gouvernement s'attaque à la racine même du problème. À l'échelon régional, plusieurs réunions, séminaires et conférences ont tenté eux aussi de résoudre quelques-uns des mêmes problèmes fondamentaux de politique. Le séminaire régional sur la désertification du CILSS (Nouakchott, 29 octobre - 6 novembre 1984) n'en est qu'un exemple parmi d'autres.

Il est possible de Juger des résultats de ces efforts en examinant les conclusions et recommandations de ces réunions, dont on trouvera ici quelques exemples:

- les structures politiques (dans chaque pays) doivent être renforcées;

- les opérations de réinstallation et la limitation de l'utilisation d'une zone donnée doivent être précédées par des études et assorties de mesures d'accompagnement;

- tous les efforts de lutte contre la désertification doivent dorénavant se fonder sur la participation locale. À cet égard, un Comité sur la mise au point des stratégies a recommandé que cette participation se fonde sur les intérêts immédiats aussi bien qu'à long terme de la population, regroupés sur la base d'intérêts socio-économiques communs;

- les objectifs de la stratégie recommandés par le même comité doivent comprendre:

• la connaissance et la conservation des écosystèmes existants;
• la satisfaction des besoins fondamentaux de la population;
• le ralentissement de la désertification;
• la remise en valeur des zones défavorisées grâce au développement de leur capacité de production et à la reconstitution de leur base de ressources d'origine;

- le rétablissement d'un nouvel équilibre socio-écologique ne doit pas être poursuivi isolément mais en liaison avec la recherche de la sécurité alimentaire et énergétique;

- les diverses activités ne peuvent réussir que dans un cadre politique, économique et social favorable.

Ailleurs, d'autres approches ont été appliquées. En République dominicaine par exemple, les arbres ont en fait été nationalisés et les scieries du pays fermées. Quelles qu'aient été les répercussions socio-économiques négatives de ces mesures, on est frappé aujourd'hui par la différence entre Haïti et les pays voisins Il y a d'autres cas encore où des efforts massifs de conservation du sol et de l'eau avec construction de banquettes ou de terrasses, contrôle des ravines, petits barrages et autres aménagements similaires ont été encouragés par les donateurs ou les gouvernements et entrepris par la population locale. Les exemples sont nombreux et dispersés: Haïti, le Kenya, le Cap-Vert, la Tunisie pour n'en nommer que quelques-uns.

En d'autres lieux encore, l'accent a été mis sur le reboisement, l'introduction d'arbres soit pour reconstituer des forêts, soit - plus récemment - pour les intégrer au paysage, soit dans les exploitations agricoles, soit dans des bandes ou parcelles de terre non utilisées pour les cultures (programmes "quadrilatéraux" en Chine, agro-foresterie en terre aride dans de nombreuses parties de l'Afrique, par exemple).

Dans chacun de ces exemples, les stratégies et les tactiques varient beaucoup d'un endroit à l'autre Lorsqu'ils ont réussi, les efforts entrepris au niveau local se situaient dans un contexte tel que l'introduction d'arbres ou les mesures de conservation du sol "avaient un sens" pour la population locale. Dans la plupart de ces cas, les gouvernements ont dû remplacer des politiques "centralisées" conduites dans une perspective nationale par d'autres qui comportaient ou rendaient possibles certaines incitations ou motivations (souvent sous forme de protection ou de garantie des avantages tirés de la production) de la population des zones rurales.


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