Cependant, en remontant dans les temps préhistoriques, des reconstitutions Paléo-environnementales, montrent plusieurs périodes sèches. C’est dire que déjà en ces temps, nos ancêtres chasseurs-cueilleurs puis éleveurs et agriculteurs, connaissaient les difficultés liées aux fluctuations pluviométriques.
La carte des variations des isohyètes au Niger (normale 1951/1980 par rapport à celle de 1968/1993), O. Issa, 1996 montre les courbes dévolution des ishohyètes.
Les principaux faits marquant cette période sont entre autres :
Les précipitations étaient en normale suffisantes pour maintenir les activités de chasse, de cueillette, de pêche, d’élevage et d’agriculture ;
La pression démographique sur les ressources naturelles était moindre ;
Les stratégies de gestion des ressources par la nominalisation ;
La sélection de la végétation par le feu, le bétail et les cultures. Mais déjà à ce stade, une tendance progressive à l’aridification commençait à se dessiner. Cette évolution climatique fluctuante à tendance sèche ajoutée à d’autres facteurs a déclenché la migration des populations autochtones vers des positions méridionales plus clémentes.
Aussi, la saharisation du Nord a induit la sahélisation du Sud et l’évolution des environnements et celle des sociétés s’est réalisée grâce à des interactions de plus en plus fortes qui ont abouti à une décapitalisation progressive en ressources naturelles renouvelables accessibles avec les technologies des systèmes de production en place.
Au fil des ans cependant, les effets conjugués de cette aridification se sont accentués et se sont répercutés sur toutes les ressources naturelles renouvelables.
Ainsi, le couvert végétal s’est éclairci par mortalité naturelle. Les cas des gommerais à Acacia du Sénégal des parcours de Koutus, réseau très important de la traite de la gomme arabique jusqu’aux années 60, aujourd’hui disparu ; le Tadress, région typique entre Adrar et Ighazer avec sa brousse arbustive à Commifora africana n’est plus qu’une mosaïque d’étendues caillouteuses et de dunes en remobilisation, les fourrés riches en essences des nombreux petits oueds du Liptako ne sont plus que des glacis dénudés ;les nombreux parcs à karité (Vitelleria paradoxa), à baobab (Adansonia digitata) ; à néré (Parkia africana)…autrefois luxuriants, et aujourd’hui en raréfaction, sont à citer.
Les sols dénudés et exposés aux vents et aux ruissellements sont sujets à des formes diverses de dégradation-érosion mécanique-salinisation dans le bas-fond, encroûtements pelliculaires sur les glacis, baisse du potentiel biologique et de la fertilité naturelle des sols (O. Issa, 1996).
Parallèlement la population du Niger est passée de moins de 2 millions d’habitants en 1950 à plus de 10millions d’habitants en l’an 2000 ; celle-ci atteindra 20 millions à l’horizon 2020.
Les superficies cultivées sont passées de 1,8 millions d’hectares en 1960 à plus de 4 millions en 1995 avec un taux d’accroissement moyen de plus de 3% par an. La durée de la jachère est passée de 7 ans à moins de 3 ans dans le même temps. Aujourd’hui, elle a tendance à disparaître.
Face à cette dégradation accélérée par les facteurs indiqués plus haut, l’administration coloniale avait pris un certain nombre de mesures afin d’atténuer le phénomène de désertification. Ainsi, elle éduquait la population par la contrainte et les sanctions pour le respect des lois et règlements. Les feux de brousse précoces étaient autorisés et réglementés dans le temps et l’espace. Toutes les autres formes de feux de brousse, causant des dégâts à la faune et à la flore étaient interdits. De même, les forêts classées, les réserves de faune, les parcs nationaux étaient protégés et respectés. Les couloirs de passage, les terrains de parcours, les terres salées, les bois de village étaient respectés par les usagers. Les autorités coutumières traditionnelles exerçaient leurs fonctions éducatives et/ou répressives.
Mais avec la naissance de partis politiques en 1945 les pouvoirs de l’administration africanisée et des autorités coutumières faiblirent ; parallèlement, les progrès de la médecine humaine et vétérinaire, en éradiquant les grandes maladies tropicales, favorisèrent l’accroissement de la population et du cheptel. La pression démographique de plus en plus forte poussa les ruraux à supprimer les jachères et à mettre en culture des terres marginales. L’éradication des épozoties, le développement d’un vaste programme d’hydraulique pastorale, permirent l’accroissement du cheptel pléthorique dont la multiplication et la présence permanente autour des stations de pompage, des points d’eau de surface et des puits furent le point de départ de la désertification par surpâturage, surpiétinement, élagages abusifs, abattages d’arbres en forêts et hors forêts.
Le code forestier imposé à l’époque n’avait pas pris en compte les besoins des populations ni dans sa philosophie ni dans son principe, ni dans son concept. Au contraire, il avait nié le droit légitime des populations à vivre, à jouir des fruits de leur terroir et à perpétuer le culte de leurs ancêtres. Plus tard le décret du 4 juillet 1935 relatif au régime forestier, créa le domaine forestier.
En résumé, l’évolution de la politique forestière au Niger a connu quatre grandes étapes :
L’étape pré-coloniale caractérisée par une organisation des groupes familiaux et villageois très structurés, hiérarchisés et contraignants qui tout en tirant profit de leur ressources naturelles, ils les maintenaient relativement en équilibre. Les hommes n’étaient pas nombreux et les ressources étaient inépuisables ;
L’étape coloniale caractérisée par les classements et la protection intégrale des massifs forestiers ; la croissance démographique de plus en plus forte, l’émergence d’une société marquée par l’école coloniale qui donnera naissance à une nouvelle classe politique ; l’ouverture de l’économie sur les marchés mondiaux ; la déstructuration de la société traditionnelle et la persistance des systèmes de production qui, conjugués à la croissance démographique engendrèrent des ruptures d’équilibres écologiques ;
L’étape des grands projets de reboisement qui ont montré très tôt leurs limites parce que conçus et exécutés par les structures étatiques qui n’impliquaient les populations que sous forme de main d’œuvre temporaire. En outre, les plantations supposées résoudre le problème de bois de feu n’ont pas eu de succès à cause du coût prohibitif de l’opération ;
L’étape du développement de la foresterie villageoise qui visait une meilleure implication des populations dans les actions de protection et de gestion des ressources forestières à travers : l’augmentation de la production par le reboisement ;la réduction de la consommation de bois (foyers améliorés) ; la protection de ressources forestières à travers des actions d’aménagement et de mise en défens.
Les causes écologiques et anthropogenèses de la situation actuelle de l’environnement ne peuvent de façon claire être expliquées car elles sont le résultat de l’interaction de plusieurs facteurs parmi lesquels, les sécheresses de 1953-1954 ;1967-1968 et 1972-1973 tiennent une place prépondérante. Les spécialistes de l’archéologie, du climat et de la paléontologie font remonter le début de la désertification à 7 000 ans au moins avant Jésus Christ.
Avec ses 1 267 000 km2, le Niger d’aujourd’hui est caractérisé par un climat de type sahélien avec une longue saison sèche de huit à dix mois et une courte saison de pluies qui dure trois à quatre mois avec une importante variation du nombre de jours de pluie du Nord au Sud. Le caractère aléatoire des pluies dont l’agriculture nigérienne demeure largement tributaire, la persistance de la sécheresse et la pauvreté des sols sont autant de facteurs limitants de la productivité agricole. On distingue quatre zones climatiques :
La zone saharienne (65% du territoire national) avec des précipitations inférieures à 100 mm par an. La température avoisine en moyenne les 35°C et le climat est désertique. La zone sahélo-saharienne (12,2% du territoire national) avec des précipitations comprises entre 100 et 300 mm. Le climat est subdésertique. La zone sahélo-soudanienne (12,9% du territoire national) avec un domaine sahélien au Nord avec des précipitations variant de 300 et 600 mm et un domaine soudanien au Sud. La zone soudanienne (0,9% du territoire national) qui reçoit plus de 600 mm par an.
Le domaine sahélien est caractérisé par une végétation passant par des formations contractées ou arbustives claires au Nord, à des formations plus diffuses et arborées au Sud. Il s’agit surtout d’une steppe à Acacia raddiana et Aristida mutabiles sur les substrats sableux ; à Acacia sénégal sur sol sablo-argileux et Acacia nilotica sur les berges des mares. Sur les cuirasse latéritiques on rencontre des fourrés à Combretacées, Tiliacées, Mimosées, constituant les brousses, dites « tigrées » ou tachetées ». Dans les vallées fossiles et les grands koris, se développent des formations à Acacia albida et Hyphaene thébaica.
Le domaine soudanien comprend une végétation de savane caractérisée par une strate herbacée continue où dominent les graminées vivaces et une strate ligneuse renfermant des arbustes et des arbres. On y rencontre les forêts claires à Anogeissus leiocarpus ou les forêts galeries à Mitragyna inermis. On y rencontre également de grandes espèces telles que le karité, le baobab, le néré, le prosopis africana etc.
Quant aux sols, on y distingue six grands groupes :
Sols minéraux bruts occupant plus de la moitié du pays ;
Sols peu évolués pauvres en matières organiques ;
Sols sub-arides, sols isohumiques caractérisés par l’accumulation de matières organiques très évolués ;
Sols ferrugineux tropicaux, les plus évolués et localisés dans la partie méridionale la plus arrosée du pays ;
Sols hydromorphes marqués par un excès d’eau dans le profil ;
Veritsols constitués d’argile gonflante.
2.3.1 Les ressources forestières naturelles nationales
A ce jour, le Niger ne dispose d’aucun inventaire forestier exhaustif de l’ensemble des formations forestières. Plusieurs estimations ont cependant été faites. Parmi elles, on peut retenir celles :
du club du Sahel en 1981 :16 096 400 ha
de la FAO, 1990 :10,5 millions d’ha
de Catinot, 1991 :13 millions d’ha
de M. Hamadou et S. Gambo,1999 : 5 741 914 ha.
Selon une étude récente sur les défrichements (1997), de 1958à 1997 la perte de la superficie de forêts a été de l’ordre de 40 à 50% au profit essentiellement de l’agriculture, des besoins énergétiques et du développement urbain. Les forêts classées ont été fortement dégradées et plus de 50% d’entre elles ont perdu une grande partie de leur potentiel végétal.
Volume sur pied des formations forestières naturelles
Les différentes méthodes d’inventaires utilisées dans l’évaluation des ressources forestières (Algria, 1958) projet utilisation des sols et des forêts (PUSF, 1982-1999 , projet Énergie II, 1992 ; I. Aboubacar, 1995), ont estimé le volume de bois sur pied à 5,22 stères par ha. Ce volume correspond à 1,45 m3/ha.
Changement de superficie et de volume des formations forestières naturelles au cours du temps
Plusieurs études ont cherché à quantifier les pertes annuelles en superficies forestières. Les projections faites à partir des besoins en terres cultivables d’un habitant du milieu rural, ont permis une bonne appréciation de la dynamique du couvert forestier en fonction de l’évolution démographique de la population. Selon R. Catinot, 1986, le besoin en terres agricoles nouvelles est de 0,625 ha/an par habitant rural. Avec ces données, les pertes en superficie forestière ont varié de 100 000 ha à 170 000 ha en 1998. Selon un document de la direction de l’Environnement (Bilan des reboisements au Niger 1984-1996), les changements en superficie s’élevaient à environ 200 000 ha en perte chaque année. Une étude de la FAO, 1990 sur l’Environnement et devenir du Niger, a situé les pertes annuelles entre 70 000 et 80 000 ha. Le projet Aménagement des forêts naturelles (PAFN, 1996) a quant à lui, estimé que 100 000 ha sont soustraits annuellement à l’espace forestier sous l’effet combiné des facteurs climatiques, des coupes incontrôlées et de l’expansion des cultures.
Cependant, une étude plus récente de la FAO, 1999, a estimé que la part du défrichement agricole s’élèverait à 190 400 ha chaque année. Celle des variations climatiques et des sécheresses est estimée à 145 780 ha/an.
L’analyse du tableau relatif à l’évolution de la superficie des formations forestières montre que le taux de régression est plus de 60 % en 25 ans ; ce qui correspond à un taux de régression de 2,4% par an.
2.3.2 Les ressources forestières plantées
Le reboisement constitue la plus importante action menée pendant et après les sécheresses des années 70 pour réhabiliter et améliorer l’environnement. En effet, les premiers projets forestiers ont surtout privilégié le développement des bois de village, les ceintures vertes, l’enrichissement des terres de cultures et les plantations de protection.
Ainsi, le rythme annuel de reboisement a été estimé à 5 000 ha par an et l’accroissement en volume de bois à 5 000 m3/an.
Globalement ; la situation actuelle du secteur forestier au Niger se caractérise par :
Une surexploitation des formations forestières pour la satisfaction des besoins énergétiques et alimentaires d’une population à croissance démographique rapide (3,3%).
Un faible pouvoir de régénération des peuplements naturels.
Une faible connaissance des ressources forestières notamment sur le plan phyto-génétique
Une accentuation des phénomènes de désertisation et de désertification
Une perte de la diversité biologique
Une faiblesse des opérations de reboisement
Une faible implication des populations dans la gestion des formations forestières
Une faible valorisation économique des produits et sous produits de la forêt
Une inefficacité de la politique énergétique de substitution au bois énergie
Une faiblesse dans les investissements du secteur
Une persistance de la sécheresse
Une faible productivité des peuplements naturels
Une persistance des systèmes traditionnels de productions agro-sylvo-pastorales
Une inefficacité des politiques et stratégies nationales en matière de foresterie.
Le stade de dégradation actuel de l’environnement est lié de façon fonctionnelle et exclusive à la durée et à l’intensité historiquement exceptionnelle des déficits pluviométriques qui ont amené une population à croissance démographique accélérée à chercher à satisfaire ses besoins fondamentaux par une surexploitation des massifs forestiers naturels existants. Aussi, la réponse qu’implique logiquement la dégradation de l’environnement (pollution galopante, destruction accélérée des massifs forestiers, désertification, désertisation, entraînant une détérioration parfois irréversible du potentiel agro-sylvo-pastoral) apparaît comme un défi d’envergure nationale.
Etat des forêts naturelles :
Surface sous forêt et autres terres boisées : 10 442 000 ha
Couvert forestier : 2 562 000 ha
Autres terres boisées : 7 880 000 ha
Superficie de forêt par habitant : 0,36 ha
Volume sur pied : 36 millions m3
Superficie des formations naturelles (1994) : 5 741 917 ha
Superficie des forêts classées et gommeraies : 781 457,2 ha
Productivité des formations forestières naturelles : 0,5 stères/ha /an (R. Catinot 1986).
Pertes annuelles en superficie forestière : 200 000 ha
Superficie de forêt sous aménagement : 642 915 ha
Production en bois énergie en 2 000 : 988 254 tonnes
Besoins en bois énergie en 2 000 :
Populations urbaines : 578 010 tonnes
Populations rurales : 2 312 041 tonnes
Total : 2 890 051 tonnes
Consommation de bois en milieu urbain : 0,6 kg/pers/jour
Consommation de bois en milieu rural : 0,8 kg/pers/jour