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2.1. Les forêts denses sèches

Ce type de forêt est une des rares formations forestières fermées (avec les fourrés) examinées dans cette étude: c'est un peuplement dense, sans ouverture majeure du couvert (supérieur à 80%), les arbres ont une hauteur de l'ordre de 15 à 20 mètres et, sauf exception, perdent leurs feuilles une partie de l'année. Le sous-bois est formé d'arbustes sempervirents ou décidus épars et peu abondants, avec de-ci de-là quelques touffes de graminées.

En Afrique, cette formation n'est représentée que par les vestiges de peuplements dégradés domaine soudanien, qui s'étend de la Guinée Bissau jusqu'à la République Centrafricaine. Elle existe aussi dans le domaine zambézien à l'extrême limite (humide) du domaine de l'étude. Les peuplements sont encore importants à Madagascar, où ces formations sont localisées à l'ouest et au sud-ouest de l'île, avec une flore spécifique très différente de celle du continent, dont les arbres ne dépassent pas quinze mètres de haut (figure n° 2).

En Asie, les forêts denses sèches se situent en Inde au nord-est du plateau du Deccan (les forêts à Shorea robusta avec une pluviosité de 1000 à 1600 mm par an, ont une hauteur moyenne de vingt mètres) et à l'ouest (les forêts à Tectona grandis et Anogeissus latifolia connaissant des précipitations annuelles moindres, ont la même taille que les forêts à Shorea robusta Exceptionnellement, leur hauteur peut avoisiner quarante mètres dans les stations les plus favorables).

En Amérique, tout au long de la côte du Pacifique de l'Isthme Centraméricain, ce type de formation est représenté par des forêts de faible étendue telles que la selva baja caducifolia. On peut citer aussi quelques peuplements au Venezuela, en Colombie et plus particulièrement en pleine Amazonie (région de Santarem).

2.2. Les fourrés

Ce sont des formations fermées, denses, de couvert supérieur à 80%, formées uniquement d'arbustes et de plantes suffrutescentes, à feuillage sempervirent ou décidu, généralement difficiles à pénétrer, dont la hauteur ne dépasse pas huit mètres. Le tapis graminéen est absent ou réduit à sa plus simple expression. Il s'agit généralement de formations édaphiques, présentes principalement en Afrique et en Amérique du Sud. Citons par exemple les fourrés à acacias lianescents (Acacia ataxacantha) présents dans les dépressions argileuses ou certaines formations à Combretum spp. au Sahel, celles à Bussea et Pseudoprosopis en Tanzanie et les fourrés xéromorphes a Ruprechtia triflora au Paraguay.

Figure n° 2.1: Types de formations végétales ligneuses (ou partiellement) (Letouzey, 1982). Forêt dense sèche

Figure n° 2.2: Types de formations végétales ligneuses (ou partiellement) (Letouzey, 1982). Fourré

Figure n° 2.3: Types de formations végétales ligneuses (ou partiellement) (Letouzey, 1982). Forêt claire

Figure n° 2.4: Types de formations végétales ligneuses (ou partiellement) (Letouzey, 1982). Savane boisée

Figure n° 2.5: Types de formations végétales ligneuses (ou partiellement) (Letouzey, 1982). Savane arborée

Figure n° 2.6: Types de formations végétales ligneuses (ou partiellement) (Letouzey, 1982). Savane arbustive

Figure n° 2.7: Types de formations végétales ligneuses (ou partiellement) (Letouzey, 1982). Steppe arborée et/ou arbustive

Figure n° 2.8: Types de formations végétales ligneuses (ou partiellement) (Letouzey, 1982). Steppe arbustive épineuse

2.3. Les forêts claires

Ce sont des peuplements ouverts avec des arbres de petite et moyenne taille, dont les cimes sont plus ou moins jointives, l'ensemble du couvert laissant largement filtrer la lumière. Ils sont pourvus d'un tapis graminéen couvrant plus au moins partiellement le sol et d'une strate arborescente pratiquement continue (10-20 m et 40 à 60% de couvert). Les essences sont très grégaires, ce qui différencie ces forêts des savanes arborées. Nasi (1994) les distingue en les caractérisant par une forte valeur du rapport Rl/h entre la biomasse ligneuse et la biomasse herbacée (forêts claires Rl/h ³ 3, savanes arborées 1 £ Rl/h £ 2).

Ces formations végétales sont souvent soumises à une surexploitation associant le surpâturage, les prélèvements de bois de feu, les cultures, comme on peut le constater sur les fronts pionniers cotonniers du nord Cameroun.

En Afrique, dans le domaine soudanien (carte n° 4), elles sont principalement constituées d'Isoberlinia et de Uapaca. Dans le domaine zambézien, elles sont beaucoup plus développées: ce sont principalement les miombos, formés de Brachystegia, Isoberlinia, Julbernardia, Parinari et Uapaca, et les mopanes, formés de Colophospermum mopane et d'Acacia.

En Asie, les forêts claires à Diptérocarpacées (Dipterocarpus alatus, D. obtusifolius, etc.) se rencontrent au Cambodge, au Laos, en Thaïlande et en Birmanie. Leur tapis graminéen est continu. Les forêts de teck (Tectona grandis) des zones sèches de l'Inde en font partie, ainsi que les forêts à Hardwickia binata, ces dernières assurant la transition avec la série épineuse du Deccan.

2.4. Les savanes

Les savanes sont formées d'un tapis graminéen continu, composé essentiellement de Graminées vivaces et parsemé plus ou moins densément d'arbres ou d'arbustes à port fréquemment tortueux. Dans certaines dépressions, les arbres sont suffisamment rapprochés et peuvent alors former une forêt claire. On peut d'ailleurs considérer qu'il existe un gradient continu entre la forêt claire, la savane boisée, la savane arborée, ce qui explique que certaines formations, comme par exemple le miombo et le mopane, peuvent être classées par certains auteurs parmi la savane ou la forêt claire. En général, on peut considérer que dans une forêt claire, la strate herbacée est fortement influencée par la strate ligneuse, alors que dans une savane, les arbres n'influencent la couverture herbacée que localement, principalement sous les couronnes. De façon plus quantifiée mais relativement équivalente, on parlera de forêt claire lorsque le rapport Rl/h entre la biomasse ligneuse (1) et la biomasse herbacée (h) est supérieur à 3, de savane arborée si 1 < Rl/h < 2 et de savane arbustive pour 0,5 < Rl/h < 1 (Nasi, 1994).

En Afrique, et plus particulièrement dans le domaine soudanien (carte n° 4), on peut citer à titre d'exemple les savanes boisées à Anogeissus leiocarpus, qui font place dans le nord à la zone biogéographique sahélo-soudanienne, dominée par une savane arborée (Khaya senegalensis, Parkia biglobosa, Butyrospermum paradoxum et diverses Combretaceae). Dans les domaines soudanien et sahélien, la savane arborée est progressivement remplacée par les savanes à Combretum micranthum, Sclerocarya birrea, Acacia seyal. Plus au nord, dans le domaine sahélien stricto sensu, ces dernières cèdent la place à des savanes et à des steppes à Mimosaceae (Acacia senegal, A. raddiana), Balanites aegyptiaca, Commiphora africana, Boscia senegalensis.

En Amérique, on retrouve au Brésil les savanes dans les cerrados à Krameria, Salvertia, où les arbres tortueux de quatre à huit mètres ne sont pas très distants les uns des autres et dans les campos sud-américains.

En Asie, dans les régions du centre de l'Inde, on peut citer les savanes à Albizia amara, Acacia, Capparis, Anogeissus, etc.

2.5. Les steppes

Ce sont des formations herbeuses ouvertes, comportant un tapis herbacé discontinu et composées principalement d'espèces annuelles, avec parfois la présence de plantes ligneuses. La strate ligneuse est de densité faible et de hauteur inférieure à dix mètres. On distingue habituellement les steppes arborées et/ou arbustives, les steppes arbustives épineuses, les steppes buissonnantes. On les trouve dans les zones les plus sèches, aux abords des déserts (Sahara, Kalahari, Thar). Les steppes succulentes, herbacées et/ou graminéennes ne seront pas prises en compte dans cette étude.

En Afrique, dans le domaine sahélien et spécialement en climat sahélo-saharien, il s'agit des steppes à Acacia tortilis ssp. raddiana, A. senegal, A. ehrenbergiana, Balanites aegyptiaca, Calotropis procera, Leptadenia pyrotechnica.

En Amérique centrale, le mezquital à Prosopis juliflora et le matorral caractérisé par les Cactacées (Cereus par exemple) peuvent être considérés comme des steppes. Au Brésil, les caatingas à Aspidosperma, Piptadenia, Pithecelobium, Ziziphus en font partie, tout comme au Paraguay, en Bolivie et en Argentine, certains faciès des chacos.

En Asie, au nord-ouest de l'Inde, on peut citer les formations à Prosopis, Acacia, Ziziphus, etc.

Il est intéressant de réaliser certaines comparaisons entre des formations assez semblables, réparties sur des continents différents. Un tel rapprochement entre le Sahel africain et le Sertão brésilien est décrit dans l'encadré n° 1.

Encadré n° 1: Analogie entre le Sahel de l'Afrique de l'Ouest et le Sertão du nord-est brésilien

Dans le Sahel (hémisphère nord), la courte saison des pluies s'étend généralement de fin juin à septembre; ces dernières tombent exclusivement durant la saison chaude. Les variations de la pluviosité sont importantes et la température moyenne annuelle se maintient entre 27,5 et 30°C. La zone semi-aride du Sertão (hémisphère sud) présente deux régimes pluviaux différents: au nord, la saison des pluies se situe principalement en mars alors qu'au sud, elle se concentre en novembre, décembre et/ou janvier. Les coefficients de variation de la pluviosité, plus élevés que ceux du Sahel, atteignent 50%. En revanche, l'alternance des deux saisons, sèche et humide, n'est pas stricte. L'érosivité des pluies sahéliennes est bien supérieure à celle du Sertão. L'insolation moyenne, tout en étant élevée, demeure inférieure à celle de l'Afrique.

Alors que la caatinga brésilienne est une véritable forêt basse et sèche de deux à cinq mètres de hauteur, continue et souvent dense (avec une couverture arborée et arbustive de 90% pour la zone semi-aride de trois des Etals du Nord-Est: Pernambouc, Paraïba et Alagoas), à strate graminéenne rare et à espèces ligneuses à dominante de Légumineuses, la savane arborée et arbustive ouverte et les brousses tigrées contractées du Sahel sont constituées en grande partie d'une strate herbacée qui sèche rapidement après la saison des pluies. Très différentes, les densités de ligneux et les biomasses sont respectivement de plus de 17 000 individus/ha et de 23 t/ha dans la caatinga alors que ces chiffres tombent à 133 individus/ha et 1,8 t/ha au Sénégal, pour des pluviométries comparables.

La pluviosité, faible et extrêmement variable, ne permet pas aux cultures vivrières annuelles d'assurer une récolte suffisante et régulière. Dans les deux cas, la population rurale, pauvre, est assujettie à une agriculture de subsistance de bas niveau technologique' à l'élevage extensif et aux exodes vers les villes. Essentiellement rurales, les deux régions ont une même densité moyenne de 16 habitants au km2. En Afrique sèche, l'agriculture, extensive, manuelle, est menée de façon traditionnelle. Le brûlis annuel avant culture et la monoculture sont généralisés. L'élevage transhumant est en particulier pratiqué par des Peuhls. Dans le Sertão, l'agriculture et l'élevage, qui ne sont pas itinérants, se complètent au sein des propriétés délimitées et interdites d'accès. Les pratiques culturales les plus communes sont le labour à la main, ou à la traction animale légère, selon la ligne de plus grande pente, et les cultures associées. La pratique du brûlis, rare, n'est pas annuelle.

A partir de roches identiques d'un même socle cristallin originel et de roches sédimentaires diverses, les sols des deux régions sèches étudiées présentent des morphologies semblables (vertisols, sols bruns, solonetz, rendzines), des sols morphologiquement proches (latosols-sols ferrallitiques, régosols et sols litholiques peu évolués et lithosols) et des sols morphologiquement différents (sols podzoliques, sols ferrugineux tropicaux cambisols et brunizens). Plus accentué, le relief du Nord-Est brésilien permet de comprendre en partie le soutirage plus important des solutions internes des sols de cette région Les sols du Sertão infiltrent beaucoup plus que leurs homologues africains, et l'eau de pluie va se charger considérablement en sels dissous. Seront peu minéralisées en revanche, les eaux de pluie infiltrées en faible quantité dans les sols moins riches dépourvus de minéraux altérables et dans les épaisses altérations sahéliennes désaturées, et qui ruissellent sur des horizons sablo-argileux encroûtés et peu perméables.

Extraits de Leprun et al. (1992).

 


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