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3. ROLE DE LA PECHE DANS LES ECONOMIES DES PAYS DU BASSIN MEDITERRANEEN

3.1 Production de poisson

La production totale de poisson de capture, toutes pêcheries maritimes (principalement mer Méditerranée, mer Noire, mer Rouge, océan Atlantique et océan Indien) et continentales confondues, s’élève, au niveau régional, à environ 4 674 400 t/an. Sur ce volume de production, les pays de l’UE contribuent à hauteur de 58% et les pays de l’Afrique du nord à hauteur de 27% (cf. figure 10).

Figure 10. Production de poisson de capture, toutes origines confondues

(source : annexe 2)

La contribution de la pêche méditerranéenne à la production totale de poisson de capture dans les pays méditerranéens représente environ 28% à l’échelle de la région, avec des variations considérables selon les pays. Celle-ci se situe en effet pour dix pays entre 89% et 100%, et pour six pays en dessous de 50%. En moyenne régionale, cette contribution est d’environ 55%.

Figure 11. Contribution de la pêche méditerranéenne à la production de poisson de

capture toutes origines confondues (source : annexe 2)

La production de poisson de capture (toutes pêcheries maritimes et continentales confondues) et d’élevage (aquaculture marine et continentale) peut être estimée, pour l’ensemble des pays étudiés, à environ 5 480 000 t/an. La contribution des pays de l’UE et de l’Afrique du nord à cette production globale, est respectivement de 62% et de 24%.

Sur ce volume de production globale, l’aquaculture (marine et continentale), avec une production estimée à environ 800 000 t/an, contribue à hauteur de 15%. Pour certains pays, l’enjeu économique que constitue le développement de l’aquaculture par rapport à la pêche est néanmoins important, avec un ratio bien supérieur à 15%. Pour ces pays, les décisions et objectifs relatifs au développement de l’aquaculture influeront probablement de plus en plus à l’avenir les décisions concernant l’aménagement des pêcheries (ex. budget alloué à la recherche, mesures/incitations financières...).

La contribution de la pêche méditerranéenne à la production globale s’établit pour sa part à environ 24%. Ramené au niveau national, ce ratio est cependant très variable, puisque pour quatre pays celui-ci se situe entre 89% et 100%, et pour sept pays en dessous de 50%.

La figure 12 donne des indications sur la dimension stratégique de la pêche méditerranéenne vis-à-vis de la production nationale globale de poisson (de capture et d’élevage), en fonction des pays.

Figure 12. Origine de la production de poisson (source : annexe 2)

3.2 Création de richesses

La création de richesses par un secteur, et par conséquent sa contribution au PIB d’un pays, correspond à la valeur ajoutée brute (VAB) créée par le secteur, c.a.d. globalement au chiffre d’affaires (CA) moins les consommations intermédiaires (CI). Cette information est cependant difficile à obtenir. Lorsque l’on dispose de l’information, on note que la contribution du secteur pêche et aquaculture au PIB n’excède généralement pas 1% (ex. Algérie 1,3%, Espagne 0,5%, Grèce 0,9%, Turquie 0,7%).

A partir de la connaissance du ratio moyen VAB/CA pour les différents types de pêche, on pourrait estimer la création de richesses de la pêche méditerranéenne à partir de l’étude de son chiffre d’affaires. Ces indications ne sont malheureusement pas disponibles, ou alors trop imprécises. On dispose cependant d’indications sur le chiffre d’affaires de la pêche en Méditerranée, ce qui permet d’évaluer approximativement l’importance du secteur dans l’économie des pays.

Ramené au PIB total pour l’ensemble des pays (environ 3 356 milliards $EU), le chiffre d’affaires à la production (environ 5 150 millions $EU) représente 0,15% à l’échelle de la région. Ce ratio s’établit en moyenne régionale à 0,24% : treize pays ont un ratio inférieur à cette moyenne (Algérie, Croatie, Chypre, Egypte, Espagne, France, Israël, Liban, Maroc, Slovénie, Syrie, Turquie et Serbie), dont sept ont un ratio inférieur ou égal à 0,1%, tandis que sur les sept pays dont le ratio est supérieur à cette moyenne, seulement deux ont un ratio avoisinant 1% (Grèce et Tunisie).

Les informations sur la contribution de la pêche dans l’économie locale (ex. zone côtière) sont rares. Seules quelques informations en la matière ont pu être obtenues pour les pays membres de l’UE pour la période 1991-92. Celles-ci permettent de mieux situer l’importance économique du secteur au niveau local, comparé par exemple à la contribution du secteur au PIB.

3.3 Consommation de poisson et commerce extérieur en produits de la mer

Selon les estimations de la FAO, la disponibilité apparente de poisson (production de poisson - produits non alimentaires + importations - exportations) était en 1993 d’environ 5 945 500 t dans la région (Liban non compris) . Les pays membres de l’UE disposent d’environ 76% du total, et les pays de l’Afrique du Nord de 13%.

La consommation de poisson est d’environ 15,1 kg/an/hab à l’échelle de la région, et en moyenne régionale d’environ 11,4 kg/an/hab. A titre de comparaison, la consommation mondiale est d’environ 13 kg/an/hab. Sept pays sur les dix-neuf concernés par l’estimation ont un niveau de consommation inférieur à la moyenne régionale.

Figure 13. Consommation de poisson (source : FAO)

En ce qui concerne le commerce extérieur en produits de la mer, il est reconnu qu’il est plus pertinent d’analyser les données en valeur que les données en volume. Cependant, on peut donner un ordre de grandeur sur le volume de produits de la mer échangés dans la région (Liban et Serbie-Monténégro non compris), avant de donner des indications sur la valeur des échanges commerciaux en produits de la mer dans la région (Liban non compris). Les données sont extraites de l’Annuaire statistique de la FAO pour l’année 1994.

A l’échelle de la région, le commerce extérieur en produits de la mer (en volume) repose sur des importations d’environ 3 094 200 t et des exportations de 1 255 100 t. La contribution respective des pays membres de l’UE et des pays de l’Afrique du Nord est de 87% et 6% du total des importations, et de 78% et 18% du total des exportations. Le solde de la balance commerciale (en volume) est largement déficitaire à l’échelle de la région, avec un déficit de l’ordre de 1 839 100 t.

Les importations (en valeur) se sont élevées à près de 8 277 millions $EU en 1994 dans la région. Les pays membres de l’UE assurent environ 95% du total, et les pays de l’Afrique du Nord un peu moins de 2%. Les trois premiers pays importateurs sont des pays membres de l’UE (Espagne, France, Italie).

Les exportations (en valeur) se sont élevées pour la même année à 3 262 millions $EU. La contribution des pays membres de l’UE et des pays de l’Afrique du Nord a été respectivement d’environ 73% et 23% du total. Les trois premiers pays exportateurs de la région sont l’Espagne, la France et le Maroc.

Le commerce extérieur des farines de poisson représente, en valeur, environ 3% des importations et 1% des exportations.

Le solde de la balance commerciale (en valeur) en produits de la mer au niveau régional se caractérise par un déficit d’environ 5 016 millions $EU. Cela correspond à peu près à la valeur des captures totales réalisées dans la Méditerranée.

Sur les dix-neuf pays pris en compte dans ces estimations, six d’entre eux ont un solde excédentaire (Albanie, Croatie, Libye, Maroc, Tunisie et Turquie). Il convient de noter par ailleurs que les pays membres de l’UE accusent un déficit global du solde de leur balance commerciale d’environ 5 493 millions $EU.

A l’échelle de la région, le taux de couverture des importations par les exportations est, en valeur, de 39%, ce qui correspond grosso modo au taux de couverture régional en volume (41%). Selon les groupes, ces taux sont en revanche très variables. Pour les pays membres de l’UE, celui-ci représente 34% en volume et 43% en valeur, alors que pour les pays de l’Afrique du Nord, celui-ci représente 525% en volume et 2 530% en valeur. Ces chiffres donnent une indication de la nature des échanges commerciaux selon les pays (objectif de rentrée de devises et de couverture des besoins alimentaires versus objectif de couverture des besoins en produits de forte valeur marchande).

Il convient par ailleurs de souligner qu’une étude sur le commerce intra-régional apporterait des éléments d’analyse supplémentaires sur les stratégies de production en fonction des pays, et par conséquent sur les enjeux économiques de l’aménagement des pêches en Méditerranée.

3.4 Emplois

Le secteur des pêches, toutes pêcheries confondues (maritimes et continentales), concerne environ 602 000 pêcheurs dans la région (Albanie, Bosnie et Serbie non compris). Les pays membres de l’UE comprennent environ 32% et les pays de l’Afrique du Nord 56% de l’effectif total. Pour rappel, les pays membres de l’UE assurent 58% de la production régionale de poisson de capture, toutes origines confondues, alors que les pays de l’Afrique du Nord en assurent 27%.

Avec un nombre de pêcheurs estimé à 280 000, la pêche en Méditerranée contribue à l’emploi total dans le secteur des pêches, au niveau régional, à hauteur d’environ 43%. En moyenne régionale, cette contribution s’élève cependant à 74%. Pour rappel, la contribution de la pêche méditerranéenne aux captures totales est d’environ 28% au niveau régional, et de 55% en moyenne régionale.

La part du secteur des pêches dans la population active de la région n’a pas pu être évaluée. Lorsque l’on dispose de données, on s’aperçoit que le ratio nombre de pêcheurs / population active est en général inférieur ou égal à 1%. Par exemple, il est en moyenne de 0,5% dans les pays membres de l’UE, et de 0,9% dans ceux de l’Afrique du Nord.

Figure 14. Contribution de la pêche méditerranéenne à l’emploi dans le secteur des pêches

(source : tableau 3)

Au niveau local, les informations sur la contribution de la pêche à l’emploi sont également difficiles à obtenir. On dispose toutefois de données pour les pays membres de l’UE (cf. tableau 4). Cela permet de donner des indications supplémentaires sur la représentativité économique et sociale de la pêche méditerranéenne dans les zones littorales concernées.

Tableau 4. Contribution de la pêche à l’emploi au niveau local (pays membres de l’UE)

(source : Etudes régionales à caractère socio-économique dans le secteur de la pêche - CCE, DG XIV, 1992)

Salariés / emplois au niveau local (1989-90) Population active locale (1989-90) Nbre pêcheurs / pop. active au niveau national (1994) Commentaires
Espagne 0,43 % 0,6 % 0,1 % - Echelle administrative: régions littorales

- Le salariat est peu développé et le taux de chômage élevé dans la pêche en Espagne

France nd 0,2 % 0,1 % Echelle administrative: départements bordant le littoral
Grèce moy. 1,0 %

max. 5,6 %

nd 1,0 % Echelle administrative: comtés bordant le littoral
Italie 0,27 % nd 0,23 % Echelle administrative: régions littoral (5)

3.5 Effets économiques induits

L’activité de pêche induit des effets économiques indirects en amont (construction navale, équipement, fourniture de carburants, secteur bancaire....) et en aval (transformation, commercialisation, distribution...) de la filière, tant en termes de création de richesses que de création d’emplois.

Différentes méthodes d’évaluation des effets économiques du secteur de la pêche existent, fondées sur le concept de filière (méthode des effets, analyses en termes d’input-output...). Cependant, la question des effets économiques induits n’est traitée dans le présent document que sur la base de la présentation de quelques indicateurs.

Le degré de capitalisation de la flottille en Méditerranée, correspondant au montant de l’investissement théorique actuel, peut être évalué à environ 11,3 milliards de $EU. Ce montant de l’investissement "régional" peut cependant être considéré comme étant surestimé, dans la mesure où la dépréciation du capital (amortissements) n’a pas été prise en compte dans les calculs. Trois pays concentrent près de 56% de l’investissement régional. Les pays membres de l’UE et les pays de l’Afrique du Nord concentrent respectivement 55% et 32% du total (cf. figure 15).

Figure 15. Répartition des investissements de la pêche en Méditerranée (source : tableau 3)

Le montant de l’investissement de la pêche en Méditerranée se répartit de manière plus ou moins équitable entre la pêche côtière (51% du total) et la pêche industrielle (49% du total), au niveau régional. Cette répartition est cependant très variable en fonction des pays, et ce quelque soit le groupe de pays considérés. En moyenne régionale, la pêche côtière contribue environ à hauteur de 57% des investissements totaux.

Figure 16. Contribution de la pêche côtière aux investissements de la pêche en

Méditerranée (source : tableau 3)

Un indicateur couramment utilisé pour évaluer les effets économiques induits par la pêche est le nombre d’emplois créés en amont et en aval de la filière. Cette information est cependant toujours difficile à obtenir, et pose souvent des problèmes quant à sa validité. Dans les pays où l’on a des indications, le ratio emplois indirects / nombre de pêcheurs varie entre 20% et 80%. En se basant sur la valeur de ce ratio dans six pays (Croatie, Chypre, Espagne, Italie, Libye, et Malte), on peut faire une hypothèse selon laquelle le ratio s’établit en moyenne régionale à environ 50%. En extrapolant, la filière pêche en Méditerranée pourrait ainsi générer environ 420 000 emplois totaux, dont 280 000 emplois dans la production.

Un autre indicateur pertinent pour évaluer les effets économiques induits est la création de valeur ajoutée dans les activités associées à la pêche. Les informations dans ce domaine sont quasi-inexistantes dans les pays méditerranéens, ou alors très difficilement disponibles. Une étude réalisée par l’IREPA indique qu’en Italie, les activités associés ont créé en 1989 une valeur ajoutée correspondant à environ 117% de la valeur ajoutée de la pêche. La contribution de la filière pêche aux économies nationales pourrait être par conséquent non négligeable.

Les études fondées sur le concept de filière devraient être de plus en plus développées dans le domaine de la pêche, en particulier dans le cadre de l’étude des effets économiques et sociaux induits par les mesures de régulation de l’effort de pêche et de contrôle des capacités. En Méditerranée, seuls quelques centres de recherche conduisent des travaux dans ce domaine. On peut citer par exemple les résultats de travaux récents conduits par l’IREPA (Italie) sur la base d’une méthode input/output. D’après les résultats de ces travaux, une réduction de la capacité (TJB) de la flottille totale de 2% induirait une perte de 300 emplois, dont 240 pêcheurs, dans les régions littorales concernées.

Par ailleurs, la pêche en Méditerranée a des retombées économiques sur des filières autres que celles de la pêche. On peut mentionner à titre d’exemple la contribution de la pêche dans l’aménagement du littoral et le développement de l’activité touristique. Ces effets induits sont néanmoins difficiles à évaluer.

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