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FACTEURS CONTRIBUANT A UNE FAIBLE MISE EN ŒUVRE DU PFN

Domaines d’échec et principales raisons

 La mise en œuvre du programme forestier n'a pas connu que des succès. Ceux-ci sont dans une large mesure de moindre importance par rapport aux difficultés et blocages rencontrés. Il y a eu une réelle volonté politique de l'Etat à dérouler les orientations retenues pour le secteur , mais celle-ci s'est davantage limitée à l'élaboration de plans et d'outils sans que des cadres propices d’exécution ne soient mis en place. C'est cela qui a rendu vains tous les efforts déployés. S'y ajoute la situation de la sécheresse restée presque permanente dans nos pays. En  effet, l'état ne disposait pas de ressources propres, confronté qu'il était, à l'ajustement structurel à partir des années 80.

   Plusieurs dimensions et facteurs peuvent être considérés comme sources d'échec à la mise en œuvre du Programme forestier. Parmi ceux -ci, il y aurait :

Les objectifs fixés à moyen terme qui étaient trop ambitieux : Pour la période 1985-1999, les prévisions (PDDF) de plantations étaient de 761.000 ha alors que sur la même période les moyens mis en place ont permis de réaliser tout au plus 250.000 ha, soit 33% des prévisions.

L'approche régie qui devrait constituer le principal moyen d'intervention du PDDF a été progressivement délaissée au profit d'une approche participative qui n'avait pas été assez mûrie. C'est pourquoi, les milliers d'hectares de productions (plantations et aménagements) de bois d'œuvre prévus dans ce cadre n'ont jamais pu se réaliser.

 Le modèle conçu comme tel pour l’exécution d'activités prioritaires du PFN(communément appelé "PROJET") dépendant d'importants financements extérieurs n'a pas donné les résultats escomptés. Ces projets d'une durée de vie limitée qui font naître beaucoup d'espoirs à leur démarrage, engendrent de véritables problèmes institutionnels au niveau du secteur forestier. Généralement, il n'existe pas de passerelles d’intégration établies entre ces projets et le secteur forestier traditionnel et ils manquent de mécanismes de pérennisation.

Comme il a été décrit dans les chapitres précédents, le programme forestier a eu des effets négligeables sur la conservation et la protection. L'incapacité des gouvernants à maîtriser la demande des ménages en énergie ligneuse d'une part et à proposer des sources d'énergie alternatives appropriées au contexte local caractérisé par la pauvreté et une démographie croissante a annihilé toute perspective de développement du secteur forestier.

Une vision trop sectorielle des plans et politiques agricoles (NPA) caractérisée par la réduction des subventions octroyées aux paysans et du rôle des organismes publics d'encadrement répondant à un besoin d'ajustement interne a certainement permis d'augmenter les superficies agricoles aux dépens des formations forestières qui sont décimées par milliers d'hectares.

Le financement du secteur forestier : le financement des programmes ou plans d'action du secteur forestier a été pour l'essentiel, du ressort de l'aide extérieure. Dans la phase d'exécution du PDDF, ce financement était massif, régulier et l'engouement des bailleurs était très fort. Par contre, pour la mise en œuvre du PAFS, on assiste à une tendance persistante à la baisse dans le processus de financement malgré la Ratification d'une Convention des Nations-Unies sur la Lutte contre la Désertification en 1994, l'adoption d'un Plan National de Lutte contre la Désertification (1998) et l'élaboration d'un Plan National d'Action pour l'Environnement (1997). Plusieurs hypothèses peuvent être avancées quand au retrait progressif des partenaires:

-  Premièrement, soutenir que les financements étaient suffisants, mais détournés de leurs objectifs initiaux au profit d’autres secteurs ;

- Deuxièmement, les financements étaient suffisants, mais utilisés dans des programmes  mal élaborés : (études pédologiques insuffisantes, environ socio économique mal connu etc.) ;

 -Et enfin, les besoins en financements extérieurs pour renverser les fortes tendances à une catastrophe écologique sont jugés trop importants etc..

 

Les groupes de pressions :

A-Les marabouts : Ce sont de très grands exploitants agricoles utilisant généralement une main-d'œuvre bénévole. Ils ont beaucoup contribué à la dégradation des terres et déclassement des forêts classées notamment dans le bassin arachidier. A travers leur influence sur le pouvoir politique, ces derniers ont pu arracher des déclassements de forêts ou accéder à des zones protégées malgré les positions souvent très opposées des éleveurs des zones environnantes.

L'exploitation répétée de ces terres généralement sans mesures particulières de protection ou de régénération des sols conduisent à leur dégradation rapide et quasi irréversible.

Le Sénégal a connu en 1992 une étape historique de sa politique forestière en autorisant le déclassement de 45.000 ha dans la réserve sylvo- pastorale de Mbégué. Cette générosité de l’Etat a créé un véritable tollé au niveau des bailleurs de fonds qui investissaient dans le secteur forestier depuis plus d'une décennie.

Le spectacle est le même en Casamance où les forêts de la Haute Casamance subissent le même sort avec la complicité de 'talibés"[1] qui usent de l'influence de leur marabout pour bénéficier des terres dites neuves.

Dans une certaine mesure et s'ils étaient suffisamment informés, ces marabouts auraient pu jouer des rôles importants dans la politique forestière nationale, étant donné leur grande influence sur les talibés constitués de la grande majorité des sénégalais. Cette solution pourrait leur faire perdre la facilité déconcertante avec laquelle ils font décimer des milliers d'ha de forêts qu'ils considèrent très sincèrement comme étant des réserves de terres agricoles. 

B- Les collectivités locales : Les pouvoirs des collectivités locales ont été renforcés en matière de gestion forestière. Ainsi, elles détiennent comme dit plus haut les responsabilités de l'affectation et de la désaffectation des terres. Elles jouent depuis lors un rôle actif dans l'occupation irrégulière des terres qu'elles affectent abusivement car allant jusqu'à délivrer abusivement des documents d'affectation des parties forêts et réserves à de nouveaux demandeurs. Ce phénomène se trouve aujourd'hui amplifié par une autre pratique qui trouve sa source dans une très mauvaise compréhension des textes qui leur confèrent de nouvelles responsabilités. En effet, la compréhension que certaines collectivités locales en ont est tout à fait biaiser du moment que la responsabilité de gestion revient selon compréhension à la délivrance de permis de coupe en lieu et place du service des eaux et forêts. Les types de conflits engendrés par ces pratiques sont de plusieurs ordres à travers le territoire national. Le rôle important qui est dévolu aux collectivités dans le cadre des compétences (dont la gestion des ressources naturelles) qui leur sont transférées requiert une vision beaucoup plus large du secteur forestier ; ce qui facilitera leur implication pleine et entière en optimisant les décisions à prendre ; ce qui permet de jouer favorablement à la réduction du nombre des conflits générés par l'utilisation des ressources forestières et à leur dénouement.

Engagements du Gouvernement pour la mise en œuvre du programme forestier

 Au cours des années 80 le gouvernement du Sénégal a consenti de réels efforts en matière d'engagements dans le secteur forestier. Dans le domaine des politiques économiques, le secteur a été considéré comme une priorité transcrite à travers les Plans Nationaux d'Orientation pour le Développement économique et Social(PODES). L’intégration du PDDF le confirme. Au plan institutionnel, la réorganisation ou la création de services et structures de haut niveau  pour mieux coordonner les interventions en matière de foresterie témoignent d'une volonté réelle. D'autres types d'actions déjà décrites participent de ces engagements ; ce sont les adoptions de plans et programmes, la ratification de Conventions au plan international etc. mais cette volonté n'a pas été suffisamment soutenue par la disponibilité des ressources nécessaires à son expression concrète.

Le secteur forestier comme nous l'avons déjà mentionné est caractérisé par la modicité des ressources qui en sont tirées. Bien que générant un chiffre d'affaires global de près de 25 milliards par an, seule une partie insignifiante de l'ordre de un milliard (taxes et redevances) revient à l’état et au secteur forestier. Ce qui rend le secteur fortement dépendant d'autres sources de financement de l'économie nationale comme le secteur secondaire qui n'est pas non plus suffisamment pourvu pour constituer un apport consistant au développement du secteur forestier.

De ce point de vue, l'engagement du gouvernement bien que réel est resté tributaire de moyens et ressources à mobiliser.

Les sources de financement extérieur s'imposent comme seules perspectives qui permettent d'opérationnaliser les engagements politiques et stratégiques pris par le gouvernement.

Or les pouvoirs publics nationaux n'ont vraiment pas de maîtrise et d'emprise sur les sources et décisions de financement extérieur; tant du point de vue des montants octroyés que des échéances et des domaines d'intervention stratégiques ciblés par leurs partenaires potentiels.



[1] Talibés : les disciples  des marabouts

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