Au Libéria, le gouvernement est
propriétaire de la ressource forestière et il est habilité à conclure des
contrats avec des particuliers et des entreprises, pour l’exploitation de cette
ressource. Les redevances forestières perçues sur l’utilisation de cette
ressource sont déterminées sur la base du volume de la production et de la
superficie des terres dans les zones couvertes par les accords. L’évaluation du
volume intéresse quatre types de taxes ou redevances. La taxe sur la
superficie (redevance de location de la terre) est prélevée sur la superficie
totale de la concession allouée à une société forestière. Deux autres taxes sont
aussi prélevées sur les volumes de bois ronds et les produits transformés
destinés à l’exportation.
Actuellement, le Gouvernement libérien
n’est pas en mesure de recouvrer l’intégralité des taxes forestières qui lui
sont dues. Par exemple, certains individus et entreprises acquièrent une
concession au titre d’un Accord pour l’utilisation des produits forestiers, mais
n’ont pas les moyens d’entreprendre les opérations à l’échelle prévue. Parfois,
ils n’exploitent la forêt que pendant un ou deux mois par an, puis suspendent ou
arrêtent leurs opérations faute de fonds. Durant cette période d’inactivité, les
taxes estimées sur la terre (et les autres taxes) commencent à s’accumuler. Bien
souvent, les opérateurs finissent par abandonner la forêt, et les arriérés
deviennent irrécupérables. Cela arrive aussi avec de grosses sociétés, qui se
mettent brusquement en faillite et quittent le pays.
En outre, le régime fiscal forestier ne
prend pas en compte toutes les taxes qu’il pourrait exiger. Par exemple, le
gouvernement ne facture aucune redevance de location des terres sur les
activités d’exploitation menées sur des terres privées ou communales. Dans ces
zones, il ne recouvre que des taxes basées sur le volume. Les taxes prélevées
sur la récolte et la vente des PFNL sont négligeables, alors que ces activités
tiennent une place importante dans la forêt. Il n’existe pas non plus de taxe
sur les produits forestiers transformés destinés à la consommation intérieure
car ils bénéficient d’une exonération fiscale visant à promouvoir la
transformation intérieure. Toutes ces lacunes dans le régime fiscal forestier
actuel font que la contribution du secteur aux recettes du gouvernement est
inférieure à ce qu’elle pourrait être.
En ce qui concerne les procédures
d’évaluation et de recouvrement des taxes forestières, le système actuellement
en vigueur au Libéria (avec les feuilles de dénombrement, les Fiches
récapitulatives de la production mensuelle, les Lettres de voiture et les
procédures associées à ces formulaires) est bien conçu, mais peu appliqué. Les
coûts du recouvrement sont faibles par rapport aux montants des recettes
perçues, mais les arriérés accumulés sont très élevés.
L’autre point faible du système est
l’incidence apparemment très élevée de la fraude fiscale. Ceci peut
essentiellement être attribué au niveau insuffisant des salaires et des primes
versés aux fonctionnaires de terrain chargés de contrôler les opérations
forestières. Il s’ensuit que ces fonctionnaires se laissent corrompre par les
sociétés et sous-estiment les volumes de production et sous-classent les
produits. Le sous-classement est parfois mis en évidence par une comparaison
entre les feuilles de dénombrement et les fiches récapitulatives de la
production mensuelle, ces dernières servant de base pour déterminer les taxes
forestières que devrait payer un opérateur. Or les essences de haute
valeur (enregistrées comme telles sur les feuilles de dénombrement) sont parfois
enregistrées et évaluées comme des espèces secondaires sur les Fiches
récapitulatives de la production mensuelle, ce qui réduit le montant total des
taxes à payer au gouvernement.
Le régime fiscal forestier actuel est
simple, Les procédures à suivre pour l’évaluation, le paiement et le
recouvrement sont clairement définies. En outre, les procédures de suivi sont
bien définies, grâce à l’utilisation de formulaires étroitement reliés pour
l’enregistrement des données relatives aux volumes produits. Malheureusement,
comme toute autre entreprise, les sociétés d’exploitation forestière répugnent
toujours à payer l’intégralité des taxes qui sont dues, ce qui explique que le
montant total recouvré soit insuffisant.
Compte tenu de l’appréciation qui précède,
les mesures suivantes pourraient être envisagées pour améliorer le régime fiscal
forestier:
1. Une procédure d’appel d’offres public devrait être mise en place pour la concession des droits d’exploitation forestière. Ceci permettrait de retenir uniquement les sociétés forestières qui sont en mesure de démontrer qu’elles ont les capacités techniques et financières voulues pour mener à bien leurs opérations et payer toutes les charges correspondantes.
2. Il conviendrait d’établir et de mettre en application une règlementation précisant les sanctions encourues en cas de non-paiement des taxes au-delà du délai prescrit (qui est aujourd’hui de 15 jours à compter de la réception de la facture).
3. Les PFNL devraient être taxés pour refléter la capacité réelle de création de revenus de la forêt. Les permis annuels actuellement exigés pour la production et la vente des PFNL ne sont pas suffisants.
4. Les règlementations existantes devraient être appliquées de manière plus rigoureuse pour minimiser les pertes de bois et maximiser le recouvrement des recettes (ex : dispositions concernant l’abandon des concessions, les lettres de voiture, le déclassement des espèces, etc.)
5. Une très faible taxe sur les produits forestiers transformés destinés à la consommation intérieure devrait être prélevée, afin de promouvoir la vente de produits de qualité sur le marché local au lieu de n’avoir que les produits refusés à l’exportation.
6. Avant de commencer l’exploitation, les sociétés forestières devraient être tenues de verser à l’avance un somme correspondant à deux ans de redevances de location des terres, en plus du dépôt obligatoire de 40, 00 dollars E.-U. à imputer sur les taxes forestières futures. Ceci permettrait de garantir quelques recettes au gouvernement même si une société s’abstenait d’exploiter la forêt, et de l’indemniser pendant le temps où la terre serait laissée improductive, car une autre société aurait pu l’exploiter (et payer des taxes forestières) pendant ce temps.
7. Les taxes devraient rester simples et raisonnables, mais elles devraient être réévaluées quand les circonstances l’exigent. En outre, avant de procéder à tout ajustement, le FDA devrait étudier plus attentivement les réclamations des sociétés à ce sujet.
8. Une étude sur les coûts du secteur forestier devrait être réalisée pour déterminer les coûts de production (qui comprennent les coûts d’exploitation, de transport, de transformation et d’expédition des produits). Ceci permettrait de fixer les taxes forestières à un niveau compatible avec les objectifs sociaux, économiques et environnementaux du gouvernement.
9. L’analyse et le suivi des cours mondiaux du bois devraient être renforcés. Le système actuel manque d’efficacité car le FDA se repose sur les prix FOB estimés par les producteurs et les exportateurs pour la détermination des taxes forestières.
Le régime fiscal forestier est un instrument administratif plutôt que technique. Son principal objet est d’évaluer les taxes à payer et de garantir leur recouvrement. La contribution du régime à l’aménagement durable des forêts se fait principalement à travers les différents taux d’imposition appliqués aux produits destinés à l’exportation. Les taxes prélevées sur les exportations de bois ronds sont plus élevées pour les espèces primaires (séquoias) que pour les espèces secondaires. Ces différences de taux visent à dissuader les opérateurs de n’abattre que les essences les plus prisées sur le marché et à les inciter à exploiter aussi les espèces qui se vendent moins cher, de manière à se maintenir dans les limites de la production maximale équilibrée, qui est un aspect de l’aménagement forestier durable.
Il est difficile d’évaluer l’impact du régime fiscal forestier sur d’autres aspects de l’aménagement forestier durable. En général, le régime fiscal n’est pas optimal car il ne permet pas au pays de retirer tout le profit qu’il pourrait des opérations forestières. Les dispositions techniques des plans d’aménagement forestier (contingentement des coupes annuelles, diamètres limites de coupe, etc.) auraient probablement un impact plus positif sur l’aménagement forestier durable si elles étaient réellement appliquées. Il existe une caution de bonne exécution qui est censée garantir la durabilité de la gestion des forêts, mais elle n’est guère efficace dans la pratique.
Le FDA est l’organisme gouvernemental qui est chargé de suivre et de superviser les activités des sociétés d’exploitation forestière. Les lois et les règlementations forestières visent à garantir que les sociétés adoptent des pratiques d’aménagement durable. Les sociétés choisissent leurs débouchés commerciaux, négocient les prix et concluent leurs contrats de vente, en toute liberté sans aucune interférence du FDA. Le FDA n’intervient que pour les exportations de bois et de dérivés du bois, et son rôle se limite à suivre et superviser ces activités pour s’assurer que les espèces et les volumes expédiés correspondent bien à ceux qui ont été déclarés, et n’ont pas été classés dans une catégorie inférieure. Compte tenu de la force des mécanismes du marché international et de leur évolution rapide, le régime fiscal forestier peut difficilement être utilisé pour rétablir un équilibre entre l’offre et la demande, à court terme.
Le Libéria est un état unitaire où l’évaluation et le recouvrement des recettes forestières sont centralisées. Tout se fait dans la capitale, sans l’intervention des districts ou des communautés locales. Le gouvernement central alloue chaque année des crédits budgétaires aux administrations des districts (15 districts), mais les recettes forestières ne sont pas partagées avec les autres parties prenantes (ex : compagnies forestières privées, propriétaires de forêts et communautés autochtones tributaires des forêts). C’est la raison pour laquelle le régime fiscal forestier est d’une manière générale injuste et inéquitable.
L’impact du régime fiscal forestier sur l’aménagement durable des forêts pourrait être renforcé par les mesures suivantes:
1. Il conviendrait d’établir de meilleures relations avec les populations locales (notamment avec les communautés autochtones) et de les inciter, par des mesures concrètes, à gérer les forêts locales dans une optique de durabilité.
2. Les populations autochtones et locales devraient être consultées à tous les stades des opérations forestières
3. Les populations autochtones et les communautés locales devraient avoir la possibilité de participer et d’obtenir un emploi rémunéré dans les opérations d’exploitation et les industries forestières. Cela les encouragerait à préserver les fonctions de production et de protection de la forêt.
4. La déforestation et la dégradation des forêts sont aggravées par les opérations des chasseurs et des agriculteurs qui vivent au cœur de la forêt et pratiquent l’agriculture itinérante (culture sur brûlis). Des mesures doivent être prises pour les convaincre de quitter les forêts nationales pour s’installer ailleurs.
Ces dernières années, les dépenses totales consacrées par le gouvernement à l’aménagement durable des forêts ont été insuffisantes. Par exemple, avant le Décret N°4, le FDA avait droit (en vertu de la loi) à 20 pour cent seulement des redevances d’exploitation et de location de la terre recouvrées par le Ministère des finances, mais il n’a jamais reçu la totalité de cette subvention. On estime qu’en moyenne, le Ministère des finances n’a transféré au FDA que 15 pour cent du montant total auquel il avait droit (voir Tableau 23).
Tableau 23 Comparaison entre l’allocation budgétaire due au FDA et les montants effectivement transférés par le Ministère des finances, de 1996 à 1999
|
Année |
Montant de la subvention versée par le Ministère des
finances au FDA |
Droit estimé du FDA sur les recettes du Ministère des finances ($ E.-U.) |
Pourcentage du montant dû effectivement versé |
|
1996 |
131 481 |
? |
? |
|
1997 |
? |
? |
? |
|
1998 |
165 000 |
1 056 000 |
16 |
|
1999 |
200 000 |
1 490 444 |
13 |
Dans le domaine de l’aménagement durable des forêts, les fonds du FDA sont surtout concentrés sur le suivi et la supervision des sociétés forestières. Le reboisement (développement des plantations forestières) et la recherche forestière reçoivent moins de fonds. Des crédits suffisants doivent être alloués, par ordre de priorité, aux activités ci-après:
1. Services de recherche et de
vulgarisation forestières
2. Reboisement:
a) Foresterie
communautaire
b) Agroforesterie
3. Mise
en valeur des ressources humaines
Actuellement, le
financement du FDA se heurte principalement à deux contraintes: la première est
l’insuffisance de l’aide financière extérieure et la seconde est la difficulté
de mobiliser des fonds au plan local. Depuis la fin des troubles intérieurs et
l’élection démocratique qui a suivi en 1997, la communauté internationale (y
compris
De plus, bien que le recouvrement des taxes forestières soit très lent, les montants perçus ne sont pas utilisés exclusivement par le FDA; ils doivent être partagés avec le gouvernement central pour financer d’autres programmes et projets prioritaires. Ces problèmes pourraient être minimisés ou éliminés si la communauté internationale accordait une assistance financière et des prêts au pays.
Des mesures rigoureuses doivent être mises en place pour sanctionner les sociétés d’exploitation qui ne versent pas leurs taxes forestières. Des peines et des amendes raisonnables (telles que la révocation des accords et le transfert des droits de concession à d’autres sociétés) doivent être appliquées de manière à dissuader les sociétés d’accumuler les retards de paiement.
Il n’existe aucun programme gouvernemental qui accorde des dons et des subventions aux parties prenantes du secteur forestier. Il est donc extrêmement difficile d’évaluer l’impact (positif et négatif) que pourraient avoir ces dons ou subventions sur l’aménagement durable des forêts. Il est recommandé de mettre en place des programmes d’incitation en faveur des opérateurs forestiers nationaux. Des crédits spéciaux devraient notamment être alloués aux forêts gérées par des entreprises et des groupements sociaux locaux, en particulier par les communautés autochtones qui vivent aux marges de la forêt. Cette mesure permettrait de garantir que les recettes perçues par ces groupes restent dans le pays, d’améliorer leurs conditions de vie et, partant, de promouvoir le développement économique et social du pays.
La production alimentaire est faible au Libéria, en particulier pour le riz, qui est l’aliment de base. La consommation de ce produit essentiel est en grande partie couverte par des importations, ce qui explique que le gouvernement donne toujours la priorité au développement agricole et accorde des subventions au secteur.
L’agriculture itinérante de montagne (culture sur brûlis) est le système traditionnellement adopté au Libéria et les agriculteurs répugnent à se déplacer vers les basses terres et les zones marécageuses, bien qu’ils soient avertis par les campagnes de sensibilisation et les services de vulgarisation du gouvernement que ces zones ont une productivité beaucoup plus élevée. Les subventions à la riziculture incitent fortement à défricher les forêts, et sont une des principales causes de déforestation dans le pays. Le FDA est le seul organisme gouvernemental qui tente toujours de promouvoir l’aménagement durable des forêts, par des incitations. Le FDA encourage l’agroforesterie et l’arboriculture (foresterie communautaire) en distribuant des jeunes plants gratuitement et en établissant des plantations destinées à la production de bois de feu et de charbon de bois. L’objectif de cet effort est de ralentir la déforestation et la dégradation des forêts.
Les subventions à l’agriculture devraient être maintenues, mais le gouvernement doit convaincre les agriculteurs de se déplacer vers les zones dégradées, totalement exploitées et vers les basses terres au lieu de pratiquer l’agriculture au cœur des Forêts nationales et d’autres zones boisées.
6.5 Attitude face au changement
Le secteur forestier se place à présent au deuxième rang, en termes de recettes et de gains en devises. Compte tenu de la contribution significative de ce secteur à l’économie et à la protection de l’environnement, le gouvernement a toujours expressément soutenu l’aménagement durable des forêts, afin de maximiser la contribution sociale, économique et environnementale des forêts. Les récentes déclarations de politique du gouvernement insistent sur la nécessité d’accorder des concessions à de grosses sociétés d’exploitation ayant les capacités techniques et financières requises à cet effet et sur l’obligation qui leur est faite de mettre en place des unités de transformation du bois pour promouvoir la production intérieure de produits de qualité.
Soucieux d’avoir une réelle action dans le domaine de la protection de l’environnement, le Gouvernement a institué une Commission de l’environnement. Cette commission est habilitée à élaborer des directives et à formuler des politiques pour gouverner les activités des ministères et des institutions compétents en matière d’utilisation des terres.
Grâce au Décret N° 4, le FDA jouit aujourd’hui d’une plus grande autonomie et de ressources financières suffisantes. Ainsi, son budget pour l’exercice 2000-01 est estimé à 7,9 millions de dollars E.-U., se répartissant entre un budget ordinaire de 4,6 millions de dollars E.-U. et un budget de conservation de 3,3 millions de dollars E.-U.. La dotation en personnel est cependant inadéquate et le FDA doit embaucher davantage de personnel qualifié, notamment d’agents de terrain, afin de garantir la bonne exécution des opérations de contrôle, de supervision et de suivi.
Tout ceci montre que le gouvernement a une attitude face au changement qui va dans la bonne direction, mais ces déclarations devront être mises en application si l’on veut que le secteur forestier soit géré comme il convient, pour les générations actuelles et futures. Or, de récents documents directifs, comme l’Examen des politiques forestières, la nouvelle Loi nationale sur les forêts et le Décret N°4 attestent que cette attitude positive du gouvernement est déjà en train de se traduire dans des actes. Un Plan de reconstruction national a également été élaboré mais il n’a pas encore été mis en œuvre, faute de fonds. Le plan inclut les programmes et les projets concernant le secteur forestier et la protection de l’environnement.
En plus de ce qui précède, le Gouvernement a demandé une assistance technique et financière à un certain
nombre d’organisations internationales, telles que l’OIBT,