Le commerce du bois de feu et du charbon de bois est bien organisé et joue un rôle économique important. Le chiffre d’affaires annuel de ce commerce à N’Djaména est estimé à environ 3 milliards de francs CFA.
Les grossistes contrôlent environ un tiers des points de distribution des combustibles ligneux, à la fois de gros et de détail. Ces grossistes approvisionnent des petits détaillants qui revendent ensuite le bois devant les concessions, aux préparatrices de bière ou de liqueur locale, des beignets, d’huile d’arachide… Ils (grossistes) approvisionnent également certaines entreprises, tels les débits de boisson, les boulangeries… En revanche, les gros commerçants de charbon de bois ne représentent que moins de 20% de l’effectif des points de vente spécialisés dans ce produit.
Le nombre de points de vente est très fluctuant, dans la mesure où il est au tiers tenu par des détaillants dont certains sont permanents et d’autres exercent cette activité de façon saisonnière ou occasionnelle. Notamment, entre décembre et mai, de nombreux paysans viennent directement vendre leur bois ou leur charbon sur les marchés de N’Djaména.
Le commerce est relativement peu spécialisé : environ la moitié des points de vente ne vendent que du bois, et seulement moins de 15%vendent à la fois les deux produits, c’est dire le bois de feu et le charbon de bois. Plus de la moitié des points de vente sont tenus par les femmes, spécialisées dans la vente au micro-détail et exercent un monopole sur celle du charbon de bois.
Au total d’après le rapport d’évaluation 1996 du projet énergie domestique, le secteur bois énergie emploie quelque 9.000 personnes à temps plein, dont 6.000 collectent le bois et fabriquent le charbon de bois, le reste étant associé aux activités de distribution et de vente au détail.
Généralement, on ne constate aucune pénurie grave et les combustibles ligneux sont disponibles en de nombreux points commodes de la ville.
Une enquête ADER/FED/DFPE de juillet 1992 a montré qu’il existe une corrélation importante entre le prix de vente du bois et du charbon et la distance entre le point de vente et la capitale. Ainsi, par exemple le prix moyen du fagot de bois est de 10,6 francs CFA le kg à 20 km, mais il diminue de 30%, tombant à 7,6 fracs CFA le kg à une distance de 100 km. Le charbon de bois, vendu en sac, s’élève à 20 francs CFA le kg à 100 km, et de 32,2 francs CFA le kg à 20 km, soit 40% de moins.
En 1995, le prix de vente au détail du bois est légèrement supérieur à ce qu’il était en 1992, il tourne autour de 20 à 24 francs le kg contre 13 à 22 francs CFA. Le prix du kg de charbon de bois quant à lui a passé de 40- 50 francs CFA en 1992 aux alentours de 80 francs CFA en 1995. La dévaluation du franc CFA a sans doute eu une incidence sensible sur les prix…
L’enquête réalisée en 1992 a également montré que 71% environ du prix de vente au détail du bois transporté par véhicule sur une distance de 100 km de N’Djaména sont constitués de la marge brute du commerçant-transporteur et celle du détaillant ; en revanche, le coût du bois pour les commerçants et les taxes qu’ils versent à l’Etat représentent une proportion négligeable du prix de vente (la taxe forestière par exemple ne représentent que 3% du prix de vente).
Quant au choix de combustibles, il ressort d’une comparaison des prix tirés de différentes formes d’énergie faite par Matlyque les combustibles modernes (pétrole lampant, gaz butane et électricité) reviennent beaucoup plus chers que ceux traditionnels et que les ménages qui passent à un combustible plus moderne sont confrontés à un double tarif par unité d’énergie. Il en résulte que bien qu’ayant un rendement nettement plus élevé, les combustibles modernes ne sont pas à la portée de la majorité des ménages de N’Djaména et que leur marché restera encore limité.
Régime fiscal. Le régime fiscal en vigueur dans le secteur forestier n’est suffisant ni pour la gestion ni pour le recouvrement des recettes. Toute personne peut se livrer au commerce de bois après s’être acquitté de redevances forestières et munie d’un permis d’exploitation. La Direction des forêts et de la protection de l’environnent accorde des permis mensuels et fixe la redevance en se basant sur le nombre de voyages supposés à effectuer dans une zone d’exploitation et la quantité de bois supposée à y prélever ; ces estimations sont généralement fort éloignées de la réalité. Une fois le permis obtenu, le titulaire peut se rendre en tout point d’une zone rurale donnée pour y couper le bois. Le contrôle de l’exploitation forestière sur le terrain est pratiquement inexistant et il est facile de se dérober au contrôle de permis.
D’après le rapport d’évaluation ESMAP 1996, le taux estimatif de recouvrement des recettes fiscales ne dépasse pas 10 ou 15%. Le personnel compétent n’est pas assez nombreux. Comme évoqué précédemment, le coût du bois et les taxes représentent une proportion négligeable du prix de vente et ne tient d’ailleurs pas compte de la valeur économique du bois. L’imposition des combustibles ligneux en vigueur se base sur un décret de 1985 qui a établi cinq catégories de taxes, en fonction du produit et de son emballage : 100 francs CFA par sac de charbon de bois, 20 francs CFA le fagot de bois, 300 francs CFA le stère de bois 1.500 francs CFA la tonne de bois dans un rayon de 30 km de la capitale et 1.000 francs CFA la tonne de bois au-delà de ce rayon. L’inspection forestière n°5 (IF5) est chargée de contrôler le transport pour l’approvisionnement de N’Djaména. Elle dispose de points de contrôle dans plusieurs villages où le bois est susceptible d’être prélevé ainsi qu’à l’entrée de la ville.
Mais ce système de taxation comporte plusieurs distorsions importantes :
Le bois est taxé à 0,75 francs CFA/kg lorsqu’il s’agit du volume (stère) ou de 1 à 1,5 francs CFA/kg s’il s’agit du poids (tonne) ;
La notion de fagot est très vague et les poids des fagots vendus en brousse peuvent être différents d’un fournisseur à l’autre ;
Le charbon de bois est taxé à 2,55 francs CFA/kg ; sachant qu’il faut autour de 6 kg de bois pour produire 1 kg de charbon de bois, cela revient à un taux de taxation du bois ayant servi à la carbonisation inférieur à 0,4 francs CFA le kg, soit entre le quart et la moitié de ce qui est appliqué au bois quand il est directement utilisé comme combustible.
Ni le prix d’achat en brousse, ni la taxe sur le bois de feu ou le charbon de bois ne sont basés sur la valeur économique du bois. Il est d’ailleurs pratiquement impossible d’évaluer cette valeur puisqu’elle requiert l’estimation des impacts du déboisement sur la collectivité (par le biais de la diminution de la fertilité des sols, de l’érosion et de la baisse des nappes phréatiques), tâche pour laquelle les données quantitatives n’existent pas. A défaut de leur valeur économique, on peut considérer le coût de production du bois sur pied dans la mesure où cette ressource ne peut se renouveler de façon satisfaisante dans les conditions du milieu sahélien.
D’après le rapport d’évaluation ESMAP, 1996, l’expérience d’autres pays montre que les systèmes de gestion des formations naturelles fournissent du bois à coût très inférieur à celui du bois provenant des reboisements. Cette évaluation n’est pas disponible pour N’Djaména, mais les estimations réalisées pour la région de Niamey au Niger, dont la situation est analogue de celle de N’Djaména, peuvent fournir une valeur approchée indicative. Les dépenses d’investissement pour les systèmes de gestion oscillent entre 5 et 50 dollars par hectare ; elles s’échelonnent entre 500 et 1.000 dollars par hectare pour les plantations. Une évaluation des coûts au Niger donne un coût de 5 à 9 francs CFA le kg pour mettre en place et gérer un programme de gestion forestière. Compte tenu de ce croît supplémentaire afférent à la ressource, le prix de vente au détail du bois à N’Djaména serait de 30 francs CFA le kg ce qui est légèrement supérieur au prix de détail actuellement en vigueur. Pour arriver à ce niveau de prix, il faudrait augmenter le montant des taxes et des commissions, et parallèlement, le prix que les commerçants-transporteurs devraient payer aux fournisseurs villageois.