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2. PLANIFICATION DE L'ECHANTILLONNAGE

2.1 Planification initiale

La première étape de tout programme devrait être d'établir une liste exhaustive des objectifs de l'étude, puis d'identifier les données requises, et les priorités. Ces objectifs gouverneront en général le cadre fondamental du programme, en termes de zones d'études, de couverture saisonnière, d'engin, etc. Tout ceci doit être confronté avec les contraintes pratiques telles que le bateau et l'engin disponibles et la main-d'oeuvre. Le choix du chalut constitue l'une des décisions les plus importantes et la nature du chalut optimal dépend de la taille et du type de navire, de la main-d'oeuvre disponible, des espèces essentiellement visées, des fonds à chaluter, etc. Si nulle expérience préalable n'existe dans la zone, la première année pourrait bien être utilisée au mieux en la consacrant au test des divers chaluts possibles.

L'étape suivante correspond au choix de la zone, des saisons, de la gamme de profondeur et des substrats à échantillonner, sur la base de la distribution des populations des espèces d'intérênt commercial majeur. Dans le cas de longues séries temporelles, quelques précautions devraient être prises en prévision de possibles variations de la distribution des poissons et pour échantillonner le plus grand nombre possible d'espèces d'intérêt potentiel (en terme de biomasse). Concrètement, les espèces pélagiques aussi bien que démersales devraient être prises en considération (de nombreuses espèces pélagiques sont vulnérables aux chaluts de fond à certains moments de la journée, en certaines saisons). L'étude devra couvrir une zone géographiquement assez étendue, couvrant une plage de profondeur suffisante, du fait d'une probable expansion ultérieure des pêcheries. La bordure de la zone étudiée pourrait être échantillonnée légèrement au début et, au besoin, faire ultérieurement l'objet d'une étude plus intense.

En général il ne sera pas possible de collecter toute l'information biologique souhaitée à chaque station. Des précautions doivent être prises pour garantir que l'information la plus importante est acquise en tout premier lieu, les données de moindre priorité n'étant collectées que si l'on dispose suffisamment de temps. L'information minimale de base, à chaque station, devrait comprendre une estimation fine du poids total et de la distribution de longueur des espèces majeures; un petit échantillon peut suffire pour estimer poids et distribution de longueur des autres espéces, de priorité moindre. D'autres études biologiques (régimes alimentaires, études méristiques, etc.) peuvent nécessiter beaucoup de main-d'oeuvre et de temps et il est habituellement nécessaire d'établir des limites raisonnables à ces types d'échantillonnage, pour garantir une couverture satisfaisante des aspects fondamentaux. Des estimations de la croissance et de la mortalité dans les tailles exploitées peuvent souvent être obtenues à moindre coût par un échantillonnage de routine des captures commerciales. De façon générale il est souhaitable de minimiser les coûts en évitant tout échantillonnage au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs fixés.

Des procédures d'échantillonnage adéquates, appliquées à une série de campagnes peuvent apporter des informations précieuses, même si le niveau de l'échantillonnage est bas pour chaque campagne individuelle. On peut ainsi obtenir des informations sur l'âge et la taille d'acquisition de la maturité, le développement saisonner des gonades, des observations qualitatives sur la nourriture des principaux prédateurs, etc. L'intérêt de la préparation d'une liste de tous les objectifs à long terme de l'étude est de réduire les risques d'omission de quelque type d'étude important.

2.2 Choix des unités d'échantillonnage

Une fois établis les objectifs d'une étude par chalutage, en termes de population halieutique à échantillonner, comme en termes de zone, de gamme de profondeur ou de type de substrat, une fois choisi le mode de prélèvement (type de chalut, de bateau, etc.), la zone globale concernée doit être divisée en unités d'échantillonnages de taille égale, qui ne se recouvrent pas. L'aire effectivement balayée sur le fond par un seul trait de chalut représente l'unité d'échantillonnage élémentaire et se trouve être très petite (0,01 mille carré dans le cas des études sur la côte est des Etats-Unis), par rapport à la surface totale couverte par l'étude. Elle est en fait si petite que le nombre total de telles unités est virtuellement infini. En pratique cependant, chaque unité individuelle d'échantillonnage est habituellement définie comme un carré ou un rectangle tout juste assez grand pour que tout trait standard de chalut, dans quelque direction que ce soit, à partir du centre, ne dépasse pas les limites du rectangle. A titre d'exemple, dans les études des Etats-Unis, les unités d'échantillonnages forment des rectangles (5' lat. × 10' long.) de surface approximativement égale à 38 milles carrés. Les unités élémentaires d'échantillonnage sont ensuite regroupées en zones plus vastes (habituellement appelées strates) dont les limites géographiques et bathymétriques sont choisies en fonction de la distribution de la densité du poisson. La procédure de stratification est détaillée plus avant dans la section consacrée à l'échantillonnage aléatoire stratifié. La liste complète des unités d'échantillonnages constitue en théorie de l'échantillonnage, le cadre, et correspond dans ce cas à l'ensemble de la zone étudiée. Normalement un seul trait est effectué dans une unité échantillonnée et la façon dont sont choisies ces unités échantillonnées (baptisées par la suite station de chalutage) est d'une importance cruciale dans l'organisation des études par chalutage.

Une organisation adéquate des études peut apporter des estimations de l'abondance relative (capture par unité d'effort) qui soient non biaisées, offrant une image non déformée de la population globale étudiée, et autorisant ainsi des comparaisons d'une année ou d'une saison sur l'autre. De plus, il est important de disposer d'une mesure statistiquement correcte de l'erreur d'échantillonnage, associée à l'indice de capture moyenne par trait, pour guider l'interprétation des différences observées entre zones, saisons et années. Pour l'obtenir il faut utiliser une présélection aléatoire des points de chalutage. cependant, la procédure optimale de sélections, qui maximise la précision des indices pour un nombre donné de traits, dépend des objectifs particuliers de l'étude et de la connaissance a priori des variations de densité des espèces principales, dans l'espace et dans le temps. Une rapide revue des points essentiels à considérer dans la planification de l'échantillonnage d'une étude par chalutage va étre donnée. On pourra trouver plus de précisions dans les documents cités.

2.3 Sources d'erreur - notion de biais et de précision

Le produit final d'une campagne de chalutage est une estimation d'abondance, c'est-à-dire un nombre de poissons par unité de surface chalutée, x. Ce nombre n'est qu'une valeur parmi toutes les valeurs possibles, que l'on aurait pu obtenir par des campagnes similaires, en couvrant toutes les combinaisons possibles de stations. L'ensemble des résultats que l'on aurait pu obtenir en théorie peut être décrit par la distribution de la variable aléatoire x. Fondamentalement deux types d'erreur sont associés à x:

  1. une erreur d'échantillonnage aléatoire, ou variance, qui décroît avec la taille de l'échantillon (nombre de traits) et

  2. une erreur systématique ou biais, qui est indépendante de la taille de l'échantillon.

Si la variance de x est petite, l'estimateur est dit précis, mais il n'est pas pour autant un bon estimateur s'il présente un biais important. Le biais de l'estimateur d'abondance est donné par une comparaison de la moyenne de toutes les valeurs possibles de x, c'est-à-dire l'espérance de x notée E (x), avec la véritable abondance, μ. Si E(x) = μ, l'estimateur est non biaisé, mais si E(x) n'est pas égale à μ, l'estimateur est biaisé: une erreur systématique d'estimation apparaît. La qualité globale d'un estimateur, ou son exactitude, est reliée simultanément au biais et à la précision et peut être mesurée par ce que l'on appelle l'erreur quadratique moyenne. On peut démontrer que l'erreur quadratique moyenne est égale à la somme de deux termes, le carré du biais et la variance:

E(x-μ)2 = (x-μ)2 + Var(x)

Quand on se réfère à l'exactitude des données de chalutage, il est intuitivement utile de séparer les deux types d'erreur (biais et variance). Plus le nombre de traits est grand, plus l'indice de capture moyenne par trait sera proche de ce que l'on obtiendrait en effectuant tous les traits possibles et plus la précision sera accrue. Cependant, même si tous les traits possibles étaient effectués, la capture moyenne par trait rapportée à l'unité de surface, serait en général bien plus faible que la densité réelle, car le chalut ne capture pas sur son chemin tous les poissons. L'existence de ce biais généralement important rend impossible l'utilisation des résultats des campagnes de chalutage comme mesure de l'abondance absolue. Cependant, si le biais demeure constant d'une année sur l'autre, il reste possible d'utiliser les résultats comme indices relatifs. Plus précisément, si le biais joue de façon multiplicative, le facteur correspondant doit rester constant: si E(x) = kμ, k ne doit pas évoluer au cours du temps pour que les indices relatifs obtenus constituent des indices d'abondance relative fiables.

Il est généralement beaucoup plus difficile d'évaluer un biais, ou de démontrer son absence, que d'estimer la variance d'un estimateur. Si l'échantillonnage est effectué de façon adéquate, il est possible d'obtenir une estimation de la variance au travers de la variabilité entre mesures à l'intérieur de l'échantillon. Toute information sur le biais ne peut être obtenue que par des données externes.

Il est important d'avoir quelques idées sur l'importance et les causes des deux types d'erreur, biais et variance, de façon à maximiser l'efficacité de l'organisation des études par chalutage, et d'éviter toute erreur d'appréciation sur les changements de biomasse de poisson. Deux sources majeures d'erreur affectent les estimations d'abondance issues des campagnes de chalutage:

  1. une erreur de mesure, liée à l'efficacité de chalut ou à la vulnérabilité du poisson;

  2. une erreur d'échantillonnage, reliée à la variabilité spatiale de la distribution du poisson.

En raison de l'importance de ce sujet, ces deux sources d'erreurs vont être examinées de façon plus détaillée.

Erreur de mesure. Comme ce fut précédemment noté, ce premier type d'erreur correspond au premier chef à une erreur systématique, ou biais, due au fait que sur son trajet le chalut ne capture pas tous les poissons: l'efficacité du chalut, ou la vulnérabilité du poisson, est inférieure à 1. La vulnérabilité est définie par le rapport du nombre de poissons pris au nombre de poissons présents sur l'aire balayée. Par conséquent, la capture moyenne par trait, rapportée à l'unité de surface est biaisée en ce sens qu'elle ne représente qu'une fraction seulement de la densité d'une espéce, fraction variable selon la vulnérabilité de l'espèce vis-à-vis du chalut particulier. Les coefficients correspondants varient largement d'une espèce à l'autre et par suite, les biais relatifs aux densités absolues diffèrent selon l'espèce. La vulnérabilité d'une espéce vis-à-vis d'un chalut donné peut elle-même varier selon la saison, la profondeur et d'autres facteurs de l'environnement moins prévisibles, introduisant ainsi un biais dans les indices d'abondance (capture moyenne par trait), même sur une base de densité relative. A titre d'exemple, si la vulnérabilité d'une espèce change de façon importante avec la bathymétrie, une modification de la distribution selon la profondeur, provoquerait une modification du coefficient de vulnérabilité moyen, et, par la suite, la capture par trait offrirait un indice biaisé par rapport à celui de l'étude précédente. Les modifications irrégulières de vulnérabilité (par exemple, des modifications dans la distribution verticale, liées à la température ou à la nourriture) sont les plus dangereuses car souvent elles ne peuvent pas être détectées sans une information indépendante de la campagne ou du moins avant qu'une autre campagne de la série ait été effectuée.

Des considérations complémentaires sur l'importance et la mesure de tels biais sont présentées dans la section 2.6, mais il faut garder à l'esprit qu'ils peuvent être importants par rapport à la variabilité des indices d'abondance simplement issue des hétérogénéités spatiales dans la distribution du poisson.

Entre traits d'une même campagne, des variations limitées de l'efficacité du chalut, ou de la vulnérabilité du poisson, peuvent être considérées comme des erreurs aléatoires, dans la mesure où elles contribueront à la variance. Ces erreurs sont cependant très petites par rapport aux biais que l'on vient d'identifier et sont, de toutes façons, incorporées dans la variance discutée par l'alinéa qui suit.

Erreur d'échantillonnage. Le second type essentiel d'erreur correspond à l'erreur d'échantillonnage qui joue surtout sur la variance. Ces erreurs d'échantillonnage sont accusées par le fait que les poissons ne sont pas distribués uniformément, mais de façon contagieuse (en taches). Ceci amène une forte variabilité entre traits de chalut successifs sur la même station. Barnes et Bagenal (1951) rapportent des coefficients de variation allant jusqu'à 75 pour cent en nombres, pour une même espèce, dans des traits répétés au même endroit. Au fur et à mesure que le nombre de traits s'accroît, la variance de la moyenne de l'échantillon diminue. Par conséquent la précision augmente, mais en raison des distributions trés contagieuses du poisson, il faut atteindre un trés grand nombre de traits pour obtenir une bonne précision (Grosslein, 1971; Sissenwine et Bowman, 1978).

Par-delà l'erreur d'échantillonnage aléatoire, il est important de garder à l'esprit que la distribution spatiale de l'échantillonnage peut introduire des biais importants. Ceci est vrai si quelque fraction importante de l'aire de répartition du stock ne peut être chalutée. En de telles circonstances il est courant d'extrapoler la densité rencontrée sur les secteurs échantillonnés. Ceci peut introduire un biais évident, biais variable si la densité relative des zones échantillonnées ou non varie.

Résumé. La discussion précédente est résumée par le tableau 1. Ce tableau caractérise les deux sources majeures d'erreur dans les études par chalutage, en terme d'importance relative du biais et de la précision, et de possibilité d'estimation de ces erreurs.

2.4 Echantillonnage systématique - échantillonnage aléatoire simple et échantillonnage stratifié

Le fait est bien connu, les poissons ne sont pas distribués uniformément sur une zone assez vaste pour contenir toute une population. Par suite, l'échantillonnage aléatoire simple est rarement utilisé dans les campagnes de chalutage. Un échantillon aléatoire simple, provenant d'une vaste zone, tend à présenter quelques stations proches les unes des autres, tandis que des secteurs relativement vastes sont délaissés. Il est intuitivement évident qu'une grille réguliére de stations serait plus satisfaisante. Ceci correspond à l'échantillonnage systématique. Si l'objectif majeur de l'étude est la définition des gradients de densité dans la distribution du poisson, par exemple selon la profondeur ou la température, des grilles uniformes de station, ou de séries de radiales perpendiculaires à la côte, s'avèrent plus efficaces. Cependant, si l'objectif est l'estimation de l'abondance moyenne, le choix entre échantillonnage aléatoire simple et stratifié est plus compliqué.

Vis-à-vis de l'échantillonnage aléatoire simple, l'échantillonnage systématique présente un inconvénient majeur: il est difficile d'obtenir une estimation fiable de la variance de l'estimateur final, sans utiliser des méthodes relativement sophistiquées (Matheron, 1965), ou faire des hypothèses simplificatrices (Cochran, 1977). Autre inconvénient majeur de l'échantillonnage systématique, il peut conduire à des estimations biaisées, s'il existe des périodicités inconnues dans la distribution du poisson, ou des gradients de densité très marqués. S'il existe par exemple une bande étroite de fonds durs, à une profondeur donnée, qui présente une faune unique, une grille lâche pourra la manquer entiérement. Si l'on utilise la même grille dans chaque campagne, ceci pourra entraîner un biais permanent dans les résultats. En dehors de ces problèmes, l'échantillonnage systématique peut être plus ou moins précis que l'échantillonnage aléatoire simple, selon la distribution réelle de la population. Dans la plupart des cas, les études par chalutage couvrent de très vastes zones (des milliers de milles carrés) présentant une large gamme de profondeurs, et, par conséquent, de fortes différences de densité du poisson. Sur cette vaste échelle, les captures des traits faits dans des stations très distantes, plus spécialement en termes de profondeur, présenteront des différences beaucoup plus marquées que les résultats de stations voisines. D'un autre côté, sur une petite échelle (quelques centaines de milles carrés), l'essentiel de la différence entre stations sera dû à l'effet “d'essaim”, lié à la distribution contagieuse du poisson: deux traits proches l'un de l'autre seront presque aussi différents que deux traits distants de 10 milles, dès l'instant où ils sont situés dans les mêmes profondeurs et sur le même type de fond. L'effet d'essaim constitue la raison essentielle de la variabilité du résultat des coups de chalut et sera discuté plus avant dans le la Section 2.7. Les conclusions essentielles àce niveau, pour la comparaison de l'échantillonnage systématique et de l'échantillonnage aléatoire simple sont doubles:

  1. sur une vaste échelle il est souhaitable de répartir les stations plus ou moins uniformément, c'est-à-dire en se rapprochant d'une échantillonnage systématique;

  2. sur une petite échelle, l'échantillonnage aléatoire est préférable. Il est en effet facile de calculer une estimation correcte de la variance, tout en écartant tout risque de biais. Par ailleurs l'amélioration de la précision, quand elle est possible, apportée par l'échantillonnage systématique, serait faible.

Tableau 1
IMPORTANCE RELATIVE DU BIAIS ET DE LA PRECISION, EN RELATION AVEC LES SOURCESD'ERREUR MAJEURES, DANS LE CADRE DES ETUDES PAR CHALUTAGE
Sources d'erreurPrécision Biais 
ImportanceEstimationImportanceConstanceEstimation
Erreur d'échantillonnageVariance importante, reliée aux “micro-structures” spatiales. Elle décroît quand la taille de l'échantillon croîtPeut être estimée d'après les données des campagnesPeut être importante si seule une fraction de l'aire de répartition du stock est chalu-tableSi la couverture spatiale est incomplète, le biais peut évoluer, si la richesse respective des secteurs échantillonnés et non échantillonnés varieSi la couverture spatiale est incomplète, le biais ne peut êétudié sans information complémentaire
Erreur de mesure (efficacité de l'engin, ou vulnérabilité du poisson)Variance faible par rapport à ci-dessusGénéralement non isolable, mais re-groupée en pratique dans l'estimation de variance ci-dessusBiais généralement important. Les captures au chalut sous-estiment la densité réelleIl peut y avoir des variations conséquentes du biais, par suite notamment de modification dans la distribution verticaleLe biais ne peut être estimé sans information externe

Dans un tel contexte, l'échantillonnage stratifié, où les strates sont définies selon la profondeur et la position géographique, présente des avantages évidents. Pour les structures de grande dimension, l'échantillonnage stratifié sera généralement plus précis que l'échantillonnage systématique, car il peut prendre en compte ce que l'on sait des gradients de densité, notamment ceux liés à la profondeur. A l'intérieur d'une strate, pourvu qu'elle ne soit pas trop étendue, l'échantillonnage aléatoire simple sera presque aussi précis que l'échantillonnage systématique, tout en permettant des calculs de variance plus simples.

Sur la plupart des plateaux continentaux, des changements de profondeur importants (donc des modifications conséquentes de la composition et de la densité des peuplements de poisson) interviennent sur 50 km ou moins au long d'une radiale. Dans de telles circonstances, et pourvu qu'une stratification et une allocation de l'échantillonnage adequates aient été utilisées pour les espèces prioritaires, l'échantillonnage stratifié donnera souvent une précision meilleure que l'utilisation d'une grille d'échantillonnage simple. Il présentera d'autres avantages: possibilité d'obtenir une estimation fondée de la variance, et absence de biais. Dans certains cas, l'échantillonnage systématique est susceptible d'être plus précis, mais les différences seront vraisemblablement faibles. Ainsi, des comparaisons de précision effectuées sur des estimations par chalutage, relatives à des sébastes dans le détroit de Queen Charlotte (Colombie britannique, Canada), ont montré qu'à l'échelle de quelques 80 km, l'échantillonnage systématique était plus précis que l'échantillonnage stratifé, mais que la différence était faible. En général, pour les estimations d'abondance, le risque d'une perte de précision, par utilisation d'une échantillonnage stratifié et non systématique, sera faible et plus que compensé par d'autres avantages.

2.5 Echantillonnage aléatoire stratifié

Les poissons sont rarement distribués uniformément et dans la plupart des cas ils sont beaucoup plus abondants à certaines profondeurset en certains endroits. En utilisant l'échantillonnage aléatoire stratifié, il est possible d'obtenir des estimations fiables de l'abondance moyenne et de sa variance, et, dans le même temps, d'utiliser l'information disponible sur la distribution du poisson, pour accroître l'efficacité de l'échantillonnage, au sens d'une réduction des coûts, par rapport à l'échantillonnage aléatoire simple.

En général, dans le cadre de l'échantillonnage aléatoire stratifié, une estimation non biaisée de la densité de la population (en ignorant les erreurs de mesure systématique) est fournie par la moyenne pondérée des moyennes par strate dans l'échantillon, c'est-à-dire la moyenne stratifiée des captures par trait:

où Ah = surface de la strate h

h = moyenne de l'échantillon pour la strate h

H = nombre de strates

A = surface totale étudiée =

Une estimation non biaisée de la moyenne stratifée est de même fournie par une moyenne pondérée de l'estimation des variances intrastrates:

où s2h = variance dans l'échantillon pour la strate h

nh = nombre de traits dans la strate h

L'amélioration de la précision dans l'échantillonnage aléatoire stratifié, par rapport à l'échantillonnage aléatoire simple, est obtenue par un choix approprié des strates et de l'allocation de l'échantillon sur les différentes strates. Celles-ci sont essentiellement construites selon la distribution de la densité, de telle sorte que la densité à l'intérieur de chaque strate individuelle soit relativement homogéne, par rapport à la variabilité d'une strate à l'autre. Les zones de densité fortes, moyennes et faibles, sont regroupées dans différentes strates. L'allocation optimale, en termes de précision maximale pour une taille donnée de l'échantillon (ou de taille minimale de l'échantillon pour une précision choisie) est obtenue en général en allouant à chaque strate un échantillon proportionnel au produit de sa taille par l'écart type intrastrate (Ah Sh). La théorie générale de l'échantillonnage stratifié pourra être trouvée chez Cochran (1977), qui décrit notamment les principes de la construction des strates et de la définition d'une allocation optimale.

Dans les études par chalutage, la stratification est faite en subdivisant la zone étudiée (ensemble d'unités d'échantillonnage) en sous-ensembles baptisés strates, associés à différents niveaux d'abondance des espèces prioritaires. Comme l'écart type est souvent pratiquement proportionnel à l'abondance moyenne dans les données de pêche au chalut, les variances seront beaucoup plus grandes dans les strates de forte abondance. Pour un nombre total donné de coups de chalut, une efficacité accrue, en termes de meilleure précision (écart type moindre), peut être obtenue en attribuant plus de points de chalutage aux strates riches. L'allocation optimale de l'effort d'échantillonnage conduira à échantillonner chaque strate proportionnellement au produit Ah Sh. Faute d'information a priori, sur les variances intrastrates ou l'abondance, une règle de conduite empirique mais sage conduit à allouer l'effort d'échantillonnage selon la seule surface des strates. Ceci apporte presque toujours une précision supérieure à celle d'un échantillonnage aléatoire simple, et dans la plupart des cas, ramène, dans les études plurispécifiques, à une situation très proche de l'allocation optimale.

La profondeur et le substrat (type de fond) sont les deux principaux facteurs liés à la distribution du poisson et utilisés pour définir les limites des strates. La taille optimale des strates, et le meilleur tracé de leurs frontiéres dépend de l'intensité des gradients de densité des poissons, en relation avec ces deux facteurs, parallèlement et perpendiculairement à la côte. Plus les gradients seront marqués et plus les strates seront petites, donc nombreuses, si l'on veut obtenir une précision maximale pour un échantillon de taille donnée. Sur la plupart des plateaux continentaux, les gradients de densité sont généralement beaucoup plus forts perpendiculairement à la côte. Ceci est dû au fait que la distribution des poissons de fond est étroitement corrélée à la profondeur et au substrat (i.e., zones rocheuses, ou blocs de coraux, par opposition à des zones de sédiments plus fins), facteur lui-même lié à la profondeur. Comme les gradients sont donc généralement plus forts perpendiculairement que parallèlement à la côte, la distance entre limites de profondeur des strates devrait être beaucoup plus faible qu'entre les limites définies par des radiales: les strates devraient être beaucoup plus longues, parallèlement au rivage, qu'elles ne sont larges, perpendiculairement à la côte. Ceci permettrait d'être cohérent avec la distribution de la densité du poisson. En pratique, on définit souvent plus de strates, parallèlement à la côte, qu'il n'en serait requis par les gradients de densité correspondants, car il est presque toujours intéressant de suivre les variations de distribution du poisson selon cette direction. Il est bien entendu essentiel de prendre en compte les modifications majeures de substrat, ou de distribution du poisson, telles que celles associées aux estuaires importants, aux caps, aux canyons, etc. Une limite inférieure pratique à la taille des strates correspond à la présence nécessaire d'au moins deux stations par strate, pour pouvoir estimer la variance correspondante. Les captures par trait sont cependant si variables, qu'il est nécessaire de bâtir des strates contenant au moins 4 à 5 stations, pour donner aux moyennes et variances mieux qu'une précision minimale.

Comme la distribution de la densité varie selon les espèces, il est rarement possible de définir un seul système de strates qui soit optimal pour plus de quelques espèces. Ainsi, dans les études multispécifiques, des compromis doivent être en général acceptés, par référence à un schéma de distribution combiné, correspondant aux variations d'abondance des 8 à 10 espèces les plus importantes. On remarquera que l'importance est liée à l'intérêt économique aussi bien qu'à la biomasse. La règle de décision empirique évoquée précédemment reste appropriée: taille de l'échantillon proportionnel à la densité et à la surface des strates. La figure 1 offre un exemple de schéma de stratification utilisé sur la côte est des Etats-Unis dans des études scientifiques par chalutage.

Une fois les strates établies, un choix doit être fait entre échantillonnage aléatoire simple et systématique dans les strates. Il n'existe pas de critère absolu déterminant la procédure optimale. Les lignes directrices suivantes peuvent néanmoins être utilisées. Si l'on estime important de continuer à évaluer la distribution du poisson selon la densité, à l'intérieur des strates (par exemple si des gradients forts et variables, liés à la température, sont attendus), un schéma systématique (avec espacement régulier) de distribution des stations s'avérera plus efficace. Si la distribution selon la profondeur à l'intérieur des strates n'est pas un point critique (et que l'essentiel de l'impact de la profondeur et de la température est pris en compte par une stratification correctement conçue), l'échantillonnage aléatoire simple aura l'avantage de fournir des estimations de variance simple, de même que des estimations non biaisées de l'abondance moyenne (relative), chaque type de substrat étant échantillonné avec une probabilité proportionnelle à la surface qu'il occupe dans la strate.

Dans certains cas des considérations pratiques peuvent imposer le plan d'échantillonnage. L'équipement de navigation sur le navire de recherche peut ainsi ne pas être suffisamment précis pour autoriser la localisation précise des stations, telle que la stratification l'exige. Dans un tel contexte, une série de radiales perpendiculaires à la côte en des points connus, utilisant un sondeur vertical pour situer les points de chalutage, peut être la seule procédure envisageable. Des prélèvements hydrographiques et plantoniques peuvent aussi être pratiqués, concurremment au chalutage et la localisation des stations de chalutage peut en être influencée.

Quelle que soit la procédure de distribution des stations à l'intérieur des strates, aléatoire ou systématique, l'échantillonnage stratifié comporte presque toujours des avantages pour les études par chalutage par:

  1. une précision améliorée, par comparaison avec l'échantillonnage aléatoire simple, au prix d'une allocation adéquate de l'échantillon;

  2. la flexibilité de l'allocation (pour tenir compte de changements dans la distribution du poisson), sans sacrifier l'absence de biais, ou la possibilité de comparer les indices d'abondance annuels ou saisonniers;

  3. un contrôle de schéma global d'échantillonnage qui permet de l'adapter dans la zone étudiée au degré d'uniformité souhaité (en contrôlant la taille et la position des strates) sans sacrifier l'absence de biais ou la flexibilité de l'allocation;

  4. la possibilité d'estimer l'abondance dans tout sous-ensemble de strates préalablement choisi.

Fig.1

Fig. 1 Exemple de schéma de stratification utilisé sur la côte est des Etats-Unis dans des études scientifiques par chalutage (1 brasse = 1,8288 m)

Il faut une fois de plus noter que l'expression “absence de biais” se réfère au fait que tous les types de substrat sont échantillonnés avec une probabilité proportionnelle à leur surface dans la strate. Si une strate est relativement homogène en termes de substrat et de tout autre facteur de l'environnement, influençant nettement la distribution des espéces prioritaires, le risque de biais lié à un échantillonnage systématíque et non aléatoire simple, est faible. D'autres sources de biais sont beaucoup plus importantes et font l'object du paragraphe suivant.

2.6 Erreurs de mesure systématiques (biais) dans les données de pêche au chalut

Comme ce fut noté précédemment, il faut essentiellement garder en mémoire que la pêche au chalut ne prend pas tous les poissons présents sur l'aire balayée. La proportion réelle de poissons capturés sur une aire donnée par un chalut donné (appelée coefficient de vulnérabilité dans ce rapport) varie pour chaque espèce selon son comportement: la distribution verticale dans la tranche d'eau, en relation avec l'ouverture du chalut, les réactions d'échappement, la tendance à l'enfouissement, etc. Le comportement d'une espèce donnée varie par ailleurs, en général, selon l'heure du jour, la saison et d'autres facteurs de l'environnement, moins réguliers, telles la disponibilité de la nourriture ou des conditions de températures anormales. Autre fait aussi important: la vulnérabilité d'une espèce donnée dans un secteur donné peut être très différente d'un trait à l'autre pour un même chalut mais gréé ou utilisé d'une façon légérement différente.

Dans une série de campagnes visant à suivre l'abondance d'une population il faut minimiser les changements du coefficient de vulnérabilité, liés à l'environnement comme au chalut lui-même. L'indice de capture par trait reste ainsi en proportion constante avec la taille réelle, absolue de la population. Des changements dans l'environnement, ou dans les performances du chalut, peuvent introduire des biais importants et non détectés dans cet indice. On ne saurait donc trop souligner l'intérêt de minimiser de tels effects.

Dans toute étude, le choix initial du chalut constitue un point critique. Tout un ensemble de facteurs doit être pris en considération pour choisir l'engin optimal. Parmi les plus importants on peut citer:

  1. est-ce que toutes les espèces principales visées peuvent être capturées en quantité suffisante pour atteindre les objectifs de l'étude (ceci concerne notamment l'ouverture verticale, le type de bourrelet utilisé, etc.)?

  2. le chalut convient-il à tous les types de fond dans la zone étudiée?

  3. le chalut peut-il être utilisé efficacement à partir des bateaux disponibles?

  4. peut-il être utilisé et entretenu correctement par l'équipage prévu?

  5. est-on garanti à long terme d'une possibilité de maintenance et d'approvisionnement pour le chalut et son gréement (plan de chalut, type d'alèse, bobine et tout spécialement panneaux)?

Une fois le chalut choisi, il est essentiel de conserver de façon strictement standard tout au long de l'étude, les spécifications de sa construction et des procédures de pêche. Des modifications apparemment míneures dans la conception ou le gréement du chalut peuvent modifier sérieusement ses performances. Des réparations peu soigneuses des dommages subis pendant le chalutage pourraient gâcher les résultats d'une campagne entière. La méthode de pêche doit aussi être standardisée jusque dans ses moindres détails, car des aspects tels que la longueur de fune, la vitesse de trait et le bateau lui-même peuvent modifier profondément les performances de quelque chalut que ce soit. Il est essential de noter qu'un ensemble bateau plus chalut constitue un échantillonneur unique, le même chalut verra varier son efficacité d'un bateau à l'autre. Chaque chalut standard devrait être testé à l'aide d'instruments (pour préciser l'écartement aux pointes d'aile, l'ouverture verticale, l'écartement des panneaux, le type de bourrelet) afin de garantir des performances standards avant de l'utiliser pour une étude. Dans l'idéal, les performances d'un chalut devraient être suivies continuellement, trait par trait, tout au long de l'étude. Traiter exhaustivement ces problèmes dépasse toutefois les propos de ce rapport. Des détails complémentaires sur ces questions pourront être trouvés dans deux rapports récents, non publiés (Doubleday, 1981; Sissenwine et al., 1981). Le point critique, que l'on ne saurait trop souligner, correspond à la nécessite impérative de mettre en oeuvre tout ce qui est possible pour standardiser les performances du chalut. Le risque est sinon élevé de confondre des modifications dans les performances du chalut avec des évolutions réelles d'abondance. La détection des changements liés à l'environnment sera rendue plus difficile.

S'il existe une estimation indépendante de la taille de la population (par exemple à l'aide d'analyses de cohortes - encore dites analyses des populations virtuelles), sur une période correspondant à celle de l'étude, il sera possible de calculer les coefficients de vulnérabilité; Clark et Brown (1977) ont ainsi estimé la vulnérabilité correspondant à des études par chalutage devant la côte est des Etats Unis. Pour ce faire, ils relient la capture par trait des campagnes aux estimations fournies par l'analyse des cohortes, en comparant les captures moyennes par trait à la fraction moyenne du stock présente sur l'aire balayée par un trait standard.

Les coefficients ainsi calculés vont, pour six espèces essentielles (tableau 2) de moins de 0,001 à 0,75. Ces résultats doivent être considérés comme de simples exemples. Ils ne représentent que les résultats de prospections standards multispécifiques de la côte nord-est des Etats-Unis. Ces prospections ont été effectuées avec un chalut de faible hauteur équipé de larges rouleaux et bobines et se sont étendues au-delà des profondeurs et zones géographiques de répartition de chacune des espéces. Des coefficients plus élevés seraient obtenus avec des chaluts plus efficaces, c'est-à-dire avec une ouverture verticale plus importante dans le cas des espèces semi-pélagiques, ou avec des chaînes à la place des bobines dans le cas des espèces démersales telles que les limandes. Des coefficients plus élevés auraient égament été obtenus si les strates d'échantillonnage ou les espèces considérées étaient rares ou absentes et avaient été exclues des calculs. On remarquera par ailleurs que ces rapports ne sont pas équivalents à la fraction d'animaux capturés parmi ceux présents sur l'aire balayée (c'est-à-dire le coefficient de vulnérabilité sensu stricto, selon la définition adoptée dans ce rapport), car les campagnes ont couvert une zone qui s'étend notablement au-delà des profondeurs et de l'aire géographique de répartition de chaque espèce individuelle. On remarquera ensuite que ces rapports variaient pour une même espèce, entre les différents stocks occupant divers secteurs de la zone étudiée. Les différences semblaient significatives, au moins pour la morue et la merlu argenté, à en juger par les coefficients de variation des coefficients de pondération (voir Clark et Brown, 1977, tableau 12) à partir desquels les coefficients de vulnérabilité du tableau 2 furent calculés. On notera encore que les coefficients de vulnérabilité des espèces pélagiques, comme le hareng, sont très faibles par rapport aux espèces démersales. Ceci est souvent vrai, et pose des problèmes particuliers pour l'analyse de l'évolution de l'abondance des espèces pélagiques, ainsi que ce sera discuté plus loin. On remarquera enfin que ces coefficients se réfèrent uniquement à des études faites en automne. Ils varient en fait avec la saison, tout particulièrement pour les espèces pélagiques.

Pour en venir à l'impact de l'environnement sur la vulnérabilité, il est important de prendre conscience de ce que la saison et l'heure du jour peuvent provoquer d'importantes variations de vulnérabilité pour certaines espèces qui peuvent même ne pas être disponibles pour les chaluts démersaux durant certaines saisons. Les campagnes doivent prendre place durant unesaison où la vulnérabilité soit suffisamment stable; effectuer les chalutages durant une époque de migration ne saurait être conseillé, sauf si l'étude porte précisément sur les migrations. Pour rendre leurs résultats aussi comparables que possible, les campagnes devront se dérouler chaque année à la même (ou aux mêmes) saison(s). Des variations nycthémérales de capturabilité ont été observées pour beaucoup d'espèces et les différences entre captures de jour et de nuit peuvent être importantes (cf. par exemple, Sissenwine et Bowman, 1978). De telles différences tendent à se compenser pour un grand nombre de traits (approximativement au-delà de la centaine), dans une étude conçue pour couvrir en continu toute la journée. Par conséquent, il n'est pas en général nécessaire de les prendre en considération dans un indice d'abondance global. Elles peuvent cependant être très importantes dans l'analyse de résultats reporsant sur un petit nombre de traits.

Des anomalies importantes et imprévisibles apparaissent épisodiquement, tant pour les espèces pélagiques que démersales (cf. par exemple Anderson, 1979), et, par conséquent les écarts spectaculaires de l'indice d'abondance, par rapport à un niveau moyen ou une tendance générale, doivent être traités avec circonspection. Le risque de biais graves est beaucoup plus important pour les espèces dont le coefficient de vulnérabilité est très bas, car une variation absolue modérée de ce coefficient peut engendrer une variation relative très forte des captures par trait. C'est pourquoi il est important de choisir un chalut qui soit efficace pour toutes les espèces prioritaires. Il sera le plus souvent possible de distinguer les anomalies majeures de variations réelles d'abondance, en analysant les structures de la population, en terme de distribution des âges ou des longueurs.

TABLEAU 2
COEFFICIENTS DE VULNERABILITE POUR DES STOCKS ET ESPECES CHOISIS DANS LES ETUDES AMERICAINES PAR CHALUTAGE, DANS LA REGION DE LA NOUVELLE ANGLETERRE
EspèceStock
(secteurs géographiques)
Coefficient de
vulnérabilité a
Eglefin5Ze (1963–1968) b
5Ze (1969–1974)
,317
,156
Morue5Z
5Y
,212
,767
Merlu argenté
(Merluccius bilinearis)
5Ze
5Zw-6
,012
,032
Merluche rouge
(Urophycis chuss)
5Ze
5Zw-6
,099
,055
Limande ferrugineuse
(Limanda ferruginea)
5Ze
5Zw
,262
,387
Hareng atlantique5Z6
5Y
,0008
,003

a Les coefficients de vulnérabilité sont issus du tableau 12 de Clark et Brown (1977), enmultipliant leur coefficient de pondération non transformé par un facteur équivalent àla surface occupée par le stock, exprimée en milles carrés, puis multipliée par 100(car le chalut standard US couvre approximativement 0,01 mille carré par trait). Ceciconvertit simplement leur coefficient de pondération en un rapport entre la biomasse es-timée par l'étude (selon la méthode de l'aire balayée), et l'estimation de biomasse fourniepar l'analyse des cohortes. Ceci est approximativement égal à la proportion moyenned'animaux capturés sur le trajet du chalut
b Les coefficients de vulnérabilité semble avoir diminué pour l'églefin, quand la populationa elle-même décliné, et montré un rajeunissement (cf., Clark et Brown, 1977, pour desdétails complémentaires)

2.7 Facteurs affectant l'indice de capture moyenne par trait

Comme ce fut indiqué précédemment, les poissons sont distribués de façon contagieuse (aggrégée) plutôt que répartis dans l'espace de façon strictement aléatoire et indépendante ou uniforme. Si l'on considère la distribution des captures par trait, ce regroupement en essaims tend à rendre la variance largement supérieure à la moyenne. De ce fait, pour obtenir une précision élevée, des échantillons de taille importante seront nécessaires. La distribution théorique qui s'ajuste en général au mieux aux données de capture par trait est la binomiale négative (Taylor, 1953). Moyenne et variance d'une distribution binomiale négative sont reliées comme suit:

où μ et σ2 désignent respectivement la moyenne et la variance et où k est un coefficient relié au degré de dissymétrie de la distribution. Pour une valeur donnée de k, et pour des valeurs relativement fortes de μ (par rapport à 1/k), la relation entre σ et μ est approximativement linéaire. Les données issues des campagnes de chalutage confirment une relation linéaire entre écart type et moyenne. Elles suggèrent que, pour une espèce donnée, k tend à être constant dans l'espace et d'un niveau d'abondance de la population à l'autre (Pennington et Grosslein, 1978). Il faut encore noter que μ croît linéairement avec la longueur de l'unité d'échantillonnage (donc avec la durée du trait), du moins tant qu'une saturation de l'engin n'intervient pas, mais que k paraît relativement indépendant de la longueur du trait.

Le caractère hautement contagieux des distributions a entre autre conséquence d'entraîner un gain de précision médiocre, quand la longueur du trait croît au-delà d'une valeur relativement modeste. Ceci peut être mis en évidence en reportant le coefficient de variation (c = σ/μ) contre la moyenne, dans le cadre d'une binomiale négative, pour une valeur donnée de k:

Bien que c décroisse quand μ augmente, il atteint rapidement un niveau où cette décroissance est faible et ne tend pas vers 0, même si μ devient très grand (Pennington et Grosslein, 1978). En général, pour une surface donnée de l'unité d'échantillonnage, c sera grand pour les espèces correspondant à des valeurs faibles de k et μ. Ce sont celles qui présentent un haut degré d'aggrégation ou de regroupement en bancs et ne permettent qu'une faible capture moyenne par trait. Lenarz et Adam (1980) ont montré que la longueur du trait avait relativement peu d'effet sur les indices d'abondance des sébastes, par comparaison à l'influence du nombre de traits.

Ces propriétés doivent être prises en considération pour maximiser la précision des études par chalutage. Le problème de base est de choisir la taille de l'échantillon (nombre de traits), et la dimension de l'unité d'échantillonnage (durée de chaque trait), pour obtenir la meilleure précision possible, dans le cadre d'une étude de durée fixée. Le temps global alloué à une étude est généralement prédéterminé et en pratique la durée du trait est choisie en fonction de l'importance des captures. Par suite on adapte le nombre de coups de chalut au temps disponible. Supposons que l'on dispose d'informations sur le temps nécessaire pour filer et virer le chalut de même que sur la valeur de k et sur la relation entre la durée du trait et les captures pour les espèces essentielles. Il est alors possible d'obtenir, de façon approchée, la longueur de trait optimale pour chaque espèce. De telles estimations de durée optimale ont été faites par Pennington et Grosslein (1978), pour plusieurs espèces pêchées sur le Banc Georges. Les résultats s'échelonnaient de 2 à 45 minutes. En général, la durée de trait optimale est plus grande pour les espèces les moins abondantes et elle augmente pour une espèce donnée quand l'abondance du stock décline. Dans une étude multispécifique, le choix de la durée optimale implique un compromis, associé aux caractéristiques de toutes les espèces essentielles. Entrent aussi en compte des considérations pratiques essentielles, telles que le niveau des captures selon la durée du trait, pour les espèces les plus importantes. Les captures moyennes doivent être suffisantes pour apporter toutes les données requises par les objectifs de l'étude, mais sans être fortes au point d'amener des temps de manipulation excessifs, ou provoquer une saturation de l'engin. Des traits de 30 minutes sont pratiqués dans les campagnes sur la côte est des Etats-Unis, ce qui entre dans la plage des estimations de durée optimale, évoquée plus haut (Pennington et Grosslein, 1978).

Pour accroítre la précision, angmenter la taille de l'échantillon constitue une solution évidente. Pour des zoncs telles que le Banc Gorges, les intervalles de confiance à 95% correspondent sensiblement à ± 50% de la moyenne, pour un ensemble d'approximativement 70 traits de 30 minutes (Grosslein, 1971). Cependant, pour ramener les intervalles de confiance à ± 30% de la moyenne, il faudrait plus que doubler le nombre de traits. D'autres voies existent pour augmenter la précision, telles que la poststratification afin de prendre en compte des variations de vulnérabilité selon un rythme circadien et la standardisation des distances parcourues pour chaque coup de chalut. Les gains de précision que l'on peut ainsi espérer paraissent relativement modestes (Pennington et Grosslein, 1978). De plus, le contrôle en temps réel de la vitesse et de la distance sur le fond nécessite une instrumentation élaborée, telle qu'un système de navigation, ou un loch utilisant l'effet Doppler, couplé avec un ordinateur, qui permette de calculer la vitesse sur le fond.

La meilleure façon de maximiser la précision consiste probablement à s'assurer que l'allocation de l'échantillon est approximativement proportionnelle à la surface et à l'écart type des différentes strates d'échantillonnage, du moins pour les 3 ou 4 espèces essentielles. Faute de données sur les variances intrastrates, on pourra utiliser des données sur l'abondance moyenne, variances et moyennes étant corrélées. Si les poissons sont distribués de façon sensiblement uniforme, allouer le nombre de points de chalutage proportionnellement à la surface des strates fournit une bonne règle de décision empirique.

Il existe des procédés mathématiques pour calculer l'allocation optimale, en terme de précision maximale pour un coût donné, ou de coût minimal pour une précision donnée (cf., par exemple Evans, 1951). Ces techniques sont cependant d'utilisation délicate, en raison de la multiplicité des objectifs et des fortes variations dans les distributions de densité d'une espèce à l'autre.


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