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IV. PROJET DE DECRET PORTANT CREATION DE LA COMMISSION INTERMINISTERIELLE DE LA PECHE ET DE L'AQUACULTURE (CIPA)

L'élaboration d'une nouvelle politique des pêches implique une redéfinition des institutions qui couvrent le secteur. A ce titre, la création d'une commission interministérielle de la pêche et de l'aquaculture fait incontestablement partie des priorités. Une mission du projet MAG/85/004 s'est déjà intéressée à la question5. Ses conclusions et recommandations ont été prises en compte lors de la rédaction du projet de décret proposé en annexe.

4.1 Dispositif juridique existant

Les textes législatifs et réglementaires en vigueur ayant trait de manière directe ou indirecte à la commission interministérielle de la pêche et de l'aquaculture sont actuellement au nombre de quatre.

4.1.1 L'Ordonnance du 4 mai 1993

L'article 5 de l'ordonnance No 93–022 du 4 mai 1993 portant réglementation de la pêche et de l'aquaculture institue une commission interministérielle de la pêche et de l'aquaculture au niveau national et renvoie à un texte réglementaire le soin d'en déterminer les fonctions, d'en fixer la composition et d'en organiser les modalités de fonctionnement.

Ce même article 5 institue auprès de chaque Faritany (province) un conseil consultatif de la pêche et de l'aquaculture composé de représentants d'opérateurs, de ministères, d'organismes concernés par la pêche et l'aquaculture et des représentants du Faritany territorialement compétent.

Il est également prévu que chaque conseil consultatif donne un avis sur les questions relatives à la pêche ou à l'aquaculture que la Direction chargée de la pêche et de l'aquaculture ou la commission interministérielle de la pêche et de l'aquaculture peuvent lui soumettre ou présente à ces dernières des requêtes concernant la pêche et l'aquaculture dans le ressort du Faritany.

Enfin, l'ordonnance énonce que les conditions de fonctionnement et de participation aux conseils consultatifs sont fixés par voie réglementaire.

5 Projet PNUD/FAO-MAG/85/014, Coordination institutionnelle et réorganisation structurelle dans le domaine des pêches, Rapport de consultation No 3 par J. P. Beurier, 1990.

4.1.2 Le Décret du 18 février 1994

L'analyse du décret No 94–112 du 18 février 1994 portant Organisation générale des activités de pêche maritime permet de constater que l'avis à titre consultatif de la Commission interministérielle de la pêche et de l'aquaculture prévue par l'article 5 de l'ordonnance du 4 mai 1993 est sollicité dans quatre cas:

Il convient de noter au surplus que le titre IV du Décret, intitulé “Régime des autorisations pour les navires étrangers”, ne prévoit pas la consultation de la Commission à cet égard. A priori, cela ne signifie pas qu'une telle consultation soit exclue pour ce qui concerne la conclusion d'accords de pêche industrielle ou artisanale entre l'Etat malgache et les navires d'autres Etats ou la délivrance d'une licence. Elle n'est simplement pas spécifiée de manière expresse, mais reste toujours possible.

4.1.3 Le Décret du 18 mai 1971

En 1966 fut créé un Comité d'Exploitation de la Mer qui comprenait, notamment, une Commission des pêches maritimes. Bien que mentionné pour la première fois par le rapport Beurier de 19826, il n'a pas été possible de retrouver le texte fondateur de ce comité. Par la suite, le Décret 71–238 du 18 mai 1971 (modifié par le Décret No 73–171 du 22 juin 1973) réglementant l'exercice de la pêche par chalutage dans la mer territoriale créa une “Commission” du chalutage. Depuis lors, il est généralement admis que la Commission des pêches maritimes et la “Commission” du chalutage forment la “Commission interministérielle des pêches maritimes”. En pratique même, la “Commission” de chalutage a tendu à se substituer à la Commission interministérielle des pêches maritimes, bien que cette dernière appellation ait ete dans la pratique conservée.

6 J.P. Beurier, Les zones sous juridiction, la législation des pêcheries et l'organisation structurelle du secteur des pêches à Madagascar, rapport FI:GCP/RAS/087/NOR, FL/IOR/82/6 1982, FAO, Rome, p.14.

L'article 4 du Décret du 18 mai 1971 détermine la composition de l'actuelle “Commission” du chalutage de la façon suivante:

Président: le Directeur de l'Elevage et de la Pêche maritime

Membres: - le Chef du Service de la Marine marchande;

Un fonctionnaire du Service de la marine marchande assure le secrétariat de la commission.

Bien que ne résultant pas des dispositions mêmes du Décret précité, il semble que le Centre National de la Recherche Océanographique (CNRO) et le Ministère de la Défense Nationale ont qualité de consultants auprès de la Commission interministérielle des pêches maritimes.

La Commission interministérielle des pêches maritimes se réunit théoriquement sur convocation du Ministre chargé des pêches maritimes, et en pratique sur proposition du Président de la Commission interministérielle des pêches maritimes, chaque fois que de besoin et obligatoirement tous les 2 ans (entre le ler juillet et le 30 octobre) pour évaluer les plans d'extension des armements chalutiers et fixer le nombre des licences.

En pratique, la Commission interministérielle des pêches maritimes se réunit tous les ans pour la délivrance des autorisations de chalutage crevettier; à cette occasion, l'ensemble des problèmes soulevés par les pêches maritimes est évoqué. Mais ce n'est pas toujours le cas. Lors de la dernière réunion de la Commission interministérielle des pêches au mois de janvier 1994, l'ordre du jour adopté portait sur les éléments suivants:

  1. Information sur l'aménagement des pêcheries crevettières;

  2. Détermination de la période d'ouverture de la campagne de pêche 1994;

  3. Proposition de répartition des autorisations de chalutage 1994;

  4. Divers.

Or l'article 5 du Décret du 18 mai 1971 donne à la Commission les attributions suivantes:

L'article 12 nouveau (Décret du 22 juin 1973) précise:

A l'évidence, la Commission actuelle ne remplit pas les fonctions normalement attribuées aux commissions interministérielles des pêches. Son rôle devrait rester consultatif mais être en pratique élargi afin de remplir au mieux sa double fonction de conseil et d'aménagement du secteur des pêches.

4.1.4 Le Décret du 3 juillet 1962

Le Décret No 62–321 du 3 juillet 1962 porte création d'un Conseil supérieur de la protection de la nature composé de représentants de divers ministères, dont ceux chargés des pêches. Le Conseil est obligatoirement consulté sur tous les projets concernant la réglementation des pêches intérieures; il peut en outre créer une commission spécifique pour ce sous-secteur. Il semble toutefois que le Conseil ne soit plus actif depuis de nombreuses années en ce qui concerne la pêche continentale.

4.2 Propositions de rédaction d'un texte nouveau

La structure de concertation existante en matière d'aménagement et de conservation des pêcheries n'est guère satisfaisante. La Commission interministérielle des pêches maritimes ne repose pas sur des bases juridiques solides. Ses compétences et sa composition nécessitent d'être revues. Afin de procéder à l'élaboration d'un texte nouveau, il se révèle nécessaire d'examiner en premier lieu le contexte institutionnel.

4.2.1. Le contexte institutionnel

Le consultant souhaite souligner ici le caractère préliminaire de ses travaux en raison des possibilités de changements d'ordre institutionnel et administratif, tels que ceux qui pourraient notamment résulter de la mise en oeuvre de la décentralisation effective.

En effet, la Constitution de la République de Madagascar promulguée le 18 septembre 1992, qui remplace la Convention du 31 octobre 1991, affirme dans son préambule le respect et la protection des libertés fondamentales tant individuelles que collectives ainsi que les principes démocratiques de la séparation et de l'équilibre des pouvoirs. Parallèlement, un certain nombre de dispositions visent plus spécifiquement la décentralisation, le droit de propriété, la liberté d'entreprise et la sécurité des capitaux et des investissements. A l'évidence, ces dispositions présentent un intérêt tout particulier pour ce qui concerne l'organisation de la pêche à Madagascar.

D'un côté, la Constitution prône l'application de la décentralisation effective. A cet effet, son Titre VII énonce que les collectivités terrioriales décentralisées sont dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière et s'administrent librement. De plus, elles constituent le cadre institutionnel de la participation effective des citoyens à la gestion des affaires publiques et garantissent l'expression de leur diversité et de leurs spécificités (Article 125).

Les organes prévus seront des assemblées élues au suffrage universel et des bureaux exécutifs. Ces organes décentralisés seront dotés d'une autonomie décisionnelle en ce qui concerne leur développement. L'intervention de l'Etat sera par conséquent réduite à un rôle de tutelle.

D'un autre côté, l'Etat garantit le droit de propriété individuelle; nul ne peut en être privé sauf pour cause d'utilité publique et sous réserve d'une juste et préalable indemnisation (article 34). De même, est garantie la liberté d'entreprise dans la limite du respect de l'intérêt général, de l'ordre public et de l'environnement (article 37). Enfin, l'Etat garantit la sécurité des capitaux et des investissements (article 38).

Pour l'heure, et au plan territorial, le décret No 92.268 du 26 Février 1992 relatif aux collectivités décentralisées a suspendu l'application du schéma existant au profit de délégations spéciales instituées par l'ordonnance No 92.003 du 26 Février 1992 assumant la gestion des affaires courantes des Faritany, des Fivondronampokontany et des Firaisampkontany pendant toute la période de transition vers la Troisième République. Les délégations spéciales remplissent les fonctions et exercent la plénitude des pouvoirs dévolus au conseil populaire.

A l'échelon du Faritany (province); la délégation spéciale est composée de neuf membres nommés par décret en conseil de gouvernement sur proposition du ministre de l'intérieur parmi les membres du comité administratif. Outre le président et le vice-président, la délégation spéciale comprend notamment des officiers de l'Armée Populaire et de la Police Nationale, un magistrat et un inspecteur d'Etat.

A l'échelon du Fivondronampokotany (arrondissement), la délégation spéciale est composée de sept membres nommés par décret en conseil du gouvernement sur proposition du ministre de l'Intérieur parmi les membres du comité administratif. Outre le président et le vice-président, la délégation spéciale comprend notamment des représentants des forces publiques stationnées dans sa circonscription, éventuellement un magistrat et des fonctionnaires des services extérieurs des ministères implantés dans le Fivondronampokotany.

A l'échelon du Firaisampokontany (canton), la délégation spéciale est composée de cinq membres nommés par arrêté du ministre de l'Intérieur sur proposition du président de la délégation spéciale du Faritany. Outre le président, la délégation spéciale est composée des membres désignés parmi le comité administratif du Firaisampokontany et les comités locaux de sécurité des Fokontany composants.

Les modalités de fonctionnement des délégations spéciales sont celles applicables au conseil populaire des collectivités décentralisées. Toutefois, il est encore difficile de déterminer avec précision la répartition des compétences en raison du processus de réforme des institutions engagé.

En ce qui concerne plus spécifiquement l'administration chargée de la pêche et de l'aquaculture au plan régional, il convient de remarquer qu'il existe dans chacune des six provinces (faritany) un service provincial de la pêche et de l'aquaculture exerçant sa tutelle sur trois circonscriptions qui s'appuient elles-mêmes sur des sections et des brigades. Il a été noté que les services régionaux souffrent de l'insuffisance des moyens techniques, humains et financiers, ainsi que du chevauchement des attributions, de l'absence de pouvoir de décision et des lenteurs des circuits hiérarchiques.

4.2.2 Création de la Commission Interministérielle de la Pêche et de l'Aquaculture (CIPA)

Réserve étant faite des changements qui seront apportés dans un avenir proche à l'organisation administrative de l'Etat et de ses collectivités territoriales, il convient surtout de s'attacher à déterminer les attributions et la composition (celle-ci découlant de celles-là) de la future Commission, dont il est proposé que le titre officiel soit: “Commission Interministérielle de la Pêche et de l'Aquaculture” ou CIPA.

En ce qui concerne tout d'abord les attributions de la Commission, et compte tenu de ce que prévoient d'ores et déjà l'ordonnance du 4 mai 1993 et le décret du 18 février 1994, il conviendrait qu'elles soient déterminées de façon assez large afin de couvrir l'ensemble des questions relatives à la gestion et à l'aménagement des pêches (pêche industrielle, artisanale et traditionnelle) tant continentales que maritimes et de l'aquaculture.

En effet, compte tenu du fait qu'elle serait uniquement saisie pour avis, c'est à dire à titre consultatif, il n'y aurait pas grande difficulté à étendre le champ de ses attributions. Les avantages pouvant résulter de l'élargissement de ses compétences semblent évidents. Une meilleure connaissance du secteur pêche dans sa globalité, de ses potentialités comme de ses réalisations, de ses contraintes comme de ses difficultés, et ce par l'ensemble de ses partenaires ou intervenants, présents ou futurs, devrait en résulter.

On a justement reproché à la Commission le fait qu'elle semblait seulement couvrir les problèmes liés à la pêche industrielle. Il semble évident que le mandat de la Commission devrait être étendu à la pêche continentale et à l'aquaculture. Cela pourrait être facilement réalisé par la création de sous-commissions spécialisées à composition restreinte et établies dans le cadre de la Commission. Ainsi, par exemple, une sous-commission de la pêche maritime ou une sous-commission de la pêche continentale pourraient avantageusement remplacer les organes subsidiaires actuels.

De même, et conformément aux dispositions du Décret No 94–112 du 18 février 1994 portant Organisation générale des activités de pêche maritime, il conviendrait que la délivrance des autorisations de chalutage ou la fixation de quotas en matière de licences ne dépende plus de la Commission mais du Ministre chargé des pêches sur avis de la CIPA. De même, elle serait saisie pour avis en ce qui concerne l'octroi de concessions aquicoles.

Enfin, dans son rôle de mise en oeuvre de la politique des pêches, la Commission serait dorénavant appelée à jouer un rôle fondamental en matière d'élaboration de plans d'aménagement et de conservation des pêcheries.

En ce qui concerne ensuite la composition de la Commission, il semble souhaitable, compte tenu de l'élargissement du clavier de compétences préconisé, de renforcer le rôle des institutions de recherche et d'enseignement spécialisées dans le domaine halieutique (Centre National de la Recherche Océanographique et Institut Halieutique des Sciences Marines notamment) au sein de la Commission. Il est proposé qu'une ou deux institutions parmi les plus représentatives en deviennent membres.

De même, il est primordial que des représentants de la profession (opérateurs de la pêche industrielle, de la pêche artisanale, de la pêche traditionnelle) désignés par le Ministre chargé de la pêche et de l'aquaculture soient consultés. Il est proposé que les opérateurs, outre leur participation en tant que membres des Conseils consultatifs de la pêche et de l'aquaculture établis dans les Faritany, puissent donner leur avis dans le cadre des sous-commissions d'aménagement de la pêche maritime ou continentale, ou de l'aquaculture.

Enfin, et conformément aux dispositions de l'Ordonnance No 93-022 du 4 mai 1993 relatives aux Conseils consultatifs de la pêche et de l'aquaculture, la Commission doit pouvoir soumettre pour avis toute question relative à la pêche et à l'aquaculture aux Conseils consultatifs établis dans chaque Faritany. Inversement, la Commission doit émettre des avis consultatifs sur toutes requêtes présentées par les Conseils consultatifs de la pêche et de l'aquaculture établis dans les Faritany.


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