1. La population du monde s'urbanise à un rythme accéléré. On prévoit que d'ici l'an 2000 plus de 50% des habitants de la planète vivront dans des villes. Dans les régions développées, l'élément urbain prédomine déjà mais, à l'heure actuelle, c'est dans les pays en développement que les sociétés rurales se transforment rapidement en sociétés urbaines. Entre 1990 et 1995, le taux moyen de croissance des populations urbaines des pays en développement est estimé à 4,2 % par an contre 0,8 % dans les pays développés. L'Amérique latine joue le rôle de chef de file en matière d'urbanisation, près des trois quarts de sa population vivant dans des villes en 1990; en Asie et en Afrique, cette proportion est plus proche du tiers. Des problèmes écologiques d'une énorme portée se manifestent de manière croissante dans de nombreuses zones urbaines des pays moins avancés, suscitant une inquiétude généralisée quant à la durabilité de leur développement. Les arbres urbains apportent de nombreux avantages aux conditions de vie des villes du tiers monde et de leurs alentours et pourraient en apporter encore davantage. Le présent document passe en revue les informations existantes à cet égard. (1.1 ; 2.1).
2. La foresterie urbaine est définie comme l'approche planifiée, intégrée et systématique de l'aménagement des arbres en milieu urbain et péri-urbain, réalisée de manière à ce qu'ils contribuent au bien-être physiologique, sociologique et économique de la société urbaine. La foresterie urbaine revêt de multiples aspects: elle concerne les terres boisées, les groupes d'arbres et les arbres isolés dans des lieux à densité démographique élevée, une grande variété d'habitats (rues, parcs, coins délaissés, etc.) et une gamme étendue d'avantages et de problèmes. (1.2).
3. L'introduction réussie des arbres dans le tissu social et matériel des villes exige que la foresterie soit intégrée à l'urbanisme. Cette forme de planification intégrée est encore très récente dans de nombreux pays en développement et on n'en connaît que de rares exemples dans les agglomérations urbaines du tiers monde. (1.2; 7.1; 7.2).
4. Une grande partie des textes existant sur la foresterie urbaine porte sur les arbres plutôt que sur les populations qui pourraient en bénéficier. On manque notamment d'informations publiées sur les rapports entre les citadins du tiers monde (en particulier les pauvres) et les forêts et les arbres urbains; on ignore s'ils perçoivent ou non la valeur et l'utilité des arbres et s'ils désirent les utiliser; et on sait bien peu sur la manière dont les arbres urbains influencent leur santé et leur bien-être. (1.1; 5.2).
5. Les villes du tiers monde se caractérisent par différentes zones où l'étendue actuelle et le développement potentiel de la foresterie urbaine sont sujets à des variations. On peut décrire ces zones sous l'angle de la biogéographie, du régime de propriété, ou simplement de leur localisation dans l'espace. C'est un fait que dans de nombreuses zones urbaines l'espace destiné à la plantation d'arbres est très limité; ce qu'il faudrait c'est maximiser l'utilisation de l'espace disponible ou pouvant être rendu tel. (3.1; 3.2; 3.3).
6. Les arbres cultivés dans les zones urbaines du tiers monde peuvent fournir une grande variété d'avantages aussi bien écologiques que matériels. Ces derniers comprennent le bois de feu, les aliments, le fourrage, le bois de construction et les poteaux; les épices, les fibres, les médicaments et d'autres produits autres que le bois. Ces produits peuvent satisfaire des besoins de subsistance ou servir à créer un revenu. (4.1).
7. Les avantages écologiques à tirer des arbres urbains dans les pays en développement comprennent la valorisation du paysage, les loisirs, l'éducation et le bien-être général; un habitat pour la faune sauvage; des modifications climatiques; l'atténuation de la pollution atmosphérique et acoustique; le contrôle de l'érosion; la protection des bassins versants et, partant, l'approvisionnement en eau des villes, et l'utilisation rentable ou l'élimination sans danger des déchets urbains. (4.2).
8. Dans un environnement urbain les arbres posent également un certain nombre de problèmes potentiels. Mis à part le coût souvent élevé de leur installation et de leur entretien, ils peuvent représenter un danger pour la sécurité publique (soit directement, soit indirectement), provoquer des dégâts structurels aux bâtiments et à d'autres infrastructures, et parfois réduire l'apport d'énergie solaire aux générateurs utilisant cette forme d'énergie. Les arbres urbains sont aussi l'objet d'actes de vandalisme et un lieu propice à l'accumulation des déchets. (4.3).
9. Dans la mesure du possible, il faudrait adopter une approche participative des futures initiatives de foresterie urbaine dans les pays en développement. Théoriquement, les habitants des villes devraient pouvoir, s'ils le veulent, participer aux prises de décisions qui vont du choix des essences, à leur plantation et entretien, et (le cas échéant) à la récolte des produits forestiers. La manière d'organiser cette participation dépendra de la situation locale, encore qu'on connaisse bien les difficultés que rencontre sa mise en pratique. Il faudra tenir dûment compte des besoins des pauvres des villes, des aspects touchant les spécificités de chaque sexe, des questions culturelles et religieuses, et des connaissances et compétences locales. (5.1; 5.2; 5.3; 5.4; 5.5).
10. On devra étudier avec soin avant la plantation la gamme des avantages et problèmes liés à l'établissement d'arbres en zone urbaine. Le choix des essences/provenances/cultivars devrait traduire les fonctions qu'ils auront à accomplir et les priorités de ceux qui seront influencés par leur présence, le lieu choisi pour leur éstablissement et les besoins de leur gestion future. Bien trop souvent, la sélection des arbres semble être déterminée par le maigre matériel de reproduction existant. C'est là, en partie, la raison de la faible diversité observée dans le choix de maints arbres d'agrément établis dans les villes des pays en développement (un phénomène que l'on rencontre aussi dans une certaine mesure dans les pays développés). (6.1).
11. Les arbres urbains nécessitent un entretien régulier et minutieux si l'on veut éviter les problèmes (voir 8 ci-dessus). Les pratiques arboricoles applicables aussi bien dans les pays en développement que dans les pays développés comprennent la préparation correcte du site, la plantation, l'entretien et les soins (y compris les tailles). Il est essentiel d'assurer l'élimination prompte et efficace des déchets végétaux. (6.2).
12. La bonne gestion des forêts urbaines comporte une connaissance du nombre d'arbres présents dans la zone urbaine, la composition, l'âge et l'état du peuplement. A ce jour, ces informations sont loin d'être disponibles; rares sont les villes de pays en développement où des inventaires d'arbres urbains ont été conduits. (6.3).
13. On sait bien peu quant à la manière dont sont assignées les responsabilités de la plantation et de l'entretien des arbres urbains dans les villes et pays du tiers monde. On pourrait identifier un certain nombre d'acteurs clés qui vont des citadins individuels et des groupes locaux aux hommes politiques, aux services gouvernementaux, aux autorités municipales, aux grandes organisations de donateurs, aux ONG, aux sociétés et aux institutions universitaires(7.1; 7.2).
14. Pour assurer la gestion efficace, planifiée et systématique des arbres urbains, il est indispensable d'exercer un certain contrôle juridique. Sa portée et, ce qui est plus important, son application, varient considérablement dans le tiers monde. (7.3).
15. La présente étude met en évidence un certain nombre de problèmes clés que devront affronter les spécialistes de la foresterie urbaine dans les pays en développement. Certes, il faudra mieux documenter les expériences, collecter et synthétiser les informations disponibles et mener des études visant à approfondir les principaux problèmes. Les domaines qui appellent une recherche ultérieure sont les suivants: approches et méthodologies pour l'élaboration de programmes de foresterie urbaine; importance relative des fonctions écologique et de production de cette dernière; niveau de la participation locale aux initiatives de foresterie urbaine et moyens de l'encourager; renforcement de la base des connaissances techniques; et établissement d'un cadre institutionnel susceptible d'appuyer ce type de foresterie. L'amélioration de la base des connaissances et la planification et la réalisation de programmes de foresterie urbaine dépendront forcément d'un effort concerté entre différents acteurs dans les villes et les pays en développement. Cet effort peut être appuyé par des institutions de développement qui ont un rôle à jouer dans la génération et la diffusion des informations, la constitution des réseaux, le renforcement des capacités institutionnelles au niveau de la planification et de la réalisation des initiatives de foresterie urbaine, et la fourniture de l'assistance technique et financière nécessaires aux programmes connexes. (8.0).