3. CARACTERISTIQUES DE LA DEMANDE
Des informations sur la demande en énergie domestique, et particulièrement en bois énergie, ont été rassemblées dans le rapport «Eléments de stratégie pour l’énergie domestique urbaine » ESMAP, édité en 1993.
Globalement, la consommation d’énergie finale du pays a été estimée à 1,25 millions de tonnes équivalent-pétrole (tep). Sur ce total, le bois et le charbon de bois en représentent 80 à 90%, soit 1 à 1,1 millions de tep soit 200 tep par habitant, alors que les produits pétroliers en représentent moins de 15% et l’électricité moins de 2%.
La consommation d’énergie pour la cuisine y est ventilée ainsi entre ménages urbains et ruraux.
Tableau n°7 : Consommation d’énergie pour la cuisine en 1990 en tonnes équivalent-pétrole (les chiffres ont été arrondis)
|
Catégorie |
Bois de feu |
Charbon de bois |
Kérosène |
Gaz Butane |
Total |
|
N’Djaména Autres centres |
33.400 100.200 |
12.600 37.900 |
250 750 |
450 1.350 |
46.700 140.200 |
|
Total urbain |
133.600 |
50.500 |
1.000 |
1.800 |
186.900 |
|
590.600 |
0 |
0 |
0 |
590.600 |
|
|
Total national |
724.200 |
50.500 |
1.000 |
1.800 |
777.500 |
|
Pourcentage |
93,1% |
6,5% |
0,1% |
0,2% |
100% |
En s’appuyant sur la ventilation ci-dessus, (total bois et charbon de bois = 775.000 tep), rajustée en fonction de l’enveloppe globale donnée plus haut (1.100.000 tep), la cellule technique d’appui a évalué très schématiquement les consommations correspondantes en bois.
L’utilisation des facteurs de conversion a permis de ventiler les consommations des populations rurales et urbaines par préfecture. Ceci a conduit à une consommation totale de l’ordre de 4 millions de m3/an.
Tableau n°8 : Estimation des consommations des ménages
|
Ruraux |
Urbains |
Total général |
|||||||
|
Préfecture |
Sup. km² |
Population |
Bois de feu (m3) |
Population |
Bois de feu (m3) |
Charbon de bois (t) |
Equivalent Bois m3 |
Total bois |
Bois m3 |
|
BET |
600.350 |
52.334 |
27.000 |
18.269 |
10.000 |
1.700 |
14.000 |
24.000 |
51.000 |
|
Zone désertique |
600.350 |
52.334 |
27.000 |
18.269 |
10.000 |
1.700 |
14.000 |
24.000 |
51.000 |
|
Lac Kanem Batha Biltine Ouaddaï |
22.320 114.520 88.800 46.850 76.240 |
236.271 250.062 252.057 171.586 478.986 |
122.000 129.000 130.000 89.000 248.000 |
11.955 30.742 36.017 15.529 70.946 |
7.000 17.000 20.000 8.000 39.000 |
1.100 2.900 3.400 1.400 6.600 |
9.000 24.000 28.000 12.000 55.000 |
16.000 41.000 48.000 20.000 94.000 |
138.000 170.000 178.000 109.000 342.000 |
|
Zone sahélienne |
348.730 |
1.388.962 |
718.000 |
165.189 |
91.000 |
15.400 |
128.000 |
219.000 |
937.000 |
|
Chari Bag. N’Djaména Guéra Salamat |
82.910 - 58.950 63.000 |
647.282 - 262.694 156.697 |
335.000 - 136.000 81.000 |
75.324 529.555 43.959 29.284 |
41.000 145.000 24.000 15.000 |
7.000 25.000 4.100 2.700 |
58.000 20.000 34.000 23.000 |
99.000 353.000 58.000 38.000 |
434.000 353.000 194.000 119.000 |
|
Zone soudano-Sahélienne |
204.860 |
1.066.673 |
552.000 |
678.122 |
225.000 |
38.800 |
323.000 |
548.000 |
1.100.000 |
|
Mayo Kebbi Logone Occidental Logone Oriental Tandjilé Moyen Chari |
30.105 8.695 28.035 18.045 45.180 |
726.248 335.999 394.749 400.901 594.825 |
375.000 174.000 204.000 207.000 307.000 |
94.001 119.141 45.593 57.339 149.916 |
52.000 64.000 25.000 31.000 81.000 |
8.800 11.100 4.200 2.900 7.500 |
73.000 93.000 35.000 24.000 63.000 |
125.000 157.000 60.000 55.000 144.000
|
500.000 331.000 264.000 262.000 451.000 |
|
Zone soudanienne |
130.000 |
2.452.722 |
1.267.000 |
465.990 |
253.000 |
34.500 |
288.000 |
541.000 |
1.808.000 |
|
Total Tchad |
1.284.000 |
4.960.661 |
2.564.000 |
1.327.570 |
579.000 |
90.400 |
753.000 |
1.332.000 |
3.896.000 |
Source :Rapport de synthèse, cellule technique d’appui de la consultation sectorielle sur l’environnement et la lutte contre la désertification, 1994-Tchad. Le regroupement en zone climatique est celui du Plan Directeur de lutte contre la désertification, 1989.
Le Comité Directeur de Suivi de la stratégie pour l’énergie domestique dans son plan d’action détaillé de mai 1994 a estimé la consommation à plus de 2 millions de tonnes pour 1993. Elle est repartie comme suit :
Tableau n°9 : Consommation d’énergie finale des ménages (1993)
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(en 1.000 tep) |
Bois de feu |
Charbon de bois |
Pétrole lampant |
Gaz butane |
Electricité |
Total |
||
|
Ménages ruraux |
733 |
- |
- |
- |
- |
733 |
81% |
|
|
Ménages urbains |
132 |
29 |
3 |
0.3 |
4 |
168 |
19% |
|
|
-N’Djaména |
42 |
16 |
- |
0.3 |
- |
- |
- |
|
|
-Autres centres |
91 |
13 |
- |
- |
- |
- |
- |
|
|
Total |
865 |
29 |
3 |
0,3 |
4 |
901 |
100% |
|
Source : Rép. Tchad -Comité Directeur de Suivi de la stratégie domestique ; Plan d’action détaillé, mai 1994.
D’une comparaison des chiffres des différents tableaux, il ressort que :
La consommation totale de bois aurait passé de 2.848.925 m3 soit de 2.279.140 tonnes en 1990 à 3.279.525 m3 soit à 2.431.690 tonnes en 1993, avec une consommation de l’ordre de 1,1 kg/pers/jour en 1993 ;
La consommation spécifique aurait passé de bois de 2.262.125 m3 à 2.703.125 m3 pendant cette période soit de 1.810.500 tonnes à 2.162.500 tonnes, avec une consommation de 0,9 kg/pers/jour ;
La consommation spécifique du charbon de bois aurait passé de 70.700 tonnes à 90.400 tonnes, soit une consommation de 0,2 kg/pers/jour.
Une comparaison de ces données avec celles fournies par la FAO, montre que les chiffres ne se recoupent pas exactement mais se situent dans le même ordre de grandeur.
Bien qu’aucune enquête n’ait été menée pour confirmer ou infirmer les chiffres avancés, peuvent être provisoirement retenus :
Pour la consommation de bois, la fourchette comprise entre 2.151.356 m3 et 2.703.125 m3 ;
Pour le charbon de bois, la fourchette comprise entre 70.700 tonnes et 92.591 tonnes pour lesquelles la moyenne générale de consommation de bois se situe dans les normes habituelles de 0,6 à 1,5 kg/pers/jour.
Une comparaison entre les potentialités ligneuses des tableaux n°2 et les consommations des tableaux n°8 et 9 laisse apparaître que globalement les ressources sont encore suffisantes pour couvrir les besoins de la population.
Mais la situation est très contrastée selon les préfectures.
En zone désertique et sahélienne,
Les préfectures du BET, du Lac, du Kanem, du Batha sont très déficitaires,
Les préfectures du Biltine, et du Ouaddaï ont encore des potentialités du même ordre de grandeur que les consommations.
En zone soudano-sahélienne,
Les préfectures du Chari-Baguirmi, du Guéra et du Salamat sont largement excédentaires,
Mais, dans le Chari-Baguirmi, la forte concentration de demande à N’Djaména (environ 353.000 m3 en 1994) entraîne une pression très importante sur les ressources ligneuses dans l’environnement proche de l’agglomération.
En zone soudanienne,
Les préfectures du Mayo Kebbi, du Logone Occidental et de la Tandjilé sont déficitaires,
Les préfectures du Logone Oriental et du Moyen Chari sont très excédentaires.
Il ressort des informations disponibles que le bois de feu et le charbon de bois représentent plus de 97% de la consommation totale d’énergie domestique. Le bois de feu est beaucoup plus important que le charbon de bois dans le bilan de consommation, parce que la quasi-totalité des ménages ruraux et près des trois quarts des ménages urbains utilisent exclusivement le bois de feu comme combustible principal.
Aucune donnée précise n’existe pour la demande d’énergie des familles rurales, elle a toujours été supposée être relativement faible et basée sur le bois de feu.
En partant du principe que la demande présente les mêmes caractéristiques dans les autres centres urbains, les informations relatives aux centres urbains ont essentiellement porté sur la capitale, N’Djaména, qui d’après ESMAP (mars 1996) représente près de la moitié de la demande urbaine d’énergie domestique au Tchad estimée à environ 800.000 tep soit 89% de la consommation estimée en 1995. Cette énergie est essentiellement consumée pour la cuisson des aliments et l’artisanat, pour lesquels on utilise surtout les combustibles ligneux. La demande pour les autres combustibles tels que le pétrole lampant et le gaz se limite à environ 1% de la population de N’Djaména.
D’une enquête réalisée par ESMAP, il ressort que les ménages de N’Djaména dans leur majorité (71,4%) préfèrent préparer leur repas avec plusieurs combustibles comme en témoigne le tableau ci-après. Toutefois, près d’un ménage sur trois cuisine avec un combustible unique, qui est dans les deux tiers des cas le bois et dans 30% des cas le charbon. Le bois est le combustible principal de plus de 60% des ménages de N’Djaména. Par contre, moins d’un ménage sur cinq utilise le charbon de bois comme combustible principal. Le gaz butane reste l’apanage d’une infime minorité (moins de 3%) limitée à la couche la plus aisée de la population. La consommation du pétrole lampant, qui demeure à N’Djaména essentiellement en combustible d’éclairage, comme celle de l’électricité. Pour les ménages utilisateurs de plusieurs combustibles (ménages «multi-combustible»), le charbon de bois apparaît comme combustible d’appoint de plus de 50% des cas et plus d’un ménage sur deux de N’Djaména est attaché à la combinaison bois-charbon de bois.
Tableau n°10 Combustible principal utilisé pour la cuisine à N’Djaména.
|
En % du total des ménages |
Bois |
Charbon de bois |
Pétrole lampant |
Gaz butane |
Electricité |
Total |
|
Combustible unique Combustible principal Combustible d’appoint |
18,2 61,7 5,8 |
8,6 8,5 58,8 |
- 0,3 5,0 |
1,5 0,9 1,8 |
0,3 - - |
28,6 71,4 71,4 |
Source : enquête énergie domestique ESMAP, 1991
L’enquête ESMAP a aussi montré que lorsque les ménages utilisaient le bois de feu comme source d’énergie d’appoint et non principale, la consommation spécifique quotidienne de bois de feu baissait d’environ deux tiers et était ramenée de 0,65 kg à 0,21 kg par personne. En revanche, une situation similaire pour le charbon de bois se traduisait par une diminution de la consommation spécifique inférieure à un tiers ; ce qui semble indiquer que les ménages ont tendance à utiliser davantage le charbon de bois pour certains types d'aliments. Une enquête plus restreinte conduite en 1995 par ESMAP indique que le charbon de bois est aujourd’hui à N’Djaména aussi important que le bois de feu. On a aussi remarqué que comme dans d’autres pays africains, il y a une rapidité de passage du bois au charbon de bois.
D’après la même source, si en 1990, à N’Djaména le bois de feu était le principal sinon l’unique combustible utilisé par 80% des ménages, en 1995 l’utilisation de ce combustible a considérablement baissé pour atteindre 45%. Le charbon de bois est devenu le principal combustible pour environ 46% de la population soit une hausse de 17% depuis 1990.
Etant donné la tendance au passage du bois au charbon de bois, la consommation totale de bois pourrait augmenter dans des proportions impressionnantes car à poids égal, le charbon de bois représente une utilisation de ressources ligneuses au moins cinq fois supérieure à celle du bois de feu.
D’une projection faite par le projet énergie domestique, il ressort que le prélèvement de bois pour la production de charbon augmenterait à un rythme de 9 à 10% par an ; son poids dans le prélèvement global passerait de moins de 60% en 1993 à 80% en 2005 comme l’indique le tableau ci-dessous.
Tableau n°11 : Prévision de la demande urbaine de bois-énergie à N’Djaména
|
Données de base : |
|
|
Population 1993 |
529.555 (Source : Recensement Général, 1993) |
|
Taux de croissance démographique |
5% |
|
Rendement de carbonisation |
15% en poids |
Source : Tchad, Comité Directeur de Suivi de la stratégie pour l’énergie domestique- Plan d’action détaillé, mai 1994
|
Hypothèse d’évolution de la structure de consommation de bois et de charbon de bois |
||||||||
|
Structure 1993 |
Structure estimée 2005 |
|||||||
|
Bois de feu |
Charbon de bois |
Bois de feu |
Charbon de bois |
|||||
|
Cons. |
Utilisateurs |
Cons. |
Utilisateurs |
Utilisateurs |
Cons. |
Utilisateurs |
Cons. |
|
|
(kg/pers/j) |
(%) |
(kg/pers/j) |
(%) |
(kg/pers/j) |
(%) |
(kg/pers/j) |
(%) |
|
|
Combustible unique |
1,14 |
18,2 |
0,34 |
8,6 |
1,14 |
12 |
0,34 |
20 |
|
Combustible principal |
0,65 |
61,7 |
0,20 |
8,5 |
0,65 |
35 |
0,20 |
30 |
|
Combustible d’appoint |
0,21 |
5,8 |
0,18 |
58,8 |
0,21 |
25 |
0,18 |
40 |
|
Ensemble |
0,62 |
85,7 |
0,15 |
75,9 |
0,42 |
72 |
0,20 |
90 |
Tableau n° 12 : Prévision d’évolution de la consommation (en tonnes)
|
Année |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
|
Population (nb hab.) |
529.555 |
556.033 |
583.834 |
613,026 |
643.677 |
675.861 |
709.654 |
745.137 |
782.394 |
||||
|
Bois de feu Charbon de bois Equivalent bois |
102.682 22.016 146.770 |
102.790 24.010 160.065 |
102.899 26.185 174.564 |
103.008 28.556 190.376
|
103.116 31.143 207.620 |
103.226 33.964 226.427 |
103.335 37.041 246.937 |
103.444 40.396 269.305 |
103.553 44.055 293.699 |
103.663 48.045 320.303 |
103.772 52.397 349.316 |
103.882 57.144 380.958 |
103.992 62.320 415.465 |
|
Total Charbon |
249.452 59% |
262.855 61% |
277.463 63% |
293.384 65% |
310.737 67% |
329.653 69% |
350.272 70% |
372.749 72% |
397.252 74% |
423.965 76% |
453.088 77% |
484.840 79% |
519.457 80% |
Bien que devant être considérée avec beaucoup de prudence, cette estimation montre que le taux de prélèvement pourrait doubler au cours des 6 prochaines années à tel enseigne qu’à partir de 2.006 il serait au-dessus de la capacité de régénération naturelle de la plupart de ces formations dont la production annuelle est estimée à 540.592 tonnes (tableau n°6) alors le prélèvement opéré en 2.005 s’élèverait à 519.457 tonnes (tableau n°11). On peut même dire qu’il y a actuellement surexploitation localisée des ressources, avec un risque important de dégradation irréversible de l’environnement des zones concernées. Le chiffre (de –18.882 ha) avancé par Niel Quarmby comme changement global des superficies boisées sur un rayon de 150 km autour de N’Djaména entre 1986 et 1995 illustre ce processus.