3.1. Caractérisation de la Forêt de Diangoumérila (en zone soudanienne).
Le nom de cette forêt fait l'objet d'un quiproquo entre les populations riveraines (qui l'appellent SANDUGULA WULA: forêt de SANDOUGOULA) et l'Etat qui, à la faveur du Décret N°404/PG-RM du 27-12-1986 portant classement de ladite forêt la désigne, à l'article 1, sous le nom de << Forêt de Diangoumérila>>.
Selon ce décret, la forêt couvre une superficie totale 57500 qui en fait la plus grande forêt du sud du Mali. Elle est située à 366 km de la capitale du Mali, et à plus de 100 km de toute agglomération de 50000 habitants.
La forêt se prolonge par delà les frontières guinéenne et ivoirienne, ce qui lui donne une vocation régionale, d'autant plus que ses potentialités, sans être vierges, restent importantes à la faveur du classement. La conjugaison de plusieurs facteurs dont l'éloignement de tout centre urbain, l'opposition de la population à toute exploitation, la suffisance des terroirs des villages environnants fait de cette entité une forêt dormante dont le peuplement arbustif se densifie et se diversifie d'année en année.
Riche en faune et en gibiers de toutes sortes, et en cours d'eau permanents, la forêt fait l'objet d'une convoitise cynégétique difficilement contrôlable dans les trois pays qui l'abritent.
L'acte juridique de classement de cette forêt explique les interdictions qui sont faites désormais aux populations: défrichage, construction d'habitat, mise à feu, coupe de bois, pratique de la chasse.
Les populations ont manifesté leur incompréhension puis leur désaccord avec le fait que leurs sites sacrés et leurs terres fertiles soient en zone classée, ce qui leur paraît être un refus de protection de fonds culturel.
La vie économique et sociale des 8 villages qui constituent la commune rurale du Koussan est marquée par la similarité et la monotonie des activités: l'agriculture est la principale activité et elle est caractérisée par son faible niveau technologique, un encadrement débutant, un besoin criant d'équipement pour les ménages. Cet équipement lui-même est fortement tributaire du développement de l'élevage. Le manque de matériel agricole décourage la jeunesse qui aspire à de nouvelles conditions de travail et finit par adopter un exode massif.
Pendant les années de sécheresse au Mali, la forêt était une sorte de refuge pour les troupeaux bovins du Sahel malien. Quoique cette zone à onchocercose fût intolérable pour la santé des humains, les troupeaux sahéliens se sont acclimatés et, de transhumants ils sont devenus résidents.
La chasse est l'activité la plus incontrôlable parce que praticable partout du fait du déplacement incessant de la faune et du fait que la forêt est assaillie à partir des trois pays à la fois et en l'absence d'une responsabilité tripartite coordonnée contre le braconnage.
La pêche est pratiquée mais la forêt est peu sollicitée du fait de l'abondance de fruits sur les jachères et les forêts résiduelles du village.
L'engouement de la population pour la création de forêts privées, familiales ou individuelles, peuplées d'espèces industrielles telles que l'anacardier est intéressant à suivre pour son exemplarité.
Le foncier, comme partout ailleurs, ne trouve sa légitimité aux yeux de la population qu'en référence à un ancêtre fondateur et protecteur, fût-il homme ou génie. En conséquence, les descendants vrais ou fictifs de cet ancêtre et aussi tous ceux qui ont été accueillis par la suite dans le villages accèdent à toutes les ressources naturelles avec les mêmes droits et obligations.
On constate le désir constant chez les populations d'homologuer tout et de vouloir harmoniser tout par le partage: tous les villages ayant opté de se mettre ensemble au sein d'une même commune se disent aujourd'hui de même origine, de même langue, de mêmes institutions de gestion de ressources. L'adoption et surtout l'assimilation constituent les voies irréversibles de suppression de différence de statuts pour l'usage permanent et illimité des ressources.
Ainsi pour les nouveaux installés, l'accès aux mares collectives poissonneuses et aux terres de culture est automatique et il est extrêmement rare qu'un parrain exige la restitution des terres qu'il a mises à la disposition de ses protégés.
Quoique la vente de terres ne soit pas une pratique identifiée actuellement, elle a eu cours avant la colonisation française, à titre symbolique lors de la création de nouveaux villages par des gens d'autres origines: de cette façon, le génie et le culte restent les propriétés du vendeur et obligent tous les usagers à se soumettre aux mêmes forces cachées.
Tous les éléments partagés: géographiques, historiques, techniques etc.., ont contribué à créer une culture uniforme de village en village dans l'ensemble du Koussan dont le capital social est la référence première et le support est <<le sol ancestral>>.
3.2. Caractérisation de la forêt de Samori (en zone semi-aride).
3.2.1. Présentation physique du Samori
Le climat de l'espace-forêt de Samori est de type soudanien avec une pluviométrie moyenne annuelle de 750 mm. Il faut cependant souligner que de mémoire d'habitant, sécheresse et humidité alternent toutes les décennies. Lorsque le Sourou, qui est le cours d'eau arroseur, connaît un trop plein d'eau il déborde et inonde des vallées et favorise une riziculture sauvage. La mise en eau d'un barrage sur le Sourou a permis le développement de la riziculture, mais il y a nécessité de construire un ouvrage régulateur pour une meilleure gestion des eaux et des espaces.
3.2.2. Le statut juridique de la forêt de Samori
La forêt de Samori a été successivement régie par les règles édictées entièrement par les institutions traditionnelles, puis, en partie par les lois coloniales et post-coloniales, avec comme trait dominant la prééminence permanente de l'Etat. Si la période traditionnelle est caractérisée par des autorisations verbales pour l'accès à la forêt et à ses sous-produits, les périodes coloniale et d'indépendance, elles, par contre, sont ponctuées d'actes administratifs, législatifs, et réglementaires et aussi d'entreprises de mise en valeur dont les conséquences sont classées comme plutôt négatives par les usagers coutumiers. Classée en 1948, la forêt est restée néanmoins sous règles coutumières concomitamment à la gestion étatique. A partir de 1991 le début de démocratisation a donné l'idée d'élaborer une loi d'orientation impliquant les populations.
Deux lois d'orientation furent promulguées successivement en 1993 et 1995 (loi N°95-003/AN-RM du 18 janvier 1995 portant organisation de l'exploitation, transport et commerce de bois et loi N°95-004/AN-RM du 18 janvier 1995 fixant les conditions de gestion des ressources forestières). Avant 1991, la nature des interventions des services des Eaux et Forêts n'a pas contribué à professionaliser les usagers coutumiers qui sont comptés pour de simples victimes au lieu d'acteurs responsables. Depuis 1991, il s'était agi de sensibilisation en vue de la responsabilisation dans un futur cadre décentralisé, c'est-à-dire par un transfert de compétences aux structures démocratiquement élues.
L'approche participative se fonde sur l'entretien d'un cadre local de concertation entre les usagers (autochtones et allochtones) et les promoteurs du développement local (ONG, Bailleurs de fonds). Le résultat attendu devra aboutir aux processus de gestion consensuelle et à la mise en place de structures locales pour les ressources naturelles.
3.2.3. La vie économique et sociale
La commune actuelle de Baye qui a été précédemment l'arrondissement du même nom, couvre une superficie de 2142 km abritant 169750 habitants. La commune assemble 5 entités socio-géographiques distinctes supportant 6 communautés ethniques répondant à des patronymes souvent homologuées et entretenant des relations de cousinage à plaisanterie et développant un capital social performant. Baye est le village-mère dont sont issus les villages-hameaux de Korossongo, Ton-kangawré, Dolébougou, Doutin, Libbé-Yara, Yara, Boila, Nematoulaye. Baye dispose d'une infrastructure notable comparativement à la plupart des villages sahéliens.
La forêt de Samori, de par ses variétés floristiques et fauniques et de par la qualité de ses terres agricoles, revêt une importance quotidienne dans la vie économique, culturelle et sociale des ménages riverains.
Il faut noter que l'agriculture, notamment la riziculture, devient la plus grande préoccupation actuelle dans la gestion de la forêt de Samori parce qu'elle met, sans cesse, à l'épreuve les règles traditionnelles dont l'élasticité faiblit progressivement.
L'amélioration des conditions techniques par suite d'aménagements a modifié les relations entre les transacteurs fonciers: il y a défiance dans les prêts de terres et les conflits augmentent d'année en année.
La forêt fixe les transhumants et favorise la naissance de l'agropastoralisme. Par ailleurs, la remontée des eaux du Sourou en 1989 a favorisé l'établissement de près de 15 hameaux de pêcheurs migrants en provenance du Delta intérieur du Niger.
De façon générale la forêt permet l'autoconsommation voire une commercialisation. Aujourd'hui, suite à la baisse des revenus des ménages, la concurrence pour les ressources est telle que bien des acquis sont en danger. Le climat est mis en cause mais l'explosion démographique due à la natalité, le flux migratoire et les actions nocives et souvent irresponsables de certains acteurs sont de véritables facteurs de déséquilibre. La riziculture est également accusée par les techniciens de l'Etat d'avoir encouragé la déforestation et de préparer un désastre écologique.
3.2.4. L'environnement socio-politique
L'histoire du peuplement originel retient une coexistence des ethnies Peule et Samo fondée sur une complémentarité des systèmes de production animale et céréalière. Cependant sa vocation de carréfour incontournable entre le Sahel et la zone soudanienne: la forêt a été le lieu de rencontre, de passage, de refuge d'innombrables corporations et activités depuis le 14è siècle et tout au long des empires et royaumes successifs du Soudan.
Pour avoir été un site fortifié où se réfugiaient les communautés environnantes, le village de Oula garde le privilège d'abriter les institutions du Canton. Les populations qui n'ont pas opté pour ce que le Code Domanial et foncier considère comme un avantage, - il s'agit de la privatisation foncière -, ont préféré continuer avec leurs pratiques de partage avec les demandeurs de toutes origines.
La commune actuelle de Baye est en réalité l'ancien arrondissement du même nom et l'ancien Canton du Pana; elle compte 16 villages restés solidaires pour tenter l'aventure d'une nouvelle forme de gestion de leurs affaires.