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Les élevages de porcs traditionnels du bassin arachidier sénégalais


Le milieu
Méthodologie
Caractéristiques générales des exploitations
Paramètres démographiques
Productivité pondérale
Résultats économiques
Conclusion

A. Buldgen, M. Piraux, A. Dieng, G. Schmit et R. Compère

Les adresses des auteurs sont les suivantes: A. Buldgen M. Piraux, G. Schmit et R. Compère: Unité de zootechnie, Faculté des Sciences agronomiques de Gembloux (FSAGx), Passage des Déportés 2, 5030 Gembloux, Belgique. A. Dieng: Département des productions animales, Ecole nationale supérieure d'agriculture (ENSA), BP 296, Thiès, Sénégal

Les systèmes de production traditionnels, modernisés ou industriels des pays en développement utilisent de nombreuses techniques d'élevage du porc. Les systèmes traditionnels extensifs, caractéristiques des élevages de subsistance, sont pratiqués dans les petites unités de production villageoises qui élèvent en moyenne trois ou quatre porcs. Les conditions d'élevage y sont souvent médiocres, car les éleveurs consentent un minimum d'investissements et d'interventions pour maintenir la rentabilité de leur exploitation (Nyabusoré, 1982). Les races utilisées sont pour la plupart indigènes et les animaux sont laissés en liberté presque toute l'année (De Alba, 1972; Devendra et Fuller, 1979; Falvey, 1981; Pathiraja, 1986). Constamment à la recherche de nourriture, les porcs se comportent en grande partie comme des herbivores. Par ailleurs, la distribution d'aliments concentrés est limitée et très irrégulière.

Dans ces conditions, les performances animales sont souvent peu connues et très variables d'une exploitation à l'autre. Pourtant, ces petits élevages jouent un rôle important aux plans social et nutritionnel, car les animaux assurent une précieuse réserve de capitaux en cas d'obligation sociale ou sont consommés par les populations locales (Thorne, 1992).

Les résultats présentés ci-après ont été recueillis au cours d'une enquête réalisée dans l'ouest du bassin arachidier sénégalais (figure 1).

Le milieu

Le bassin arachidier sénégalais occupe une superficie de 5 000 km² entre les longitudes 14° 15' et 17° 15' ouest et les latitudes 13° 60' et 16°15' nord. Il appartient en grande partie à la zone sahélo-soudanienne qui traverse le Sénégal d'ouest en est. La saison des pluies, appelée «hivernage», s'étale de juin-juillet à octobre selon les latitudes, avec des précipitations annuelles moyennes allant de 200 à 900 mm du nord au sud. Jadis entièrement cultivé, le nord de la région se transforme progressivement en zone d'élevage extensif, tandis que le sud fait l'objet d'activités agricoles de moins en moins rémunératrices; cette situation résulte en grande partie d'une diminution de la pluviosité et de la dégradation du milieu sur l'ensemble du territoire.

Carte du Sénégal situant le bassin arachidier - Map of Senegal showing the groundnut basin - Ubicación geográfica de la cuenca manicera del Senegal

Porc local du bassin arachidier sénégalais - Local pig in Senegalese groundnut basin - Cerdos locales en la cuenca manicera del Senegal

Porcherie traditionnelle du bassin arachidier sénégalais - Local pigsty in Senegalese groundnut basin - Porquerizas tradicionales en la cuenca manicera del Senegal

La grande majorité de la population du bassin arachidier est musulmane. Seule une minorité catholique répartie en ville et en milieu villageois pratique l'élevage du porc aux abords des grands centres de commercialisation: capitale, villes importantes, centres touristiques. Notre étude s'est donc limitée à la région de Thiès (voir figure 1) en raison de la proximité de Dakar et des grands hôtels installés sur la côte ouest. En 1986, les effectifs en porcs de cette région s'élevaient à73 000 sujets, soit environ un quart de la population porcine totale du Sénégal et la quasi-totalité des porcs du bassin arachidier. A l'heure actuelle, suite à une épidémie de peste qui a sévi dans tout le pays, le cheptel est en voie de reconstitution et n'est plus que de 13 000 têtes dans la région de Thiès.

Méthodologie

L'enquête s'est déroulée de juillet à octobre 1992 dans une dizaine de villages et dans deux villes (Thiès et Mbour) appartenant au bassin arachidier. A cet effet, un formulaire d'enquête très élaboré a été utilisé en vue de rassembler toutes les informations: caractéristiques générales des exploitations, infrastructures d'élevage, conduite des animaux, paramètres démographiques et zootechniques du cheptel et commercialisation des produits.

Au total, 115 exploitations choisies au hasard (54 en ville et 61 en milieu villageois) ont été visitées. Lors de chaque visite, les renseignements généraux ci-après ont été tout d'abord recueillis: profession de l'éleveur, ethnie, religion, régularité des activités, types d'élevage pratiqués (reproduction ou engraissement), effectifs présents dans l'exploitation, avantages de la production facteurs limitants et autres activités d'élevage. La seconde partie du questionnaire d'enquête était consacrée aux infrastructures et au matériel d'exploitation: mode de claustration, caractéristiques techniques, coût du logement et du matériel d'élevage. Une troisième partie visait à caractériser le système d'alimentation pratiqué par les éleveurs: composition des régimes, fréquence et heures de distribution, quantités distribuées (pesée des repas), complémentation en concentré et en sous-produits, coût de l'alimentation. Enfin, la dernière partie de l'enquête, réalisée sous forme d'interview, a recueilli des informations concernant l'abattage, la commercialisation et la transformation des produits au cours de l'année écoulée: époque de vente ou commercialisation, effectifs sacrifiés, poids et âges estimés à l'abattage, autoconsommation, vente sur pied et au détail, clientèle, prix de vente, techniques de transformation et de conservation des produits.

L'enquête se termine, avec l'accord de l'éleveur, par une pesée individuelle des sujets présents dans l'exploitation. Seuls les animaux dont l'âge est rigoureusement connu par le propriétaire sont pris en considération. Au cours de cette étape, des informations sont également recueillies à propos de la carrière des reproductrices: nombre et époque des mises bas, avortements, mortinatalités, mortalités dans le jeune âge, réforme de mères, etc.

Les paramètres économiques des exploitations ont été estimés à partir de l'ensemble des renseignements et des données moyennes fournis par l'enquête. Les profits et pertes ont été établis au moyen de la méthode de diagnostic mise au point par Buyle (1987) pour les élevages de porcs. Cette méthode permet d'estimer les coûts de production à partir d'un nombre restreint de paramètres aisément mesurables, tout en conservant une précision suffisante. Les paramètres du modèle ont toutefois été adaptés aux conditions d'élevage du milieu rural sénégalais, notamment en ce qui concerne les charges d'amortissement et en main-d'œuvre, les frais d'alimentation et généraux et les intérêts sur le cheptel vif.

Caractéristiques générales des exploitations

Systèmes et infrastructures d'élevage

Les résultats fournis par l'enquête font apparaître plusieurs catégories d'élevage bien différenciées: élevages «naisseurs» (48 pour cent) «engraisseurs» (20 pour cent) et mixtes (32 pour cent). On constate cependant que les systèmes d'élevage mixtes sont plus fréquents en milieu villageois. Une classification des exploitations sur la base des groupes ethniques montre aussi que 87 pour cent des éleveurs appartiennent à l'ethnie Sérère, 9 pour cent à l'ethnie Mandingue et 4 pour cent à l'ethnie Diola. L'ethnie Wolof, dominante dans cette partie du territoire national, n'est pas représentée, car la grande majorité de cette population est musulmane.

En ville, la profession principale des éleveurs est très varice: employés, ouvriers, commerçants, pensionnés, etc. Dans les villages, les animaux appartiennent à des agriculteurs éleveurs, Par ailleurs, l'élevage du porc est souvent associé à la production de poulets de chair ou de canards, ces trois activités secondaires procurant une source de revenu supplémentaire. Dans la majorité des cas, ce sont les femmes et les enfants qui assurent la surveillance et l'entretien du cheptel. Les hommes n'interviennent que pour la castration et l'abattage.

La motivation des éleveurs pour ce type d'élevage réside dans la simplicité des techniques mises en œuvre et la facilité de mobilisation du capital thésaurisé sous cette forme. En outre, la peste aviaire qui décime régulièrement la population avicole traditionnelle incite de nombreux éleveurs à abandonner cette spéculation au profit de l'élevage du porc.

En milieu villageois, le logement des animaux est très différent de celui pratiqué en ville. Le porc est maintenu dans un petit enclos de forme circulaire confectionné en bois sur terre battue. Plus rarement, il bénéficie d'une logette en dur équipée d'une dalle en béton. Dans les deux cas, un sac, quelques branchages ou une tôle, disposés en guise de toiture, servent de protection contre l'insolation et les intempéries. La claustration est générale, surtout en saison des pluies, afin d'éviter les dégâts aux cultures. Les logements sont souvent situés à quelques dizaines de mètres des habitations, et il n'est pas rare de trouver plusieurs porcheries regroupées au même endroit.

En ville, la porcherie est confectionnée à partir de matériaux de récupération (tôles, châssis de voitures, grillages, branchages, etc.). Elle sert plutôt de point de rassemblement nocturne que de moyen de claustration. Dans certains cas, il n'y a pas de logement particulier, et le porc est maintenu dans la cour des habitations pour la nuit.

Conduite de l'élevage

La conduite de l'élevage est très rudimentaire. La castration est pratiquée à l'âge de 4 à 5 mois selon la méthode sanglante, en utilisant une lame de rasoir. La désinfection est réalisée au moyen de sel de cuisine, de cendres ou de pétrole. Pour augmenter les chances d'obtenir une saillie fécondante, les éleveurs placent généralement la truie en présence d'un mâle pendant une semaine et n'assistent pas à l'accouplement. Le sevrage a lieu vers l'âge de 3 mois en ville et de 2 mois dans les villages. Pour ce faire, l'éleveur commercialise ou abat la mère ou vend les porcelets. L'engraissement est réalisé au moyen de mâles ou de femelles, sans préférence, mais les éleveurs recherchent des animaux bien conformés et d'un poids élevé. La réforme des reproductrices est rarement basée sur des critères objectifs tels que l'insuffisance des portées, le cannibalisme ou l'agalactie.

Il n'y a guère de différence dans la composition des rations destinées aux porcs en ville et dans les villages. Dans les deux cas, ce sont les restes de repas et de cuisine, mil, riz, épluchures de manioc ou de patate douce, feuilles de baobab, pulpes de tomates ou feuilles de choux, qui servent de base dans les régimes. Parfois, les éleveurs villageois y ajoutent de l'aliment composé du commerce et du son de mil. Des quantités identiques, soit environ 3 kg d'aliment, sont distribuées aux truies reproductrices avec ou sans portée et aux animaux à l'engrais quel que soit l'âge des sujets. D'un point de vue quantitatif, la ration de base correspond donc aux résidus de cuisine disponibles au sein des exploitations. En général, ceux-ci sont mélangés à environ 4 litres d'eau et distribués en deux repas sous la forme d'une soupe. Au cours de l'enquête, nous avons pu remarquer que l'abreuvement faisait souvent défaut et occasionnait des pertes en jeunes animaux.

Dix échantillons d'aliment ont été prélevés au hasard dans des exploitations, cinq dans des exploitations situées en ville et cinq dans des villages, en vue d'être analysés en laboratoire. Une synthèse des résultats obtenus est présentée au tableau 1 en comparaison des normes alimentaires recommandées par l'INRA (1989). La teneur en énergie digestible a été estimée à partir de l'équation de prédiction fournie par Noblet et al. (1989). On constate que dans les villages les régimes sont nettement plus riches en fibres et moins bien équilibrés en protéines, ce qui provient sans doute de la distribution fréquente de son de mil. Quoi qu'il en soit, les rations font apparaître de graves déficiences en énergie, en protéines et en acides aminés essentiels. Par ailleurs, les faibles écarts types qui accompagnent les moyennes indiquent que ces déficiences affectent probablement de nombreuses exploitations. Ces résultats correspondent bien à ceux décrits par Nyabusoré (1982) et Serres (1989).

Paramètres démographiques

Pour déterminer l'effectif moyen des exploitations, toutes les catégories de porcs ont été prises en considération, à l'exception des porcelets non sevrés qui sont à l'origine de grandes variations. Compte tenu de cet élément, l'enquête révèle que la taille moyenne des exploitations est très faible (deux sujets) et qu'elle est légèrement plus élevée en ville quelle que soit la spéculation. On constate aussi que 86 pour cent des éleveurs détiennent moins de quatre porcs. Ces effectifs sont malgré tout assez proches de ceux cités par d'autres auteurs: trois porcs par ménage au Rwanda (Nyabusoré, 1982) et quatre en Thaïlande (Falvey, 1981).

La structure démographique moyenne des exploitations est présentée sous forme de pyramide des âges à la figure 2. Chaque classe d'âge est représentée par une cartouche horizontale dont la longueur est proportionnelle à la fréquence relative par rapport à l'effectif total du troupeau. Pour obtenir une image réaliste de la structure de la population, un maximum d'informations est indispensable. C'est pourquoi la pyramide a été dressée à partir de 263 femelles et 159 mâles sans distinction entre les porcs élevés en ville et dans les villages.

La figure 2 fait apparaître une proportion élevée d'animaux non sevrés, qui signifie que la population est jeune et fréquemment renouvelée. Par ailleurs, trois irrégularités peuvent être observées dans le jeune âge. Une première diminution des effectifs survient après 1 mois en raison de mortalités élevées pendant la période postnatale. Après 3 mois, la commercialisation d'animaux sevrés appelés «cochons de lait» provoque une nouvelle irrégularité. A 6 mois, la pyramide rétrécit à nouveau, car intervient déjà la vente des porcs engraissés. Un faible nombre de sujets est finalement conservé pour la reproduction, en particulier en ce qui concerne les mâles. Parfois, la carrière des truies s'achève très tardivement, à l'âge de 24 mois et plus.

Les résultats de l'enquête permettent de fixer l'âge moyen des truies à la première saillie à 12-13 mois, ce qui correspond à une première mise bas entre 16 et 17 mois. D'une manière générale, nous avons constaté que les truies entrent plus tôt en reproduction dans les villages (à 10 mois). Le nombre de porcelets nés vifs par portée varie de 6 à 8, avec une augmentation régulière de la première à la troisième mise bas. La taille des portées apparaît systématiquement plus faible en milieu villageois, sans doute en raison de l'entrée précoce des femelles en reproduction.

Le sevrage est réalisé à l'âge de 2 mois dans les villages et de 3 mois en ville. L'intervalle de temps entre le sevrage et une nouvelle saillie est très long (8 semaines) et varie considérablement. Bon nombre d'éleveurs commercialisent toutefois les truies à l'issue du premier cycle de reproduction et poursuivent l'élevage à partir d'une femelle provenant de la dernière mise bas.

Les résultats que nous avons pu enregistrer quant à la prolificité correspondent bien à ceux obtenus à partir de races locales dans d'autres pays tropicaux (De Alba, 1972; Rigor et Kroeske, 1972; Falvey, 1981; Nyabusoré, 1982; Serres, 1989; Molenat et Tran The Thong, 1991). Cependant, la carrière des truies apparaît très courte par rapport à celle des pays asiatiques (Falvey, 1981; Pei-Lieu, 1985; Molenat et Tran The Thong, 1991).

Les taux de mortinatalité et de mortalité avant sevrage peuvent être établis comme suit:


Villes

Villages

Moyenne

Mortinatalité (%)

5,5

1,4

4,2

Mortalité (%)

10,5

3,8

8,3

Ces taux apparaissent nettement plus faibles en milieu villageois où la surveillance est meilleure, notamment lors des mises bas.

Tous les éleveurs qui pratiquent l'engraissement signalent des problèmes de diarrhée à l'issue du sevrage. Ces troubles digestifs disparaissent peu après, une fois que le porc est habitué à son nouveau régime alimentaire. Pourtant, aucun cas de mortalité après sevrage n'a été déclaré au cours de l'enquête, ce qui paraît peu plausible étant donné l'apparition régulière de peste porcine en milieu urbain, l'existence de parasitoses internes et externes et l'état cachectique de certains individus.

A partir de l'ensemble des paramètres décrits ci-avant, on peut évaluer à 12 en ville et à 14 dans les villages le nombre de porcelets sevrés par truie et par an.

Valeurs alimentaires moyennes des rations utilisées dans les élevages traditionnels de porcs du bassin arachidier sénégalais en comparaison des normes recommandées par l'INRA (1989) - Mean feeding values of diets used on local pig farms in the Senegalese groundnut basin compared with standards recommended by INRA (1989) - Promedio de valores alimenticios utilizados en la crianza tradicional de cerdos de la cuenca manicera del Senegal, comparados con las normas recomendadas por el INRA (1989)

Composition

Valeur de la ration en ville

Valeur de la ration dans les villages

Besoins de la truie en lactation

Besoins de la truie en gestation

Besoins du porc en croissance

Besoins du porc en finition

Energie digestible (kcal/kg)

891

763

3 000

2 800

3 000

3 000

Matières azotées (%)

4,8

3,8

14

12

17

15

Extrait éthéré (%)

4,3

4,2

-

-

-

-

Cendres (%)

4,8

4,7

-

-

-

-

Fibres brutes (%)

0,8

1,7

-

-

-

-

Neutral detergent fiber (%)

2,7

5,6

-

-

-

-

Acid detergent fiber (%)

0,9

1,8

-

-

-

-

Valine (%)

0,31

0,24

0,42

0,43

0,55

0,50

Thréonine (%)

0,22

0,16

0,42

0,34

0,50

0,42

Leucine (%)

0,36

0,27

0,69

0,30

0,60

0.50

Isoleucine (%)

0,24

0,18

0,42

0,34

0,50

0,42

Phénylalanine + tyrosine (%)

0,33

0,25

0,69

0,31

0,80

0,70

Lysine (%)

0,35

0,21

0,60

0,40

0,80

0,70

Arginine (%)

0,23

0,23

0 40

-

0,25

0,20

Histidine (%)

0.09

0,11

0,23

0,12

0,20

0,18

Productivité pondérale

Au total, 263 femelles et 159 mâles, dont l'âge en mois était parfaitement connu, ont fait l'objet d'une pesée au cours de l'enquête. Les performances de croissances ont été estimées en réalisant la différence entre les poids moyens enregistrés pour les différentes classes d'âge. Une moyenne des gains de poids vif estimés selon cette méthode indique des performances pondérales très faibles, semblables à celles citées par Falvey (1981) pour la Thaïlande, cela aussi bien pour les mâles (156 g/jour) que pour les femelles (117 g/jour). Chez les femelles, on note en outre une baisse des performances dès l'entrée en reproduction vers l'âge de 12 mois. D'une manière générale, les grandes variations de GQM et les écarts types élevés qui caractérisent les poids vifs moyens que nous avons enregistrés par classe d'âge indiquent que la croissance est très irrégulière. Cela reflète non seulement la grande variabilité génétique individuelle de la race locale, mais également l'influence des saisons sur la productivité pondérale du cheptel. En effet, les compléments alimentaires que les animaux consomment lors des divagations sont nettement moins abondants et de moindre qualité en saison sèche qu'en saison pluvieuse. Quoi qu'il en soit, si on compare les gains de poids vifs enregistrés aux performances autorisées par les rations de base distribuées, on s'aperçoit que les compléments ingérés lors des divagations représentent une part non négligeable de la ration, d'un point de vue quantitatif et qualitatif.

Le poids moyen des femelles à l'âge adulte avoisine 100 kg. Celui des mâles, qui sont généralement engraissés jusqu'à l'âge de 8 à 11 mois, varie entre 50 et 75 kg. La durée de la période d'engraissement est en effet très souvent limitée à quelques mois, car elle est déterminée par les dates auxquelles ont lieu les fêtes religieuses. Par ailleurs, le porc local a tendance à accumuler de grandes quantités de graisse de couverture au-delà de l'âge de 6 mois. En pratique, l'éleveur essaie donc de réaliser trois cycles d'engraissement en se basant sur les grandes fêtes catholiques pour la vente des porcs (Pâques, Assomption, Noël) en évitant que les animaux ne dépassent 50 kg de poids vif lors de la commercialisation.

Résultats économiques

Trois circuits de commercialisation ont été identifiés. L'autoconsommation et la vente directe de la viande sont les modes d'écoulement les plus fréquents. Le porc est abattu de manière artisanale et vendu sans aucun intermédiaire.

La vente d'animaux sur pied concerne essentiellement les jeunes animaux sevrés à l'âge de 3 mois et les porcs engraissés. Le prix de vente du cochon de lait avoisine 4 000 FCFA dans les villages et 6 000 FCFA en ville. Les animaux engraissés sont commercialisés à raison de 350 à 500 FCFA par kg de poids vif.

A côté de ces circuits existe un marché organisé par quelques chevillards qui achètent régulièrement des animaux dans le bassin arachidier pour vendre la viande aux hôtels, aux boucheries et aux supermarchés des grands centres urbains et des complexes touristiques. En général, ce sont des animaux d'un poids élevé (de 70 à 80 kg) qui font l'objet de ces transactions. Le prix au kg de poids vif est identique à celui pratiqué lors de la vente à des particuliers.

La figure 3 fournit une estimation des profits ou pertes réalisés pour les spéculations naissage et engraissement en ville et dans les villages en fonction de différentes hypothèses de prix à la vente des produits. Les paramètres techniques et les coûts adoptés pour réaliser ces calculs économiques sont entièrement basés sur les résultats de l'enquête et sont consignés au tableau 2.

Pour ce qui est des coûts de production, l'éleveur villageois supporte des charges moindres (achat des animaux à prix inférieurs et faible coût de l'alimentation) que celui qui est en ville, et cela malgré des bâtiments d'élevage plus coûteux.

Pour le naissage, les profits réalisés par la vente des porcelets sont très faibles. Par contre, la vente des mères lors d'une réforme précoce procure entre 20 000 et 30 000 FCFA. C'est la raison pour laquelle les éleveurs conservent rarement une reproductrice au-delà de deux portées, le profit réalisé grâce à la réforme de la truie dépassant largement celui de la vente des produits.

Les marges réalisées en engraissement varient considérablement en fonction du prix de vente du kg de poids vif La spéculation est donc fortement tributaire des prix d'achat et de vente des animaux. Par ailleurs, les profits réalisés par les éleveurs villageois sont systématiquement supérieurs à ceux réalisés par les éleveurs situés en ville, ce qui explique que l'engraissement est davantage pratiqué en milieu villageois.

Paramètres techniques utilisés pour établir le bilan économique des élevages de porcs en ville et en milieu villageois - Technical parameters used to establish economic results of pig farms in towns and villages - Parámetros técnicos utilizados para establecer el balance económico de la crianza de cerdos en la ciudad y en medio campesino

Paramètre

En ville

En milieu villageois

Valeur moyenne des bâtiments d'élevage (FCFA)

1 000

9 050

Amortissement des bâtiments (jours)

1 095

3 650

Taux d'intérêt (%)

6

6

Heures de travail consacrées au naissage ou à l'engraissement

0,25

0,25

Salaire horaire (FCFA)

71

71

Nombre de truies mères présentes dans l'exploitation

1,45

1,10

Nombre d'animaux à l'engrais présents dans l'exploitation

2,83

1,20

Séjour des animaux dans l'exploitation (jours)

120

120

Nombre moyen de porcelets sevrés par truie

13,40

13,60

Age moyen des porcelets lors du sevrage (jours)

90

60

Poids moyen des porcelets lors du sevrage (kg)

14,88

9,97

Valeur moyenne d'un porcelet (FCFA)

6 000

4 000

Poids moyen des porcs à l'issue de l'engraissement (kg)

36,3

32,7

Conclusion

L'enquête réalisée dans la partie ouest du bassin arachidier sénégalais montre que la conduite des élevages de porcs est typiquement extensive et caractéristique d'une production traditionnelle et familiale telle qu'elle est décrite dans d'autres pays tropicaux. Les paramètres des élevages situés dans les villes sont peu différents de ceux des unités installées en milieu villageois.

Tous ces élevages sont soumis aux mêmes contraintes: infrastructures inexistantes ou mal conçues, alimentation gravement déficiente, absence de programme sanitaire, etc. Cette situation entraîne inévitablement des performances numériques et pondérales très faibles. Les résultats économiques indiquent par ailleurs que les marges réalisées sont en grande partie déterminées par les prix d'achat et de vente des animaux et, dans une moindre mesure, par les charges liées à l'alimentation.

Le placement d'économies par les détenteurs du cheptel est la fonction première de ces élevages. Si, en général, le capital ainsi placé procure un revenu supplémentaire à l'éleveur, ce dernier pourrait largement augmenter ses profits en améliorant les conditions d'élevage: conception des bâtiments, sélection des reproducteurs locaux et gestion rationnelle du cheptel, amélioration de l'alimentation au moyen des nombreux produits et sous-produits disponibles localement, application des règles d'hygiène et de prophylaxie élémentaires.

Pyramide des âges des porcs locaux du bassin arachidier sénégalais - Pyramid graph of local pigs in Senegalese groundnut basin - Pirámide de edades de los cerdos locales en la región de la cuenca manicera del Senegal

Marges bénéficiaires réalisées dans les élevages traditionnels de porcs - Profit margins realized in local pig breeding in the Senegalese groundnut basin - Márgenes de beneficios realizados en la crianza tradicional de cerdos en la cuenca manicera del Senegal

Références

Buyle, A. 1987. Diagnostic rapide de la rentabilité dans l'élevage et l'engraissement porcins au moyen d'un micro-ordinateur. Institut économique agricole (IEA), Etude n° 17, Publication n° 487. Bruxelles. 59 pages.

De Alba, J. 1972. Productivité des races porcines indigènes et exotiques en Amérique latine. Rev. mond. Zootech., 4: 25-28.

Devendra, C. & Fuller, M.F. 1979. Pig production in the tropics. Oxford Univ. Press, Oxford. 172 pages.

Falvey, L. 1981. Recherches sur les porcins autochtones de Thaïlande. Rev. mond. Zootech., 38: 16-22.

INRA. 1989. L'alimentation des animaux monogastriques. Porcs, lapins, volailles. INRA, Paris. 282 pages.

Kroeske, D.1972. Accroissement de la production porcine dans les pays en voie de développement. Rev. mond. Zootech., 2: 25-30.

Molenat, M. & Tran The Thong, M. 1991. La production porcine au Viet Nam et son amélioration. Rev mond. Zootech., 68: 26-36.

Noblet, J., Fortune, H., Dubois, S. & Henry, Y. 1989. Nouvelles bases d'estimation des teneurs en énergie digestible, métabolisable et nette des aliments pour le porc. INRA, Paris. 106 pages.

Nyabusoré, J.B. 1982. Utilisation des drêches artisanales en alimentation porcine. Faculté des sciences agronomiques, Gembloux, Belgique. 106 pages. (Mémoire de fin d'études)

Pathiraja, N. 1986. Améliorer la production de viande de porc dans les pays en développement. 1. Exploitation de la vigueur des hybrides. Rev. mond. Zootech., 60: 18-25.

Pei-Lieu, C. 1985. Races porcines de Chine. Rev. mond. Zootech., 56: 33-39.

Rigor, E.M. & Kroeske, D. 1972. Races porcines indigènes et exotiques sous les tropiques. Rev. mond. Zootech., 4: 20-28.

Serres, H. 1989. Précis d'élevage du porc en zone tropicale. Collection manuels et précis d'élevage. Ministère français de la coopération et du développement, Paris. 331 pages.

Thorne, P. 1992. Developing the use of local feed resources for pigs and poultry in Karibati. Rev. mond. Zootech., 72: 20-25.


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