La loi 90/003 du 9 juin 1990 portant code forestier centrafricain a été promulguée pour remplacer l’ancien code forestier qui datait de 1962 (Loi n°62/273 du 5 février 1962). Le code de 1990, contrairement à celui de 1962, a été le fruit d’une large concertation et d’une coopération interdisciplinaire et interministérielle. Ce code a pour objet:
• d’harmoniser les impératifs de rentabilisation du patrimoine forestier et les impératifs de conservation par un aménagement en vue d’un équilibre national;
• de conserver et de protéger les formations végétales afin de permettre leur régénération et garantir la pérennité de la forêt.
Ce code est divisé en sept parties, à savoir: les définitions et les catégories des formations végétales, les droits coutumiers d’usage, les types d’exploitation, les règles de classement, la fiscalité, les procédures de répression des infractions et des dispositions transitoires. Il est la pièce maîtresse de la politique forestière centrafricaine.
Des textes d’application de ce code ont été pris, comme le Décret n°91/018 du 2 février 1991 fixant les modalités d’octroi des permis d’exploitation et d’aménagement et qui contient un mécanisme de consultation des populations des zones forestières pour toutes les questions liées à l’attribution et à l’exploitation de leur forêt. Il convient de souligner que l’article 2 de ce décret stipule que «seules les sociétés légalement constituées en RCA avec un capital public, mixte ou privé, peuvent solliciter les permis d’exploitation et d’aménagement». Tout octroi de permis forestier est accompagné d’un cahier des charges qui précise les conditions techniques d’exploitation, notamment les différents diamètres minimums d’exploitabilité par essence. Le cahier des charges contient les dispositions concernant la protection de la zone pendant et après les opérations de prélèvement, ainsi que des clauses dites sociales.
Afin de mieux intégrer le secteur forestier dans l’économie centrafricaine tout en assurant la conservation de ce patrimoine national, l’Etat s’est fixé trois grands objectifs à long terme inscrits dans son plan quinquennal 1986-1990 et repris dans sa déclaration de politique sectorielle 89. Il s’agit de:
• préserver l’équilibre naturel du milieu forestier et assurer la pérennité de la forêt par la maîtrise de la gestion et du développement;
• assurer la mise en valeur du territoire forestier et l’utilisation rationnelle de ses ressources;
• protéger le patrimoine faunique, principalement en zone de savane afin de la préserver pour les générations futures.
L’administration et la gestion des ressources forestières sont confiées au Ministère des eaux, forêts, chasses, pêches, de l’environnement et du tourisme.
L’administration et la gestion des ressources forestières sont confiées au Ministère des eaux, des forêts, de la chasse, des pêches, de l’environnement et du tourisme. Mais compte tenu de l’importance et de la complexité du secteur forestier, plusieurs autres institutions de l’Etat interviennent également dans ce secteur:
• La Chambre d’agriculture, d’élevage, des eaux, forêts, chasse et pêches travaille avec le secteur privé et joue un rôle de conseiller en matière de gestion des ressources forestières auprès du Ministère chargé des forêts.
• Le Compte d’Affectation Spéciale-Développement Forestier et Touristique (CAS-DFT) pour le financement des activités forestières nationales.
• Le Ministère du commerce et de l’industrie qui, en concertation avec le Ministère chargé des forêts, fixe le prix des produits forestiers ligneux et surtout les valeurs mercuriales.
• Le Ministère de la réforme économique, du plan et de la coopération internationale intervient à plusieurs niveaux:
- la recherche de financements pour les investissements;
- l’évaluation de l’impact du secteur forestier dans l’économie nationale;
- les prévisions générales d’investissement;
- la formation des cadres forestiers (recherches et attributions des bourses d’étude).
• Le Ministère des finances et du budget est l’interlocuteur privilégié dans la mise en œuvre de la politique forestière. Il est le responsable de l’affectation des budgets du Ministère en charge des forêts et de la révision de la fiscalité forestière.
Il faut noter que des organisations non gouvernementales (ONG) mènent des actions complémentaires à celles du Ministère en charge des forêts en matière de gestion durable des ressources forestières en RCA. Il s’agit des ONG suivantes:
• Pavillon vert
• OCDN (Organisation centrafricaine de défense de la nature)
• CRI de la forêt
• WWF-US (Fonds mondial pour la conservation de la nature, Etats-Unis d’Amérique)
• WWF-Allemagne
• Le Syndicat des forestiers centrafricains
• Le Club des jeunes amis de la nature
Plusieurs organismes internationaux interviennent de près ou de loin dans le secteur forestier en RCA. Il s’agit du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), de la FAO, de la Coopération technique allemande (GTZ), de l’USAID (Agence pour le développement international, Etats-Unis d’Amérique), de la Banque mondiale, de l’Agence française de développement (AFD), du Fonds d’aide et de coopération (FAC), de l’Organisation africaine du bois (OAB), de l’Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT), du Fonds mondial pour l’environnement et de la Banque africaine de développement (BAD). Ces organisations apportent différents concours à l’Etat centrafricain pour la gestion durable des ressources forestières notamment en matière de financement de projets, de dotation en divers matériels et d’octroie de bourses de formation.
La RCA est partie prenante dans plusieurs accords, conventions et traités sur la conservation et l’utilisation des ressources naturelles:
• Convention sur le commerce international des espèces de la faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES)
• Convention sur la diversité biologique
• Convention sur la désertification
• Convention de l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) relative au patrimoine mondial
• Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
• Accord international sur les bois tropicaux (AIBT)
• Accord des pays africains producteurs et exportateurs de bois
Il faut également signaler la Convention du tri-national de la Sangha concernant les aires protégées suivantes: la réserve de Zangha-Sangha en RCA le parc national Nouabalé-Ndoki au Congo et la réserve de Lobéké au Cameroun.
Les activités forestières sont également appuyées par les organismes sous-régionaux suivants : Organisation pour la conservation de la faune sauvage en Afrique (OCFSA), Réseau des aires protégées d'Afrique centrale (RAPAC), Conférence des ministres en charge des forêts en Afrique centrale (COMIFAC), Conférence sur les écosystèmes de forêts denses et humides d’Afrique centrale (CEFDHAC).
Les ressources naturelles ont fait l’objet d’une attention soutenue comme en témoigne l’importance des projets exécutés dans les différents domaines:
• De 1978 à 1985, le projet «Application de la recherche à la mise en valeur des ressources forestières (ARRF)» avait pour objectifs:
- des plantations d’essai de bois d’œuvre, de feu et de service en zone de forêt et surtout la mise en place d’un dispositif d’étude pour l’aménagement des forêts denses naturelles;
- des enquêtes en zone de savane sur la consommation de bois de feu et de service dans les grandes villes, d’études pour l’introduction d’espèces exotiques, d’études sur les croissance et la régénération des peuplements naturels ou de périmètres de mis en défens.
• Le Programme de préparation de projets forestiers (PPPF): le Gouvernement a obtenu en 1982 de la Banque Mondiale le financement de la réalisation de l’étude du secteur forestier qui a ensuite abouti sur plusieurs études visant la connaissance, l’aménagement et la protection des ressources naturelles.
• De 1990 à 1996, le Projet d’aménagement des ressources naturelles (PARN) avait quatre volets: inventaire forestier de la zone du sud-ouest du pays (3,8 millions ha) suivi d’un inventaire biophysique d’aménagement pour la zone, le volet agroforestier suivi d’une cartographie numérique du territoire inventorié sur support SIG (Système d’information géographique) et de la formation du personnel centrafricain en techniques d’inventaires.
• De 1982 à nos jours, le programme régional de conservation et utilisation rationnelles des écosystèmes en Afrique centrale – Composante RCA (ECOFAC-RCA), financé par l’Union européenne, couvre six pays: Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, RCA et Sao Tomé-et-Principe. En RCA, il comporte quatre volets: aménagement, conservation, développement rural et recherche appliquée. Le volet «Aménagement» a procédé à l’inventaire du massif forestier de Ngotto, a élaboré et suit le plan d’aménagement du permis d’exploitation attribué à une société forestière. Le volet «conservation» a procédé au classement d’une réserve de 45 000 hectares (conservation in situ). Une deuxième composante vient de voir le jour (ECOFAC-ZCV) et a pour zone d’action le nord du pays avec comme activité la gestion des ressources naturelles avec l’aide de la population environnante.
• De 1998 à nos jours, le Projet de conservation et de gestion rationnelle de la forêt dense de Bangassou, financé par plusieurs bailleurs de fonds, a pour objectif de développer les capacités locales de la population à gérer de façon durable les ressources de cette forêt.
• Le Programme de gestion participative des ressources naturelles (PGPRN), financé par la GTZ, a pour objectif la réhabilitation écologique des villes de Bangui, Bossangoa et Mbaïki, ainsi que l’aménagement intégré participatif des certaines forêts communautaires.
• Le Programme d’appui à la réalisation des plans d’aménagement forestier (PARPAF), appelé cellule de Berbérati, a pour objectif principal la réalisation pour le compte de l’administration forestière de plans d’aménagement de tous les permis d’exploitation forestière.
• Le Programme régional de gestion de l’information environnementale (PRGIE) vise une plus grande transparence de l’information ainsi qu’une meilleure gestion des connaissances relatives aux ressources naturelles du bassin du Congo. Il est mis en œuvre par l’Association pour le développement de l’information environnementale (ADIE) qui se compose d’une Unité régionale de gestion et de coordination (URGC) regroupant six pays: Cameroun, RCA, RDC, Congo, Gabon et Guinée équatoriale.
• Le Projet Dzanga-Sangha, financé par GTZ et WWF-US, assure la conservation in situ en forêt dense de l’extrême sud-ouest du pays.
La recherche scientifique a été menée depuis une vingtaine d’années en vue de la mise en valeur des ressources forestières et faunistiques, aussi bien dans la zone des savanes qu’en forêt dense, et a permis des progrès notables. Ces travaux de recherche ont été menés par le CTFT/CIRAD-Forêt (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) sur financement du FAC. Depuis 1997, ce financement est assuré par le Ministère chargé des forêts à travers le Compte d’affectation spéciale – Développement forestier et touristique. Le dispositif de recherche en forêt dense de Boukoko-La Lolé est similaire à celui de la Côte d’Ivoire ou de la Guyane.
Les savanes boisées occupent près de 80 pour cent du territoire centrafricain et jouent un rôle fondamental dans l’activité rurale et l’économie domestique: réserve foncière pour l’agriculture itinérante, réserve de chasse et donc de protéines animales, production de bois et de services, produits alimentaires de cueillette et pour la pharmacopée traditionnelle.
Il existe maintenant des recommandations fiables sur les possibilités de production en première rotation d’espèces exotiques pour la satisfaction des besoins en bois de feu et de service. Ainsi, Eucalyptus camaldulensis et E. citriodora permettent une production annuelle de 12 à 13 m3 par hectare et par an en rotation de 6 à 7 ans.
Parallèlement à ces introductions, des études sur les formations naturelles ont été réalisées. A la suite des inventaires menés en forêt dense dans les années 60 et des études préalables réalisées de 1972 à 1977 (sylviculture, dendrométrie, accroissement, cubage, rendements grumes et sciages, herbier), un protocole d’étude de la forêt dense humide, approprié au cas centrafricain mais inspiré des travaux analogues entrepris antérieurement en Côte d’Ivoire, a été élaboré par l’ex CTFT. Ce protocole est appliqué depuis 1982 à la réalisation d’un dispositif d’étude de l’évolution de la forêt dense suivant différentes modalités d’intervention. Cette recherche permet de disposer actuellement de connaissances de base pour déterminer des règles sylvicoles simples pour la réalisation de plan d’aménagement afin d’accroître la production des espèces nobles (une quinzaine intéressant actuellement le marché international, plus une vingtaine ayant des caractéristiques technologiques intéressantes) tout en assurant la pérennité des massifs.
En marge de ces grands travaux de recherche, des études sont menées de façon sectorielle dans les structures de développement, les projets et l’Université de Bangui. Ces travaux ont concerné la régénération naturelle de certaines espèces de forêt dense, l’inventaire de la biodiversité végétale, la phytosociologie, la flore des spermatophytes, l’inventaire des Orchidées, l’utilisation médicinale des plantes, la synthèse des principaux types de végétations et de forêt (Boulevert, 1997) la phénologie de quelques espèces de forêt dense (bois d’œuvre et plantes alimentaires), les produits forestiers non ligneux et les collections d’herbier.
A partir de 1980, l’Institut supérieur de développement rural (ISDR), intégré dans l’Université de Bangui, forme des ingénieurs forestiers. Depuis 1997, l’ISDR forme également des techniciens supérieurs qui étaient entre temps formés à l’Ecole nationale supérieure d’agriculture (ENSA) de Wakombo. Le Collège technique de développement rural (CTDR) de Grimari assure également la formation de techniciens forestiers.
Quelques ingénieurs forestiers centrafricains et certains scientifiques œuvrant dans le domaine des ressources naturelles ont été formés à l’étranger notamment au Gabon, en France, au Cameroun, au Canada, en Roumanie, en Russie et aux Etats-Unis d’Amérique. L’Université de Bangui, en collaboration avec l’Université libre de Bruxelles dirige actuellement des travaux de thèse dans le domaine de la phytosociologie et de la taxonomie.