4. FACILITER LE CHANGEMENT: QUE FAUT-IL FAIRE?
4.1 GRANDES OPTIONS ET LEUR TENDANCE D’EVOLUTION
La réponse à la question de savoir ce qu'il faut faire pour une gestion durable des ressources forestières et fauniques est au premier abord d'arrêter leur dégradation. Malheureusement arrêter la dégradation des ressources naturelles telles que les forêts, les eaux, les sols, la faune dans un pays pauvre à économie agraire est un défi bien difficile à lever.
En effet les modes de production et de consommation des produits agricoles, pastorales, forestières, cynégétiques base de l'existence des populations maliennes relèvent de la culture séculaire des peuples. La conjugaison de ces actions anthropiques avec la précarité du climat, notamment les sécheresses récurrentes aboutissent inéluctablement à la disparition des ressources si des actions vigoureuses de restauration ne sont pas entreprises. En tout état de cause l’option fondamentale est la gestion durable des ressources naturelles. Les facteurs pour réaliser ce rêve sont aussi nombreux que divers. Pour les vingt prochaines années, certains facteurs d’évolution du secteur forestier relèvent de la certitude se sont les grandes tendances qui sont :
La réduction de la croissance démographique à un taux inférieur à 2,2 % atteint en 2000
La baisse de l'analphabétisme, de l'ignorance et l’amélioration du taux de scolarisation
L'amélioration de l'état de santé des populations avec l’augmentation du taux de couverture sanitaire
L'amélioration de l'accès à l'eau potable
D'autres au contraire sont des incertitudes comme:
La baisse de la pauvreté et des inégalités sociales
La participation effective des populations à la gestion rationnelle des ressources
L'évolution des investissements dans le secteur forestier
La maîtrise du contrôle de l'accès aux ressources
L'amélioration des conditions climatiques
La réalisation de la stabilité institutionnelle
4.2 FACTEURS CRUCIAUX POUR AMELIORER LA SITUATION
4.2.1 Au plan macro-économique
Les facteurs cruciaux pour améliorer la situation:
La maîtrise de la démographie avec comme objectifs de ramener le taux national à 2,0 %
L’amélioration des taux d’alphabétisation et de scolarisation pour atteindre les 75 % à l’horizon 2020
La lutte contre la pauvreté: il s’agit de porter le seuil de pauvreté de 97 843 F en 1999 à 500 000 en 2020 tout en maintenant le taux de pauvreté à 48 % (taux, de 1994)
Le renforcement de la décentralisation, l’instauration d’une bonne Gouvernance avec notamment le transfert des domaines aux collectivités territoriales
la mise en place d’une politique et d’une stratégie participative d’aménagement du territoire
L’accroissement de la recherche de substitution au bois énergie devrait permettre de réduire la part du bois comme combustible ligneux de 96 % à 50 %
La valorisation des produits de cueillette dont la filière présente aujourd’hui une tendance porteuse
L’accroissement des investissements dans le secteur forestier
L’intensification de l’agriculture à travers la maîtrise des superficies cultivées (surfaces irriguées, maintien du potentiel productif sol, etc.) et l’amélioration des rendements
L’intensification des systèmes d’élevage et le déstockage du cheptel
4.3 TYPE DE CHANGEMENTS REQUIS
Les changements requis pour une gestion durable des ressources du secteur forestier sont de 3 types:
Changements politiques et institutionnels:
Renforcer la démocratie et d’instaurer une bonne gouvernance
Consolider la décentralisation et renforcer les capacités et compétences locales de gestion
Renforcer la société civile et son implication dans l’aménagement et la gestion des ressources forestières et fauniques
Renforcer et stabiliser les institutions de l'État et des Collectivités territoriales
Adapter constamment le cadre législatif et réglementaire à l’évolution de la situation
Renforcement des capacités des investissements dans le secteur forestier:
Professionnaliser l’exploitation et les exploitants
Faire une politique de réalité des prix du bois
Augmenter la part intérieure dans le budget d’investissement
Promouvoir la transformation de produits forestiers par la création d’entreprises
Progrès technologiques:
Accélérer les recherches et l'application des techniques et technologies de substitution du bois
Promouvoir l'usage domestique du gaz, du pétrole lampant, du bio gaz et de l'électricité
Accélérer la recherche en énergie solaire et promouvoir l'énergie éolienne partout où cela est possible
Améliorer les techniques de plantation par l'adoption de technologie modernes de production des plants d’arbres forestiers
Les changements vers une conservation des ressources forestières requièrent:
La planification efficace et une gestion rigoureuse des ressources (ressources naturelles, ressources financières)
Le développement d’un secteur privé performant et dynamique
La promotion d’une démocratie qui tient compte de nos valeurs culturelles
L’accroissement de la capacité des organisations de la société civile pour un meilleur dialogue social
4.5 LES ROLES ET RESPONSABILITES DES DIVERS ORGANISMES
L'Etat:
Élabore les politiques et stratégies nationales forestières
Élabore et veille à l’application des lois et règlements relatifs à la conservation des ressources forestières et fauniques
Élabore et met en œuvre des plans d’aménagement et de restauration des forêts, parcs et réserves
Élabore des programmes d’action de lutte contre la désertification et veille à leur mise en œuvre
Appuie les collectivités territoriales en matière de gestion rationnelle des ressources forestières et fauniques
Participe aux négociations des instruments juridiques internationaux relatifs à la conservation des forêts et de la faune et veille à leur application
Assure la collecte, le traitement et la diffusion des données statistiques
Intègre les activités relatives à la promotion et le développement rural
Assure le transfert de compétences et des ressources des collectivités territoriales aux communautés
Les Collectivités Territoriales
Les collectivités territoriales ont pour mission le développement économique, social et culturel d'intérêt régional ou local. A cet effet, elles ont compétence, pour ce qui est de leur territoire respectif en matière de conception, de programmation et de suivi évaluation des projets de conservation et de développement des ressources forestières et de la faune. Spécifiquement, elles:
Assurent la maîtrise d'ouvrage des actions de conception, de planification, de mise en œuvre et de suivi-contrôle des projets et programmes de conservation des ressources forestières et fauniques
Assument la responsabilité de l'aménagement et de la gestion des ressources
Veillent à la bonne gestion et la durabilité de l'exploitation des ressources
approuvent les projets communautaires
Les Chambres d'agricultures
Les Chambres d’agricultures, basées sur un système à organes élus assurent la représentation et la défense des intérêts du monde rural en général, ainsi que la formation de ses membres. Elles ont un rôle consultatif pour toute politique et texte législatif concernant le monde rural. Elles suscitent et encouragent les initiatives à la base, servent de pôle d'information et de sensibilisation du monde rural. Elles constituent enfin, un lieu de concertation et de négociation pour les ruraux.
Le secteur privé
Le rôle du secteur privé est:
Prendre des mesures visant la création d’un cadre adéquat de concertation de tous les intervenants dans la gestion forestière
Assurer l’information, l’éducation et la communication, favorables aux investissements et à l’implication responsable des communautés locales et des partenaires extérieurs au secteur de la forêt
Réaliser des prestations de service pour le compte de l’état, des collectivités territoriales ou des particuliers
Les Organisations professionnelles et associations villageoises (AV, TON, CVGR, etc.)
Elles ont pour rôle d'assurer le développement économique et social de leurs membres et partant des villages ou communautés par la mise en commun de leurs efforts, de leurs intelligences et de leurs moyens à leur avantage et à leur risque.
Les partenaires au développement
Les partenaires bilatéraux, multilatéraux et ceux de la coopération décentralisée apportent des moyens matériels et financiers mais aussi techniques et technologiques pour la réalisation des projets et programmes du secteur forestier.
4.6 LES SCENARIOS DE DEVELOPPEMENT DU SECTEUR FORESTIER
Au regard de l'état actuel des ressources, et des engagements politiques volontaristes des autorités politiques du pays pour que le secteur continue à jouer le rôle essentiel qui est le sien dans le développement économique social et culturel du pays de nombreux défis sont à lever. En effet l'étude nationale prospective Mali 2025 réalisée par la Présidence de la République en juin1999 montre que les Maliens aspirent à un environnement sain avec des ressources naturelles abondantes, un recul significatif du désert, un Mali plus vert et moins tributaire des aléas climatiques.
Au regard des tendances et des incertitudes déjà énumérées, trois scénarios sont envisagés:
Un Mali dans la tourmente des aléas climatiques
Un scénario pessimiste voire catastrophique caractérisé par la poursuite de la dégradation des ressources et son accélération sous la pression du climat et des mauvais systèmes de production. Le déficit en produit ligneux s'installe, les forêts claires ont transformé en steppes désertiques, la consommation d'énergie dépend essentiellement du bois et la faune a presque disparu. Dans ce cas le cadre de vie est hostile à l'homme et à ses activités de production, l’avancée du désert du Sahara vers le sud s’accélère et la désertification sévit dans toutes les zones écologiques du pays.
Un Mali qui survit
Ce scénario se caractérise par une prise de conscience claire de tous, en ce qui concerne la nécessité de lutter contre la dégradation, la transformation des nombreux slogans politiques en actes concrets, chacun des Maliens étant désormais mu par son instinct de survie et participant courageusement à la conservation des ressources. La population malienne participe également au développement du couvert végétal, au repeuplement et à la gestion de la faune, à la réduction drastique de la consommation de bois afin de maintenir un niveau acceptable des ressources.
Un Mali prospère
Un scénario optimiste voire utopique qui se caractérise par un renversement de la situation de dégradation des ressources et la réalisation des objectifs de production et de consommation permettant une prospérité réelle et un cadre de vie agréable pour tous.
Caractéristiques générales des trois scénarios:
SCENARIO PESSIMISTE
"un Mali dans la tourmente des aléas climatiques"
Absence de démocratie et État centralisateur. Aucune prise de conscience collective
Croissance démographie supérieure 2,2 %
Le taux de pauvreté est supérieur à 75,6 %
Plus de 90 % de l’énergie domestique provient du bois
Le taux de couverture des besoins en eau potable est de 52 %
Les productions forestières diminuent considérablement
La désertification s’accentue
Les surfaces agricoles augmentent et plus de 400 000 ha sont défrichés annuellement et le caractère extensif de l’élevage s’accentue
Le problème de l’emploi se caractérise essentiellement par le chômage et le sous emploi
Le taux de couverture sanitaire demeure faible
Le taux scolarité reste faible et inférieur à 50 % et le taux d’alphabétisation stagne à 30 %
La population participe peu à la gestion des ressources
Les produits forestiers, non ligneux ne sont pas valorisés
L’exploitation minière entame considérablement les superficies forestières et les retombés économiques ne sont pas orientés vers la restauration des écosystèmes
Les feux de brousse persistent
L’exode rural s’accentue
L’émigration prend de l’ampleur
SCENARIO OPTIMISTE
"un Mali qui survit"
La démocratie s’instaure, les collectivités décentralisées, le secteur privé et la société civile s’organisent
La croissance démographique se stabilise à 2,2 %
Le taux de pauvreté est maintenu ou légèrement inférieur à 71,6 %
Le revenu par tête d’habitant augmente légèrement
L’utilisation des énergies de substitution et des technologies nouvelles fait baisser la consommation du bois énergie dans les centres urbains
Le taux de couverture en eau potable atteint 60 % en milieu rural grâce aux programmes de forage entrepris
Les défrichements sont en nette diminution à cause des actions d’intensification de l’agriculture
On assiste progressivement à la sédentarisation des éleveurs, des nomades, à l’intensification du système d’élevage et à la réduction de la pression sur le sol et les ressources forestières
La politique de l’emploi facilite l’insertion des jeunes diplômes dans le secteur privé
Le taux de couverture sanitaire s’améliore avec la multiplication des centres de sant&eac ute; communautaire et l’amélioration de la production des médicaments essentiels
Le taux de scolarisation augmente légèrement et l’alphabétisation fonctionnelle intéresse de plus en plus les ruraux
Le secteur forestier est mieux encadré avec la valorisation des filières des produits forestiers non ligneux
Le désenclavement du pays se renforce avec la construction de nouvelles infrastructures routières, aéroportuaires, ferroviaires et fluviales
La coopération internationale consent de gros efforts pour le secteur forestier (aménagement, plantation, transformation des produits et formation des ressources humaines)
Les retombés économiques des exploitations minières permettent de réaliser des terres d’emprunt et de faire des reboisements compensatoires
Les feux de brousse diminuent considérablement
SCENARIO UTOPIQUE
"un Mali prospère"
Les collectivités territoriales sont fonctionnelles, le transfert des compétences des ressources et des domaines est effectif
Le secteur privé et la société civile sont de plus en plus dynamiques
Les actions d’investissements sont entreprises et les prestations de services sont réalisées pour le compte de l’État, et des collectivités
La croissance démographique décline considérablement et est inférieure à 2 %
La pauvreté décline jusqu’à un taux de 50 %, et le RDN atteint plus de 547 570 FCFA
Le secteur minier se modernise et est bien maîtrisé, et les retombées permettent des investissements appropriés, le secteur privé résorbe de façon significative le chômage grâce au programme national d’action pour l’emploi plus 60 000 emplois par an
Les besoins en eau potable sont satisfaits à près de 90 %, le taux de la couverture sanitaire est total
Le programme dynamique de reboisement mis en place dans le cadre de partenariat a permis la réalisation des plantations au tour des grandes agglomérations en régie et assurer à près de 50 % les besoins en bois du pays, et la fixation des dunes est généralisée dans les régions désertiques du pays
L’érosion est contrôlée dans toutes les zones de production
La fertilisation des sols a conduit à une amélioration générale de l’agriculture et à un accroissement des rendements des sols, les surfaces agricoles sont maintenues à leur niveau
Les techniques d’embouches sont maîtrisées
Les feux de brousse sont circonscrits
La levée des barrières Douanières dans le cadre de l’intégration, a réduit le coût du bois de sciage et a augmenté ainsi les importations
L’émigration et l’exode rural sont freinées grâce à la création d’emploi dans le milieu rural (usine d’égrainage, commercialisation des produits agricoles). Le taux de scolarisation atteint 90 % et celui de l’analphabétisme est moins de 10 %
La population participe activement à la gestion des ressources naturelles
Toutes les forêts ont leur plan d’aménagement et de gestion
Toutes les communes possèdent un plan communal d’environnement
Au regard de l'état actuel des ressources, et des engagements politiques volontaristes des autorités politiques du pays pour que le secteur continue à jouer le rôle essentiel qui est le sien dans le développement économique social et culturel du pays de nombreux défis sont à lever.
Signaux forts:
1.Gouvernence,2. Démographie/Urbanisation, 3. Pauvreté, 4. Énergie domestique, 5. Ressources en eau, 6. Ressources forestières, 7. Désertification, 8. Agriculture extensive, 9. Emploi, 10. Santé, 11. Éducation/Formation, 12. Modes de gestion des ressources, 13. Produits forestiers non-ligneux, 14. Coopération internationale, 15. Investissement, 16. Feux de brousse
Signaux faibles:
1. Exploitation minière, 2. Exode rural, 3. Émigration, 4. Infrastructure, 5. Intégration sous-régionale, 6. Conscience environnementale
Caractéristiques spécifiques du scénario probable:
Comment les forêts maliennes peuvent-elles assurer leurs fonctions de conservation et de protection des écosystèmes et du patrimoine biogénétique?
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HYPOTHESES |
ORIENTATIONS STRATEGIQUES |
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Préserver le fragile équilibre des écosystèmes maliens |
Assurer une gestion rationnelle et concertée des ressources naturelles (mise en œuvre de la gestion décentralisée des Ressources naturelles) Soutenir les actions mises en œuvre par les partenaires (Organisations communautaires, ONG, partenaires au développement) en définissant un cadre de coopération focalisé sur la participation des populations Concevoir et mettre en œuvre des schémas d’aménagement qui tiennent compte des spécificités locales Renforcer la sensibilisation et la formation des populations et des différents acteurs économiques dans le domaine de la protection de leur environnement |
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Lutter contre la désertification et les autres effets climatiques néfastes transnationaux. |
Appuyer toutes les actions relatives à la réduction des effets éco-climatiques négatifs Ratifier et mettre en œuvre les différentes conventions et autres accords bilatéraux, multilatéraux et régionaux dans la mesure où ceux-ci ne dérogent pas au cadre législatif environnemental du Mali (Agenda 21, Sahel 21, PNAE/CID, Convention de Bamako sur les déchets dangereux.) |
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Conserver et protéger le patrimoine biogénétique
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Renforcer les capacités des ressources humaines en matière de sensibilisation/formation et de recherche sur les aires protégées (forêts classées, parcs nationaux, arboretum, stations de recherche… Prendre et mettre en œuvre des mesures réglementaires et législatives de protection de la diversité biologique Réduire la part du bois dans la satisfaction des besoins énergie domestique de 96 % à 50 % Ramener le taux d’accroissement de la population « à moins 2,2 %/an |
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Élever la contribution de la forêt au PIB de 6 % en 2000 à 10 % en 2020. |
Valoriser les produits non ligneux afin de faire passer le taux d’exploitation de 25% actuellement à 50 % en 2020 Améliorer la contribution du secteur forestier à l’emploi dans le secteur formel par la professionnalisation des exploitants et de l'exploitation Développer et intensifier les systèmes de production agricoles (agriculture, élevage) |