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3. Quelques types de formations ligneuses par zones géographiques

3.1. L'Afrique: Les domaines soudanien et sahélien
3.2. L'Afrique: Le domaine zambésien
3.3. L'Afrique: Madagascar
3.4. L'Amérique
3.5. L'Asie


3.1. L'Afrique: Les domaines soudanien et sahélien

Les zones sèches de l'Afrique de l'Ouest et Centrale correspondent selon la terminologie de White (1983) au Centre Régional d'Endémisme (C.R.E.) soudanien qui couvre une superficie de 3,7 millions de km2 et à la Zone de Transition du Sahel, qui s'étend quant à elle sur 2,8 millions de km2. La première zone est le domaine privilégié des forêts claires et de leurs faciès de dégradation; la seconde porte très généralement une végétation steppique diversement arborée et plus ou moins épineuse.

3.1.1. La végétation soudanienne

a/ Les forêts denses sèches

Ces formations ligneuses sans strate graminéenne n'existent plus que sous la forme de quelques peuplements relictuels, dans des stations protégées des feux et des dégradations d'origine anthropique. Les formations les plus caractéristiques sont au nombre de quatre.

- Les forêts semi-humides: ce sont des formations de transition entre les forêts denses humides et les forêts claires des régions à longue saison sèche. En Afrique de l'Ouest, ces forêts ont une composition floristique de futaie très simple: Parinari excelsa, Erythrophleum guineense, Detarium senegalense et Afzelia africana (hauteur totale: 18 à 20 mètres). Les arbres perdent leurs feuilles durant une courte période en saison sèche. Le sous-bois peut être dense, formé d'arbrisseaux pouvant atteindre cinq mètres de hauteur. En fonction des conditions de station et surtout du climat (pluviosité et nombre de mois secs), ces forêts semi-humides présentent des structures et des compositions floristiques différentes. On peut entre autres distinguer:

- les forêts à prédominance d'Afzelia africana,

- les forêts à Légumineuses dominantes (Pterocarpus erinaceus, Parkia biglobosa, etc.).

- Les forêts à Légumineuses: ces formations occupaient autrefois des étendues considérables sous le climat soudano-guinéen (Aubréville, 1949). Aujourd'hui, elle a été transformée en forêt claire ou en savane boisée, et se présente souvent en mélange avec la forêt claire à Isoberlinia doka, qui sera décrite plus loin. Les cinq espèces principales sont des Légumineuses, parfois mélangées avec l'Anogeissus leiocarpus, de hauteur variant entre 10 et 20 mètres: Tetrapleura schweinfurthii, Burkea africana, Erythrophleum africanum, Prosopis africana et Daniellia oliveri). Le sous-bois au feuillage semi-persistant est très sensible au feu en saison sèche. Toutes les espèces qui constituent cette forêt se retrouvent dans les savanes boisées et les forêts claires.

- Les forêts à Anogeissus leiocarpus: cette Combrétacée a une aire exceptionnellement vaste en Afrique boréale, du Sénégal à l'Erythrée. Son amplitude écologique est remarquable. Elle va des lisières de la forêt dense humide aux zones semi-arides. Au Sahel, cette espèce se cantonne aux sols frais (mares et cours d'eau temporaires), mais dans les régions les moins sèches, l'Anogeissus forme des forêts où il domine en mélange avec Isoberlinia ou avec les Légumineuses déjà citées. Ce sont des forêts denses dont le sous-bois arbustif est épais. La zone optimum pour ces formations correspond aux caractéristiques les plus humides du domaine soudanien (pluviosité: 1 400 mm/an). Ces forêts à Anogeissus, vulnérables aux feux, ont été en grande partie détruites ou dégradées.

- Les formations relictuelles: de nombreux petits peuplements denses subsistent encore, constitués en grande partie d'une seule espèce. On peut citer:

- les forêts à Gilletiodendron glandulosum que l'on trouve encore dans les ravins du Plateau Mandingue, près de Kita (Mali);

- les forêts à Guibourtia copallifera qui existent de façon disséminée depuis le Sénégal jusqu'au Cameroun. Ces forêts sont généralement liées à l'existence de plateaux gréseux (plateau Mandingue, plateau de Bamenda, massifs gréseux de Haute Guinée, etc.);

- la forêt à Khaya senegalensis et Cola cordifolia de Casamance, riche en Légumineuses, a été largement ravagée par les feux et les défrichements. D'après Van den Berghen (1984), elle ne forme plus que des peuplements relictuels dans le massif des Kalounayes, généralement inférieurs à deux hectares. Une forêt similaire a aussi été décrite par Adam (1968) dans le Parc du Niokolo-Koba (Sénégal).

Remarque: Le Cailcedrat, Khaya senegalensis, est un acajou de grande valeur qui est omniprésent, aussi bien dans les formations denses que dans celles ouvertes du domaine soudanien et ceci, du Sénégal jusqu'au Soudan et l'Ouganda. Cet arbre est effectivement caractéristique des zones sèches de l'Afrique; il se tient parfois isolé dans la savane boisée, mais aussi dans les galeries forestières et dans les peuplements de forêt dense. En Afrique de l'Ouest, il peut être très abondant, de la savane aux forêts semi-humides. Le Cailcedrat domine en général les autres arbres. Sur sol profond, il peut atteindre 25 à 30 mètres de hauteur et sur sol léger et sec, il présente un fût plus court mais atteint de fortes dimensions en diamètre. C'est effectivement un des arbres les plus caractéristiques (et recherchés) du paysage soudanien.

b/ Les forêts galeries et les franges ripicoles

Ce sont des extensions de la forêt dense humide guinéenne en bioclimat plus sec. Elles suivent la plupart des cours d'eau relativement importants, formant ainsi des bandes étroites de forêts denses au milieu des forêts claires et des savanes. On peut distinguer deux grands types, en fonction de la taille du réseau hydrographique qu'elles frangent:

- les galeries forestières des fleuves (Niger, Bani, Sénégal), caractérisées par Cynometra vogelii, Garcinia livingstonei, sont de hauteur moyenne, le plus souvent inférieure à 12 mètres; bon nombre de végétaux qui les composent sont adaptés à l'inondation;

- les galeries forestières des marigots, caractérisées par Berlinia grandiflora, Vernonia colorata, Cola laurifolia sont généralement plus hautes, pouvant atteindre 20-25 mètres et ne sont que très rarement inondées;

- les galeries ou les cordons ripicoles qui colonisent les berges des marigots dans la partie nord du Centre Régional d'Endémisme soudanien sont caractérisés par des espèces qui ne sont pas réellement des ripicoles, mais des espèces de savane ou de forêt claire qui "migrent" vers le lit mineur au fur et à mesure que baisse la pluviosité: Bombax costatum, Daniellia oliveri, Diospyros mespiliformis, Lannea microcarpa, etc.

c/ La forêt claire

La forêt claire concerne les nombreux peuplements qui présentent une ouverture du couvert plus ou moins importante en fonction de l'impact humain. Les différents stades d'ouverture ou de dégradation sont floristiquement semblables et constitués d'un cortège relativement modeste d'espèces composant la futaie telles que: Detarium senegalense, Daniellia oliveri, Dialium guineense, Afzelia africana, Pterocarpus erinaceus, Isoberlinia doka et Khaya senegalensis.

La forêt claire regroupe donc un certain nombre de profils de végétation qui vont de la forêt presque totalement fermée avec un mince tapis graminéen jusqu'à la savane arborée ou arbustive et qui par la pratique ancestrale des feux ont été floristiquement réduits à un cortège restreint d'espèces présentant divers degrés de résistance au feu. On parle d'espèces pyrorésilientes.

Ce phénomène d'adaptation/sélection est d'autant plus frappant qu'en cas de protection temporaire ou permanente de zones dégradées, la végétation se réinstalle avec une vigueur surprenante pour tendre à reconstituer une forêt claire, dite "climacique" fermée.

Ainsi, les forêts claires à Légumineuses ou à Anogeissus leiocarpus sont en fait des formations issues des forêts denses sèches du même type que celles présentées ci-devant. Le cas le plus remarquable est la forêt à Isoberlinia et à Uapaca, ou forêt à Sau-Somon, qui constitue les plus belles formations du domaine soudanien.

Les forêts claires à Isoberlinia doka forment une large bande quasiment continue depuis le Mali jusqu'à l'Ouganda (suivant un gradient de pluviosité annuelle supérieur à 900 mm). Floristiquement parlant, elles sont l'homologue septentrional des miombos de l'Afrique zambézienne. Bien qu'Isoberlinia doka soit l'espèce caractéristique de ces formations, sa dominance n'est pas toujours très nette. Elle est souvent associée à Uapaca togensis, Daniellia oliveri, Burkea africana, Erythrophleum africanum, Butyrospermum paradoxum, Diospyros mespilifomis, etc.

Structurellement parlant, il s'agit de formations mixtes, ligneuses et herbeuses, de hauteur dominante variant entre 12 et 18 mètres et dont le couvert ligneux dépasse généralement 50%. La strate herbacée est largement dominée par de grandes graminées vivaces, plutôt sciaphiles ou mésophiles, telles que Andropogon tectorum et Beckeropsis uniseta.

Dans les zones non dégradées, ces formations colonisent à peu près tous les types de sol, à l'exception des zones inondables et des cuirasses et rochers affleurants. Malheureusement les formes intactes sont de plus en plus rares et le plus souvent, on ne trouve à la place de ces forêts claires, qu'un paysage de savane très ouverte comportant ici et là des boqueteaux relictuels plus denses. Les plus belles de ces formations à Isoberlinia doka se rencontrent pour la plupart en Haute Guinée dans des zones très peu peuplées et à forte endémie d'onchocerchose. On trouve aussi quelques beaux peuplements dans le nord de la Côte d'Ivoire (région d'Odienné, Korhogo), prolongés par des formations moins riches en I. doka au Ghana. Des peuplements très étendus existent dans le nord du Nigeria et sont le prolongement de ceux plus limités du moyen Togo et Bénin. Au Cameroun, les forêts claires à I. doka ont probablement constitué la formation végétale dominante des Monts Adamaoua et Mandara, lesquels n'en portent plus de nos jours que des formes excessivement dégradées. Au-delà, leur aire s'étend très largement dans le sud du Tchad, la République Centrafricaine, le sud du Soudan (Bahr el Ghazal).

d/ Les forêts claires indifférenciées

Au Sénégal et au nord de l'isohyète 900 mm, Isoberlinia doka n'existe pas ou n'existe plus. Les quelques forêts claires qui subsistent dans ces zones ne possèdent pas d'espèces véritablement caractéristiques, d'où leur qualificatif "indifférenciées". Ces zones, au nord de la forêt claire à I. doka, sont peuplées souvent densément et cultivées de longue date. Il n'y existe donc que de faibles superficies de véritables forêts claires. Schématiquement, on peut très grossièrement distinguer:

- la forêt claire à Légumineuses du Sénégal, souvent dominée par Pterocarpus erinaceus et Daniellia oliveri. La hauteur dominante varie entre 15 et 20 mètres et le degré de couvert ligneux dépasse 80% dans les formes les mieux développées;

- les forêts claires à Combretacées - Légumineuses qui devaient constituer la végétation climacique des zones situées entre les isohyètes 900 et 600 mm. Parmi les espèces les plus fréquentes, on trouve souvent: Acacia sieberiana, A. polyacantha, Anogeissus leiocarpus, Combretum nigricans, C. glutinosum, Terminalia spp. La végétation dépasse rarement 10-12 mètres. Les quelques émergents appartiennent souvent aux espèces suivantes: Bombax costatum, Pterocarpus erinaceus, Anogeissus leiocarpus, Diospyros mespiliformis.

e/ Les savanes arborées ou boisées

Ces formations issues de la dégradation des forêts claires et, bien souvent, maintenues en l'état par les feux de brousse, sont de très loin les formations végétales les plus fréquentes de l'ensemble du Centre Régional d'Endémisme soudanien. Elles sont caractérisées par une strate continue de graminées héliophiles de la tribu des Andropogonées (Andropogon chinensis, A. gayanus, Schizachyrium sanguineum, Diheteropogon amplectens), surcimée par une strate ligneuse ouverte. Leur couvert, dépassant rarement les 15%, est constitué des espèces les plus tolérantes de la forêt claire comme Burkea africana, Combretum spp., Terminalia spp., Pterocarpus erinaceus, Bombax costatum, Daniellia oliveri, etc. L'encadré n° 2 insiste particulièrement sur un genre très répandu dans les savanes et les steppes: les Combretum.

3.1.2. La végétation de la zone du Sahel

a/ Les franges ripicoles sud-sahéliennes

Les bords des mares et les berges des cours d'eau à écoulement temporaire sont très généralement colonisés par Mitragyna inermis, accompagné par Acacia nilotica et A. seyal.

b/ Les steppes et les savanes arbustives

C'est le type de végétation le plus largement répandu sur les sols sablonneux. Il se caractérise par l'existence d'une strate arbustive ou arborée très ouverte, souvent épineuse, surcimant un tapis herbacé discontinu à base de graminées annuelles (Cenchrus biflorus,, Aristida spp., Schoenefeldia gracilis, Eragrostis tremula, etc.).

Les ligneux les plus fréquents sont:

- pour la zone méridionale (précipitations > 250 - 300 mm): Acacia senegal, A. laeta, Calotropis procera, Pterocarpus lucens, Combretum glutinosum, Sclerocarya birrea, Balanites aegyptiaca, Boscia senegalensis, Commiphora africana pour les milieux à dominance sableuse et Acacia seyal, A. nilotica, Anogeissus leiocarpus, Ziziphus mauritiania pour les zones plus limoneuses ou argileuses;

- pour la partie septentrionale (précipitations < 250 - 300 mm): on retrouve sensiblement es mêmes espèces accompagnées par Acacia tortilis, A. erhenbergiana et Leptadenia pyrotechnica.

Encadré n° 2: Un genre des plus importants dans les savanes boisées: les Combretum

Le genre Combretum est très abondamment représenté dans les pays tropicaux, surtout en Afrique; il comprend approximativement 370 espèces dont 300 en Afrique tropicale et Afrique du sud, environ 5 à Madagascar, 25 en Asie tropicale et 40 en Amérique tropicale. Il est absent de l'Australie.

En Afrique occidentale, les Combretum arborescents se trouvent tous dans les stoppes sahéliennes et dans les savanes soudanaises et guinéennes. Il n'y en a pratiquement pas en forêt dense. Pratiquement, un Combretum en savane se reconnaît immédiatement par ses feuilles simples, opposées ou verticillées, et par ses curieux fruits secs à quatre ailes membraneuses, grises, brunes ou rougeâtres Si le genre est très facile à identifier, les espèces en revanche sont souvent très difficiles à nommer. Les difficultés sont dues aux grandes variations dans le port, la forme et les dimensions des feuilles, la pubescence, etc. Ces variations sont surtout l'effet des conditions anormales de leur vie. En réalité, peu de Combretum des régions de savanes boisées atteignent un développement normal En général, ces arbustes sont issus de rejets de souche Chaque année, il sont brûlés partiellement par les feux de brousse. Après le passage des feux, la repousse se produit hâtivement, mais on conçoit que les rameaux feuillés ou fleuris qui se produisent ainsi puissent différer de ceux qui devraient se produire à l'époque climatique normale de reprise de la végétation.

En outre, les feux peuvent être précoces au cours de la saison sèche, ou au contraire tardifs. Il en résulte des formes différentes des pousses. Enfin après le brûlage de la savane, les arbres se munissent assez rapidement de leur nouvelle feuillaison La plupart fleurissent en ce même temps Les échantillons que l'on peut recueillir à cette époque sont donc des jeunes rameaux souvent fleuris. Il n'y a plus ni feuilles, ni fruits de l'année précédente, qui sont tombés ou brûlés Or, chez les Combretum il y a des différences très sensibles entre les formes jeunes de feuilles et les formes adultes. Ceci explique pourquoi on peut être tenté de considérer que l'on est en présence d'espèces différentes, alors qu'il ne s'agit que d'états différents de la même espèce.

Parmi les Combretum de l'ouest africain, certains sont nettement sahéliens, d'autres plutôt soudanais ou guinéens. En bordure du Sahara, le C. aculeatum apparaît le plus septentrional. Sur les sables de la zone sahélienne règne ensuite le Combretum glutinosum. Dans la zone sahélo-soudanaise, se pressent en abondance sur les terrains argilo-sableux ou latériques, C. nigricans, variété Elliotii et C. micranthum. La zone soudanaise est le rendez-vous de toutes ces mêmes espèces avec de nombreuses autres, telles que C. ghazalense C. geitonophyllum et sa variété crotonoides, C. hypopilinum C. nioroensis. D'autres encore s'y montrent, mais paraissent plutôt d'affinités guinéennes, ainsi C. aff. collinum, C. velutinum, C. lamprocarpum.

Les espèces grégaires sont assez. rares. Seuls, C. nigricans var. Elliottii, C. micranthum, C. glutinosum forment surtout dans la zone sahélo-soudanaise, des peuplements importants, parfois presque purs. Toutes les autres espèces se présentent ordinairement par pieds isolés ou par bouquets.

Les Combretum arborescents de l'ouest africain sont des arbustes et des petits arbres. Rarement, certains individus ont le port de grands arbres de savane et atteignent 12-15 mètres de haut. C'est le cas exceptionnel de quelques C. glutinosum, alors que, normalement, cette espèce ne dépasse pas 7-8 mètres de haut. Parmi les espèces qui peuvent montrer sporadiquement quelques assez grands arbres, il faut citer C. ghazalense et C. velutinum. Au contraire, C. micranthum C. aculeatum. C nioroensis ne sont jamais que des arbustes buissonnants ou sarmenteux.

Extraits de Aubréville, 1944.


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