5.  PAYS A AQUACULTURE DEVELOPPEE COMME INDICATEURS DE PRODUCTION

5.1  Introduction

Cette section a pour objet de définir, tout d'abord, ce qu'est un Pays à Aquaculture Développée (PAD) et de proposer ensuite la maniére dont cette définition peut être utilisée par les planificateurs pour prévoir la production.

5.2  Comparaisons régionales

Au tableau 5.1 la production aquicole des principales régions du monde est présentée en fonction des paramétres suivants:

1. Population en 1975 et 1981 (FAO, 1981b)
2. Augmentation de population en pourcentage par an (calculée)
3. Terrains de culture en 1980 (FAO, 1981b)
4. Production piscicole par hectare de terrains cultivés en 1980 (calculée)
5. Terres irriguées en 1980 (FAO, 1981)
6. Production piscicole par hectare de terres irriguées en 1980 (calculée)
7. Augmentation de production piscicole (cumulée annuellement sur cinq ans)
8. Production piscicole en gramme par habitant pour 1980 (calculée)

Terres de culture: La définition des terres de culture ici, comprend à la fois les terres dites terres arables dans l'Annuaire FAO de la production (1981b) et les terres dites terres cultivées en permanence selon la même source. Ces définitions sont les suivantes.

1.   Les terres arables comprennent les terres cultivées temporairement (les terres pour double cultures ne sont comptées qu'une seule fois), les prairies temproraires utilisées pour le foin et les pâturages, les terres de culture maraîchères et potagères (y compris les cultures en serres) et les terres temporairement en repos ou incultes.

2.   Les terres cultivées en permanence sont celles utilisées pour des cultures telles que le cacao, le café et le caoutchouc, qui n'ont pas besoin d'être replantées après chaque moisson. Elles comprennent également les terres de buissons, d'arbres fruitiers, de noisetiers et de vignes sauf les forêts et les terres réservées à la production de bois de construction.

Les terres de culture sont introduites ici comme paramétre afin de vérifier quel type de rapport peut exister entre la production aquicole et les superficies disponibles. Cette démarche refléte l'idée qu'il puisse y avoir un sens particulier aux aspects de soutien ou de rivalité dans le rapport agriculture/aquaculture, et cela surtout en ce qui concerne l'aquaculture de subsistance et domestique en eaux intérieures.

La superficie totale n'a pas été utilisée car on a jugé que le choix des terres dites de culture convenait plus à l'aquaculture que les terres d'autres catégories, pâturage, zones constructibles, berges, etc.).

De la même façon, les terres irriguées ont été prises ici comme paramètre pour contrôler le rapport qu'il peut y avoir entre les terres irriguées et l'aquaculture. Cela fait ressortir l'alimentation en eau comme facteur commun. La définition des terres irriguées fournie par l'Annuaire FAO de la production est la suivante:

Superficies où l'apport d'eau est volontairement fourni, y compris les terres inondées par les crues des rivières lorsque celles-ci améliorent les cultures ou les pâturages, que ces zones soient irriguées une seule ou plusieurs fois dans l'année citée.

La comparaison évidente de la production aquicole avec la superficie en eau douce (étangs, rivières, lacs réservoirs) n'a pas pu être facilement faite étant donné qu'une source commune pour ces informations n'est pas disponible par pays ou région par région.

Pisiciculture: Le choix de la production piscicole au tableau 5.1 plutôt que de la production totale (qui aurait compris les mollusques, les crustacés et les algues) a été fait avec l'intention de trouver un dénominateur commun aux pays intérieurs et côtiers à la fois. Il est évident que cet objectif n'a pas été pleinement réalisé dans les cas où les indicateurs de production piscicole comprennent l'élevage marin comme c'est le cas au Japon, en Indonésie et dans d'autres pays. Mais les distortions qui en résultent sont limitées généralement à quelques pays et n'ont probablement pas de répercussions sensibles au niveau régional.

En plus des données qu'il fournit, le tableau 5.1 sert principalement à comparer les différences régionales du niveau de production aquicole par rapport à l'habitant moyen essentiellement. C'est-à-dire, qu'un asiatique ou un européen, par exemple, a beaucoup plus de chances de bénéficier de l'aquaculture, et de la voir pratiquer, qu'un africain ou un habitant de l'Amérique Latine. L'importance de ces différences se reflète probablement par le niveau d'efficacité du soutien communautaire que recoit l'aquaculture de par le monde, région par région.

5.3  Comparaisons par pays

Le tableau 5.2 classe les 19 pays, ou zones¹ les plus productifs en fonction de leur production piscicole par habitant. Chacun de ces pays dépasse la moyenne mondiale de production de 725 grammes par habitant. Tous les pays sont européens ou asiatiques. Ce listing a été dressé afin de déterminer s'il existe un schéma de caractéristiques qualitatives communes. D'une manière générale, ces pays partagent les caractéristiques qualitatives suivantes:

1.   Les risques économiques et techniques de la forme de pisciculture prédominante sont stables et bien connus pour un segment important de la population

2.   Les produits de la pisciculture sont acceptables pour une part importante de la population

3. Le gouvernement central apporte un soutien effectif à l'activité aquicole

4. Les prix de vente sont relativement stables et la marge du producteur correspond aux risques qu'il entreprend.

D'après ces caractéristiques qualitatives communes et le taux relativement élevé de production par habitant, les 19 pays ou zones de ce listing seront désormais désignés comme Pays à Aquaculture Développée (PAD).

¹   Taiwan et Hong Kong sont mentionnés indépendamment de la Chine continentale car leur développement est de caractère différent et les données de production paraissent séparément. Dans l'argument suivant la Chine comprend Taiwan, alors que Hong Kong est classé à part

Taiwan comprise

(Il ne faut pas en déduire que ces pays constituent les seuls PAD. Ni la qualité des données quantitatives, ni la nature exploratoire des caractéristiques qualitatives ne justifient l'établissement d'une liste exclusive. Ces 19 pays doivent être considérés comme des zones caractérisant, d'une manière générale, les PAD).

Le tableau 5.3 offre une comparasion quantative des 19 PAD, et permet une meilleure compréhension de la nature propre de chacun d'eux. Les paramètres au tableau 5.3 sont les mêmes qu'au tableau 5.1, avec cing paramètres additionnels:

1. Consommation de poisson de toute provenance par kg par habitant en 1976 (Josupeit, 1981)

2. Consommation de viande de toute provenance par kg par habitant en 1976 (Josupeit, 1981)

3. Une comparasion entre la production piscicole par habitant en 1980 et la consommation totale de poissons en 1976 (calculée)

4. La même comparaison par rapport à la consommation combinée de poisson et de viande (calculée).

Les taux de consommation de viande et de poisson pour 1976 ont été utilisés car ces chiffres étaient les plus récents disponibles. En général, lorsqu'il s'agit d'une comparaison avec la production aquicole, les changements par rapport à 1980 seraient minimes.

Les paramètres de consommation de viande et de poisson ont été introduits et ajoutés pour permettre d'établir une estimation globale du rôle que joue l'aquaculture dans la production alimentaire des PAD.

L'analyse détaillée que fournit le tableau 5.3 a pour objet de monter en termes quantitatifs comment une définition des PAD peut être obtenue.

5.4  Utilisation des terres dans les PAD

Le tableau 5.4 présente des données qui se réfèrent à ce sujet (Zhu De Shan, 1980; Lam, 1982; Song, communication personnelle; et FAO, 1981b) mais uniquement en ce qui concerne l'utilisation des terres dans les PAD.

Cette information sur l'utilisation des terres est destinée en premier lieu à fournir un élément supplémentaire pour la définition qualitative des PAD.

5.5  Schémas de croissance de la productivité par pays

Il a d'abord été supposé que les pays dont les taux de productivité sont les plus élevés seraient en train d'atteindre une espèce de “palier” dans leur croissance. Or cela n'est pas souvent le cas.

A titre d'illustration, les ll zones de plus grande productivité (par habitant) y compris Taiwan, ont été étudiées. Ensemble, elles représentent 6 pour cent de la population mondiale et 10 pour cent de la population des PAD. Les chiffres de la production piscicole sont passés de 467 900 tonnes en 1975 à 679 300 en 1980, avec un gain annuel de productivité totale de 8,2 pour cent et un gain annuel par habitant de 6, 3 pour cent. Dans les deux cas, le gain de productivité dépasse largement les taux correspondants de croissance de la population ou même ceux de la croissance mondiale de productivité piscicole.

Le tableau 5.5 et la figure 5.1 démontrent encore qu'aucun “plafond” ou “palier” en tant que tel n'a été atteint dans l'ensemble. Le tableau 5.1 classe les pays du monde en fonction de leur production piscicole par habitant. Il est clair que les gains de productivité (exprimés en pourcentage de croissance annuelle) ne sont pas réservés aux pays en début de développement. Comme le montre la figure 5.1, la composante de productivité, loin d'atteindre un “palier” à mesure que les taux de productivité s'améliorent, s'envole plutôt vers le haut et quitte le diagramme.

(Note: Les points de la figure 5.1 tracent les différents pays où la production piscicole par habitant rejoint leur position en populations cumulées - voir tableau 5.5.)

Déduire de cette analyse qu'il n'existe aucun plafond à la productivité est évidemment contraire à toute raison. En effet, pour certains pays et pour certains produits, des limites dues aux conditions présentes ont été atteintes. (Par exemple, la production de carpes en Chine semblerait être en train d'atteindre son “palier” dû à la diminution des superfies disponibles pour la création de nouveaux étangs car ces espaces sont contestés. La croissance ici dépendra donc d'une technologie améliorée ou de la culture d'autres organismes.) On peut conclure cependant que l'utilisation d'examples de PAD individuels pour mieux comprendre le potentiel d'autres pays semblables qui n'ont pas sensiblement développé leur aquaculture est valable.

La figure 5.1 permet également de tirer une conclusion provisoire. Si la validité des données fondamentales est acceptable, il se peut que le “seuil” se situe aux alentours de 50–100 grammes par habitant pour la pisciculture et qu'il soit très différent pour d'autres produits.

Une telle conclusion provisoire suggère que le choix d'un “seuil” comme objectif de production pour un programme national puisse être plus utile que de viser un objectif beaucoup plus élevé. La maison étant que lorsque le “seuil” a été atteint, les forces qui favorisent l'accroissement du développement aquicole deviennent plus importantes que les contraintes, de sorte que la productivité peut se développer avec moins d'effort.

(Note supplémentaire concernant la figure 5.1: de par leur population importante, la Chine et l'Inde créent ce que l'on pourrait appeler des “plateaux” dans la courbe. Cet effet est produit par le traitement des information et n'a probablement pas une grande importance. Si l'on découpait ces deux zones en sections de dimensions égales à la moyenne des autres pays, pour obtenir des valeurs de production séparées, la courbe suivrait un tracé plus uniforme.)

5.6  Les PAD comme indicateurs pour la planification de la production

Le concept des PAD été développé en premier lieu, pour servir d'outil permettant de tenir compte de facteurs qualitatifs dans l'établissement d'objectifs quantitatifs. Dans la pratique l'utilisation de cet outil dépend de la compétence et du judgement du planificateur qui en fait usage mais il peut également servir lorsqu'il s'agit d'appliquer des données moins précises dans des cas particuliers.

Examinons, par exemple, le cas d'un planificateur ayant à étudier une proposition d'installation offrant 4 000 tonnes de production de carpes (@750 kg par habitant par an) sur une période de dix ans, dans un pays ne possédant aujourd'hui aucune production, avec une population de deux millions et 500 000 ha de terres cultivables. Il pourrait faire les calculs suivants:

En comparant ces valeurs à celles des PAD, le planificateur constate que le défi consiste à dépasser, en chaque point, et en dix ans, les moyennes des PAD. A l'aide de l'expérience acquise dans le pays en question et dans les PAD, le planificateur doit donc juger si la proposition est réaliste. (Il peut également utiliser cette information pour établir ce qui doit être modifié dans le pays pour qu'il atteigne le développement standard d'un PAD).

Le concept de “seuil” au-delà duquel l'aquaculture se développe rapidement peut s'appliquer à l'attribution d'une assistance internationale. L'objectif étant d'aider tous les pays en développement, ayant un potentiel aquicole, à atteindre ce niveau. L'importance et la durée de l'assistance nécessaire pour atteindre cet objectif étant, de ce fait, soulignées.

5.7  Résumé

La section précédente a pour objectif de décrire des pays ayant des niveaux de production aquicole importants (1) par rapport à leur population, à leurs terres cultivables et également par rapport à leurs caractéristiques communes. Pris dans leur ensemble, ces exemples permettent de définir ce qu'est un Pays à Aquaculture Développée (PAD).

Figre 5.1
Production de poissons par rapport à la poplulation cumulée

POURCENTAGE DE L'ENSEMBLE DE LA POPULATION PAR RAPPORT A LA POPULATION MONDIALE

Une telle définition est destinée à aider les planificateurs à évaluer d'une façon réaliste, les conditions qualitatives qui doivent être celles d'un pays sur le point de devenir un PAD et prévoir égalent les niveaux de production qui peuvent être ainsi réalisés.