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5. Directives destinées au personnel de terrain fournissant une aide aux exploitants et aux communautés locales


5.1 Introduction
5.2 Les questions fondamentales et les actions nécessaires
5.3 Comment introduire la commercialisation dans différentes situations

5.1 Introduction

Lorsqu'on introduit la fonction de commercialisation dans les activités agroforestières et forestières, il faut initier les vulgarisateurs et les chefs de communauté aux étapes fondamentales de la marche à suivre. Le présent chapitre les identifiera et les décrira brièvement. Il indiquera les principaux problèmes auxquels on se heurte en évaluant la situation et les actions qui s'imposent, et fournira des conseils sur ce qu'il convient de faire dans diverses situations. Pour pouvoir mettre en oeuvre les actions proposées, les chefs de communauté et les vulgarisateurs auront besoin de directives spécifiques détaillées.

Dans la deuxième partie de ce chapitre figurent un schéma et du matériel tiré d'études de cas qui illustrent les différentes situations auxquelles le personnel de terrain pourrait être confronté en assistant les exploitants et les autres habitants de la forêt.

5.2 Les questions fondamentales et les actions nécessaires

Une liste de questions est fournie ci-dessous pour aider le vulgarisateur et les membres de la communauté à évaluer la situation et l'action nécessaire. Cette analyse et la décision concernant les mesures à prendre pour améliorer la commercialisation peuvent être confiées au vulgarisateur, mais appelleront la participation active des membres de la communauté qui prendront part à l'effort de commercialisation.

Où en est l'exploitant ou la communauté sous l'angle de la commercialisation de ses produits?

Une importante règle élémentaire consiste à commencer "là où on se trouve et avec ce qu'on a". Ce principe permet au personnel de terrain de poser des questions pertinentes et de choisir des solutions qui favorisent l'inclusion correcte de la commercialisation dans l'activité forestière ou agroforestière. La première tâche qui incombe au personnel de terrain, dès lors, est de travailler de concert avec les membres de la communauté qui reçoit l'aide pour identifier et évaluer la situation en cours. Dans un système agroforestier et forestier, on aura affaire à l'une ou l'autre des deux situations suivantes: l'exploitant ou la communauté est déjà engagé dans une activité visant à récolter/produire/commercialiser certains produits tirés des forêts naturelles ou de plantations agroforestières établies sur l'exploitation; ou bien l'exploitant ou la communauté se propose d'entreprendre de telles activités.

Action: Evaluer la situation locale sous l'angle de la commercialisation et intervenir au sein de la communauté et avec les ressources dont elle dispose.

Existe-t-il déjà une organisation communautaire ou commerciale?

Dans de nombreux cas, les petits exploitants ne peuvent mener à bien une opération de commercialisation par leurs propres moyens si bien qu'une action de groupe s'impose. Il faudra avant tout vérifier s'il existe une forme quelconque d'organisation communautaire active qui pourrait servir de base à une initiative conjointe de commercialisation des produits.

Une question connexe est celle de l'existence ou non d'une organisation commerciale. Il est souvent moins coûteux de mettre l'organisation existante en mesure de répondre aux besoins d'un nouveau groupe d'exploitants que d'en créer une nouvelle. Ainsi, une organisation commerciale qui s'occupe de la vente de produits agricoles pourrait aussi prendre en charge celle des produits agroforestiers et forestiers. Si ce type d'organisation n'existe pas, il faudra le créer en fonction des besoins spécifiques des agriculteurs.

Action: S'assurer de l'existence d'organisations communautaires et commerciales et de leur utilité et incorporer la fonction de commercialisation dans celle existante, ou mettre en place une nouvelle organisation.

Quel est le potentiel actuel des ressources et de la production communautaires?

Toute activité de commercialisation bien organisée repose sur un approvisionnement durable et continu. Les clients, notamment s'il s'agit d'industries, veulent s'assurer de la disponibilité à long terme de la matière première que leur fournissent les producteurs communautaires. Il est donc important de savoir quelles sont les limites de la ressource que la communauté peut cultiver, exploiter, transformer et vendre, ainsi que sa taille et son accessibilité, qu'il s'agisse de systèmes agroforestiers ou forestiers, pour établir le niveau des opérations durables. Il est également important d'évaluer la possibilité de maintenir ou d'accroître la ressource et le produit commercialisable. Les autres aspects dont il faudra tenir compte sont la disponibilité et l'aptitude de la communauté à augmenter la transformation locale, ses capacités d'investissement et son accès au crédit.

Action: Evaluer le potentiel actuel et futur de la ressource et de la production potentielle de la communauté, et utiliser cette information comme base d'autres activités commerciales.

Quelles sont les pratiques de commercialisation qu'utilise actuellement la communauté?

Les agriculteurs ou groupes d'agriculteurs qui pratiquent l'agroforesterie et la foresterie communautaire et ont des excédents à vendre appliquent déjà certaines pratiques commerciales. Avant de chercher à les modifier ou à les améliorer, il convient d'identifier et d'évaluer pleinement les pratiques en vigueur et les partenaires commerciaux. Toute amélioration jugée nécessaire pourrait avoir pour point de départ les structures et pratiques existantes. Une telle approche permettra d'éviter des interruptions ou des perturbations graves du système. On peut améliorer la performance des intermédiaires et le partage des avantages si leur rôle et les coûts associés sont pleinement compris.

Action: Evaluer les pratiques de commercialisation en vigueur et les partenaires. Fonder toute nouvelle structure ou technique de commercialisation sur les systèmes appropriés existants.

La communauté possède-t-elle les capacités commerciales voulues?

La commercialisation exige des capacités spécialisées y compris de bonnes connaissances, les compétences nécessaires pour les mettre en pratique, et des attitudes positives propres à maintenir l'activité et à la développer ultérieurement. De toute évidence, il n'est pas indispensable que l'ensemble des membres de la communauté soient versés dans tous les aspects de la commercialisation. Il y aura toujours des agriculteurs qui sont d'ores et déjà plus compétents que d'autres et plus convaincus des avantages d'une commercialisation réussie. On devrait les inciter à assumer le rôle de chef de file et les aider à développer ultérieurement leurs capacités. Les agriculteurs individuels pourraient avoir besoin de conseils sur la manière d'interpréter l'information provenant des marchés sur certaines caractéristiques du produit, les délais et modalités de la livraison et la présentation et les prix des produits. L'organisation commerciale ou la coopérative pourrait nécessiter d'une aide pour s'acquitter de tâches administratives telles que la comptabilité, le recouvrement des redevances, les systèmes de paiement et pour fournir des services de soutien matériels et techniques à ses membres. Il faudra faire une analyse approfondie du niveau actuel non seulement des capacités mais aussi des activités de formation nécessaires pour les améliorer.

Action: Evaluer le niveau actuel des capacités commerciales de la communauté et renforcer celles existantes à l'aide d'activités de vulgarisation et de formation.

La communauté a-t-elle accès à des informations sur les marchés?

Une bonne commercialisation repose sur des informations précises et fournies en temps utile. La collecte, l'analyse et la diffusion systématiques de données et d'informations provenant des marchés sont, partant, vitaux pour les membres de la communauté. L'analyse initiale devrait évaluer la disponibilité des informations et l'usage qu'en fait actuellement la communauté. Par exemple, des informations sur les prix fournies par les principaux marchés accessibles permettent aux producteurs de décider où et quand vendre leurs marchandises. Les producteurs veulent aussi connaître en détail les exigences du marché concernant leurs produits pour que les opérations consécutives à la récolte, telles que le nettoyage, le classement et l'emballage, soient réalisées au mieux et leur permettent d'accroître leurs bénéfices. Ils veulent aussi connaître les autres débouchés et services accessibles, tels que le crédit et le transport, afin de décider s'il leur convient de vendre directement ou par l'entremise d'intermédiaires. La communauté doit donc se procurer des informations commerciales soit en utilisant un système d'information existant soit en créant son propre mécanisme.

Action: Evaluer la disponibilité, l'utilisation et les besoins actuels d'information sur les marchés. Identifier les systèmes d'information existants et, au besoin, en créer un.

La communauté a-t-elle besoin d'un appui du gouvernement?

De même que la production et la transformation, la commercialisation se réalise dans un milieu opérationnel spécifique, qui obéit à des politiques, des règlements, des lois et des pratiques gouvernementales, et est favorisé par des infrastructures liées au transport, au crédit, au système bancaire, à l'information, à la vulgarisation et à la recherche. Il faut que la communauté acquière une bonne connaissance de ces facteurs pour adapter sans heurts ses activités à un milieu opérationnel donné. Elle devrait aussi connaître le type d'assistance que le gouvernement peut offrir et comment l'obtenir.

Dans certains cas, l'activité que la communauté se propose d'entreprendre a été négligée par les politiques et les institutions publiques. Ce cas concerne notamment les produits forestiers non ligneux car les politiques ont eu traditionnellement pour objectif d'appuyer les activités forestières axées sur le bois. La communauté devra évaluer l'appui gouvernemental et institutionnel nécessaire et communiquer ses besoins aux autorités compétentes avant de se lancer dans une entreprise.

Action: collecter toutes les données disponibles sur les politiques, règlements, lois et pratiques gouvernementaux qui influencent les activités communautaires et les communiquer aux producteurs. En outre, obtenir toutes les informations disponibles sur les services infrastructurels et de soutien servant à la communauté pour réaliser efficacement ses activités commerciales. Evaluer l'appui gouvernemental et infrastructurel additionnel nécessaire à la commercialisation et commencer les démarches pour l'obtenir.

La communauté a-t-elle besoin d'aide extérieure pour promouvoir la commercialisation?

Souvent la commercialisation est une activité entièrement neuve et la communauté peut avoir besoin d'une aide extérieure pour lancer une entreprise. On devra évaluer les besoins en services de vulgarisation. La communauté devra également trouver des partenaires capables de lui fournir l'aide technique initiale nécessaire pour introduire la fonction de commercialisation dans ses opérations. Les organisations non gouvernementales et les services de vulgarisation du gouvernement fournissent souvent une telle assistance.

Action: Evaluer les besoins d'aide extérieure pour faire démarrer les activités commerciales au sein de la communauté et identifier les partenaires pouvant la fournir.

Quelles sont les directives existantes capables d'aider les communautés à renforcer leurs activités commerciales?

Il existe pour chacune des étapes décrites ci-dessus des directives spécifiques qui expliquent en détail comment entreprendre l'action nécessaire. Les chefs de communauté et les vulgarisateurs sont invités à les utiliser pleinement. Sont également disponibles des directives générales produites par la FAO pour ses divers programmes.

Action: Réunir toutes les directives pertinentes. Les modifier au besoin pour les adapter à l'usage local et, si elles n'existent pas dans la langue locale, pourvoir à leur traduction. Cherchera en tirer le meilleur parti possible.

5.3 Comment introduire la commercialisation dans différentes situations

Le personnel de terrain devra, dans bien des cas, faire face à de nombreuses situations lorsqu'il aide les communautés à organiser leur production agroforestière et forestière et leurs activités commerciales. Le schéma 1 fournit des conseils pratiques pour évaluer la situation agroforestière vis-à-vis de la commercialisation. Il montre diverses situations et fournit des recommandations sur les mesures à prendre. Pour mieux l'illustrer des encadrés présentent le cas d'un exploitant chef de communauté en Inde.

Comme il ressort du schéma, dans un système agroforestier ou forestier axé sur l'arboriculture on rencontrera l'une des deux situations suivantes: dans la première le producteur (agriculteur individuel ou groupe d'agriculteurs) a déjà établi une plantation d'essences forestières de son choix (situation A), dans le deuxième il n'a encore rien planté (situation B).

Situation A

Dans la situation A, la question principale est de savoir s'il existe une forme quelconque d'organisation communautaire et/ou commerciale active. Deux cas se présentent: elle existe déjà (situation A1), elle n'existe pas (situation A2).

Situation A1

S'il s'agit de la situation A1 et qu'une forme d'organisation opère déjà, il faudra vérifier si le producteur ou le groupe de producteurs commercialise ses produits agroforestiers par l'intermédiaire de cette organisation. Deux possibilités existent: il les commercialise déjà (situation AU), il ne les commercialise pas encore (situation A12).

Dans le cas d'une commercialisation en cours (situation A11), il est important de contrôler si les activités du producteur ou du groupe de producteurs se déroulent avec succès (situation A111) ou non (situation A112). Le succès, dans ce cas, signifie que les participants tirent davantage de bénéfices des cultures agroforestières ou forestières adoptées que de celles plantées précédemment sur le même terrain et recevant aussi le paiement envisagé. Si tel est le cas (situation A111), il suffira de surveiller les opérations, d'en tirer des conclusions et de les utiliser comme preuve d'un effort d'agroforesterie ou de foresterie communautaire autonome et mené à bien. On examinera la possibilité d'établir des liens horizontaux avec d'autres organisations agroforestières ou forestières pour accroître les bénéfices découlant des économies d'échelle. Dans ce cas, la situation se prêtera à une analyse plus fouillée.

Cependant, pour la situation A112 certains problèmes se posent dans le domaine de la commercialisation des produits agroforestiers ou forestiers malgré l'établissement de plantations; une organisation existe et des activités commerciales ont été entreprises. Dans ce cas il faudra identifier et évaluer les problèmes concernant la commercialisation (variation du pouvoir d'achat, concurrence, changements dans les habitudes, etc.); la transformation (manque de capacités de transformation, absence de savoir-faire technique, etc.); les ressources (inadaptation à la demande du marché, essences peu recherchées, etc.); l'organisation (incompatibilité avec des fonctions vitales telles que la récolte, le transport, l'entreposage, la transformation, le contrôle de la qualité, le paiement, la transparence des transactions, etc.); l'infrastructure (manque de routes, de réseaux de télécommunications, d'information, de ressources énergétiques, etc.); ou le contrôle du gouvernement (contrôle des prix, fixation des contingents, permis d'abattage, permis de transit, etc.). Les solutions adoptées devront s'harmoniser aux problèmes et à leur raison d'être. Certaines des propositions qui figurent au point B2 ci-après pourraient s'appliquer à une telle situation.

Si la commercialisation des produits agroforestiers ou forestiers n'a pas encore démarré malgré l'établissement des plantations et la présence d'une certaine forme d'organisation (par exemple, la situation A12), il conviendra de suivre les étapes mentionnés à la section 5.2.

Situation A2

Dans la situation A2 les agriculteurs ont planté les essences de leur choix mais il n'existe aucune forme d'organisation. Deux cas se présentent: les producteurs agroforestiers commercialisent déjà leurs produits (situation A21) ou ils n'ont pas encore entrepris d'activités commerciales (situation A22).

Dans la situation A21 on vérifiera si ces activités entreprises individuellement se sont soldées par un succès (situation A211) ou si elles se heurtent à des problèmes (A212).

Dans le premier cas on peut suivre les étapes proposées plus haut pour la situation A111, à savoir se limiter à surveiller les opérations, tirer parti de l'expérience et l'utiliser comme preuve d'un effort autonome d'agroforesterie ou de foresterie communautaire mené à bien. Il pourrait être également opportun d'établir des liens horizontaux avec d'autres organisations agroforestières et forestières pour réaliser davantage de gains grâce aux économies d'échelle. Si cette possibilité existe, on pourra pousser plus loin l'analyse de la situation.

Dans le deuxième cas (situation A212), on suivra les étapes recommandées plus haut pour la situation A112.

Là où les producteurs n'ont pas encore entrepris d'activités commerciales (situation A22), ils pourront commencer en suivant les étapes décrites à la section 5.2 ou celles proposées pour la situation B2.

Schéma 1

Situation B

La situation B équivaut à mettre en oeuvre une nouvelle activité agroforestière ou forestière. C'est la situation idéale pour un système de production axé sur le marché. On peut identifier, évaluer, planifier et mettre en oeuvre tous les éléments nécessaires. Le premier pas consiste à vérifier si l'activité agroforestière ou forestière a été formulée et approuvée (situation B1) ou non (situation B2).

Situation B1

Dans la situation B1, les opérations à réaliser comprennent: a) l'identification des agriculteurs chefs de file; b) les mesures à prendre concernant le matériel de plantation, l'appui à la plantation, la protection, la récolte, le contrôle de la qualité, le transport, l'entreposage, la commercialisation et la vente, la mise au point des infrastructures, les démarches juridiques, l'impact sur les politiques, la comptabilité, le recouvrement des redevances, les paiements et la répartition des bénéfices; c) l'enregistrement de l'organisation dans un cadre juridique donné; et d) la mise en oeuvre de l'activité.

Toutefois, avant cette dernière opération, il conviendra de vérifier si toutes les décisions concernant le démarrage de l'activité sont fondées sur des études de marché et de commercialisation conduites correctement, et si les recommandations proposées sont encore valables. Il est des cas où des activités ont été mises en oeuvre sans qu'une enquête appropriée ait été entreprise sur les débouchés possibles et les perspectives de marché. Si des problèmes se manifestent malgré le soin apporté au travail préparatoire, il faudra procéder à une réévaluation de l'activité et la modifier en suivant les étapes recommandées pour la situation B2.

Situation B2

Si l'activité n'a pas encore été formulée, la première étape à parcourir consiste à réaliser une étude de marché pour évaluer les besoins et les moyens de les satisfaire, et identifier les essences les plus prometteuses du point de vue commercial. Il conviendra également d'examiner les questions analysées à la section 5.2 et de prendre les mesures appropriées.

Dès que seront terminées les autres études servant à la formulation (par exemple, l'enquête sur la disponibilité et l'utilisation des terres et sur la main-d'oeuvre communautaire, y compris les questions touchant aux spécificités de chaque sexe) on vérifiera les possibilités financières de réaliser l'activité. Il faudra collecter l'information relative aux coûts et aux revenus, préparer un schéma suffisamment précis des capacités d'autofinancement, et évaluer les possibilités financières de mettre en oeuvre l'activité en question.

Si une essence désignée peut répondre dans le plus bref délai possible aux besoins a) commerciaux, b) fonciers, c) en main-d'oeuvre et d) financiers, l'étape suivante consistera à convaincre les agriculteurs les plus avancés et leurs chefs de l'avenir de l'agroforesterie. On organisera une série de rencontres avec des particuliers ou des groupes où seront présentées les données sur les possibilités commerciales, techniques et financières de réalisation afin de mettre au point un cadre juridique pour la production agroforestière et l'organisation commerciale. Certes, il faudra du temps, des efforts et de nombreuses réunions. Le mieux serait d'identifier un chef de file ayant les compétences, l'expérience et la disponibilité nécessaires. Un agroforestier de terrain pourrait fournir au chef de file identifié tout l'appui et les données requises.

Une fois l'organisation proposée, il sera plus facile de mettre en place ses divers éléments. L'étape la plus importante sera le choix de la structure, des fonctions et des opérations nécessaires pour répondre à tous les besoins d'appui à la plantation, à la protection, à la récolte, au transport, à la commercialisation, à la comptabilité et au paiement final (cf. encadrés intitulés "Mettre le rêve aux enchères" et "Principes de commercialisation collective"). Cependant on ne devra pas oublier que les modèles d'opération pourront et devront varier d'un pays à un autre, d'une région à une autre et, ce qui est plus important, d'une essence (ou produit) à une autre. Pour la même essence les utilisations finales auront un effet considérable sur ces modèles (voir encadré intitulé "Influence de l'utilisation finale sur certains aspects de la commercialisation"). C'est pourquoi toute suggestion touchant les accords structurels ne devrait avoir qu'une valeur indicative.

Mettre le rêve aux enchères

Vinayak Rao Patil, président de la Nasik District Eucalyptus Growers Cooperative Society (coopérative des cultivateurs d'eucalyptus), avait incité les agriculteurs membres de sa coopérative à planter des eucalyptus dans le but de mettre en place, un jour, une usine de pâte. Non seulement sa propre étude détaillée de trois ans sur la commercialisation de l'eucalyptus mais aussi l'évaluation des consultants engagés avaient confirmé la possibilité de réaliser son projet. Le marché de la pâte était prometteur, la rentabilité élevée, la technologie connue et accessible, les crédits pouvaient être obtenus et la matière première à transformer poussait dans les champs. Cependant, en 1988, le rêve d'une usine de pâte a dû être abandonné car l'emplacement choisi pour sa construction a été déclaré zone non industrielle pour des raisons écologiques. Il a fallu vendre les arbres sur pied appartenant aux membres mais personne n'avait d'expérience en matière de commercialisation de poteaux à grande échelle. Des solutions immédiates s'imposaient si on voulait maintenir les promesses faites aux membres.

Les agriculteurs ne connaissaient ni les techniques d'abattage des arbres ni celles de classement des poteaux et encore moins les prix à leur assigner. Une source fiable s'est avérée être Kalidasbhai Patel, un cultivateur d'eucalyptus expérimenté, qui exploitait tout seul ses arbres, négociait leur prix et vendait à son gré les poteaux à la pièce. Mais le président d'une coopérative ne pouvait adopter une telle solution; en effet, le produit provenait d'un grand nombre d'agriculteurs qui devaient donner leur accord à tout ce qui était entrepris. Il a donc choisi comme système de commercialisation la vente aux enchères et sollicité l'appui de forestiers experts a) pour apprendre leurs techniques; b) pour accroître la confiance des membres de la coopérative et des marchands de bois dans la vente aux enchères; et c) pour assurer aux soummissionnaires que les biens auraient été achetés sans problèmes.

Les décisions à prendre étaient les suivantes: a) où installer le marché; b) comment établir un calendrier de récolte; c) quelle procédure de vente aux enchères adopter; d) comment contacter et motiver un grand nombre de commerçants; et e) comment obtenir les différents permis. Le président de la coopérative a adopté des modalités et conditions établies par le département des forêts, mais les a modifiés pour attirer les soummissionnaires. Il s'attendait à ce qu'après la vente les commerçants paieraient et retireraient le matériel. A sa grande surprise, il a découvert que les normes accordaient aux commerçants un délai d'un mois ce qui s'est répercuté sur la disponibilité de l'emplacement du marché et le calendrier d'abattage. A la vente aux enchères, les prix variaient et il a été difficile de fixer un prix uniforme pour tous les membres de la coopérative. Patil a donc décidé de n'effectuer initialement qu'un paiement partiel et de verser par la suite le montant résiduel sur la base d'un prix moyen collectif établi après déduction des coûts. Il s'est également rendu compte que a) on ne pouvait mettre tous les lots aux enchères ce qui créait des problèmes de paiement; b) à cause de la taille des lots les petits utilisateurs ne pouvaient acheter le matériel; et c) les prix de compensation ne traduisaient ni les cours réels du marché ni le coût de la plantation. Enfin, les prix offerts aux enchères étaient beaucoup plus faibles que ceux de détail. II a donc renoncé à la méthode de l'enchère et décidé de mettre au point un mécanisme de commercialisation au détail où la taille des poteaux était normalisée et les prix fixés et diffusés aussi bien aux membres de sa coopérative qu'aux consommateurs. Il a ainsi mis en pratique certains des principes qui figurent dans l'encadré ci-après.

Source: P. M. Shingi et S P. Seetharaman de l'Indian Institute of Management, Ahmedabad

Principes de commercialisation collective: l'expérience de Nasik

La coopérative indienne de cultivateurs d'eucalyptus, Nasik Eucalyptus Growers Cooperative Society, a mis au point un système de commercialisation de l'eucalyptus. Les principes énoncés ci-dessous et qui ont déterminé son succès sont applicables, avec les modifications nécessaires, à d'autres produits agroforestiers.

Les membres
La participation des membres à la commercialisation collective est indispensable lorsque la production est décentralisée et la commercialisation centralisée. Pour l'obtenir quatre principes s'imposent:

1. Prix lié à la qualité
2. Paiement prompt et garanti
3. Système ouvert/transparent
4. Système des files d'attente

Le prix lié à la qualité a) permet une prise de conscience de la qualité, b) établit des normes d'évaluation du produit; c) oriente la production en fonction des besoins du marché. Un paiement prompt et garanti incite les membres à participer à la commercialisation collective. Un système ouvert et transparent détermine leur confiance dans l'organisation. Les files d'attente éliminent la discrimination et instaurent un sentiment d'égalité. Ces quatre principes appliqués simultanément favorisent la participation durable des membres à la commercialisation collective.

L'entreprise
Lorsque la propriété individuelle du produit est remplacée par la propriété collective, un conflit peut naître entre le membre (propriétaire du produit) et l'organisation (l'entreprise collective). Les principes suivants permettent d'éviter les conflits éventuels:

1. Prise en charge de l'exploitation par l'entreprise
2 Transport réalisé par cette dernière
3. Mise en commun du produit

La prise en charge de l'exploitation par l'entreprise a) favorise les membres en réduisant leurs coûts et leur travail, et b) profite à l'entreprise en accroissant son contrôle et sa capacité de répondre de manière efficace tant à ses propres besoins qu'à ceux de ta clientèle. La prise en charge collective du transport a) offre aux membres un prix de production uniforme, indépendamment de la distance, et b) permet à l'entreprise d'installer ses infrastructures en des endroits appropriés du point de vue commercial. La mise en commun a) consent aux membres de négocier collectivement sans tenir compte de la quantité et du délai de livraison du produit et b) offre plus de souplesse à l'entreprise qui peut commercialiser le produit à un prix et en un moment et un lieu appropriés, et le présenter dans la forme voulue. Les frais d'exploitation, de transport et de la mise en commun seront à partager entre les producteurs. Ces dépenses devront donc être constamment surveillées pour accroître le revenu des membres,

Questions d'éthique
Les questions d'éthique concernent trois acteurs importants, à savoir:

1. le gouvernement
2. le consommateur
3. les membres

Les directives imposent: 1) au gouvernement de ne pas violer les règlements; 2) au consommateur de fournir une évaluation correcte des produits; et 3) aux membres a) de ne pas spéculer sur les prix; b) de ne pas se livrer à des négociations individuelles pour la vente du produit, et c) de tenir une comptabilité méticuleuse Si elle applique ces directives, la coopérative peut gagner la confiance de tous ses clients.

Ces principes associés aux composantes "membres", "entreprise" et "considérations éthiques" sont intimement liés au facteur "commercialisation" et interactifs. Par exemple, a) une évolution rapide des besoins des consommateurs influencera les membres et l'entreprise, et b) les considérations éthiques établissent une contrainte sur la fixation des prix et la promotion.

Source: S.P. Seetharaman et P. M. Shingi de l'Indian Institute of Management, Ahmedabad.

Influence de l'utilisation finale sur certains aspects de la commercialisation

 

Secteur d'utilisation

Industrie de la pâte et du papier

Emballage/commerce

Construction/usage domestique

Essences agroforestières

Subabul, Casuarina, Eucalyptus

Casuarina, Eucalyptus

Eucalyptus

Région

Littoral de l'Andhra Pradesh

Sud du Gujarat

Maharashtra occidental

Unité d'achat

Tonne

Grumes

Pièce/poteau

Base de la fixation des prix

Quantité

Quantité et qualité

Qualité

Taux

A peu près fixes

Négociés

Suivant les normes de qualité

Type de plantation

Parcelles essentiellement

Parcelles/et ou démarcation

Parcelles essentiellement

Exploitation

Par les cultivateurs

Cultivateur ou commissionnaire

Commissionnaire seulement

Transport

Par les cultivateurs

Cultivateur ou commissionnaire

Commissionnaire seulement

Modèle de la demande

Constant

Saisonnier

Imprévisible

Nombre de commissionnaires

Limité

Considérable

Un

Modalités de paiement

Quelques jours

Quelques semaines

Quelques mois

Transformation au champ

Limité

Aucune

Considérable

Entreposage

Par l'utilisateur final

Par l'office du commissionnaire

Exploitation selon les besoins

Compensation

Commission et/ou marge bénéficiaire

Marge bénéficiaire

Commission

Source: Shingi P.M, Marketing and utilization of agroforestry products, présenté à l'atelier APAN "Agroforesterie: investissement, production et commercialisation" tenu à Dehradun, Inde, 17-26 septembre 1995.


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