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The state, collective tenure and community participation in Burkina Faso

Religion and culture, rather than laws or a preoccupation with development, have established customary tenures in Burkina Faso as has been the case elsewhere in Africa. Nevertheless, opposing official ideologies have existed since colonization; support of private property and capitalization of land was replaced, in the case of Burkina Faso, by the state-centred agrarian and tenure reforms of the revolutionary regime, beginning in 1984. Customary tenure is not synonymous with collective tenure. As early as 1953, Clausson articulated the distinction between primary collective tenure, built on a shared religion, and secondary collective tenure, based on consensus or law, and manifested as cooperatives, collectives or states. Policy in Burkina Faso since 1984 strongly favours the latter, since customary law is viewed as an obstacle to economic development as well as being held responsible for general social stagnation. The institutionalization of a state-defined and sponsored collective tenure regime became a central element of the agrarian and tenure reforms of 1984, although it was diluted somewhat with the reintroduction of private property in the reforms of 1991 (even though it remains a mere legislative principle until the appropriate enabling legislation is enacted). Although the Burkina Faso state has yet to find the most efficient model for its implementation, a state-directed effort towards a collective tenure regime is suggested to be an essential part of the most appropriate package to promote modernization of agricultural production techniques, access to capital and inputs, and social goals such as justice and social cohesion.

El Estado, la tenencia de tierras comunitarias
y la participaci�n popular en Burkina Faso

La religi�n y la cultura, m�s que las leyes o la preocupaci�n por el desarrollo, han ido creando tenencias consuetudinarias en Burkina Faso, cosa que tambi�n ha ocurrido en otras partes de �frica. Sin embargo, han existido ideolog�as oficiales contrapuestas desde la llegada del colonizador: en primer lugar, una ideolog�a que preconiza la propiedad privada y la capitalizaci�n de la tierra, y, en el caso de Burkina Faso, las reformas p�blicas centrales del Estado en materia agraria y de tenencia de tierras por parte del r�gimen revolucionario que inici� en 1984. La tenencia consuetudinaria no es sin�nimo de tenencia colectiva. Ya en 1953, Clausson formul� la distinci�n entre tenencia colectiva primaria, basada en creencias religiosas compartidas, y tenencia colectiva secundaria, basada en el consenso o en la ley, como las cooperativas y granjas colectivas o estatales. Desde 1984, la pol�tica de Burkina Faso favorece mucho esta �ltima posibilidad, ya que las leyes consuetudinarias se consideran como un obst�culo al desarrollo econ�mico y responsables del estancamiento social general. La institucionalizaci�n de un r�gimen de tenencia de tierras colectivo definido y patrocinado por el Estado se ha convertido en un elemento central de las reformas agraria y de tenencia de 1984, aunque un tanto diluido con la reintroducci�n de la propiedad privada en las reformas de 1991 (sigue siendo un mero principio hasta que se promulgue la legislaci�n que lo haga posible). Aunque el Estado tiene todav�a que encontrar el modelo m�s eficaz para su aplicaci�n, un r�gimen colectivo de tenencia de tierras es parte esencial del paquete de medidas de modernizaci�n de las t�cnicas de producci�n agraria, el acceso al capital y a los insumos, as� como la justicia y la cohesi�n social.

L'�tat, la tenure communautaire et la participation populaire au Burkina Faso

Djibril Traor�
Directeur g�n�ral,
�tudes et r�alisation de projets d'am�nagement et de d�veloppement (ERPAD), Ouagadougou.

Ce sont davantage la religion et la culture que la loi et une volont� de d�veloppement qui ont fix� les r�gimes fonciers coutumiers au Burkina Faso, si l'on compare la situation avec les autres pays d'Afrique. Toutefois, des id�ologies officielles divergentes se sont affront�es depuis l'arriv�e du colonisateur: une premi�re id�ologie privil�giant la propri�t� priv�e et la capitalisation des terres puis, dans le cas du Burkina Faso, des r�formes du syst�me agraire et des r�gimes fonciers lanc�es par l'�tat � partir de 1984 sous le gouvernement r�volutionnaire. R�gime foncier coutumier ne veut pas dire r�gime collectif. D�s 1953, Clausson �tablissait une distinction entre la tenure communautaire primaire, fond�e sur une identit� religieuse et la tenure communautaire secondaire reposant sur le consensus ou la loi et rev�tant la forme de coop�ratives, priv�es ou publiques. Depuis 1984, c'est le second syst�me qui est privil�gi� au Burkina Faso, le droit coutumier �tant consid�r� comme un obstacle au d�veloppement �conomique et un facteur de stagnation sociale. L'institutionnalisation d'un r�gime foncier collectif d�cid� et parrain� par l'�tat s'est impos�e comme une composante essentielle des r�formes des syst�mes agraires et des r�gimes fonciers lanc�es en 1984 m�me si elle a �t� quelque peu temp�r�e par un certain retour � la propri�t� priv�e, r�introduite � l'occasion des r�formes de 1991 (qui resteront purement th�oriques tant qu'une l�gislation habilitante n'aura pas �t� adopt�e). Bien que l'�tat burkinab� doive encore trouver le mod�le le plus efficient n�cessaire � sa mise en oeuvre, il semblerait qu'une recherche par l'�tat d'un r�gime foncier collectif constitue un �l�ment essentiel du r�gime le plus appropri� pour promouvoir la modernisation des techniques de production agricole, l'acc�s aux capitaux et aux intrants ainsi que la r�alisation d'objectifs tels que l'�quit� et la coh�sion sociale.

HISTORIQUE DU PAYS

Le Burkina Faso a une superficie de 274 000 km2, une population de pr�s de 10 millions d'habitants et des ressources naturelles peu abondantes. La saison des pluies est courte, de juin � septembre. Les pr�cipitations d�croissent rapidement de 1 000 mm au sud � 300 mm dans le nord qui conna�t un climat sah�lien. L'�tat am�nage les vall�es o� l'eau est moins rare, vall�es dans lesquelles les populations, fortement touch�es par les s�cheresses accourent.
La population du Burkina est compos�e de nombreuses ethnies, dont les Mossis repr�sentent � peu pr�s la moiti�. H�ritiers de peuples animistes, les Mossis ont su s'organiser pour r�sister aux empires musulmans sah�losoudaniens. Fond�s sur une aristocratie guerri�re de cavaliers, les royaumes mossis ont commenc� � se constituer au 16e si�cle sous l'autorit� des Mogho-Nabas, monarques absolus d'essence religieuse.
Maintenue par sa forte coh�sion, la nation mossi forme un bastion d'une densit� rurale sup�rieure � 80 habitants au kilom�tre carr�, population excessive sur des sols surexploit�s et souvent d�grad�s. Ce surpeuplement relatif trouve son exutoire dans l'�migration vers la C�te d'Ivoire et le sud-ouest du Burkina.
Mis � part les Mossis, la frange septentrionale du territoire abrite d'autres groupes ethniques comme les pasteurs peuls, touaregs et bellas que l'on retrouve dans la boucle du Niger. Dans l'ouest, les Bobos se rassemblent autour de leur capitale Bobo-Dioulasso. Par ailleurs des fractions de groupes occupent les marges de certains pays limitrophes: il s'agit des Lobis et des S�noufos aux confins de la C�te d'Ivoire, et des Markas et Samos le long de la fronti�re malienne.
La nature ingrate du sol et du sous-sol, la faiblesse du march� int�rieur et l'absence d'acc�s � la mer, entravent le d�veloppement du pays dont l'�conomie repose � 90 pour cent sur l'agriculture et l'�levage extensifs. La production vivri�re reste soumise � la menace de s�cheresses parfois catastrophiques. Cependant, les plaines am�nag�es et irrigu�es �chappent � ces al�as et connaissent une grande extension.
Les populations rurales burkinab�es, en majorit� animistes, s'attachent encore aux coutumes traditionnelles, m�me si une nette �volution est observable. Pour autant que leurs int�r�ts soient m�nag�s, ces populations ne s'opposent pas au changement sous la direction de l'�tat ou d'autres institutions. Les grands programmes de colonisation rurale entrepris par l'�tat ont trouv� plut�t un �cho favorable de la part des populations qui y per�oivent un int�r�t social et �conomique b�n�fique pour eux dans la mesure o� ces programmes sont con�us en r�gime de tenure communautaire.
En ce qui concerne le Burkina, l'�tat ne s'est pas trop �cart� des concepts traditionnels dans la fixation du r�gime juridique de la terre, m�me si le Domaine foncier national (DFN) est de plein droit propri�t� de l'�tat. Par le biais de la concession, les populations conservent leurs droits d'usage sur leurs terres sans la pleine propri�t�, qu'elles ne r�clament pas du reste.

�VOLUTION ET ORIENTATION DES SYST�MES FONCIERS DU BURKINA FASO

Ce ne sont ni les lois, ni le souci du d�veloppement �conomique qui ont �tabli en Afrique les modes de tenure traditionnelle, mais la religion. Cependant une autre id�ologie a �t� introduite avec l'arriv� du colonisateur et les syst�mes de propri�t� priv�e, la capitalisation de la terre, et ensuite avec le Conseil National de la R�volution et sa R�organisation agraire et fonci�re (RAF). Ainsi le Burkina Faso a connu au cours de son histoire les syst�mes fonciers traditionnels (coutumiers) et r�glementaires (modernes), et donc les r�gimes de tenure fonci�re collective et priv�e que nous d�couvrirons dans le parcours de la p�riode pr�coloniale � nos jours.

LES SYST�MES FONCIERS TRADITIONNELS DE LA P�RIODE PR�COLONIALE

Caract�ristiques du syst�me foncier traditionnel

Les groupes sociaux du Burkina Faso, comme bien d'autres en Afrique noire � l'�poque pr�coloniale, ont la m�me consid�ration de la terre, notamment celle qui trouve le fondement de la propri�t� fonci�re dans la religion. Le concept coutumier de la terre fait partie d'une valeur transcendantale. Ces valeurs d�finissent une culture propre au monde africain que L�opold S�dar Senghor et Aim� C�saire ont appel�e la n�gritude. Le syst�me foncier traditionnel rev�t plusieurs caract�res que l'on retrouve dans toutes les r�gions du Burkina:

Un droit d'appropriation collectif. Ce droit est investi dans le lignage ou segment de lignage. Dans ce syst�me l'appropriation individuelle des terres n'est pas permise.

Inali�nabilit� et imprescriptibilit� des terres. Le collectivisme agraire observable dans toutes les soci�t�s ne contient pas la notion de propri�t�, m�me au profit du groupe tout entier. Si une relative propri�t� existe au niveau de l'individu, elle n'a pas de valeur commerciale, et elle est d�pourvue de toute incidence mon�taire quant � la valeur intrins�que m�me. La convertibilit� en monnaie n'est possible qu'au regard des fruits mais non en ce qui concerne sa substance qui est inali�nable par essence. Le caract�re sacr� de cette copropri�t� fait qu'aucun de ses membres ne peut y mettre fin en r�clamant un partage qui distinguerait sa part de l'ensemble.

Droit �minent sur les terres. Le droit sur la terre prend sa source dans l'acte initial d'alliance entre la terre et le premier occupant, et se transmet � ses h�ritiers. Ce droit implique de r�actualiser p�riodiquement l'alliance dans le culte agraire. Dans son fonctionnement, ce droit est exerc� par le chef de terre qui est l'intercesseur entre les hommes et les puissances naturelles li�es � la terre. Il en r�sulte que les rapports entre l'homme et la terre sont sacralis�s et que de nombreux interdits assujettissent les travaux agricoles au respect d'une divinit� d'autant plus exigeante que les hommes attendent tout d'elle puisqu'ils vivent de sa f�condit� et souffre de son avarice.

Droits d'exploitation et d'usage individuels ou collectifs. Dans le statut traditionnel de la terre, l'individualisme �tait pratiquement absent de l'attitude psychologique et sociale des membres du groupe. La propri�t� de la terre �tait d�volue collectivement � la famille proche et, par la suite, toujours collectivement, � sa descendance. Il n'existe en r�alit� en droit traditionnel que l'usufruit tant pour l'individu que pour la collectivit� de groupes.
Toutefois, les droits d'exploitation et d'usage de la terre n'ont pas les m�mes caract�res suivant la qualit� de l'individu ou du groupe. Pour les membres du lignage qui d�tient le droit d'appropriation collective, ces droits sont permanents et transmissibles � leurs h�ritiers. Par contre, ils sont provisoires, donc r�vocables pour tout b�n�ficiaire non membre du lignage du chef de terre, la terre dans ce cas �tant simplement pr�t�e.

Nouvelles influences sur le Syst�me foncier traditionnel et son �volution. L'une des manifestations externes qui ont influenc� la conception traditionnelle de la terre trouvera son origine dans la religion des pros�lytismes musulmans et chr�tiens, notamment. En effet, l'histoire de l'Afrique est r�v�latrice d'une islamisation du droit coutumier et indique que le christianisme a �galement p�n�tr� le syst�me juridique des soci�t�s traditionnelles par l'effet de massives conversions � la religion pr�n�e par le colonisateur europ�en. Toutefois les nouvelles religions n'ont pas r�ussi � changer de fa�on significative le statut traditionnel de la terre. L'animisme, la religion des anc�tres, est demeur� toujours dominant et attach� au patrimoine ancestral.
L'intervention de la monnaie va engendrer de nouvelles notions �conomiques. Parmi celles-ci, le concept de propri�t� commence � s'imposer dans les soci�t�s traditionnelles qui arrivent � consid�rer leurs propres relations � l'�gard de leurs propres terres comme atteintes d'un archa�sme qui se justifie de moins en moins. Ce constat a fait dire � E. B�cque dans ses notes sous d�cision du tribunal de paix de Libreville en 1945 que �c'est seulement du jour o� les indig�nes ont vu des �trangers chercher � acqu�rir des terres qu'ils ont appris que le sol pouvait avoir une valeur v�nale; � partir de ce moment, leur esprit a commenc� � concevoir l'id�e qu'il �tait possible � un individu d'�tre propri�taire d'une certaine �tendue de la terre�.

LE SYST�ME R�GLEMENTAIRE DES DROITS FONCIERS DU COLONISATEUR ET DE L'�TAT IND�PENDANT

La la�cisation des droits fonciers

La th�orie coloniale de la domanialit� reposait sur la conception que la propri�t� de l'�tat est directement issue du droit de conqu�te dont elle est la cons�quence.
� l'origine, le colonisateur pensait qu'elle devait permettre une meilleure exploitation des terres dans l'int�r�t du d�veloppement �conomique du territoire. Pour servir son objectif, il va utiliser des instruments juridiques issus du syst�me Torrens et du Code napol�onien, lesquels sont diam�tralement oppos�s � la conception traditionnelle africaine en ce qu'ils visent � instaurer la propri�t� priv�e au sens romain du terme, c'est-�-dire, le droit de jouir et de disposer des choses de la mani�re la plus absolue.
Les actes qui vont consacrer d�finitivement le r�gime foncier dans toute l'Afrique occidentale fran�aise (AOF) sont les suivants :

Les d�crets du 20 mai 1953 et du 10 juillet 1956 sont venus renforcer le d�cret du 8 octobre 1925 en pr�cisant que le livret foncier �tait d�livr� � ceux qui poss�daient sur le sol une emprise �vidente et permanente mat�rialis�e par des constructions, ou par une mise en valeur comportant droit de disposer. Le livret foncier introduisait ainsi la propri�t� priv�e individuelle dans le syst�me coutumier.
On constate que le l�gislateur colonial, tout en donnant la possibilit� d'une appropriation priv�e de la terre, a fait constater les droits fonciers coutumiers existants sur la terre. L'article 5 du d�cret de 1906 dispose que �l'immatriculation est facultative, exceptionnellement obligatoire: dans le cas d'ali�nation ou de concession des terres domaniales; dans le cas o� un immeuble d�tenu jusque-l� dans les formes admises par les coutumes indig�nes, doit faire pour la premi�re fois l'objet d'un constat �crit, r�dig� en conformit� du droit fran�ais�. Deux textes (d�crets de 1906 et 1932) d�terminaient donc le statut de la terre (au moins, de la terre non vacante) suivant deux modalit�s: les terres immatricul�es appartenant aux particuliers, et qui pouvaient faire l'objet de transactions et les terres collectives r�gies par les coutumes.
En m�me temps il a �t� pr�cis� que �... en AOF, les terres vacantes et sans ma�tre appartiennent � l'�tat, de m�me que les terres qui ne font pas l'objet d'un titre r�gulier de propri�t� ou de jouissance, et qui sont inexploit�es ou inoccup�es depuis plus de 10 ans (d�cret du 15 novembre 1935)�. En application de telles dispositions l'�tat devenait th�oriquement propri�taire de la plupart des terres.

De l'Ind�pendance � la R�forme de 1984

Le Burkina (ancienne Haute-Volta) a maintenu la situation juridique ant�rieure, de l'ind�pendance jusqu'en 1984. Ainsi, pour compl�ter les silences de la l�gislation coloniale la loi n� 77-60/AN du 12 juillet 1960 portant r�glementation du domaine priv� du Burkina, c'est-�-dire l'ensemble des terres r�cup�r�es par l'�tat � la suite des d�crets de 1904, 1932 et 1955, a �t� adopt�e. Ce texte de 1960 organise l'occupation et l'ali�nation des terres au moyen de la concession, faisant de l'�tat le propri�taire potentiel de toutes les terres non encore immatricul�es au moment de son entr�e en vigueur, et distingue trois types de concessions: rurale, urbaine et individuelle.
Trois ans plus tard, la loi n� 29-63/AN du 24 juillet 1963, relative aux p�rim�tres d'am�nagement, autorise le gouvernement � r�server pour l'�tat une part des terres ayant fait l'objet d'am�nagements sp�ciaux en respectant la propri�t� immatricul�e, mais permet � ce dernier de se r�server le monopole foncier sur les zones peu peupl�es ou �loign�es des agglom�rations. L'espace aux termes de cette loi est r�parti en trois cat�gories: les terres � vocation agricole, les terres � vocation pastorale, et les terres � vocation sylvicole. Ces derni�res cat�gories, contrairement � la premi�re, ne peuvent faire l'objet de concessions � des particuliers ni � des collectivit�s.

La R�organisation agraire et fonci�re (RAF) de 1984

Selon M. Bachelet (1968), �le trait sp�cifique des r�formes agraires et fonci�res en Afrique c'est la substitution de l'�tat � l'initiative priv�e�. Pour y parvenir dit-il, �le l�gislateur confisque, exproprie avec ou sans indemnit�, regroupe, distribue, contr�le, impose des types d'exploitation et organise les march�s de l'�conomie agraire. Il transforme par voie administrative la gestion de la terre et conditionne celle-ci aux imp�ratifs de son orientation �conomique g�n�rale. Il y a donc une part d'intervention id�ologique avec des tendances extr�mistes ou lib�rales (Rousseau�ste ou physiocratique) qui manifestent leur pr�pond�rance d'une fa�on plus ou moins accus�e�.
Dans le cas du Burkina Faso, on trouve des caract�ristiques similaires dans l'ordonnance n� 84-050/CNR/PRES du 4 ao�t 1984 portant RAF et son d�cret d'application n� 85-404/CNR/PRES du 4 ao�t 1985 promulgu�s par les autorit�s r�volutionnaires. Cette ordonnance abroge toute disposition ant�rieure en cr�ant un Domaine foncier national (DFN) �de plein droit propri�t� exclusive de l'�tat, comprenant les terres d�j� class�es comme domaine public de l'�tat, les terres du domaine priv� de l'�tat, mais aussi les terres faisant l'objet de titres de propri�t� et les terres d�tenues en vertu de la coutume�. Cette ordonnance annule tout titre de propri�t� pr�c�demment d�livr� � des particuliers, et les remplace par un titre de jouissance.
Envisag�e dans son ensemble, la r�forme agraire et fonci�re du 4 ao�t 1984 appara�t comme un moyen de promotion socio�conomique et de justice sociale. Sous l'aspect politique, elle a engendr� des probl�mes particuliers, ayant boulevers� l'ordre ancien. En outre, son application a r�v�l� des insuffisances et des difficult�s qui conduiront les autorit�s du Front populaire, instance dirigeante ayant pris le pouvoir le 15 octobre 1987, � proc�der � une nouvelle r�forme agraire et fonci�re en 1991.

La R�organisation agraire et fonci�re de 1991

La r�forme de 1984 ayant supprim� la propri�t� fonci�re priv�e, des r�actions diverses se sont manifest�es �� et l�. Les propri�taires terriens d�poss�d�s n'h�sitent pas � s'�riger en obstacle � la nouvelle gestion des terres. A contrario, les migrants se sont install�s de mani�re anarchique, sans �gard aux normes coutumi�res, sous le pr�texte que la terre appartenant � l'�tat appartenait donc � tout le monde.
Par ailleurs, les populations ne consentent pas � investir dans les zones am�nag�es, d'abord en raison du co�t des investissements, ensuite par crainte d'�tre d�log�es parce qu'elles n'ont pas de titres fonciers. De m�me, les dispositions sur l'attribution et l'exploitation collective des terres dans les zones am�nag�es constituent un obstacle en raison de leur caract�re collectiviste. En effet, la structure villageoise charg�e de la question des terres �tait une structure politique, le Comit� de d�fense de la r�volution (CDR) du village, qui n'avait pas toujours la comp�tence ou le pouvoir social n�cessaire pour traiter des probl�mes fonciers en milieu rural. La plupart des structures d'am�nagement du territoire n'�taient pas fonctionnelles en raison de leur composition (structure politique), et se sont r�v�l�es trop lourdes et peu op�rationnelles pour la gestion des terres.
Apr�s sept ann�es d'application, les diff�rents acteurs se sont accord�s � reconna�tre que les textes de la RAF de 1984 �taient inadapt�s et qu'ils entra�naient des difficult�s et contraintes aussi bien d'ordre juridique qu'institutionnel. Ainsi un nouveau r�gime foncier a �t� promulgu� le 4 juin 1991 portant R�organisation agraire et fonci�re au Burkina Faso.
Les textes les plus importants de cette nouvelle r�glementation sont la r�introduction de la propri�t� priv�e (Art.3) qui donne la possibilit� � l'�tat de c�der les terres du Domaine foncier national � titre de propri�t� priv�e aux personnes physiques ou morales. Aussi, la garantie est-elle accord�e aux diff�rents droits r�els immobiliers (Art. 25) que sont: la propri�t�, le droit de superficie, l'usufruit, le bail de longue dur�e ou emphyt�ose, le droit d'usage et d'habitation, les servitudes ou services fonciers, le nantissement immobilier ou antichr�se, et les privil�ges et hypoth�ques. Toutefois, ces diff�rents droits ainsi que les actions tendant � leur revendication doivent, pour �tre opposables aux tiers, faire l'objet de publicit� (Art. 26).
Par ailleurs, il y a lieu de souligner que les nouveaux textes de la RAF, contrairement aux anciens textes, offrent un cadre juridique indispensable � la mise en oeuvre de la politique nationale d'am�nagement du territoire. Ils traitent, en effet, des principes, des instruments, des structures, des conditions et des types d'am�nagement pour une approche globale et int�gr�e. Dans cet ordre, quatre types de sch�ma ont �t� d�finis: le sch�ma national d'am�nagement du territoire (SNAT), les sch�mas r�gionaux d'am�nagement du territoire (SRAT), les sch�mas provinciaux d'am�nagement du territoire (SPAT) et les sch�mas directeurs d'am�nagement (SDA).
Cependant, si la loi portant R�organisation agraire et fonci�re pose le principe de la propri�t� priv�e, son d�cret d'application engendre un flou juridique qui rend inop�rationnels les titres d'occupation et de jouissance dans tous leurs effets, notamment en mati�re d'ali�nation des terres. Du reste, l'�tat n'a ni r�habilit� les anciens titres fonciers, ni d�livr� d'autres titres au niveau du domaine rural depuis l'entr�e en vigueur des textes, toutes choses qui laissent appara�tre une ambigu�t� dans l'attitude de l'�tat � l'�gard de la tenure fonci�re priv�e.
Dans la perspective de rendre plus conformes les textes de la RAF aux revendications des populations et aux r�alit�s actuelles du pays, un s�minaire, tenu � Ouagadougou du 20 au 24 septembre 1993, a recommand� une relecture des textes de 1991. Mais, au moment o� nous abordons cette �tude, le gouvernement ne s'est pas encore prononc�.

LA LOGIQUE ET LA POLITIQUE FONCI�RES ACTUELLES: LA TENURE COMMUNAUTAIRE ET LA GESTION DU TERROIR

On peut regrouper les concepts de la tenure communautaire en deux cat�gories et, pour plus de commodit�, nous emploierons une terminologie emprunt�e � G. Clausson. Dans la premi�re cat�gorie, l'expression �tenure communautaire primaire� d�signe le cas o� la propri�t� fonci�re trouve son fondement dans un sentiment religieux, o� la terre appartient, au sens plein du mot, au groupe social dans la totalit�, c'est-�-dire � l'ensemble des vivants et des morts. C'est dans cette cat�gorie qu'on retrouve les formes: famille, lignage, communaut�.
Dans la deuxi�me cat�gorie, l'expression �tenure communautaire secondaire� d�signe le cas o� par suite d'un consensus ou d'une loi un choix s'�tablit d'exploiter en commun une propri�t� fonci�re suivant des modes sociaux de mise en valeur de la terre. Il peut s'agir ici d'un choix �conomique ou politique, ou les deux � la fois. Ainsi, aujourd'hui, une volont� de restructuration communautaire se manifeste un peu partout en Afrique; les r�formes agraires se proposent justement de convertir le monde paysan � une meilleure utilisation des ressources agricoles et humaines. Parmi les moyens envisag�s, le d�veloppement des institutions communautaires tient une place de premier plan. L'appartenance ici au groupe est un choix volontaire, et non une appartenance de naissance comme dans la premi�re cat�gorie. Dans ce deuxi�me groupe se situent les formes: coop�rative, collectivisme, �tat.
Dans le cas sp�cifique du Burkina, apr�s avoir reconduit la conception coloniale de la dualit� du droit foncier (priv� et coutumier), le choix semble avoir �t� port� � partir des ann�es 80 (du moins dans sa seconde moiti�), vers le collectivisme agraire pour ce qui est des politiques officielles. En m�me temps, les autorit�s burkinab�es manifestent une tendance contraire au droit traditionnel consid�r� comme obstacle au fait national. Elles estiment que les coutumes obstruent les perspectives globales, en particulier les objectifs nationaux, qu'elles d�vient les comportements responsables, qu'elles faussent et compliquent les circuits nationaux. Le droit traditionnel est tenu responsable de la stagnation sociale de ceux dont il r�gle la vie. Il est consid�r� comme archa�que, joignant � sa complexit� juridique une insuffisance manifeste quant aux imp�ratifs du d�veloppement �conomique. Par ailleurs, on reproche � l'individualisme foncier de favoriser l'in�galit�, et ses effets sur la production ne sont pas non plus satisfaisants.
En pratique, la tenure communautaire secondaire se traduit par un mode d'exploitation communautaire d'une propri�t� fonci�re suivant des modes sociaux de mise en valeur de la terre, et des moyens communs. Les mots: coop�rative, collectivit� et association �voquent l'id�e de groupement et de d�veloppement communautaires. �largie � la dimension politique recouvrant la souverainet� d'une nation, cette id�e devient vite synonyme de d�terminisme �tatique. On observe donc le ph�nom�ne de l'�tat, et principalement la volont� d'intervention de celui-ci dans toutes les activit�s des soci�t�s qui composent l'entit� nationale.
Dans le domaine de la vie agricole, l'�tat, par l'interm�diaire des organismes de coop�ration, se substitue � l'initiative priv�e. Il remplace donc une micro�conomie par une macro�conomie en �liminant les concepts individuels naissants ou renaissants au profit de collectivit�s nouvelles. La coop�rative est non seulement sociale, mais �galement �conomique au sens moderne de l'acceptation. Participation et responsabilit� sont les deux fondements de toute coop�ration. Dans ce sens, les activit�s coop�ratives sont avantageuses pour les jeunes �tats africains, car elles apparaissent une solution de r�forme, et se r�v�lent un moyen excellent de construction de leur �conomie, et un cadre de vie permettant de replacer l'homme au sein d'une nouvelle collectivit�. Le Burkina Faso semble l'avoir bien compris en lan�ant un mouvement coop�ratif �tous azimuts�, en instituant des programmes de d�veloppement rural sur la base de concept de la coop�ration. Un minist�re de l'action coop�rative paysanne avait m�me �t� cr�� pour appuyer ce mouvement.
Une autre logique a guid� la conception du Programme national de gestion des terroirs (PNGT), con�u dans le cadre de la politique nationale de mise en oeuvre de la RAF. La gestion des terroirs peut �tre d�finie comme une approche de d�veloppement bas�e sur la responsabilisation et la participation des communaut�s rurales � la gestion rationnelle des ressources de leurs terroirs, en vue d'assurer leur durabilit�. Cette approche associe intimement les actions d'am�nagement, les activit�s de production agro-sylvopastorales, et la cr�ation d'infrastructures socio�conomiques dans la perspective d'un d�veloppement durable au niveau local. L'id�e de base est simple: les villageois participent volontairement � la gestion de leur terroir et, en �change, il leur est donn� la s�curit� fonci�re individuelle et collective, l'�tat mettant � leur disposition les infrastructures sociales et �conomiques indispensables.
On constate que la s�curit� fonci�re individuelle n'a pas de sens en dehors de la collectivit�. Le terroir est d�fini comme une portion d'espace physique exploit�e par la communaut� rurale, qui en a le droit d'usage, droit qui lui est reconnu par les communaut�s voisines. Cependant la mise en oeuvre du PNGT n'a pas �t� sans probl�mes. On n'oublie pas que la cr�ation du Domaine foncier national est fond�e sur le principe d'appartenance exclusive de la terre � l'�tat. Des chefs de terres et autres responsables coutumiers se sont sentis frustr�s et se sont souvent �rig�s en censeurs des r�formes. � l'inverse, certains migrants se sont anarchiquement install�s sur de nouvelles terres, d�frichant � tout va sous pr�texte que la terre appartient � l'�tat donc � tout le monde. En plus, la suppression des titres fonciers a mis un frein � l'investissement tant en milieu rural qu'en milieu urbain, car les populations n'�taient pas pr�tes � consentir les efforts n�cessaires � la mise en valeur des zones am�nag�es, sans la garantie d'en �tre vraiment propri�taires.
La connotation collectiviste de certaines dispositions des textes de la RAF constitue un obstacle � la gestion des terres en milieu rural, car on insistait sur l'exploitation collective des terres mises en valeur par l'�tat. En effet, le foncier est au centre de nombreux conflits dont la nature et l'ampleur varient suivant les zones. Dans les zones am�nag�es, ils sont souvent provoqu�s par les revendications d'installation � post�riori des autochtones, l'identification des groupes b�n�ficiaires et les migrants � travers les installations anarchiques et incontr�l�es. Dans les zones traditionnelles, ils sont surtout occasionn�s par les rapports entre agriculteurs et �leveurs, les revendications de terres entre diff�rents lignages, l'identification des limites des exploitations ou des villages, et les migrations massives qui accentuent les pressions fonci�res.
En d�pit de tout, l'approche gestion des terroirs, dans son effort de r�flexion avec les populations pour un d�veloppement � la base, peut beaucoup contribuer � l'atteinte des objectifs de la RAF en milieu rural, et particuli�rement dans les terroirs traditionnels.

TENURES FONCI�RES COLLECTIVE ET PRIV�E: FORCES ET FAIBLESSES

Cr�ation d'emplois

L'absorption du sous emploi dans l'agriculture ne pourrait se faire que par une redistribution des terres pour installer les sans-emploi. Des enqu�tes men�es � l'ouest, au sud-ouest et au centre du Burkina par la Direction des �tudes et programmes du Minist�re de l'agriculture en 1988 ont montr� que les petites exploitations absorbent plus de travail par hectare que les grandes. Ces petites exploitations sont constitu�es de terres am�nag�es collectives destin�es, dans la plupart des cas, aux cultures de rente, tandis que les grandes exploitations sont des tenures fonci�res priv�es affect�es le plus souvent aux cultures vivri�res. Une autre �tude men�e par la SAED dans la Zone d'expansion agricole de Bama (Province du Houet) en 1989 montre que la quantit� de travail par hectare s'est situ�e, en 1988/89, entre 250 � 300/hommes/jour sur les petites superficies rizicoles inf�rieures � 15 ha, alors que les superficies plus grandes occupent 120 � 155 hommes/jour. Finalement, au cours de la campagne 1992/93 on observe que la taille de l'unit� d'exploitation priv�e est comprise entre 1,5 et 2,5 ha pour trois � quatre actifs, alors que pour la m�me surface en exploitation collective, neuf � 12 actifs sont requis.
Ces statistiques nous permettent de dire que la propri�t� collective est plus cr�ative d'emplois que la propri�t� priv�e. Les diff�rents r�gimes qui se sont succ�d� au pouvoir au Burkina de l'ind�pendance jusqu'� nos jours l'ont compris, en adoptant une politique d'�radication de l'onchocercose et de colonisation des terres � travers le pays.
Notons que l'exploitation priv�e des terres fait rarement appel � la main-d'oeuvre salari�e, tandis que la tenure collective absorbe plus de main d'oeuvre salari�e, avec une pointe � la r�colte. L'utilisation de main-d'oeuvre salari�e est g�n�ralement due � la nature des cultures (cultures de rente pour la propri�t� collective et cultures vivri�res pour la propri�t� priv�e) et n'est possible qu'� partir d'un certain seuil de productivit� du travail et de rentabilit� de la production.
Par ailleurs il faut signaler que les am�nagements agricoles en propri�t� collective ont permis de r�duire l'exode rural des jeunes vers les pays c�tiers. Les am�nagements ont �galement limit� le sous-emploi en agriculture en offrant une possibilit� de double culture sur les parcelles am�nag�es.

Source de revenus

La source des revenus en th�orie est plus vari�e au niveau de la propri�t� priv�e qu'au niveau de la propri�t� collective car, dans la premi�re, le propri�taire est chef d'exploitation et d�cide de ses sources de revenus, et peut c�der des terres aux membres de sa famille qui peuvent �galement se procurer des revenus. Dans la seconde, les parcelles sont attribu�es aux chefs de famille qui sont tenus de pr�parer et d'entretenir une surface d�termin�e de cultures impos�es, en utilisant des pratiques culturales pr�cises et d�finies sans que l'on ne demande leur avis; le non-respect de ces dispositions conduisant par ailleurs � des sanctions. Les paysans se trouvent ainsi dans l'impossibilit� de proc�der � une accumulation dans la propri�t� agricole.
Dans la propri�t� collective, on ne tient pas compte, au sein d'une m�me famille, des choix, des contraintes et des logiques de chacun. On sous-estime beaucoup le r�le des femmes et des cadets dans la production agricole, ainsi que leur autonomie par rapport au chef de famille. Les parcelles sont souvent attribu�es aux seuls chefs de famille et les autres membres s'en trouvent marginalis�s. Par exemple, dans la zone du Projet Ni�na-Dionk�l�, les femmes refusent de travailler sur les parcelles am�nag�es de leurs maris qui sont oblig�s de faire appel � la main-d'oeuvre salari�e. Par contre, elles d�veloppent de nombreuses autres activit�s ignor�es par le projet, tel le mara�chage.
Mais dans la pratique, malgr� l'imposition d'une culture donn�e aux exploitants des parcelles de propri�t� collective, les sources de revenus sont plus diversifi�es. En effet, sur la plupart des sites am�nag�s, on pratique la double production de riz d'une part et, d'autre part, malgr� la faiblesse du niveau des eaux en mars-avril, celles-ci permettent aux exploitants de mettre en place des cultures intercalaires telles que ma�s, tomates, etc. Cette double production de riz avec un rendement moyen de 4 700 kg/ha par production permet � l'exploitant d'avoir pour la seule culture de riz un revenu moyen par campagne de 300 000 FCFA soit 600 000 FCFA par an contre 35 000 � 40 000 FCFA par an pour le mil-sorgho dans les exploitations en propri�t� priv�e.

Production et productivit�

La productivit� est g�n�ralement plus �lev�e dans la propri�t� collective que dans la propri�t� priv�e. Diverses enqu�tes ont �t� effectu�es sur plusieurs r�gions du Burkina Faso par la Soci�t� africaine d'�tudes et de d�veloppement (SAED) comparant les effets de la dimension des exploitations sur les rendements. Les r�sultats de ces enqu�tes montrent que la production moyenne par hectare augmente lorsque la dimension moyenne des exploitations diminue. En 1989/90, le rendement moyen en paddy �tait de 3 500 kg � 4 000 kg � l'hectare sur les parcelles de propri�t� collective, et de 2 000 kg � 2 500 kg sur des parcelles plus grandes dans la propri�t� priv�e.
Cette augmentation de la production et de la productivit� dans les exploitations de propri�t� collective par rapport aux parcelles de tenure priv�e s'explique �galement par:

La force de la propri�t� priv�e r�siderait dans le fait qu'un assolement peut-�tre pratiqu�, tandis que cette possibilit� est tr�s limit�e dans la propri�t� collective.

Participation populaire et coh�sion sociale

Le r�gime de la propri�t� fonci�re est l'un des fondements essentiels de l'organisation sociale et des structures institutionnelles des zones rurales. Or, dans le cas des groupes sociaux ruraux habitant le Burkina, c'est la propri�t� collective des droits fonciers qui est de r�gle. La terre appartient � la collectivit� et l'acc�s est relativement libre. La s�curit� du groupe est intimement li�e � cette forme de tenure qui, par les normes d'entraide qu'elle contient, joue le r�le d'une v�ritable s�curit� sociale. Si la culture est en g�n�ral pratiqu�e individuellement, le r�gime maintient une communaut� qui assure la coh�sion du groupe qui la pratique effectivement. Il faut bien comprendre que l'individualisme n'est concevable que dans la communaut�.
� vrai dire, les communaut�s rurales n'ont jamais accept� les r�gimes de tenure fonci�re priv�e. Les r�manences du droit coutumier � toutes les �poques de l'histoire du Burkina prouvent l'attachement des populations rurales � la tenure fonci�re communautaire. Cela est si vrai que tous les projets touchant le domaine foncier, qui ont ignor� cette attitude, ont connu un large �chec, faute de participation populaire.
� la p�riode coloniale, d�j�, lorsque le l�gislateur a introduit l'immatriculation immobili�re, le livret foncier et le certificat administratif tendant � la reconnaissance priv�e individuelle ou collective de la propri�t� fonci�re, l'attitude des populations autochtones a �t� r�v�latrice d'un d�sint�r�t total car cette notion s'opposait au concept coutumier de la terre. La base du raisonnement est que la terre �tant d'essence divine, l'homme ne peut se l'approprier.
La r�forme agraire et fonci�re de 1991 et l'�volution politique du pays vers une tendance plus lib�rale connaissent aujourd'hui une adh�sion populaire. Cette attitude est compr�hensive parce que le souci de pr�server la forme de tenure communautaire a pr�valu dans l'institution des textes. En d�finitive, on peut affirmer que dans le contexte du Burkina, la tenure fonci�re communautaire rencontre plus de succ�s dans la participation populaire en ce qu'il maintient la coh�sion sociale.

Justice sociale

En milieu rural, les terres arables constituent une telle proportion de la richesse totale qu'elles forment habituellement le facteur d�terminant de la richesse. Dans le syst�me traditionnel, du fait de l'application de la tenure communautaire, la concentration de la propri�t� aux mains de grands propri�taires terriens n'existe pas. Seule la collectivit� est titulaire de droits souverains. Les membres de la collectivit� jouissent d'un droit d'usufruit, l'exploitation �tant d�centralis�e. L'�galit� socio�conomique est assur�e au moyen de la r�partition �quitable des terres en fonction des besoins de chaque m�nage. Ce syst�me engendre en lui-m�me une justice sociale, personne n'�tant l�s� dans ses droits, en tout cas, tant que les terres resteront abondantes.
C'est la raison pour laquelle les r�formes fonci�res et agraires au Burkina n'ont pas port� sur la n�cessit� d'un morcellement de grandes exploitations qui n'ont jamais exist�. Les r�formes ont plut�t vis� � la rationalisation de l'exploitation des ressources plus qu'� l'�quit�, sans modifier fondamentalement la structure de la propri�t� fonci�re. Au contraire, les r�formes se sont traduites par un programme de gestion coop�rative et supervis�e des ressources fonci�res.
Dans ces conditions on peut dire que la tenure fonci�re priv�e fera un grand tort aux populations rurales burkinab�es. Du reste, la propri�t� priv�e entra�nant l'accumulation des richesses fonci�res entre les mains d'une minorit� engendre dans ce sens des in�galit�s et une iniquit� sociale qui ne sauraient �tre justes pour la population majoritaire.

Promotion de la protection de l'environnement

Quant � la tenure priv�e, ses forces r�sident dans la participation individuelle au niveau de certains programmes de d�veloppement rural int�gr� avec au centre des pr�occupations comme la conservation des eaux et des sols, l'agroforesterie, etc. Les faiblesses de la tenure communautaire r�sident dans le fait que ces actions reposent surtout sur le long terme d'une part et, d'autre part, que la gestion optimale des ressources naturelles ne peut �tre assur�e dans les limites �troites du cadre villageois; la r�ussite de l'action d�pend tr�s largement de la bonne articulation des priorit�s. Malgr� ces faiblesses, la tenure communautaire pr�sente plus d'atouts que la tenure priv�e dont la lacune essentielle est l'absence de titre foncier qui n'encourage pas les paysans � faire des investissements � long terme sur les parcelles (plantation d'arbres, am�nagements).

Autosuffisance et durabilit� du d�veloppement rural

Les exploitants de la propri�t� priv�e ont tendance � consommer une part plus importante de ce qu'ils produisent que les exploitants de la propri�t� collective. Cette tendance impose � l'�tat l'importation de produits alimentaires destin�s � subvenir aux besoins des consommateurs urbains et rend impossible aux exploitants de propri�t� priv�e d'investir dans l'agriculture. Par contre, la tenure communautaire pourra assurer une autosuffisance et une durabilit� du d�veloppement rural.

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Malgr� le choix port� sur la tenure communautaire, il faut reconna�tre que la tenure priv�e a quelques aspects positifs. L'avantage de la tenure priv�e serait sa contribution � l'autosuffisance alimentaire et � l'am�nagement des terres rurales non am�nag�es avec des diguettes, des digues filtrantes, de l'agroforesterie, etc. Cependant, de sa part, la tenure communautaire:

Mais la tenure communautaire, comme toute autre tenure, comporte aussi des faiblesses:

Il est indispensable de proc�der � une r�forme agraire et fonci�re pour modifier les structures sociales et augmenter la production agricole. Cependant pour n�cessaire qu'elle soit, la r�forme ne suffit pas � elle seule � am�liorer la productivit� des terres ni la r�partition des revenus.
Les modifications apport�es aux structures de la propri�t� agraire et fonci�re n'entra�neraient pas automatiquement une augmentation des rendements, ni un changement technologique dans le secteur agricole. Ces ph�nom�nes n'interviendraient que si l'on prend des mesures appropri�es pour mettre � la disposition des exploitants les facteurs de production et les services dont ils ont besoin. L'�quipe propose les recommandations suivantes:

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