L'importance du charbon de bois
La distillation du bois
Le potentiel des gazéifieurs
Production d'électricité à partir du bois
Un pays peut assez facilement mettre ses ressources forestières au service du développement; il lui suffit, pour ce faire, d'encourager la production de charbon de bois, de façon à satisfaire les besoins énergétiques des ménages et des industries. Une étude de la FAO réalisée au Cameroun a démontré qu'il était possible d'épargner quelque 1,9 million de m3 de bois de feu par an rien qu'en augmentant le rendement de la carbonisation et en introduisant des fourneaux améliores. On pourrait alors réduire la consommation de kérosène dans les villes et améliorer les conditions de vie dans les campagnes. Cela permettrait également d'affecter une partie des combustibles fossiles importés à d'autres utilisations, notamment à la fabrication de produits chimiques.
La création d'une industrie du charbon de bois s'impose lorsque le bois doit être transporté sur de longues distances. La création d'une telle industrie présente également des avantages sociaux et économiques, entre autres:
· création d'emplois
· redistribution du numéraire entre zones urbaines et rurales
· économies de devises
· gain de devises si le charbon de bois est exporté
· fourniture des produits chimiques et des combustibles nécessaires aux industries
· amélioration de la rentabilité des forêts
· fourniture d'un combustible ne dégageant pas de fumée, idéal pour les villes.
La production de charbon de bois est particulièrement rentable dans les forêts contenant des feuillus de valeur. Ces essences précieuses pousseront mieux si les arbres de moindre valeur sont régulièrement éclaircis. Il s'agit d'une opération de longue haleine rarement rentable. Toutefois, si les arbres abattus sont transformés en charbon de bois, ces travaux forestiers ne coûtent rien, et le bois est transformé en combustible. De plus, on crée ainsi des emplois.
Si une industrie du charbon de bois est créée, les petites et les grandes entreprises industrielles disposeront, en outre, d'une source d'énergie pouvant remplacer les combustibles fossiles. En effet, le charbon de bois est le combustible favori de certaines petites entreprises rurales. Mélangé à de la chaux, il peut produire, après combustion, de la chaux vive. Il peut également être utilisé pour la production de ciment - il faut 1 tonne de charbon de bois pour produire 4 tonnes de ciment Portland.
Ses propriétés de réduction en font également un combustible aussi bon, si ce n'est meilleur, que le coke pour l'extraction de métaux. Des industries sidérurgiques fonctionnant au charbon de bois existent au Brésil, en Argentine, en Malaisie, en Australie et en Inde. Les aciéries brésiliennes Acesita utilisent environ 480 000 tonnes de charbon de bois par an pour la fonte de l'acier, y compris 250 000 tonnes produites par des plantations d'eucalyptus créées à cet effet. Le charbon de bois peut également être utilisé dans certaines compositions chimiques, par exemple pour l'épuration des eaux et les systèmes d'assainissement, et pour la production de poudre à fusil, de pigment, de caoutchouc et d'aliments pour animaux. Enfin, une étude de la FAO a démontre qu'un certain nombre de pays pourraient exporter du charbon de bois.
Le charbon de bois est un sous-produit du bois obtenu par carbonisation. On peut également récupérer d'autres produits intéressants en traitant le bois différemment. La pyrogénation (connue également sous le nom de pyrolyse ou de distillation du bois) ressemble à la carbonisation, sauf que le bois est chauffé en milieu clos et que les gaz et liquides qui s'échappent sont récupérés. On peut condenser certains de ces gaz pour produire une série de produits chimiques utiles; les gaz non condensables peuvent être utilisés comme combustible gazeux pour la distillation proprement dite ou à toute autre fin.
Une tonne de bois sec ainsi traité produit 300 kg de charbon de bois, 140 m3 de gaz combustible, 14 litres d'alcool méthylique, 53 litres d'acide acétique, 8 litres d'ester, 3 litres d'acétone, 76 litres d'huile d'abrasin et de goudron léger, 12 litres d'huile de créosote et 30 kg de poix. Nombre de ces produits peuvent être utilisés directement, alors que d'autres peuvent servir de matières premières à des industries chimiques.
La distillation du bois est en fait une autre méthode de production de charbon de bois. Le matériel nécessaire est plus compliqué que celui servant traditionnellement à la carbonisation, mais ce procédé utilise l'énergie de façon plus judicieuse. La production de charbon de bois en milieu clos et la condensation des gaz dégagés permettent d'augmenter sensiblement la quantité d'énergie récupérée. Les pays produisant du charbon de bois de cette façon peuvent réaliser de gros bénéfices rien qu'avec l'énergie supplémentaire obtenue. Ils peuvent également utiliser les sous-produits de façon simple mais efficace; par exemple, au Ghana et au Costa Rica, les gaz produits servent à sécher le bois de feu utilisé dans les systèmes de chauffage, et les produits liquides obtenus servent à la protection du bois.
Les économies d'énergie pouvant être réalisées grâce à cette technique ont été étudiées en détail au Ghana, où l'on produit environ 100 000 tonnes de charbon de bois par an, ce qui équivaut à quelque 420 000 barils de mazout. Le rendement du procédé de carbonisation est de 15 pour cent, et il faut donc traiter environ 700 000 tonnes de biomasse sèche par an. Avec le nouveau matériel de pyrolyse, on pourrait récupérer quelque 500 000 tonnes de charbon de bois, d'huiles et de gaz, ce qui représente de 70 à 80 pour cent de la teneur énergétique de la biomasse utilisée, ou encore plus de 2 millions de barils de mazout. La différence entre les deux systèmes, qui s'élève à plus de 1,5 million de barils de mazout, a une valeur d'environ 45 millions de dollars en devises, aux prix d'aujourd'hui, et représente près du quart de la consommation énergétique totale du Ghana.
Il existe trois grands types de gazéifieurs; le modèle à tirage vertical (de bas en haut) (A) est habituellement utilisé pour le chauffage, et le modèle à tirage vertical (de haut en bas) (B) pour alimenter les fourneaux. Le modèle à tirage transversal (C) est maintenant produit sur une échelle commerciale au Brésil et utilisé pour actionner des moteurs jusqu'à 50 kW de puissance.
A tirage vertical (de bas en haut)
a biomasse
b gaz
c séchage
d pyrolyse
e réduction
f combustion
g grille
h air
B tirage vertical (de haut en bas)
a humidité émise
b coaltar et autres substances volatiles émises
cC + 2H2 ® CH4
C + H2O ® CO + H2
C + CO2 ® 2COd C + O2 ® CO2
e déchets de carbonisation
f cendres
Les nouvelles techniques d'utilisation du bois de feu présentent d'énormes possibilités. La FAO encourage l'utilisation de ces techniques en publiant des manuels sur différents procédés de carbonisation, allant de méthodes simples à des techniques industrielles. La FAO aide aussi certains pays en développement à organiser des cours de formation, des stages et des séminaires sur la production de charbon de bois. Elle aide également des pays à étudier la possibilité de remplacer, au niveau industriel, les combustibles fossiles par du bois de feu, par exemple dans le programme de production de bois de feu réalisé au Honduras. Ce programme étudie notamment s'il est possible, d'un point de vue technique et économique, d'utiliser du bois de feu pour la fabrication de ciment, de chaux et de briques, et s'il est possible de produire de la vapeur qui serait utilisée par les industries alimentaires et forestières.
II ne faut pas confondre pyrolyse et gazéification; dans ce dernier procédé, le bois, le charbon de bois et d'autres produits organiques sont brûlés dans un milieu où l'air est raréfié, et produisent ainsi un gaz combustible. Ce gaz, appelé gaz pauvre, se prête à des utilisations variées; c'est un combustible idéal pour les moteurs à essence ou diesel; il peut donc être utilisé dans les transports, pour actionner des moteurs fixes ou pour produire de l'électricité.
Le bois sert depuis longtemps à de nombreuses utilisations industrielles, et cette source d'énergie est maintenant redécouverte par les pays en développement, qui ne peuvent pas payer des sommes considérables pour importer des combustibles fossiles alors que leurs exportations baissent. La gazéification est une des utilisations industrielles possibles du bois. C'est pendant la seconde guerre mondiale qu'elle a été utilisée pour la dernière fois sur une grande échelle en Europe; à cette époque, les autres combustibles étaient pratiquement introuvables et 700 000 véhicules fonctionnaient au gaz. En 1941, la Société suédoise des chemins de fer utilisait plus de 100 trains fonctionnant au gaz.
Aujourd'hui, des gazéifieurs sont produits aux Philippines - où 44 pour cent des recettes d'exportation sont dépensés pour les importations de combustibles - au prix de 50 dollars le kilowatt. Au cours de la première année de production, la firme philippine GEMCOR a vendu 850 petits gazéifieurs: 450 d'une puissance déclarée de 12 kW pour armer des petits bateaux de pêche côtière appelés «bancas», 200 d'une puissance déclarée de 45 kW pour actionner des pompes d'irrigation, et le reste pour équiper des véhicules commerciaux légers. La société GEMCOR devrait vendre 4 000 gazéifieurs en 1983, et la demande intérieure pour les cinq prochaines années est estimée à 419 000 unités, ce qui devrait permettre de réduire les importations de pétrole de plus d'un milliard de dollars.
Au Brésil, quelque 60 sociétés s'intéressent aux techniques de gazéification. Les gazéifieurs sont utilisés pour actionner des véhicules, alimenter des fourneaux et des fours, et produire de la chaux (dans ce domaine, les gazéifieurs pourraient réduire la consommation de bois de 2,5 à 0,8 tonne par tonne de chaux produite). Au Brésil, les gazéifieurs n'utilisent que du charbon de bois, car cela permet de réduire le coût du matériel - les gazéifieurs utilisant d'autres combustibles doivent être construits de façon à évacuer de grandes quantités de goudron. Les spathes de maïs, les déchets de bois (copeaux ou blocs) et les coques de noix de coco peuvent être utilisés pour alimenter les gazéifieurs. Il faudra poursuivre les recherches sur des combustibles comme la sciure et la balle de riz.
Au Paraguay, des moteurs d'occasion ont été modifiés pour fonctionner au gaz. Depuis 1981, la scierie de Sapire et les logements des travailleurs situés aux alentours utilisent l'électricité produite par un moteur à gaz. Cela a permis d'économiser de grandes quantités de gas-oil, qui auparavant devait être acheté à la ville la plus proche, située à 100 km de là. La FAO a également mis au point un système énergétique intégré pour Sri Lanka. L'objectif de ce projet est de démontrer qu'il est possible de gazéifier le bois pour produire de l'électricité dans les collectivités rurales. La Finlande appuie ce projet financé par un fonds fiduciaire.
Dans de nombreuses régions de Thaïlande, les déchets de bois provenant des scieries ne sont pas utilisés. De récentes études de la FAO indiquent cependant qu'il serait rentable d'alimenter les gazéifieurs avec des copeaux, et d'utiliser le gaz ainsi obtenu pour produire de l'électricité. Selon des expériences réalisées à la scierie de Sri Maharaja dans la province de Cholburi, 54 kg de copeaux pourraient produire 14 kWh d'électricité. De petites unités installées dans les exploitations agricoles avoisinantes pourraient être utilisées pour accroître la productivité; des expériences réalisées aux Philippines indiquent que les gazéifieurs peuvent être employés de façon rentable pour le séchage des cultures et l'usinage du riz. Des gazéifieurs alimentés avec des coques et des enveloppes externes de noix de coco produisent déjà de l'électricité dans les îles de Tahiti et de Kiribati, et de tels gazéifieurs sont actuellement construits au Samoa-Occidental pour le séchage du coprah.
Applications de gazéifieurs modernes:
(1) produire de la chaux au Brésil;
(2) équiper un bateau de pêche philippin;
(3) alimenter une bétonneuse aux Philippines et
(4) actionner un tracteur au Brésil.
La FAO encourage l'adoption d'une technique similaire au Costa Rica; il s'agit de mettre au point un petit transformateur capable de produire du charbon de bois à partir de sciure tout en engendrant, grâce à un moteur à vapeur, de la chaleur, de l'électricité et de l'énergie motrice. Les fines particules de charbon de bois obtenues lors de ce procédé peuvent être utilisées pour la production de ciment et de chaux, ou comme agent réducteur dans la métallurgie; elles permettent en outre d'économiser une grande quantité de combustibles fossiles.
Une technique apparentée mais plus simple, qui pourrait à nouveau revêtir une importance économique considérable, est le système traditionnel chaudière/moteur à vapeur. Compte tenu des nouvelles techniques et des matériaux disponibles de nos jours, des machines efficaces et bon marché peuvent maintenant être reliées à une chaudière fonctionnant à la sciure, à la balle de riz ou à la paille. Ces combustibles peuvent être brûlés tels quels, sans préparation coûteuse. Des chaudières de ce type peuvent maintenant brûler simultanément différents types de combustibles et même des mélanges de combustibles solides, liquides et gazeux.
Toutes les techniques mentionnées jusqu'à présent supposent certaines connaissances dans les domaines chimiques et mécaniques. Pour produire directement des combustibles semblables aux produits pétroliers à partir du bois, la seule solution est de trouver une essence produisant du latex ayant les caractéristiques techniques voulues. Plusieurs essences sont actuellement testées, la plupart d'entre elles appartenant à la famille des euphorbiacées. Selon certaines estimations, une usine traitant 1 000 tonnes d'Euphorbia lathyris par jour, provenant d'une plantation de 13 000 hectares, pourrait produire 80 tonnes d'huile par jour à un coût de 40 à 60 dollars le baril. Selon d'autres calculs, le coût de production de l'huile d'euphorbiacées pourrait descendre jusqu'à 20 dollars le baril.
Il existe également d'autres possibilités. Par exemple, l'huile de tournesol est déjà utilisée comme combustible d'appoint dans certains pays. Les feuilles de l'arbre brésilien Copaiba multijuga contiennent de l'huile, et un trou foré dans le tronc permet de récolter de 20 à 30 litres d'huile en deux ou trois heures. Des moteurs diesel ont utilisé comme carburant des huiles prélevées directement sur cet arbre.
Toutefois, il faudra intensifier les recherches dans ce domaine avant que l'un de ces arbres puisse commencer à produire un combustible commercialisable. L'un des grands espoirs est que l'on parviendra, grâce à des manipulations génétiques, à mettre au point un arbre produisant un combustible susceptible d'être utilisé sans raffinage.
L'industrie du bois a toujours utilisé des combustibles ligneux pour certaines de ses activités. Toutefois, l'industrie du papier consomme beaucoup d'énergie, et notamment beaucoup de pétrole. Une étude réalisée pour le compte de la FAO par une société finlandaise est arrivée à la conclusion suivante: dans les pays en développement, le bois est une source d'énergie moins chère que le pétrole pour les industries produisant du papier et du papier journal, que ce bois soit utilisé pour la production de vapeur ou d'électricité.
On est arrivé à des conclusions similaires pour les industries produisant des sciages et des panneaux de bois. Les installations fonctionnant au bois coûtent plus cher à construire que celles fonctionnant au pétrole, mais, dans le premier cas, les dépenses de fonctionnement sont beaucoup moins élevées. Selon une étude de la FAO, les investissements supplémentaires nécessaires sont remboursés en 3-4,5 ans grâce aux économies d'énergie réalisées. Selon ces estimations, les sciages coûteraient 11 dollars le mètre cube si les installations fonctionnent au pétrole, et seulement 6-7 dollars le mètre cube si l'on utilise du bois comme combustible. Les économies réalisées peuvent être du même ordre lors de la production de contreplaques.
De même, le bois peut être utilisé pour produire, de façon rentable, de l'électricité en dehors du secteur forestier. Cette méthode est actuellement testée dans les îles du Pacifique, où le combustible importé revient très cher et où de nombreuses plantations de cocotiers arrivent à la fin de leur vie productive.
De nouveaux arbres doivent être plantés, mais il faut avant cela enterrer ou brûler les vieux arbres, ce qui revient cher. Une étude récente effectuée par la FAO propose en fait de transformer les vieux arbres en électricité, et révèle que les grandes plantations de cocotiers peuvent facilement approvisionner les centrales électriques en combustible. Si le coût de l'abattage, du sciage et du débardage du bois est financé par les ressources consacrées au reboisement, l'électricité peut être produite à un prix dérisoire.
Le rapport analyse trois installations de tailles différentes - un générateur de 20 kW qui fonctionne 8 heures par jour pour produire l'énergie nécessaire à un village de Fidji, une installation d'une puissance de 100 kW servant à produire l'énergie nécessaire à une station de recherche sur le cocotier dans l'île de Santos (Vanuatu), et une centrale de 1 000 kW assurant l'approvisionnement énergétique d'un centre urbain de l'île d'Efate (Vanuatu). Pour faire fonctionner une centrale électrique d'une puissance de 1 000 kW pendant une semaine, il faut 41 270 litres de gas-oil ou le bois obtenu en abattant environ 5,5 hectares de cocotiers séniles. Dans l'île, les plantations de cocotiers s'étendent sur 7 000 hectares, et la production peut être maintenue au même niveau si de 250 à 300 hectares de cocotiers sont replantés chaque année. On obtient donc suffisamment de bois pour faire fonctionner en permanence la centrale électrique. D'après le rapport, l'électricité produite de cette manière reviendrait nettement moins cher que l'électricité produite à partir du gas-oil; des installations similaires pourraient être construites aux Tonga ou en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Des centrales électriques fonctionnant au bois - connues également sous le nom d'usines dendrothermiques - ont déjà été construites dans des zones où les vieux cocotiers ne sont pas particulièrement abondants. Dans l'Etat du Gujarat, en Inde, des installations de ce type sont alimentées à l'aide du bois récolté dans des plantations spécialement créées à cet effet. Aux Philippines, on prévoit la construction d'usines dendrothermiques qui utiliseront l'ipil-ipil (Leucaena leucocephala) produit dans les plantations avoisinantes. La première installation, d'une puissance de 3 mégawatts, est actuellement construite à Pangasinan (cap Bolinas), dans l'île de Luzon. D'autres installations seront créées par la suite aux Philippines, et d'ici à 1990 la capacité de production d'énergie à partir du bois devrait être de l'ordre de 200 mégawatts.