Comme indiqué précédemment, la mise en place d'arbres dans un milieu urbain exige une réflexion attentive et une planification préalable. Le processus nécessite en outre d'une gamme étendue de compétences en matière de gestion qui vont du traitement arboricole approprié d'arbres individuels à la gestion performante de l'ensemble du couvert arboré d'une ville donnée.
Alors que dans un environnement urbain certaines essences se sont régénérées naturellement et ont pu pousser librement, dans la majorité des cas elles sont plantées. Il faudra tenir compte d'un ensemble de facteurs au moment du choix des essences, des provenances, et même des cultivars. Ci-dessous figurent certaines des considérations interconnectées parmi les plus importantes qui devraient, théoriquement, influencer la prise de décision.
Et à partir de ces considérations,
Dans la plupart des cas la décision comporte l'établissement de nombreux arbres, et il faudra tenir compte de la complémentarité potentielle de différents espèces/provenances ou cultivars.
Dans quel but? Les objectifs de la plantation
La section quatre a examiné maints avantages potentiels que les arbres peuvent offrir à l'environnement urbain. L'arboriculture peut en assurer simultanément un grand nombre, en particulier si l'on choisit une combinaison d'essences appropriée, mais il faudra planifier avec soin. Une bonne planification repose avant tout sur la combinaison efficace de différentes essences.
Un exemple de certains des attributs à considérer lorsqu'on choisit des essences pour différents objectifs figure à l'encadré 6.1. La liste est loin d'être complète mais fournit une indication des différentes questions à prendre en compte ou à approfondir.
Encadré 6.1. | Plantations d'arbres à objectifs multiples: caractéristiques principales à considérer |
objectif | Attributs clés |
ornement | • Fleurs: taille, couleur, période de floraison • fruits: peuvent être attractifs mais salissent en tombant ou en pourrissant • feuillage: forme, changement de couleur, caractéristiques saisonnières • Ecorce: structure, couleur • hauteur • taille et forme de la couronne • intérêt culturel • taux de croissance |
ombre | • taille, structure et forme de la couronne • a feuillage persistant ou décidu |
habitat de la faune sauvage | • fruits comestibles pour les oiseaux et les animaux • taille de la couronne (comme abri) • associations particulières entre les insectes/oiseaux/animaux et les arbres |
réduction du bruit | • taille, structure et forme de la couronne • hauteur |
réduction de la pollution atmosphérique | • voir section 4.2 |
production de fruits | • préférence du consommateur pour l'espèce ou le cultivar (production familiale/commerciale) • valeur nutritive • temps qui s'écoule entre l'établissement et la production • caractéristiques saisonnières de la production (pour les citadins pauvres, aliments pendant les périodes de pénurie?) |
fourrage | • préférence locale pour certaines espèces - dictée probablement par les caractéristiques saisonnières (le fourrage de saison sèche est normalement recherché)-, appétibilité et valeur perçue du fourrage |
bois de feu | • essences préférées par les consommateurs locaux • brindilles, chute des feuilles (comme combustible à ramasser) |
bois de construction | • essences préférées par les consommateurs • production envisagée (poteaux ou rondins) • taux de croissance |
A qui revient la décision: les divers points de vue
Suivant les personnes, les points de vue concernant le choix des essences à planter diffèreront. Il est donc indispensable de connaître l'identité de ceux qui prennent cette décision, en particulier s'ils se distinguent des utilisateurs finals. Un facteur déterminant est, naturellement, la propriété de la terre sur laquelle l'arbre est planté, élément qui assume une importance spéciale dans les pays en développement. Dans les pays développés, et notamment ces dernières années, on observe une interaction croissante entre les spécialistes de la foresterie urbaine (non seulement les forestiers mais aussi les architectes paysagistes, les urbanistes, etc.) et les citadins. Ainsi, que la plantation ait lieu sur des terres publiques ou privées, il est souhaitable que les personnes intéressées puissent se consulter sur le choix des essences. Il est reconnu qu'une telle approche fait partie intégrante du concept de foresterie urbaine (Johnston, 1992).
Dans les pays en développement, malgré la multiplication des initiatives forestières communautaires et sociales, les décisions concernant le choix des essences (ainsi que d'autres aspects de la foresterie urbaine) tendent à être prises isolément. Ainsi, il n'est guère probable qu'une personne qui plante un arbre sur un terrain privé consulte un spécialiste. De même, les résidents locaux sont rarement appelés à décider du type d'essence à planter sur un terrain public. Dans la plupart des cas, la décision est prise par l'organisme, quel qu'il soit, responsable de la plantation, et on fait rarement appel aux autres experts. Pourtant, d'importantes divergences d'opinion pourraient se manifester quant au bien-fondé du choix d'une essence pour une situation donnée. On n'a trouvé dans la littérature disponible aucune étude qui cherchait à connaître, en interrogeant directement les citadins des villes du tiers monde, les attributs qu'ils appréciaient le plus dans les arbres urbains. Suivant la tranche de revenu et l'origine ethnique, les gens exprimeront sans doute des préférences différentes comme le montre une enquête sur les arbres poussant dans différents quartiers de Bangalore (Gadgil et Parthasarathy, 1977). Malheureusement, l'enquête ne faisait pas la distinction entre terres privées et terres publiques, et il n'est pas clair si des arbres installés sur ces dernières avaient été désignés par les résidents locaux. Cependant, on a noté des différences bien définies entre certains types de quartiers résidentiels. Par exemple, dans les “quartiers aisés où dominait la culture indigène” il y avait un pourcentage élevé d'essences indigènes ornementales, alors que les “quartiers occidentalisés à revenu élevé” présentaient un grand nombre d'arbres ornementaux exotiques. Dans les zones les plus pauvres, les arbres fruitiers occupaient une place prépondérante dans les combinaisons d'essences et seuls de rares arbres d'alignement figuraient.
Actuellement, le choix des essences plantées dans les terres publiques est généralement déterminé par des spécialistes dont le principal objectif est la plantation pure et simple. Ce fait est illustré par le commentaire d'un forestier indien s'exprimant sur la question des essences forestières adaptées aux plantations d'arbres d'alignement,
“…Elles ne devraient pas porter de fruits (pour éviter que par la suite la zone soit envahie par des gamins courant dans tous les sens). Elles ne devraient pas avoir de valeur fourragère (pour décourager les tentatives d'ébranchage des troupeaux de vaches et de chèvres)” (Shyam Sunder, 1985:686).
Les différences possibles d'opinion sur le choix des essences à planter sur les terres publiques sont illustrées plus en détail dans l'encadré 6.2, qui formule des hypothèses sur les attributs qu'un technicien forestier pourrait juger désirables pour les citadins pauvres des pays en développement.
Le conflit d'opinions qui ressort de l'encadré 6.2 n'est que théorique; en effet, il se borne à refléter deux perceptions totalement différentes de la fonction des arbres en question. Le dialogue pourrait jouer un rôle fondamental dans l'élimination de ces différences, comme il est montré dans la section cinq. En théorie, le choix des essences devrait traduire les besoins et désirs des populations locales, ainsi que les caractéristiques propres au site, l'objectif de la plantation, la disponibilité de plants des divers espèces/variétés/cultivars et les besoins de la gestion future.
Encadré 6.2. | Qualités souhaitables pour un arbre d'alignement: deux points de vue opposés | |
Attribut | Forestier technique | Citadin pauvre |
Fruits comestibles | non appréciés • ils attirent les gamins • les fruits tombés et pourrissants causent des problèmes | appréciés • source d'aliments • source possible de revenus |
feuilles comme fourrage nutritif | non appréciées • difficulté de mise en place des arbres; les dommages causés par le bétail entraînent des coûts d'entretien supplémentaires • l'ébranchage d'un arbre adulte compromet sa valeur | appréciées par certains • toute source de fourrage est appréciée par les citadins propriétaires de bétail |
chute des feuilles | variable • la chute des feuilles sur les routes et trottoirs cause des problèmes • le changement de couleur des feuilles et une brève période de chute créent un intérêt visuel | variable • non appréciée pour les arbres d'ombrage (les essences à feuillage persistant sont préférables) • les feuilles tombées servent de combustible ou de litière pour le bétail |
écorce médicinale | non appréciée • la récolte endommagera l'arbre | appréciée • médicament gratuit dans certains cas • source possible de revenu en espèces, et de substance médicinale pour les guérisseurs |
tendance au rabougrissem ent | non appréciée • aspect inesthétique • représente un danger public s'il est grave | appréciée • les brindilles et branches mortes sont une source de combustible • le risque pour la sécurité est négligeable si on pratique l'élimination sélective en temps utile |
caractère indigène | variable, mais pas très apprécié • les essences exotiques sont souvent mieux connues, plus faciles à cultiver et plus ornementales | probablement apprécié • les arbres indigènes sont plus familiers, surtout pour les citadins d'origine rurale • les arbres indigènes ont souvent une importance culturelle |
Où? Emplacement de la plantation
Propriété
Comme on l'a noté à la section 3.2, la propriété du site à planter ou l'accès à ce dernier peut déterminer non seulement le responsable de la plantation mais aussi les essences à établir. Quand bien même les populations locales participeraient au choix des arbres à planter sur des terres publiques ou sur leurs propres terres, l'expérience tirée de la foresterie communautaire nous enseigne qu'elles ne cultiveront des arbres de valeur que sur des terres où elles exercent un contrôle certain. Par exemple, lorsqu'elles se consacrent à la production de fruits, on constatera qu'elles destinent les variétés locales robustes aux terres publiques et les variétés greffées, moins résistantes aux maladies et plus exigeantes en éléments nutritifs, aux jardins particuliers.
Conditions du site
Au plan technique, la croissance des arbres dans les environnements urbains se heurte souvent à une série de problèmes. Il importe, dans la mesure du possible, que les types et les espèces/provenances/cultivars de l'arbre choisi démontrent une adaptabilité et une tolérance reconnue à ces conditions dont certaines sont indiquées à l'encadré 6.3.
Les conditions d'un site urbain sont extrêmement complexes et la réaction des arbres à cet environnement est généralement mal connue même dans des pays, comme l'Amérique du nord, qui ont conduit une intense recherche en la matière. Par exemple, selon une étude récente réalisée par Clark et Kjelgren (1990), les réactions des arbres à la pénurie d'eau peuvent être groupées en deux grandes stratégies (adaptation ou acclimatation), qui entraînent une série de mécanismes visant soit à maximiser l'absorption de l'eau soit à en limiter la perte. Cependant, on n'a pas pu déterminer la catégorie qui convient le mieux à une situation urbaine car on sait que les essences qui s'adaptent bien au milieu citadin appartiennent à toutes les deux.
Dans les pays en développement, rares sont les études scientifiques qui ont été conduites sur les réactions de différentes espèces ou provenances à des conditions données du milieu urbain. Cependant, les enquêtes réalisées sur les arbres existants en ville peuvent fournir un grand nombre d'informations et donner des indications sur l'opportunité de planter une certaine essence dans un milieu urbain désigné (Jim, 1990a). La lacune principale de ces enquêtes est qu'elles n'évaluent que des essences qui ont déjà été adoptées. D'après Jim (1990b:28), le manque de connaissances sur la capacité des essences à s'adapter aux conditions urbaines fait que
“La tendance à accepter les espèces “faciles” s'ancre inexorablement. Le manque d'une recherche locale efficace en matière d'arboriculture piège les exécutants dans un conservatisme à circuit fermé”
Encadré 6.3. Conditions de site communes aux environnements urbains et qualités correspondantes des arbres à y planter | |
Conditions du site | Attributs désirables |
compactation du sol et mauvais drainage | • système radiculaire robuste • tolérance modérée aux conditions anaérobies |
faibles niveaux d'éléments nutritifs du sol | • fixation de l'azote ou autre association microbienne (par ex. mycorhizes) • racines profondes • faible besoin physiologique en éléments nutritifs |
pénurie d'eau | •série de mécanismes visant à réduire la pénurie d'eau (soit en maximisant l'absorption soit en limitant les pertes) |
pollution du sol - par exemple, salinité due à l'application de sel sur les routes (dans les pays tempérés); niveau élevé de métaux lourds, etc | • tolérance aux polluants en question |
pollution atmosphérique - le niveau de certains polluants varie selon les lieux | • tolérance aux polluants en question • caractéristiques générales faisant que certains arbres éliminent plus efficacement les polluants atmosphériques (voir encadré 4.5) |
proximité d'immeubles et d'autres structures | • système radiculaire: non agressif, profond • hauteur: les arbres de petite taille sont probablement préférables; de grands arbres pourraient heurter les lignes électriques aériennes et jeter une ombre excessive sur les immeubles |
exposition aux aspersions de sel (le long des côtes) | • tolérance aux aspersions de sel |
exposition aux vents forts (plus probable le long des côtes) | • résistance des branches aux vents violents • système radiculaire profond |
Planification et conception du paysage
La question de savoir comment l'implantation des arbres peut être conçue pour valoriser au maximum le paysage sort du cadre du présent document. Mais le choix des essences à associer reste très important; outre le côté esthétique, il faudra tenir compte des taux de croissance relatifs, de la concurrence racinaire, de la tolérance à l'ombre, etc. En Europe, on a tenté récemment d'adopter une approche écologique de la conception du paysage (Tregay et Ertzgaard, 1979; Tregay et Moffat, 1980). Cette approche, qui fait appel à des principes écologiques pour déterminer le choix et la gestion des essences, a porté à l'établissement de plantations dynamiques d'âges différents. Par exemple, un boisement réalisé suivant les principes écologiques à Warrington, Royaume-Uni, présentait au bout de 20 ans “une canopée ouverte d'arbres “climaciques” et un grand nombre d'arbustes traités en taillis, d'essences de lumière, de fourrés de lisière et de prairies”. (Tregay et Moffat, 1980)
Besoins de la gestion future
Lorsqu'on choisit une essence ou une combinaison d'essences forestières à planter, on devra tenir compte des besoins de la gestion future. Les facteurs à considérer sont les suivants:
Ces questions qui concernent la gestion sont examinées à la section 6.2.
Disponibilité de matériel de reproduction
Enfin, le choix de l'arbre à planter dépend naturellement du matériel de reproduction disponible. Bien qu'on n'ait trouvé dans la littérature existante aucune étude indiquant la source du matériel de reproduction utilisé pour la plantation d'arbres urbains dans les pays développés, il est certain qu'elle est variable. Le matériel de plantation peut provenir de pépinières gérées par des organes publics (conseils municipaux ou départements chargés des forêts, de l'horticulture, des routes, etc.) ou de pépinières privées, ou encore être produit par des particuliers pour leur propre usage (ou pour le distribuer aux voisins).
Les arbres plantés sur des terres publiques proviennent souvent de pépinières gérées par des organes publics, bien que cet usage ne soit pas nécessairement généralisé. Par exemple, au Royaume-Uni, la tendance à la privatisation a entraîné la fermeture de nombreuses pépinières dépendant des autorités locales. Il paraît que, dans de nombreuses villes des pays en développement, les essences produites dans les pépinières du secteur public se caractérisent par une faible diversité et déterminent entièrement le choix des arbres qui seront plantés, indépendamment d'autres considérations. Par exemple, Malhotra et Vijayakumar (1987) mentionnent qu'à Calcutta, le principal facteur responsable du choix des essences à établir le long des rues est la disponibilité de plants, et Benavides Menza (1992) note également la limitation des espèces présentes dans les pépinières de Mexico.
On trouve des pépinières commerciales privées dans de nombreuses villes du tiers monde. Du fait qu'elles s'occupent souvent de la production d'espèces ornementales ou fruitières, elles pourraient contribuer grandement à la gamme des essences disponibles.
Dans certaines villes du tiers monde, l'établissement de pépinières d'arbres par des groupes d'auto-assistance ou des organisations non gouvernementales (ONG) a facilité pour les particuliers et les programmes communautaires locaux de plantation l'accès au matériel de reproduction. Un exemple de cela est le projet CONCERN au Mozambique (encadré 4.8).
Il est probable que pour de nombreux jardins urbains particuliers la source principale de matériel de reproduction provient du jardin même ou d'un échange informel entre les voisins. Encore qu'il n'ait guère été documenté on pourrait trouver dans ce domaine un niveau élevé de compétence locale.
Il paraît que, même dans les villes où la foresterie urbaine est bien développée, les plantations d'agrément tendent à se caractériser par une diversité limitée. Par exemple, à Hong-kong, 70% de toutes les plantations sont imputables à dix espèces seulement (Webb, 1993). Dans une étude récente menée sur cinq villes de pays développés et en développement (à savoir, Athènes, Prague, Mexico, Beijing et New York), Profous (nd) a noté que, dans chaque ville, cinq espèces seulement représentaient de 50 à 65% de toutes les plantations. Il a aussi constaté que certains des arbres urbains les plus courants, tel que le robinier et Sophora japonica, se retrouvent dans le monde entier. Il serait intéressant de rechercher l'origine génétique de ce matériel de reproduction; il est fort possible que de nombreux arbres d'agrément plantés communément aient une base génétique très étroite, ayant été propagés à partir de quelques introductions originelles. Selon l'étude de Profous, les plantations d'agrément actuelles jouissent de plus de diversité.
La pauvreté du matériel de reproduction est due en grande partie au manque de connaissances sur l'adaptabilité des diverses essences, comme mentionné plus haut. En outre, de nombreux facteurs restreignent la disponibilité des espèces, à savoir des difficultés d'approvisionnement en semences et la méconnaissance de certaines techniques de propagation des espèces “différentes”.
De nombreux auteurs ont noté la rareté des essences indigènes dans les plantations d'agrément urbains, en particulier dans les pays en développement (Jim, 1991; Benavides Menza, 1992). On invoque souvent la faible tolérance aux conditions urbaines pour justifier le recours aux plantes exotiques; on estime qu'un grand nombre d'essences indigènes se développent mal en ville, par rapport à leur comportement en milieu rural et à celui des plantes exotiques plantées couramment (Douglas, 1983; Webb, 1991). Cependant, dans beaucoup de pays, la prépondérance des essences exotiques traduit aussi la persistance de l'influence coloniale et les modes récentes, comme mentionné à la section 5.
La présente section porte pour l'essentiel sur les arbres plantés pour les avantages qu'ils apportent à l'environnement plutôt que sur les arbres cultivés à des fins de production. Quant à ces derniers, il existe une vaste littérature d'ordre général qui ne concerne pas spécifiquement l'environnement urbain. (Tel est le cas des textes sur l'horticulture, qui examinent la gestion des arbres producteurs de fruits et d'épices, et des textes sur les forêts qui étudient les techniques silvicoles pour la production de bois de construction et de bois de feu, matières qui sortent du cadre du présent document). C'est dans le domaine de l'arboriculture urbaine à des fins d'agrément et paysagères que des techniques arboricoles spécifiques ont été mises au point.
Un grand nombre de principes généraux d'arboriculture sont applicables dans le monde entier mais ce seront des facteurs tels que les espèces et le régime climatique du lieu qui détermineront les besoins spécifiques de la gestion. On peut améliorer, dans une certaine mesure, un mauvais choix d'essences grâce à un traitement arboricole approprié; par exemple, on peut élaguer un arbre qui a poussé de manière démesurée par rapport à son entourage. Cependant, cette pratique technique est nuisible à la santé de l'arbre, inesthétique et inéconomique sous l'angle des coûts d'entretien. Il aurait beaucoup mieux valu choisir dès le début un arbre n'atteignant qu'une hauteur limitée à sa maturité. Parmi les principes arboricoles d'application générale les plus importants on peut citer la préparation du site, l'établissement et l'entretien précoce, la taille et l'éducation arboricoles et la protection, et l'élimination des déchets végétaux. On examinera brièvement ci-dessous chacune de ces opérations en soulignant les changements récents intervenus dans la théorie et la pratique. On ne sait pas avec précision dans quelle mesure ces principes sont appliqués actuellement dans les villes du tiers monde mais là où existent des informations elles seront mentionnées.
Préparation du site
Comme noté plus haut, les sols urbains sont souvent peu adaptés à la croissance des arbres. Les défauts les plus courants sont le faible niveau des éléments nutritifs disponibles et la forte compacité due à l'intervention de l'homme et à la circulation. A ces facteurs s'ajoute le manque de matière organique. La réaction “traditionnelle” à cet état de choses a été l'amélioration radicale du site avant la plantation. De nos jours, on adopte une approche modifiée en fonction des conditions du site. En général, on estime que la diminution de la compacité du sol est préférable à tout autre traitement. On peut la réaliser de nombreuses façons, la plus importante étant le scarifiage du site de plantation. Les pratiques arboricoles actuelles mettent aussi davantage l'accent sur le choix des essences adaptées au lieu plutôt qu'à sa modification pour convenir à l'essence désirée.
Mise en place des arbres et entretien précoce
Matériel de reproduction
Il est particulièrement important en milieu urbain d'utiliser des plants dont la qualité et l'aspect sont bons et le rapport entre racine et partie aérienne convenable. Il est peu probable que des plants dépourvus de ces traits puissent survivre dans des sols urbains compactés. Même s'ils le peuvent ils risquent de constituer un danger par la suite, risquant beaucoup plus que les arbres dont le système radiculaire est bien développé, d'être arrachés par le vent ou de subir d'autres dommages. De même, les jeunes plants dont les tiges sont endommagées deviendront des arbres à la couronne irrégulière non seulement inesthétiques mais potentiellement dangereux.
Les jeunes plants mis en place en milieu urbain sont souvent de taille beaucoup plus élevée que ceux utilisés dans les plantations forestières normales. Toutefois, de nombreux spécialistes estiment désormais qu'il est plus avantageux d'employer des plants de moins de 60 cm de hauteur. Ils sont souvent tellement plus vigoureux que des plants de plus grande taille qu'ils les rattrapent au bout de très peu de temps (Hill, comm.pers).
Techniques de plantation
Après la préparation du site, il est naturellement important de s'assurer que les trous de plantation creusés sont de la taille voulue, et de les préparer bien avant, plutôt qu'au moment, de planter. Il pourrait également être nécessaire de tenir compte de la présence de certains services, tels que canalisation souterraine, lorsqu'on choisit le lieu d'établissement. Dans les plantations urbaines réalisées par des techniciens, notamment dans le cas des arbres d'alignement, un grand nombre de techniques peuvent être appliquées pour assurer la bonne reprise de l'arbre et éviter des problèmes futurs (Webb, 1991).
Arrosage et paillage
L'arrosage est souvent jugé essentiel pour l'installation des arbres urbains mais pourrait s'avérer très difficile à assurer dans certains conditions. Tel est le cas des arbres qui poussent dans les zones de logements auto-assistés où même l'eau potable est rare. A part la nécessité de faire coïncider l'époque de la plantation avec le démarrage des pluies, et de s'assurer que le trou de plantation a reçu suffisamment d'eau au moment de la plantation, on peut choisir parmi diverses techniques. Elles comprennent l'emploi d'espèces résistantes à la sécheresse, le sarclage régulier, l'application de paillis, l'arrosage (si possible à l'aide d'eaux usées) et l'installation d'un tuyau au moment de planter pour faciliter la pénétration de l'eau.
Sarclage
L'élimination des adventices peut se faire soit manuellement soit en utilisant des herbicides appropriés avant la plantation et régulièrement par la suite. Au Royaume-Uni, l'épandage d'herbicides est souvent recommandé (Davies, 1987) mais cette pratique pourrait s'avérer inopportune dans les pays en développement pour une série de raisons tant sociales (le sarclage est une source d'emplois) que techniques (les herbicides réagissent de façon différente dans des climats chauds et humides).
Tuteurage
On déconseille désormais le tuteurage pour les plantations d'agrément car il inhibe le développement de tiges robustes et peut causer des problèmes une fois enlevé. Les tuteurs et les liens oubliés peuvent aussi gravement compromettre le développement des arbres. On préfère désormais recourir à des plants de taille suffisamment réduite pour n'avoir pas besoin de support (Patch, 1987).
Taille, éducation et protection 1
Depuis la moitié des années 1980, la théorie et la pratique de la taille et de l'éducation arboricoles dans le monde occidental ont été fortement influencées, voire “révolutionnées”, par les travaux de l'arboriculteur américain Alex Shigo (Denne, comm. pers.). Ses idées n'ont pas été acceptées universellement et n'étaient pas toutes novatrices 2, mais ses recommandations sont désormais largement adoptées en Amérique du nord, Europe et Australie et dans les villes d'autres pays qui mettent en oeuvre un programme de foresterie urbaine sérieux comme Hong-kong. La plus célèbre des théories de Shigo est peut-être celle appelée CODIT, “Compartmentalization of Decay in Trees” (Isolation de la décomposition des arbres). CODIT est un modèle qui décrit le système de défense d'un arbre - sa réaction aux blessures. Il sert à expliquer pourquoi les systèmes d'élagage traditionnels qui recouraient à des coupes au ras du tronc étaient nocives pour l'arbre et que le “Natural Target Pruning”, à savoir la coupe en biseau qui laisse intact le plan d'insertion de la branche ou du rameau, est une pratique plus saine. Cette méthode en outre déconseille le traitement des blessures par scellage pour les protéger contre les agents pathogènes. On préconise désormais une grande variété de gels qui ont des propriétés fongicides systémiques (Clifford et Gendle, 1987).
On ne sait pas au juste dans quelle mesure les idées de Shigo sont appliquées dans les pays en développement, mais il est improbable qu'elles fassent l'objet d'une large diffusion ou application (Denne, comm. pers.).3 En général, tant les connaissances que la compétence en matière de traitement arboricole varient considérablement d'un pays à l'autre. Par exemple, Hill (1992) signale qu'à Quito, Equateur, les mauvaises pratiques d'élagage ont été attribuées davantage à la demande excessive de services et à la mauvaise qualité des outils qu'au manque d'expérience et de compétences. Au sud de la Chine, cependant, tant Jim (1991:155) que Johnston (comm. pers.) ont noté qu'en dépit des niveaux plutôt élevés de sélection des essences et de planification de la plantation, l'élagage se faisait en tenant très peu compte de la santé de l'arbre. Johnston ajoute que cette négligence n'est certainement pas imputable au seul manque de matériel adapté.
Un traitement (taille et éducation) arboricole efficace pratiqué en temps utile est l'un des moyens les plus sûrs non seulement d'éviter la propagation généralisée d'une maladie mais de minimiser l'incidence de son attaque et de celle des ravageurs. Il est important de tenir compte de ces questions pendant les premières années de l'établissement d'un arbre, de même que du choix approprié des espèces/provenances/cultivars et de l'élimination prompte et totale des parties infectées du matériel végétal (qui devront être dûment détruites).
Elimination des déchets de l'élagage
Les questions clés à considérer dans l'élimination des déchets de l'élagage concernent la sécurité publique, l'utilisation du matériel enlevé le cas échéant et (comme mentionné ci-dessus) la limitation de la propagation des ravageurs et maladies. Comme indiqué à la section 4.1, ces déchets peuvent avoir de nombreuses utilisations pratiques qui vont du bois de chauffage au bois de construction. En Amérique du nord et en Europe, très souvent les autorités municipales les font hacher pour en faire du compost ou du paillis; ce recyclage est désormais un mécanisme qui gagne en importance dans la gestion de la foresterie urbaine.
Il inévitable que les arbres vieillissent et il faudra les éliminer entièrement ou partiellement avant qu'ils ne causent des dommages. Souvent leur abattage se heurte à des complications dues à la proximité d'immeubles et d'autres infrastructures urbaines. C'est pourquoi, pour les forestiers urbains, l'exigence primordiale sera la planification préalable - qui assure que les opérations d'élimination seront entreprises de manière à éviter les dommages plutôt que de devoir y remédier.
Il est difficile, voire impossible, de planifier de manière systématique la gestion de la foresterie urbaine sans disposer d'informations fiables sur le nombre d'arbres existant dans une ville, et sur la composition, l'âge et l'état du peuplement. Par exemple, une enquête sur les arbres urbains de Hong-kong conduite en 1985 a montré que les deux tiers des arbres d'alignement de cette ville et de Kowloon présentaient des problèmes (Webb 1991 citant Jim, 1985). Si l'enquête n'avait pas eu lieu, nombre de ces problèmes, dont les répercussions sont potentiellement nocives, seraient probablement restés longtemps inconnues. Miller (1988) fournit une liste de questions que le forestier devrait poser avant de décider si un inventaire est nécessaire; elles figurent dans l'encadré 6.5. Bien qu'elles aient été établies en fonction d'un service forestier urbain bien organisé et responsable de la gestion arboricole, elles peuvent fournir des directives valables aux pays en développement où la foresterie urbaine reçoit de plus en plus d'attention.
Les inventaires forestiers urbains représentent sans nul doute un outil dont l'importance va croissant dans les pays où la discipline est bien affermie. On a aussi mis au point des systèmes d'information sur la gestion pour faciliter le traitement et le rappel des données (Gerhold et al. 1988), de même qu'une série de méthodes permettant d'attribuer une valeur à des arbres individuels. La méthode la plus courante, du moins au Royaume-Uni, est celle de Helliwell selon laquelle un arbre est classé en fonction de six critères et reçoit des notes (de 1 à 4) pour chacun, toutes les notes étant ensuite multipliées (Arboricultural Association, 1990). L'avantage de cette méthode réside dans sa simplicité et sa logique apparente. Ses inconvénients sont sa subjectivité et l'absence d'une base mathématique solide (Price, comm.pers.). On a proposé d'autres méthodes (par exemple, Matthews et al. 1990) qui ne sont pas entrées dans l'usage courant.
Encadré 6.4. | Inventaires des arbres urbains: Questions préalables à poser |
1. Quel est le volume de travail nécessaire actuellement? 2. Y a-t-il beaucoup d'espace libre à destiner à la plantation ou les rues sont-elles entièrement plantées? 3. L'élagage se fait-il en fonction d'un calendrier ou sur demande? 4. Comment sont prises les décisions concernant l'élimination des souches? 5. Etablit-on les priorités en fonction des besoins des arbres ou d'autres considérations? 6. Comment les travaux sont-ils programmés et répartis? 7. Dans quelle mesure les priorités actuelles reflètent-elles les besoins existants? 8. Le volume de travail estimé correspond-il aux besoins effectifs du peuplement ou observe-t-on des divergences? 9. Le public est-il satisfait des services fournis ou reçoit-on de nombreuses réclamations? 10. Le service se fait-il sur une base régulière ou sur demande ? Dans ce dernier cas combien de temps faut-il pour qu'il soit fourni? | |
Source : Miller R.W. (1988) “Urban Forestry Planning and Managing Urban Greenspaces” |
L'enregistrement sur ordinateur de données détaillées concernant les arbres est un progrès de la dernière décennie. Cependant, dans le cas de l'arboriculture dans les villes du tiers monde, on peut émettre des doutes quant à la pertinence d'un tel niveau d'information sur la gestion. Reste qu'une estimation fiable pour le moins des taux de plantation actuels, de l'âge et de la composition du peuplement établi sur des terres publiques et privées est indispensable pour la planification future. Dans la plupart des pays en développement, ces informations ne semblent pas avoir été collectées.