Page précédente Table des matières Page suivante


Chapitre 9 - LE LABOUR DES SOLS ENCROÛTÉS ET DES SOLS SUSCEPTIBLES À LA PRISE EN MASSE


Aspects mécaniques et physiques
Gestion des sols encroûtes et des sols susceptibles à la prise en masse
Conclusion


Willem Hoogmoed, Chercheur, Département du travail du sol, Université agronomique, Wageningen, Pays-Bas

Les sols scellés, encroûtés et susceptibles à la prise en masse sont très répandus dans les zones climatiques tropicales et causent souvent de sérieux problèmes en tant que ressource pour la production de cultures, pâturages et base pour la végétation naturelle. L'infiltration d'eau est réduite, ce qui occasionne des ruissellements, entrave l'émergence des jeunes pousses et laisse des cultures inégales et pauvres, et donc des rendements limités.

Aspects mécaniques et physiques


Sols susceptibles à la prise en masse
Encroûtement


Sols susceptibles à la prise en masse

Les sols susceptibles à la prise en masse montrent une instabilité structurale: ils sont moins forts et les macropores s'écroulent (tassement) s'ils sont mouillés. Ceci peut se passer dans l'ensemble de l'horizon Al, qui devient alors une masse sans structure et dure en séchant. A l'état sec, ces sols sont difficiles ou impossibles à travailler, jusqu'à ce que le profil soit remouillé (Mullins et al., 1990). Après l'écroulement, les sols pris en masse laissent apparaître un degré élevé de résistance mécanique aux racines. Une vaste distribution de textures allant de la texture sablo-limoneuse à la texture argilo-sableuse sont susceptibles à la prise en masse.

Les sols possédant une quantité importante d'agents de cimentation tels que les oxydes de fer et d'aluminium, comme les sols latéritiques, sont aussi susceptibles à la prise en masse, de même que des sols sablonneux comme c'est le cas en Afrique de l'Ouest. La teneur en matière organique est toujours faible dans les sols susceptibles à la prise en masse. Ceci vaut particulièrement pour les sois sous culture continue dans les zones tropicales et surtout dans les zones tropicales semi-arides.

Encroûtement

Contrairement aux sols pris en masse, l'épaisseur d'une surface encroûtée ne dépasse généralement pas 10 mm. De plus, la surface encroûtée est physiquement différente de la couche du sol dessous. Bien que la formation de beaucoup de types de croûtes soit basée sur des processus et des mécanismes similaires à la prise en masse (écroulement, instabilité de la structure), les croûtes sont également formées par d'autres processus (dépôts de sédiments, érosion, impact des gouttes de pluie). Il est à remarquer que les processus mécaniques et chimiques sont complémentaires dans la formation des croûtes. A cause de l'humidité, de l'action des gouttes de pluie, du travail du sol ou de la circulation, les agrégats vont être fragmentés et les particules du sol remuées. Les causes et les mécanismes de formation de différents types de croûtes et les conséquences agronomiques de l'encroûtement des sols ont été traités par de nombreux auteurs. Beaucoup de publications importantes sont pâmes sur ce sujet (Goyal, 1982; Callebaut et al., 1986; Casenave et Valentin, 1989; Sumner et Stewart, 1992). En ce qui concerne la gestion des sols, les références se rapporteront au travail de Valentin et ses collègues, qui donne une vue d'ensemble des différents types de croûtes. Bien que les exemples soient représentatifs du Sahel africain, la classification est universelle. La classification des croûtes est proposée par Bresson et Valentin (1990) et est présentée aux Figures 8 et 9.

FIGURE 8 - Types de croûtes: sols limoneux cultivés, zones humides

FIGURE 9 - Types de croûtes: sols sablonneux de pâturages, zones semi-arides

Gestion des sols encroûtes et des sols susceptibles à la prise en masse


Gérer des sols encroûtés
Gérer des sols susceptibles à la prise en masse
Outillage spécifique


La gestion des sols encroûtés et des sols susceptibles à la prise en masse devrait d'abord viser à conserver le sol et à le considérer comme la ressource de base la plus importante, puis seulement veiller à augmenter les rendements.

Ce chapitre donne un aperçu des différentes options de gestion qui peuvent s'envisager et insiste particulièrement sur la gestion 'mécanique' du sol ou travail du sol. Les opérations de travail du sol ne devraient toutefois pas être perçues comme activités séparées mais bien combinées à d'autres mesures. Si elles s'appliquent au travail du sol, d'autres approches de gestion peuvent être discutées.

Gérer des sols encroûtés

Les croûtes à la surface du sol ont deux conséquences principales; elles empêchent l'émergence des jeunes pousses et influencent les processus hydrauliques à la surface du sol, c'est à dire l'infiltration et l'évaporation. Face à ces problèmes, l'agriculteur peut considérer deux options de gestion du sol; soit prévenir soit "réparer". Parfois, une de ces approches seulement est utilisée mais souvent on choisira l'option où les deux activités peuvent être appliquées.

Si l'objectif de la gestion du sol est d'empêcher la formation d'une croûte dans tous les cas, ou de casser une croûte existante, la façon de faire dépendra fortement du type de sol, du climat et de l'état de la culture. La meilleure façon d'améliorer les caractéristiques d'infiltration d'un sol encroûté consiste à créer une surface de sol grossière qui formera des mottes ou des agrégats stables et aussi une superficie importante de retenue d'eau. La formation de croûtes due aux précipitations sera retardée sur ce type de surface. Si l'on travaille sur un sol encroûté, un grossier morcellement de la croûte donnera de bons résultats en terme d'infiltration.

Si l'émergence des jeunes pousses devient un problème, l'agriculteur doit aussi considérer les besoins établis par la culture au lit de semences. Le lit de semences idéal est une couche uniforme d'agrégats dont la taille est légèrement plus petite que celle des semences pour permettre une imbibation d'eau optimale. A la surface, la taille des agrégats peut être plus grande, ce qui servira de protection contre les influences du temps. Une fois que la culture est semée, que les graines ont germé et que l'émergence des jeunes pousses est gênée par une croûte, la destruction de la croûte devient plus difficile si l'on veut éviter d'endommager les jeunes pousses. Les approches permettant de gérer plusieurs types de croûtes sont données au Tableau 6.

TABLEAU 6 - Approches de gestion du sol pour les sols encroûtés

Types de sols et de croûtes

Cause

Problème

Gestion préventive

Gestion curative


Caractéristiques des sols argileux et limoneux dans les zones humides

Croûte structurale

Morcellement des agrégats
Dispersion

Emergence
Infiltration

Laisse une couche grossière en surface
Protection de la surface du sol par la végétation

Morcellement mécanique des croûtes

Croûte de dépôt

Sédimentation de particules de sol désagrégées et dispersées dans les dépressions

Infiltration
Emergence

Laisse une couche grossière en surface

Agrandissement de la surface de détention
Morcellement mécanique des croûtes


Caractéristiques des sols sablonneux dans les climats semi-arides

Croûte en séchage

Séchage et mouillage répétés sans impact direct des gouttes de pluie

Infiltration (faible)

Laisse une couche grossière en surface

Morcellement mécanique des croûtes

Croûte structurale en couches

Impact des gouttes d'eau, dénombrement de particules

Infiltration
Amoncellement de sable, érosion éolienne

Protection de la surface du sol

Morcellement mécanique des croûtes

Croûte d'érosion

Déplacement de matériel meuble d'une croûte structurale en couches par le vent et l'eau

Infiltration
Ancrage de semences dispersables par le vent

Protection de la surface du sol

Morcellement mécanique des croûtes
Végétalisation

Croûte de ruissellement

Matériel grossier transporté par le ruissellement et déposé sur les croûtes structurales

Aucun*

Prévention contre le ruissellement**

Morcellement mécanique des croûtes

Croûte de décantation

Dépôt de matériel fin dans des mares où l'eau est stagnante

Infiltration
Etablissement de la végétation

Drainage contrôlé (si l'on préfère)***

Morcellement mécanique des croûtes

*: pas de la couche supérieure, mais le problème causé par la croûte structurale persiste.

**: bien que ce processus se passe souvent dans un champ à billons (croûte de dépôt au fond du sillon).

***: peut-être mieux quand l'eau peut (lentement) s'infiltrer à l'endroit même.

Gérer des sols susceptibles à la prise en masse

Les caractéristiques principales des sols pris en masse sont:

les sols secs très durs rendent quasi impossibles les opérations de travail du sol ou de plantation

les mauvaises performances du labour résultant d'instruments simples de travail du sol

le mauvais développement de la racine de la plante

la faible infiltration de la pluie ou de l'eau d'irrigation due à une faible porosité du sol. Ce problème est aggravé par le fait qu'en plus une croûte se forme souvent à la surface de ces sols.

Des indications sont données au Tableau 7 sur la façon dont les activités de travail du sol peuvent améliorer les structures des sols susceptibles à la prise en masse, ou réduire les problèmes causés par ces sols.

TABLEAU 7 - Activités de travail du sol pour résoudre les problèmes des sols susceptibles à la prise en masse

Remède

Opérations possibles

1. Préventif

Créer un taux d'infiltration élevé

Un labour profond ameublissant

Un drainage superficiel

Configurer la surface

Maintenir les agrégats de la couche supérieure humides

Paillage

Ameublir un sol humide, écroulé

Travail du sol

Diminuer la circulation sur le champ

Non travail du sol, bandes de circulation, planches larges

2. Curatif

Ameublir et désagréger la couche de sol

Travail du sol

Le Tableau 8 montre comment les objectifs du travail du sol (voir chapitre 2) peuvent être atteints avec les sols susceptibles à la prise en masse.

TABLEAU 8 - Influence des caractéristiques de la prise en masse sur les activités de travail du sol

Objectif des opérations

Problèmes causés par la prise en masse

Opérations possibles

Préparation d'un lit de semences

Couche arable compacte, dure et massive

1.1. Utiliser des équipements lourds pour le labour primaire puis engager des opérations de labour secondaire intensives

1.2. Laisser le sol s'ameublir avec la pluie ou par irrigation et engager les pratiques 'normales' de travail du sol

Favoriser les conditions de croissance des plantes

Zone racinaire dure, compacte

Labour profond ou sous-solage Optimiser la disponibilité de l'eau

Conservation de l'eau

Faible perméabilité de la couche supérieure

2.1. Travail du sol pour créer des macropores

2.2. Façonner la surface pour éviter les pertes d'eau dues au ruissellement

Désherbage

Couche supérieure dure

Utiliser des houes spéciales ou des outils de désherbage à dents

D'autres options de gestion sont présentées ci-dessous:

Billonner: bien que favoriser le dépôt de croûtes dans les sillons entraîne souvent des croûtes plus perméables sur le billon, facilitant l'émergence de jeunes pousses.

Une couverture végétale: la gestion des résidus peut être employée pour restaurer la productivité de terres nues. Une couverture de matériel organique (paille, feuilles, branches) répandue sur des zones dégradées de la terre la protégera contre l'impact direct des gouttes de pluie et - plus important - attirera la micro faune du sol.

Les termites: sont très utiles parce qu'elles perforent les croûtes et font augmenter la porosité des couches superficielles.

Le billonnage cloisonné: peut être appliqué pour résoudre les problèmes de ruissellement. Bien que la cause de l'infiltration réduite ne soit pas éliminée, l'eau peut s'infiltrer lentement et être disponible pour les plantes.

On peut augmenter la teneur en matière organique du sol afin d'améliorer la structure et la stabilité de la couche supérieure. Cet objectif peut être atteint temporairement en incorporant des résidus culturaux, du fumier ou des engrais verts, mais l'effet est généralement de courte durée à cause du taux élevé de décomposition.

Unger (1989) a présenté un traitement détaillé des différentes options de gestion.

Outillage spécifique

Pour la gestion de sols encroûtés et des sols susceptibles à la prise en masse, les outils de travail du sol et la machinerie utilisés habituellement peuvent être appliqués mais certains types d'outils sont plus adaptés que d'autres pour labourer ces sols. Des équipements spécialisés pour travailler sur sols durs sont développés pour la culture motorisée (Wolf et Shmuelevich, 1977; Wolf et Luth, 1979). Un bref aperçu des outils spécialisés est présenté ci-dessous. Les aspects énergétique et d'époque de travail sont traités au chapitre 8.

Equipement pour casser les croûtes superficielles: les outils généralement utilisés sont des outils à dents, comme les herses, ou les cultivateurs. Les outils prise de force du tracteur, comme le cultivateur rotatif vertical et la herse oscillante peuvent aussi être utilisés. Plusieurs types d'équipements ont des lames, comme les houes, les sarcloirs et les pattes d'oie ou queues d'hirondelle. Ceux-ci sont principalement utilisés pour le désherbage mais ils peuvent également être efficaces pour casser les croûtes.

La croûte peut aussi être brisée avec des rouleaux, lisses (plombeurs) ou onduleurs. Il existe des rouleaux concasseurs de croûtes spécialement créés en bois ou en acier avec des dents ou des pointes (clous) montés sur la circonférence. Ils pénètrent à peine dans la croûte et peuvent être utilisés dans les opérations de pré-émergence. Les "roues araignées" des houes rotoculteurs peuvent aussi être utilisées pour ce type d'opérations, quand les roues roulent en ligne droite sur la croûte.

Equipement pour un ameublissement profond: l'équipement habituel pour ameublir le sol à des profondeurs dépassant la couche superficielle est équipé de chisels. Le cultivateur ou la charrue chisel peuvent être utilisés dans ce cas. Ces instruments laissent une surface de sol grossière favorable en terme de conservation de l'eau et du sol et qui retardera la formation de croûtes.

Les sous-soleuses sont utilisées pour travailler en-dessous de la profondeur du labour normal afin de casser les couches gênantes. Ce n'est généralement pas considéré comme travail du sol pour atténuer les problèmes liés à la prise en masse. La charrue à versoir normale et les charrues à disques peuvent aussi ameublir la couche cultivable.

Equipement pour modifier la surface: le type de modification de surface le plus courant, généralement partie intégrale des opérations de travail du sol saisonnières, c'est la formation de billons. Ceux-ci peuvent être réalisés par des billonneuses spéciales ou par une simple charrue à versoir.

On utilise un billonneur-cloisonneur pour établir des billons cloisonnés ou 'bassins'. Cet outil ramasse le sol au fond du sillon entre deux billons et le dépose à intervalles réguliers, créant ainsi des cloisons. Des outils tels que de larges instruments multi-sillons ou de simples pelleteuses manuelles tirées par des animaux sont disponibles.

Des "concasseurs de mottes" spéciaux ont été développés dans le cas de surfaces de sol grossières, constituées de grosses mottes, qui proviennent d'un labour profond ou du cisaillement de sols secs. Ce sont des outils lourds avec de larges pointes situées à la circonférence de disques en fer pour briser les mottes sèches. Ce type d'outil est efficace pour la production de lits de semences relativement fins.

Conclusion

Une certaine forme d'ameublissement mécanique est nécessaire pour travailler sur des sols encroûtés et des sols susceptibles à la prise en masse pour éviter les problèmes d'infiltration, d'établissement des cultures et de développement racinaire, particulièrement dans les régions semi-arides.

Le choix des méthodes de gestion de ces sols à problèmes est très limité pour les agriculteurs ne disposant que de faibles intrants énergétiques. Une approche comme le travail du sol zonal ou les plates-bandes permanentes ou billons est probablement l'option la plus réaliste. Les agriculteurs à intrants énergétiques élevés disposent d'un plus grand choix de méthodes et d'équipements. Dans tous les cas, la règle générale "le travail du sol: autant que nécessaire mais aussi peu que possible" devrait être appliquée.


Page précédente Début de page Page suivante