Stratégie
Accroître la productivité des ressources existantes
Créer de nouvelles ressources en bois de feu
Améliorer la distribution du bois de feu
Améliorer les techniques de conversion
Trouver des combustibles de remplacement
Népal: une étude de cas
Les forêts ont un rôle important à jouer dans le développement humain. La FAO estime que les forêts ne doivent pas se limiter à fournir une énergie de subsistance et que leur contribution au développement sera tout aussi importante. Toutefois, pour le moment, l'énergie de subsistance reste la question prioritaire, compte tenu de la gravité de ce problème.
Une chose est encourageante: les solutions au problème du bois de feu sont en grande partie connues. Le facteur critique reste cependant le temps; la pénurie frappe déjà durement des millions de personnes et continuera à s'aggraver rapidement si des mesures urgentes ne sont pas adoptées. Comme on l'a déjà souligné, de telles mesures doivent s'inscrire dans le cadre du développement rural intégré.
Le Département des forêts de la FAO a identifié cinq grandes tactiques permettant de lutter contre la pénurie de bois de feu. Elles seront combinées dans la plupart des programmes de terrain et rassemblées en un plan d'action qui mène simultanément la lutte sur plusieurs fronts. Ces tactiques sont les suivantes:
1. Accroître la productivité des ressources existantes. L'aménagement des bois et forêts existants, notamment par les populations locales, permet parfois d'accroître la productivité jusqu'à 50 pour cent. La mise en repos de zones surexploitées peut également être très bénéfique. On peut augmenter considérablement les disponibilités en bois de feu en utilisant toute la biomasse existante - y compris les zones non forestières, les arbustes, les broussailles et ce qui est normalement considéré comme «déchets».
2. Créer de nouvelles ressources en bois de feu. La plantation d'espèces à croissance rapide ne présente pas de grands problèmes techniques. Dans de nombreuses régions, les nouvelles plantations peuvent commencer à produire du bois de feu en quelques années. Le coût de telles plantations peut paraître élevé -selon certaines estimations, le bois de feu produit par les nouvelles plantations coûterait de 2 à 4 dollars/GJ, contre environ 5 dollars/GJ pour le pétrole brut. Cependant, la production de bois de feu n'exige aucune dépense en devises, présente un grand nombre d'avantages et devrait finalement atteindre le seuil de rentabilité. En général, les plantations n'entrent pas en concurrence avec d'autres activités agricoles pour l'occupation des sols. Si de 2 à 5 pour cent des terres disponibles étaient boisées, il n'y aurait aucune perte nette de production agricole; on enregistrerait même, dans certaines régions, un accroissement de la production vivrière.
3. Améliorer la distribution du bois de feu. La distance à parcourir jusqu'à l'usager est un des principaux éléments intervenant dans le prix du bois de feu et du charbon de bois. Des études de la FAO indiquent que le bois de feu ne peut pas être transporté de façon rentable sur des distances supérieures à 100 km, contre 800 à 1 000 km pour le charbon de bois. Il faut organiser de toute urgence l'industrie du bois de feu et en accroître l'efficacité en créant des coopératives de commercialisation, en réglementant les prix et en améliorant les installations d'entreposage.
4. Améliorer les techniques de conversion. On peut améliorer de trois manières l'utilisation et la production de bois de feu et de charbon de bois: prétraiter le combustible, par exemple en le compressent en fagots; améliorer l'efficacité de la carbonisation (avec les méthodes traditionnelles, on perd jusqu'à 60 pour cent de la valeur énergétique du bois); et diffuser sur une grande échelle des fourneaux à bois efficaces tout en améliorant la cuisson. Un four à bois efficace peut, pour un prix modéré, permettre d'épargner jusqu'à 30 pour cent du combustible. Dans certains cas, on peut également réaliser des économies de cette ampleur rien qu'en modifiant le mode de cuisson.
5. Trouver des combustibles de remplacement. Les activités de substitution du bois de feu n'auront probablement qu'un effet limité au cours des deux prochaines décennies, mais le biogaz et l'énergie solaire peuvent, dans une certaine mesure être utilisés à cette fin. Il faudra peut-être faire appel à des combustibles fossiles, quel qu'en soit le coût, dans les zones où des travaux forestiers appropriés ne peuvent pas être réalisés en temps voulu pour éviter une très grave pénurie de bois de feu.
Toutefois, avant d'établir un programme combinant ces techniques, il faut absolument évaluer la situation du bois de feu dans le pays en question. Par exemple, dans une étude de ce type effectuée en Haute-Volta, la FAO étudie la consommation de bois de feu et de charbon de bois dans les villes et les campagnes, le rôle joué par les autres combustibles dans l'économie nationale et l'importance de l'industrie du bois de feu et du charbon de bois. Elle a également recueilli des données sur le potentiel des ressources existantes. Les conclusions de cette étude sont surprenantes: la Haute-Volta pourrait produire suffisamment de bois de feu et de charbon de bois pour satisfaire ses propres besoins, mais il existe dans le pays d'immenses déséquilibres, qui se traduisent par de graves pénuries dans certaines régions, alors qu'une partie des ressources les plus importantes sont pratiquement inaccessibles. Le Gouvernement voltaïque prépare actuellement, sur la base de ces renseignements, un plan national sur le bois de feu.
Une étude similaire réalisée au Bangladesh fait apparaître une situation tout à fait différente: le bois de feu est peu utilisé, car les disponibilités sont très réduites. La majeure partie du bois de feu provient de plantations familiales qui sont exploitées à un rythme de 10 pour cent par an, alors que leur taux de croissance n'atteint que 5 pour cent par an. En général, l'étude souligne que, par rapport au rythme d'exploitation normalement possible, le déficit en produits forestiers s'élève à quelque 800 000 m3 par an. A la lumière de ces informations, la FAO a pu présenter au Bangladesh des recommandations sur la meilleure manière de réduire de futures pénuries.
En théorie, il ne devrait pas y avoir de pénurie de bois de feu. La croissance annuelle potentielle des forêts du globe est estimée à 110,109 térajoules (1 térajoule équivaut à 1012 joules), soit plusieurs centaines de fois la consommation mondiale d'énergie. De graves pénuries locales peuvent cependant survenir malgré l'abondance globale. En outre, les ressources existantes sont rarement exploitées comme il conviendrait.
L'amélioration de la productivité des ressources existantes coûte, de toute évidence, moins cher que la création de nouvelles plantations. Il faut donc aménager les forêts, mais également tous les autres types de couvert arboré - scrub arboré, parcelles boisées et même arbres destinés à un autre usage, tel que production de fruits, fourrage ou abri. Parfois, des mesures de protection relativement simples permettent d'accroître les rendements de plus de 50 pour cent.
Avant d'accroître la productivité des ressources existantes, il faut résoudre certains problèmes institutionnels de base. La production de bois de feu figure rarement parmi les objectifs spécifiques de la foresterie. De nombreux services forestiers ont même été créés pour encourager les industries forestières, comme l'industrie de la pâte et du papier, et pour protéger les forêts contre les incursions des populations locales. Les forestiers et les populations se sont trouvés en conflit dans de nombreux pays.
Cette situation devrait changer, étant donné la pénurie actuelle de bois de feu. L'approvisionnement en bois de feu doit trouver place parmi les principaux objectifs des services forestiers nationaux, et il faut s'efforcer par tous les moyens d'obtenir l'aide et l'adhésion de la population locale. A l'avenir, on ne peut espérer enrayer la détérioration de la situation si la population locale n'est pas activement associée à la gestion et au contrôle des disponibilités en bois de feu.
Six conditions préalables doivent être remplies pour améliorer la productivité des ressources existantes:
· la production de bois de feu doit figurer parmi les principaux objectifs des services forestiers nationaux;· la politique adoptée sur le plan national doit protéger les forêts pour la production de bois d'uvre, mais aussi garantir l'approvisionnement de la population locale en bois de feu;
· il faut adopter de nouvelles lois pour faire en sorte que la population locale puisse utiliser les ressources en bois de feu et participer à l'aménagement et à la surveillance des forêts;
· il faut renforcer les organismes forestiers pour que ceux-ci puissent aider la population locale à gérer ses ressources en bois de feu;
· il faut adopter des méthodes d'aménagement qui assurent un rendement soutenu et encouragent la production de biomasse forestière;
· il faut étudier et faire connaître le potentiel des ressources en bois de feu.
La faible productivité actuelle des forêts s'explique en partie par l'usage non planifié qui en a été fait par le passé. L'introduction de méthodes forestières scientifiques permet d'obtenir des rendements élevés et soutenus. Seulement 41 des 881 millions d'hectares de forêts denses productives du monde sont aménagés de façon à assurer un rendement continu et à fournir toute une gamme de produits forestiers, parmi lesquels figurent le bois d'uvre et le bois de feu.
Un projet de la FAO, réalisé au Ghana au cours des années 70, a démontré les avantages des nouvelles méthodes (et les pertes imputables aux anciennes méthodes). La forêt naturelle du Ghana a été largement victime de coupes d'écrémage destinées à exploiter les essences précieuses de feuillus. Cette forêt existe encore, mais elle n'est pas très productive. De telles forêts sont souvent simplement abattues et brûlées, puis reboisées pour des productions spécifiques, notamment pour l'industrie de la pâte et du papier.
Cette méthode entraîne non seulement des gaspillages, mais elle encourage aussi le développement de plantes adventices sur les terres défrichées - à tel point qu'il faut parfois jusqu'à 12 désherbages avant que les nouveaux arbres ne soient finalement implantés. On a toutefois décidé d'utiliser une nouvelle technique sur les 57 000 hectares de la réserve forestière du fleuve Subri, dans le sud-ouest du Ghana.
La forêt a été coupée à blanc, puis on y a replanté des essences à croissance rapide adaptées à la production de pâte à papier et de bois de feu. Les arbres abattus ont été, dans la mesure du possible, conservés et vendus sous la forme de bois débité, de bois de feu ou de charbon de bois. On a laissé la forêt naturelle intacte sur toutes les fortes pentes, le long des cours d'eau et dans les marécages.
Cette technique présente un certain nombre d'avantages. Etant donné que le bois n'est pas brûlé sur place, les plantes adventices se développent beaucoup moins. Les espèces locales précieuses ont été conservées, et dans les clairières pratiquées on a pu, pendant les deux ou trois premières années, cultiver la banane plantain et le manioc entre les rangées des nouveaux arbres plantés. En bref, cette technique remplace des activités non productives comme le brûlage et le désherbage par des activités productives comme le sciage et la carbonisation.
Ces activités coûtent cher bien sûr, mais le produit de la vente du bois abattu est supérieur de plusieurs centaines de dollars à l'hectare au coût de conversion, même si l'on ne tient pas compte de la production vivrière supplémentaire ainsi obtenue, ni des bénéfices réalisés par les entrepreneurs locaux fabriquant le charbon de bois.
La technique de conversion Subri, comme on l'appelle maintenant, peut être adaptée à de nombreux autres pays. C'est maintenant une méthode éprouvée, qui permet de mieux exploiter le grand potentiel des ressources existantes. Selon des études récemment effectuées par la FAO, le bois utilisable comme combustible s'élève à 100-200 m3 à l'hectare dans les futaies tropicales du Suriname, à 88 m3 à l'hectare dans la région de Cerrado au Brésil, 75 m3 dans la région de Terai au Népal, 50 m3 en Côte-d'Ivoire et 30 m3 dans le centre-sud de la Haute-Volta.
Toutefois, on peut également réaliser de grandes économies en utilisant mieux les déchets forestiers. Près de la moitié de ce qui est abattu dans les forêts est gaspillé; même s'il s'agit surtout de petites branches, de brindilles et de feuilles, il existe des techniques permettant de comprimer ces matériaux en fagots. De tels fagots brûlent mieux s'ils contiennent au centre un morceau de bois; ils constituent un combustible adapté à la cuisson, contrairement aux matériaux non compressés, qui brûlent rapidement et de façon irrégulière. Les forgerons locaux peuvent construire, à un coût modique, de simples presses à main pour la fabrication des fagots.
De même, les petites particules de bois, la sciure et les déchets de charbon de bois peuvent être comprimés et transformés en briquettes. Cette opération peut être réalisée sans liant, mais le matériel nécessaire est coûteux et le séchage coûte cher en énergie. On peut utiliser de simples presses à main pour fabriquer des briquettes à l'aide d'un liant disponible sur place - déchets de poisson, résine, goudron ou déjections animales. En Pologne, on fabrique industriellement des briquettes à partir d'écorces d'arbre.
Nombre de ces produits ont un pouvoir calorifique étonnamment élevé. Par exemple, une briquette contenant de 30 à 45 pour cent de poussier de charbon de bois, de 30 à 45 pour cent de brindilles hachées et de 15 à 20 pour cent d'excréments brûle aussi bien que du charbon de qualité moyenne. Peu de techniques de ce type ont cependant été testées dans les pays en développement. Leur mise au point exige aussi la réalisation de programmes visant à améliorer la conception et la distribution des fourneaux, car le combustible ainsi comprimé ne peut pas brûler de façon satisfaisante dans un foyer ouvert.
Une autre manière d'accroître les disponibilités est d'intégrer des projets de production de bois de feu à d'autres pratiques agricoles. La création de plantations énergétiques dans le cadre d'une économie mixte peut présenter de grands avantages. En Thaïlande, les petits exploitants de la zone côtière située au sud de Bangkok ont commencé à prendre des mesures pour faire face à la pénurie de charbon de bois dans la capitale. La plupart des agriculteurs n'ont en général que de 1 à 10 hectares de terre, mais ils ont mis au point un système leur permettant d'y créer des mangroves, des étangs à crevettes et des salines. Les palétuviers sont transformés en charbon de bois. Les petits exploitants réalisent ainsi un profit maximal en vendant un combustible, un aliment et un minéral.
Au Bangladesh, l'exploitation intensive des parcelles familiales présente des caractéristiques similaires. Les familles utilisent de façon polyvalente les terres situées autour de leur maison, de façon à être plus ou moins autosuffisantes sur le plan tant vivrier qu'énergétique. Même les arbres isolés sont intensément entretenus et exploités.
Une autre façon de redonner vigueur à une ressource existante est de la mettre en défens pendant quelque temps. Un projet réalisé par la FAO à N'Djamena (Tchad) a démontre que la simple pose de clôtures autour de zones de végétation naturelle, et l'interdiction de pacage et de ramassage de bois de feu pendant un certain temps, pouvait être plus efficace que de nouvelles plantations.
Il serait possible d'accroître en moyenne la production de bois de feu de 20 pour cent en utilisant des techniques simples pour améliorer le potentiel des ressources existantes. On peut prendre ce chiffre comme base pour déterminer s'il est intéressant, d'un point de vue économique, d'améliorer les ressources existantes ou de créer de nouvelles plantations énergétiques. La création de nouvelles plantations peut s'avérer indispensable, mais la première chose à faire est d'améliorer la production en agissant sur les ressources existantes. Dans la pratique, cela peut être difficile, mais le jeu en vaut bien la chandelle.
L'étude de la FAO Agriculture: Horizon 2000 estime que toutes les pénuries de bois de feu devraient disparaître d'ici à la fin du siècle et que suffisamment d'arbres devraient être plantés pour produire, en vingt ans, 1 milliard de m3 de bois en plus. Il faudra, pour ce faire, planter plusieurs milliards d'arbres.
Le Plan d'action de Nairobi, adopté lors de la Conférence des Nations Unies sur les sources d'énergie nouvelles et renouvelables, tenue en août 1981, recommandait aux pays en développement de multiplier par cinq, d'ici à la fin du siècle, le taux annuel de plantation d'arbres. Cette tâche titanesque est encore compliquée par le fait que la pression démographique est forte et les conditions écologiques défavorables dans les zones mêmes où les nouveaux arbres sont le plus nécessaires. En fait, le déboisement est souvent dû à la pression démographique, à l'érosion du sol et à la pénurie de bois de feu.
Dans ces zones, on peut difficilement espérer introduire de vastes plantations en bouquets. Il existe cependant d'autres possibilités. On peut, individuellement ou collectivement créer des parcelles forestières ou des rideaux-abris, et planter des arbres dans les jardins, sur les terres en friche et le long des routes et des cours d'eau. Au cours des dernières années, la FAO a acquis de l'expérience dans ces domaines. Une des principales conclusions qu'elle en a tirées est que la méthode la plus efficace consiste souvent à encourager les agriculteurs à planter individuellement des arbres.
Dans l'Etat du Gujarat, en Inde, les services forestiers de l'Etat ont commencé, au début des années 70, à planter des arbres le long des routes et des canaux. Le grand public a très peu participé à cette opération, mais cela a permis d'améliorer l'image du Département des forêts auprès de la population locale. Les villageois ont également pu constater que les arbres pouvaient être plantés sur des terres marginales et entre les champs, de façon à ne pas gêner la production agricole. Des conseils et dés plants ont été donnés à toutes les personnes intéressées, et un vaste programme d'information a été lancé. Après seulement quelques années, la plantation d'arbres avait augmenté à tel point que les 50 millions de plants distribués en 1980 ne suffisaient plus. En 1982, les agriculteurs ont planté 100 millions de jeunes arbres et ils devaient, en 1983, en planter 200 millions. A la fin de 1982, 13 330 km de routes et 2 051 km de canaux étaient bordés d'arbres et la superficie totale ainsi boisée atteint près de 30 000 hectares. L'intensification de cette activité s'explique notamment par le développement de débouchés commerciaux pour le bois de feu et les perches dans les villes avoisinantes.
Des lois intelligentes peuvent également avoir des effets bénéfiques, notamment au niveau local. Par exemple, dans la plus grande ville de l'Etat du Gujarat, les certificats d'achèvement des travaux pour les nouveaux bâtiments ne peuvent être obtenus que si cinq arbres au moins ont été plantés aux alentours.
Dans d'autres parties du monde, on a également essayé d'encourager les particuliers, et notamment les agriculteurs, à planter des arbres. Dans les îles du Cap-Vert, le Président a déclaré que la politique du gouvernement était de planter un million d'arbres par an au cours des 10 prochaines années. Cette politique est appuyée par une vaste campagne de publicité à la radio et dans les journaux. Aux Philippines, le Président a déclaré que chaque citoyen âgé de plus de 10 ans devait planter un arbre par an pendant les cinq prochaines années.
La plantation d'arbres peut être une solution individuelle valable, mais elle ne sert pas aux paysans sans terre, ni aux fermiers ayant un bail à court terme. On a donc accordé une attention particulière aux solutions collectives - notamment la création de parcelles boisées de village - qui permettent aux villageois sans terre d'utiliser les arbres.
Parmi les programmes ayant obtenu des résultats très positifs, on peut citer un programme réalisé en République de Corée. Le bois de feu manquait dans le pays depuis plusieurs décennies, mais à la fin des années 60, les problèmes d'érosion du sol et d'inondation causés par l'abattage des arbres sur les fortes pentes ont atteint des proportions critiques. Le gouvernement a donc pris des mesures pour permettre à chaque village de créer sa propre parcelle boisée. Les villages ont été encouragés à créer une association forestière de village (AFV) chargée de réaliser les travaux avec l'aide financière du gouvernement. Des parcelles boisées ont été créées sur les fortes pentes ou les terres marginales, et les organisations nationales, régionales et locales ont admirablement coordonné leurs efforts. Au bout de cinq ans, c'est-à-dire en 1978, plus d'un million d'hectares avaient été reboisés: 240 000 hectares pour la production de bois de feu et le reste pour la production de fruits et de bois d'uvre. De plus, quelque 4,4 millions d'hectares ont été aménagés et près de 3,054 milliards de plants ont été semés par les 20 000 AFV existantes. Presque tous les principaux objectifs du programme décennal lancé en 1973 ont été atteints quatre ans avant la date prévue.
Le succès de la foresterie de village en République de Corée est notamment dû aux facteurs suivants:
· les programmes forestiers étaient bien intégrés au développement rural, et les villageois étaient déjà conscients de la validité de ce concept;· on a procédé graduellement, sans trop demander aux villageois;
· le gouvernement et les particuliers ont travaillé de concert, et la planification s'est effectuée aussi bien de haut en bas que de bas en haut;
· on a choisi des arbres polyvalents produisant rapidement du bois de feu, du bois d'uvre, des fruits et des noix;
· la recherche appliquée au développement a fourni des renseignements sur les essences et les techniques de plantation appropriées;
· l'aide financière, matérielle et technique nécessaire aux villageois leur a été fournie rapidement et efficacement;
· de nouvelles lois ont permis de supprimer les ambiguïtés concernant les différentes responsabilités, et les villageois ont été encouragés à contrôler et à protéger leurs propres ressources.
Le coût d'une telle opération est cependant élevé. Le programme quinquennal a coûté 600 millions de dollars et 60 pour cent de cette somme étaient à la charge du gouvernement.
L'expérience chinoise démontre également l'importance de la participation des collectivités à de tels programmes. Entre 1949 et 1978, les forêts ont augmenté de 72 millions d'hectares grâce à une mobilisation massive de la population chinoise. Comme dans le cas précédent, l'importance du développement rural était déjà reconnue et des organisations locales étaient déjà en place.
En Chine, la foresterie est étroitement liée à l'agriculture. Par exemple, les agriculteurs chinois ont, en deux saisons, créé un rideau-abri de 1 500 km de long dans le nord-ouest du pays. Entre 1958 et 1975,10 000 hectares de coupe-vent ont été plantés dans la région de Fu Kou et 74 millions d'arbres -soit 140 arbres par personne - ont été mis en terre. Les programmes forestiers réalisés dans la région de Chouchou, notamment la plantation de 16 millions d'arbres, ont permis de doubler la production agricole en 10 ans. De tels exemples démontrent que les programmes de production de bois de feu doivent s'inscrire dans le cadre du développement agricole et rural.
La FAO a encouragé la création de plantations énergétiques en fournissant des conseils et une assistance technique à de nombreux autres pays: Cap-Vert, Haute-Volta, Népal, Niger, Pérou, Sénégal, Soudan, République-Unie de Tanzanie et Zaïre. Certains de ces projets n'en sont encore qu'au stade initial, mais leur réussite dépend énormément des facteurs suivants: participation de la population locale, insertion du projet dans le cadre plus général du développement rural et existence d'organismes de village pouvant se charger de l'aménagement des parcelles boisées. Dans l'Etat du Gujarat, les plantations individuelles ont mieux réussi que les programmes collectifs; la FAO aide maintenant le Gouvernement indien à évaluer les effets de ce programme, qui a débuté il y a près de 15 ans et est l'un des plus anciens programmes de foresterie sociale.
Le plus vaste projet de production de bois de feu de la FAO, qui est actuellement réalise au Pérou, prévoit la création d'une série de plantations rurales pour régénérer la région de la sierra dans les Andes, où les forêts avaient pratiquement disparu. Le gouvernement désire produire, en 15 ans, 9 millions de m3 de bois par an, grâce à un programme de plantation qui passera progressivement de 10 000 à 60 000 hectares par an. Le coût du programme pendant les cinq premières années est estimé à 80 millions de dollars. Un programme national de reboisement a été lancé à cet effet en 1980. La FAO est l'agent d'exécution d'un projet financé par un fonds fiduciaire alimenté par les Pays-Bas; les objectifs de ce projet sont d'aider l'institut forestier national à planifier et à réaliser le programme de reboisement, et d'aider les collectivités rurales à planter de nouvelles forêts, puis à les protéger.
Les plantations en bouquets peuvent également jouer un rôle essentiel dans l'approvisionnement en bois de feu des centres urbains. En Ethiopie, la ville de Dire Dawa est entourée de terres couvertes de rares broussailles où vivent quelques pasteurs nomades. Le bois de feu venait d'une région montagneuse située à une certaine distance de la ville, mais cette région est maintenant en grande partie déboisée. Dans ce cas particulier, on ne peut pas créer de parcelles boisées de village, pour la bonne raison qu'il n'existe pas de village. Un projet réalisé par la FAO essaie plutôt d'aménager 400 hectares de forêt dans la brousse, d'apprendre à la population à fabriquer et à utiliser des fourneaux à bois améliorés, et de trouver les meilleures essences possibles pour fournir du combustible, des perches, ainsi qu'un peu de fourrage pour les pasteurs qui vivent sur ces terres.
Un projet semblable est destiné à produire les 500 000 tonnes de charbon de bois par an que la ville de Kinzono, sur le plateau de Bateke au Zaïre, devrait consommer d'ici à la fin du siècle. Le projet, dont le coût serait de l'ordre de 27 millions de dollars, prévoit le reboisement de quelque 100 000 hectares à l'aide d'Acacia auriculiformis; le projet devrait produire de 10 à 12 m3 de bois de feu à l'hectare par an. Dès la neuvième année, le projet devrait devenir autonome et financer ses activités grâce aux ventes de bois d'uvre et de charbon de bois. Enfin, un tel projet devrait créer jusqu'à 10 000 emplois.
La distribution joue un rôle essentiel dans l'amélioration des disponibilités en bois de feu. Il faut toujours trouver le moyen de transporter un produit du lieu de production au lieu de consommation. La satisfaction de la demande de bois de feu dépend souvent de la distribution.
La plupart des ruraux ont toujours considéré que le bois de feu était ce que les économistes appellent un «bien gratuit», c'est-à-dire un bien qui coûte juste le travail pour le transporter de la forêt à la maison. Mais l'énergie gratuite, comme d'ailleurs le pacage gratuit, connaît la tragédie de tous les biens communs: des terres communes surpâturées ne peuvent pas fournir tout le fourrage nécessaire; d'autre part, personne n'a intérêt à en prélever moins que d'habitude. Les pénuries actuelles de bois de feu servent au moins à démontrer une chose: si l'on veut continuer à disposer de bois de feu à un prix raisonnable et pas trop loin du lieu d'utilisation, il faut planter, aménager et exploiter des arbres, et distribuer et vendre le bois ainsi obtenu.
Les citadins, par contre, considèrent rarement le bois de feu comme un bien gratuit. Ils doivent acheter le bois de feu et le charbon de bois sur le marché. Comme l'offre diminue et que le bois et le charbon doivent être transportés sur de plus grandes distances, les prix augmentent.
Au cours des prochaines années, l'approvisionnement en bois de feu des zones rurales se fera de plus en plus par les voies commerciales, et le concept de bois de feu gratuit disparaîtra. Il s'agit là d'un phénomène inévitable et même souhaitable, malgré les bénéfices excessifs réalisés par des intermédiaires avides et en dépit des problèmes pouvant être créés par des bureaucrates inflexibles. Un système bien structuré de distribution et de vente du bois de feu empêchera les classes moyennes des villes d'exploiter les ruraux pauvres.
Le transport est le principal facteur intervenant dans le coût total du bois de feu. Au Népal, le coût du bois de feu ramassé dans les forêts domaniales était de 1 dollar le mètre cube en 1975; ce prix passait à 8 dollars le mètre cube si le bois était livré dans une ville proche, et à16 dollars le mètre cube s'il était livré à Katmandou.
D'après une étude réalisée au début des années 80 sous les auspices de la FAO, la plantation et la gestion du bois de feu coûtent en général de 0,6 à 1 dollar/GJ, le coût de la récolte 0,35 dollar/GJ, et le coût du transport au moins 0,8 cent/GJ/km pour le bois de feu et 0,4 cent/GJ/km pour le charbon de bois. Ces chiffres, exprimés en prix de 1978, doivent être comparés au coût du pétrole brut, qui est d'environ 5 dollars/GJ. Le bois de feu commence donc à coûter presque aussi cher que le pétrole lorsqu'il est transporté sur une distance de 400 km, et le charbon de bois sur une distance d'environ 800 kilomètres. Dans la pratique, le bois de feu ne peut être transporté de façon rentable que sur une distance beaucoup plus courte. Il est rarement intéressant de transporter du bois de feu par camion sur plus de 100 kilomètres.
Il existe cependant d'autres moyens de transport. Dans les pays scandinaves, en Amérique du Nord et dans de nombreuses régions de la Chine, les grumes sont traditionnellement transportées jusqu'aux scieries par voie fluviale. Au Nigéria, le bois de feu servant à approvisionner Lagos - la capitale utilisant peu de charbon de bois, contrairement à la plupart des autres centres urbains - est amené en ville par canoës. Le transport fluvial peut également être pratiqué ailleurs. La FAO a réalisé une étude sur le flottage de bois de feu sur le fleuve Ouémé, entre les nouvelles plantations créées dans le nord du Bénin et les zones urbaines du sud entourant Cotonou. Cette idée semble réalisable, mais seulement dans certaines conditions et si le fleuve est en crue. La FAO a aussi examiné comment les régions intensément boisées de la côte occidentale de l'Afrique pourraient approvisionner les pays du Sahel en bois de feu et en charbon de bois. Une étude examinait notamment la possibilité d'amener à Ouagadougou (Haute-Volta) du combustible prélevé dans les forêts de la Côte-d'Ivoire
De tels programmes présentent des avantages potentiels pour les deux parties: d'un côté approvisionnement en combustible, et de l'autre nouvelle industrie et création d'emplois. En effet une industrie du bois de feu peut créer de nombreux emplois. En 1980, l'approvisionnement en bois de feu de Ouagadougou a donné du travail à quelque 16 000 personnes, et la valeur de la production était d'environ 4,7 millions de dollars par an.
La vente de bois de feu est souvent une source importante de revenus pour les ruraux pauvres des études réalisées en Inde ont démontré que ce sont habituellement les plus pauvres - les paysans sans terre et les sans-emplois - qui dépendent, pour leur subsistance, de la vente de bois de feu. La plupart des personnes qui doivent maintenant parcourir de longues distances pour se procurer du bois de feu font ce voyage non seulement pour assurer la consommation familiale, mais également pour réaliser un petit bénéfice en espèces. Le problème est toutefois le suivant: les centres urbains consomment une grande quantité d'énergie qu'ils sont capables de payer en espèces, et ils risquent, en fin de compte, de priver les ruraux des arbres nécessaires à la satisfaction de leurs propres besoins énergétiques.
La création de nouvelles plantations énergétiques doit aller de pair avec la mise en place d'une industrie du bois de feu bien structurée. Lorsque des arbres ont été plantés à un coût élevé, et parfois même grâce à des prêts internationaux, le produit obtenu ne peut en aucun cas être gratuit. Il faut organiser des coopératives et des associations de commercialisation, établir une structure des prix et créer des entrepôts de façon à accumuler des stocks pour pouvoir satisfaire la demande lorsque l'offre est limitée.
La production et la commercialisation du charbon de bois sont déjà, dans la plupart des pays, une activité commerciale qui devrait encore se développer considérablement, étant donné que le charbon de bois peut être transporté de façon rentable sur de plus grandes distances que le bois.
On peut accroître l'efficacité de la conversion du bois de feu en énergie utilisable de trois manières: augmenter le rendement de la carbonisation, convaincre les consommateurs d'utiliser des fourneaux améliorés, et économiser l'énergie pendant la cuisson.
Beaucoup d'énergie est perdue lors de la carbonisation - entre 30 et 60 pour cent de l'énergie initialement présente dans le bois. La carbonisation a donc souvent été tenue responsable des pénuries de bois de feu. Comme on l'a souligné: 1 tonne de charbon de bois = 6 m3 de bois = déboisement rapide.
Cette équation n'est cependant pas aussi simple. Le charbon de bois est un excellent combustible, dont le pouvoir calorifique est comparable à celui d'un charbon de bonne qualité et deux fois supérieur à celui du bois. Le charbon de bois ne pourrit jamais à l'entreposage, ne fume pas lors de la combustion, ne coûte pas cher à transporter vu son faible poids, et donne bon goût aux aliments qu'il cuit. Les pertes d'énergie en cours de carbonisation ne sont pas plus importantes que celles enregistrées dans une centrale électrique. En outre, étant donné qu'il est habituellement brûlé dans des fourneaux plus efficaces que les fourneaux à bois, le charbon de bois peut, du point de vue de l'économie d'énergie, être aussi intéressant que le bois de feu. Le processus de carbonisation n'est qu'un des aspects de cette industrie, et l'efficacité de ce combustible dépend d'une série d'opérations allant du ramassage du bois à son utilisation.
Un projet de la FAO réalisé au Bénin vise à satisfaire une partie des besoins énergétiques des villes situées dans le sud du pays avec du bois ramassé dans des forêts situées plus au nord, et transformé en charbon de bois dans des fours de carbonisation mobiles. Dans des projets de ce type, qui prévoient la carbonisation de grandes quantités de bois, il est évidemment important de produire le charbon de bois de la façon la plus rentable possible. De nombreuses méthodes traditionnelles de carbonisation utilisent une fosse remplie de bois, puis recouverte d'herbes, de branches, et enfin de terre. Le charbon de bois ainsi produit ne représente, en poids, que de 15 à 20 pour cent du bois utilisé.
a sable
b herbes et paille
c évents
d cheminée
e tuyau de récupération du goudron
Le cycle de carbonisation prend de 20 à 30 jours, et les charbonniers gagnent donc très peu d'argent. Des fours portatifs en métal ont été introduits dans certains pays; de tels fours améliorent considérablement l'efficacité de la carbonisation et accélèrent le cycle, qui est ramené à 3 ou 4 jours. Mais ils coûtent environ 5 000 dollars, et la plupart des charbonniers ne sont pas à même de les réparer ou d'en assurer l'entretien. De nombreux producteurs ont donc recommencé à utiliser les fosses en terre, sauf lorsque des organisations ont été créées pour les aider à financer les réparations et le remplacement des pièces. Il semble que les fours en brique soient plus efficaces et plus fiables.
Au Sénégal, un projet de la FAO utilisant une technique de carbonisation s'inspirant de la méthode de la fosse en terre a obtenu des résultats encourageants. Les fourneaux en terre de Casamance (qui portent le nom de la région où ils ont été mis au point pour la première fois) diffèrent des systèmes traditionnels puisque le bois est empilé sur une plate-forme circulaire de rondins et que le four comporte une cheminée en métal, fabriquée avec trois barils de pétrole soudés ensemble. Le charbon de bois ainsi produit représente, en poids, de 24 à 36 pour cent du bois utilisé, ou environ 50 pour cent de l'énergie totale disponible. La durée de la carbonisation est réduite de deux tiers, et seule la cheminée exige une dépense, qui est de l'ordre de 75 dollars.
Le consommateur a tout intérêt à utiliser un fourneau pouvant utiliser efficacement du bois de feu ou du charbon de bois, plutôt qu'un foyer ouvert. La FAO s'intéresse à cette question depuis 1961, date à laquelle elle a lancé le premier projet de fabrication de fourneaux en Indonésie. Depuis lors, elle a réalisé des projets similaires dans de nombreux autres pays.
On a souvent prétendu que les fourneaux permettaient de réduire de moitié le combustible nécessaire à la cuisson, mais il serait plus réaliste de tabler sur une réduction de 30 pour cent de la consommation d'énergie. Il semble en effet que le rendement énergétique des feux ouverts n'est que de l'ordre de 5 à 10 pour cent.
L'intérêt porté à cette question a été relancé grâce à la mise au point, au Guatemala, du fourneau Lorena qui, pour la première fois, a apporté une solution au problème du prix des fourneaux. Dans les pays en développement, les fourneaux ne sont vraiment utiles que s'ils sont suffisamment bon marché (10 dollars et même moins) pour être à la portée de tous. Le nom Lorena a été composé à partir des mots espagnols «lodo» (boue) et «arena» (sable). Un four construit entièrement avec de la boue et du sable, à l'exception d'une ou deux valves en métal, devrait être pratiquement à la portée de tous. Des fourneaux semblables, dénommés «Ban ak Suuf» - ce qui signifie également boue et sable dans la langue locale - sont petit à petit introduits au Sénégal.
Cependant, ce type de fourneau ne dure en moyenne que de un à deux ans. A la longue, il s'effrite et perd de son efficacité. Il faudra, de toute évidence, multiplier les activités de recherche pour trouver des fourneaux bon marché et durables.
Il apparaît maintenant que les systèmes traditionnels de cuisson, et notamment l'utilisation du feu ouvert, doivent être soigneusement réévalués. Par exemple, de nombreuses familles rurales ont besoin d'éclairage et ne peuvent pas acheter du kérosène. Le feu ouvert leur fournit de la lumière, de la chaleur et leur permet de cuire les aliments et de chauffer l'eau. Un four ne donne pas de lumière. En outre, les femmes utilisant le foyer ouvert peuvent, riches d'une longue tradition, conduire un feu de manière à brûler le combustible le plus efficacement possible et à profiter au maximum de la souplesse et des capacités d'adaptation de ce système.
D'un autre côté, il est évident qu'un fourneau peut améliorer considérablement la vie à la maison. Il débarrasse l'atmosphère de la fumée et améliore la ventilation. En outre, il présente moins de danger de brûlures qu'un foyer ouvert. Lorsqu'il s'agit de chauffer une pièce, de grandes économies d'énergie peuvent indéniablement être réalisées grâce au meilleur rendement énergétique du fourneau. Par conséquent, lorsque le fourneau constitue la solution la plus appropriée, il faut diffuser très largement des informations sur l'utilisation de cette technique.
II est rarement possible de trouver des sources d'énergie de remplacement, mais il devient plus facile de trouver des énergies de complément: biogaz ou énergie solaire, combustibles fossiles (notamment kérosène) et, bien sûr, déchets agricoles. En général, il est préférable d'utiliser les déchets agricoles pour alimenter une usine à biogaz au lieu de les brûler directement, car la fermentation produira un engrais amélioré, alors que tous les éléments fertilisants sont détruits lorsque l'on brûle les déchets.
Les sources d'énergie remplaçant ou complétant le bois de feu doivent avoir une place de choix dans tout plan national sur le bois de feu. Si la pénurie en bois de feu est très grave, il peut s'avérer nécessaire d'introduire, à titre provisoire, des énergies complémentaires (combustibles fossiles), par exemple jusqu'à ce que les nouvelles plantations commencent à produire. De nombreux pays ont appris à subventionner les combustibles fossiles dans les zones urbaines, pour atténuer la pression exercée sur les sources d'énergie disponibles dans les campagnes.
L'Inde a essayé de subventionner la consommation de charbon et de kérosène dans les villes, ce qui a entraîné une diminution de la consommation de bois de feu et de charbon de bois. On a essayé d'introduire l'utilisation du butane dans les zones urbaines du Sénégal, mais avec moins de succès. La Gambie a interdit la production et la consommation de charbon. La République de Corée a accéléré l'électrification des campagnes. En conséquence, la consommation de bois de feu, qui représentait 55 pour cent de la consommation totale d'énergie en 1966, est passée à seulement 19 pour cent en 1979.
Cependant, il est difficile d'introduire des énergies remplaçant le combustible domestique si, comme c'est souvent le cas, les ménagères sont attachées aux combustibles traditionnels et ne peuvent pas payer le prix du combustible de remplacement ou du matériel nécessaire pour son utilisation. Il existe toutefois une autre solution. De nombreuses industries rurales, comme les briqueteries, les ateliers de poterie et les installations de séchage du tabac, consomment une grande quantité de bois de feu, et il est plus facile de les convaincre à adopter un combustible fossile; ce changement d'énergie présente d'ailleurs d'autres avantages, notamment un meilleur rendement et un meilleur contrôle de la chaleur utilisée pour les opérations industrielles.
|
Un programme sur le bois de feu est actuellement réalisé au Népal. Ce projet conjoint gouvernement/Banque mondiale/PNUD/FAO démontre que les stratégies examinées ci-dessus doivent être complétées par des mesures vigoureuses du gouvernement, par la création d'institutions et par la réalisation d'activités de formation et de recherche, si l'on désire assurer la réussite de tels projets. En 1977, le gouvernement a promulgué une loi encourageant les panchayats - groupes de villages représentant la plus petite unité administrative du Népal - à aménager les forêts locales. On distingue deux types de forêts: les forêts de panchayats (FP), qui sont en général des terres incultes devant être reboisées, et les forêts protégées de panchayats (FPP), qui doivent seulement être protégées et aménagées. Les bases nécessaires à la relance de la foresterie communautaire au Népal ayant ainsi été jetées, on a accordé une attention particulière à la mise en place d'institutions et d'activités de formation permettant d'appuyer les mesures prises par les collectivités. Une Division du reboisement et de la foresterie communautaire a été créée au sein du Département des forêts. Cette division est chargée de choisir les essences à planter, de gérer les pépinières, d'assurer des services de formation et de vulgarisation, et d'évaluer l'état d'avancement du programme. On a également renforcé les moyens de formation, de façon à disposer de tous les forestiers nécessaires, et les activités de recherche forestière ont été considérablement intensifiées. Le Népal a utilisé trois des cinq tactiques permettant d'accroître le couvert forestier et de rendre plus efficace l'utilisation du bois de feu: 1. Améliorer la productivité des ressources existantes en encourageant les panchayats à protéger et à aménager quelque 39 100 hectares de FPP. 2. Créer de nouvelles ressources de deux manières: en plantant des arbres sur 11 750 hectares de FP et en fournissant 900 000 plantules aux particuliers intéressés. Cette partie du projet suppose la création de pépinières dans chacun des 340 panchayats visés par le projet. 3. Améliorer les techniques de conversion en diffusant des fourneaux en argile et en céramique fabriqués sur place. L'objectif est d'introduire 15 000 fourneaux et d'épargner ainsi 25 000 tonnes de bois de feu par an, soit la consommation annuelle de 4 000 ménages. La réalisation des objectifs du projet est assurée par une série d'activités de formation, d'éducation, de vulgarisation et de démonstration, qui informent les populations montagnardes des possibilités offertes par le programme. En outre, on a mis en place des structures permettant, si nécessaire, de transformer les villageois en gardes forestiers et d'envoyer dans les villages des aides-forestiers qui suggéreront les mesures à prendre. Le projet durera 5 ans et coûtera 24,8 millions de dollars. En fin de compte, il devrait fournir approximativement un tiers du bois de feu nécessaire à 570 000 personnes, et suffisamment de fourrage pour 132 000 têtes de bétail. Le projet permettra également d'accroître la production agricole, car moins d'excréments et de déchets agricoles seront utilisés comme combustible. Selon certaines estimations, on pourrait produire jusqu'à 156 000 tonnes de céréales en plus, soit près du tiers de la production totale des régions montagneuses.
|