V. Les moyens de financement des activités économiques
Dans une économie de marché, c'est la monnaie qui joue le rôle d'instrument des échanges, sert de mesure des valeurs et des prix, et constitue un moyen de conservation du pouvoir d'achat (épargne).
La monnaie permet de résoudre les problèmes posés par le troc et, sans monnaie, le progrès économique serait vite bloqué. Tout bien peut être converti en monnaie; dans chaque pays et entre les pays, la monnaie est acceptée en paiement des biens et des services.
On dit que l'économie moderne est monétarisée.
Les formes de la monnaie: des coquillages aux billets de banque, la monnaie a évolué depuis qu'elle s'est substituée au troc: monnaies en papier (ou monnaie fiduciaire; ce sont les billets de banque), et enfin la monnaie scripturale, telle que le chèque.
La monnaie et les banques: pour faire circuler la monnaie entre ceux qui en ont besoin pour faire fonctionner leurs activités et ceux qui en ont à épargner, il existe un commerce de l'argent assuré par les banques ou les préteurs particuliers. Avec les dépôts des épargnants, la banque fait du crédit ou prête à ses clients (nous en verrons les mécanismes plus loin).
Comme nous l'avons vu dans le chapitre 2, les biens et services ont un prix, une valeur. Par exemple un kilogramme de marchandises coûte x francs, un transport de marchandises coûte y francs la tonne/kilométrique. Mais pour produire un kilogramme de carottes, le maraîcher devrait savoir dégager son coût de production, par exemple les dépenses qu'il effectuera en semences, engrais, pesticide, eau, main-d'oeuvre... pour produire un kilogramme de carottes. A ce coût de production s'ajoutent d'autres coûts (emballage, stockage, traitement, transport...) pour exprimer le prix, la valeur d'un kilogramme de carottes en vente sur un marché donné.
La bonne évaluation des coûts de production et des autres frais est un facteur important dans l'établissement du compte d'exploitation prévisionnel; elle permet de fixer le prix de vente de la marchandise ou du produit, et de comparer sa compétitivité et sa rentabilité.
Pour faire face aux coûts de production et autres frais, l'opérateur économique ou le groupement a donc besoin de financement; il doit bien cerner ce financement et aller le chercher où il faut: il peut faire appel soit à ses fonds propres, soit à une source extérieure de financement.
On parle de fonds propres (pour l'auto-financement) quand le promoteur fait seulement appel à ses propres ressources pour le financement de ses activités: capital social et réserves pour une coopérative, épargne personnelle pour l'individu.
De nos jours, il est difficile de couvrir tous ses besoins par des fonds propres: toutes les entreprises, grandes ou petites, dans les campagnes comme dans les villes, ont souvent recours au crédit en complément de la part d'autofinancement qu'elles peuvent apporter. Le système économique repose de plus en plus sur le crédit.
Quand le promoteur d'activité ne disposera pas de fonds propres (ou pas suffisamment), il s'adressera à une source de financement extérieure, dans le but d'obtenir un crédit, d'obtenir un prêt pour mener ses activités.
5.4.1. Que signifie faire du crédit à quelqu'un?
Faire du crédit à quelqu'un, c'est lui faire confiance et prendre un risque en mettant à sa disposition une somme d'argent ou un bien, avec l'engagement que cette somme d'argent ou ce bien sera restitué(e) (remboursé(e)) à un moment donné moyennant un supplément appelé intérêt.
Le crédit est donc basé sur la confiance (credere) qui existe entre deux parties. Le crédit doit se rembourser au bout d'un temps convenu entre les 2 parties, en capital et intérêts, ce qui le différencie des subventions, qui ne se remboursent pas.
5.4.2. Les sources et les formes de crédit:
La source du crédit est l'épargne; épargner c'est mettre des ressources de "côté", sous forme passive (thésaurisation) ou active (placement productif), en différant leur consommation. Cette épargne peut servir à faire du crédit; le crédit est donc lié à l'épargne.
La distribution de crédit se fait sous plusieurs formes:
- les formes traditionnelles: par exemple les tontines où des personnes, liées par une confiance mutuelle, réunies en un groupe, épargnent périodiquement chacune une somme donnée, qu'elles remettent à l'une d'entre elles (le tour de passage est pré-établi) pour faire face à ses besoins de financement. Cette forme de crédit ne porte pas généralement de taux d'intérêt.
- le "commerçant du village", à titre individuel, peut utiliser une partie de son épargne pour faire des prêts aux paysans qui en ont la nécessité, par exemple au moment de la soudure. Leur taux d'intérêt est tellement élevé qu'on les qualifie d'usuriers (entre 500 et 1000 %).
- les projets de développement: certains projets de développement disposent d'un volet de crédit qu'ils gèrent à la manière des banques pour faire du crédit aux paysans.
- les banques et institutions financières: la banque est un organisme spécialisé dans le commerce de l'argent: elle collecte les ressources des épargnants et les prête aux demandeurs de crédit; elle achète et vend de l'argent.
Il y a plusieurs sortes de banques, selon leur spécialité ou leur domaine d'intervention: commerce, industrie, agriculture. Certains pays mettent en place des banques pour les femmes, destinées à financer les besoins spécifiques des femmes.
L'accès au crédit bancaire (ou auprès de projets) est devenu une condition nécessaire pour mettre en oeuvre des activités génératrices de revenus.
5.4.3. Taux d'intérêt termes du crédit:
Le taux d'intérêt (ou loyer de l'argent prêté) s'exprime en pourcentage du capital par rapport au temps (généralement par an): l'intérêt sert à couvrir les risques du prêteur.
Le délai accordé par le prêteur (celui qui donne) à l'emprunteur (celui qui reçoit) pour rembourser le prêt s'appelle le terme du prêt. Selon la longueur de ce délai (durée), on distingue:
- les prêts à court terme (CT) ou prêts de campagne: ils doivent être remboursés en moins d'un an; ex: les prêts pour les engrais.
- les prêts à moyen terme (MT): leur limite de remboursement (ou repaiement) varie entre 1 et 5 ans (plus d'un an, moins de cinq ans); ex: les prêts pour la culture attelée ou les moulins.
- les prêts à long terme (LT): sont remboursés au-delà de 5 ans; ex: prêts pour la plantation d'arbres fruitiers ou la construction de bâtiments.
Comme on le constate, le terme du prêt est généralement fonction de la durée de vie de l'objet du prêt et la période de remboursement est alignée sur l'entrée en rapport de l'activité financée à crédit: les intrants sont utilisés en une seule campagne, la charrue peut être utilisée entre 1 et 5 ans, les arbres fruitiers ne donnent une production véritable qu'après 5 ans, un bâtiment dure plus de 5 ans...
5.4.4. La garantie de remboursement et autres caractéristiques du crédit:
Pour minimiser ses risques, en plus du taux d'intérêt, le prêteur demande des garanties de remboursement à son client. Ces garanties peuvent être réelles (tangibles), par exemple l'hypothèque d'un bâtiment, ou morales, par exemple la caution solidaire et indivise des membrés d'un groupement coopératif.
Le crédit est assorti d'autres caractéristiques telles que:
- l'apport personnel: versement préalable à l'obtention du prêt d'une partie du capital demandé (varie entre 0 et 40% généralement);
- le crédit peut être octroyé en nature ou en espèces selon les possibilités du prêteur et la convenance de l'emprunteur;
- le remboursement du crédit peut être échelonné dans le temps et chaque repaiement programmé constitue une échéance;
- le document signé entre le prêteur et l'emprunteur et fixant les modalités et conditions du crédit s'appelle convention de crédit.
5.4.5. Comment obtenir un crédit auprès d'un projet ou auprès d'une banque?
La première condition est, naturellement, de mener déjà ou avoir un projet à créer, qui soit une activité génératrice de revenus. Ensuite il faut constituer un dossier de demande de prêt contenant les informations essentielles que demande le prêteur pour analyser l'activité ou le projet que lui présente son client. En général le prêteur exige des informations précises sur les éléments suivants:
1°) Le demandeur: identification complète, caractéristiques essentielles s'il s'agit d'un groupement (historique, composition, statuts et règlements...);
2°) La présentation du projet: objet, justification, description des activités, historique et évolution, contexte,...
3°) Étude du marché pour l'activité envisagée:
- L'offre et la demande du produit fini
- Concurrence d'autres produits
- Évolution de ce marché
- Points forts et points faibles de l'activité envisagée dans cet environnement
- etc...
4°) La situation financière/économique du demandeur:
- Investissements déjà réalisés
- Fonds propres
- Endettement en cours
- Épargne
- Autres revenus (salaires,...)
- Dernier bilan si une comptabilité est suivie
- etc...
5°) Analyse technique de l'activité envisagée:
- Technique de production
- Connaissance du métier
- Les équipements nécessaires
- Réseau local, régional, national, international
- Les problèmes d'approvisionnement en matières premières
- La planification de la production
- Les problèmes de maintenance
- Les difficultés prévisibles
- La gestion de l'entreprise et du personnel
- le personnel
6°) Analyse financière de l'activité envisagée:
- Coût des investissements/plan de financement
- Amortissement et remboursement des dettes
- Dépenses en personnel et fonctionnement
- Autres charges
- Autres ratios de production
- Les problèmes de comptabilité et de gestion financière
- Les ventes, prix, coûts
- Autres produits prévisionnels
- Établissement d'un compte d'exploitation prévisionnel faisant ressortir toutes les charges et tous les produits pour dégager le résultat escompté (bénéfice -perte)
7°) Les qaranties présentées par le prêteur:
- Nature, valeur des garanties réelles
- Prise d'hypothèque
- Garanties morales
- Aval des tiers.
Le compte d'exploitation prévisionnel est une pièce essentielle du dossier de crédit; il doit être établi avec le maximum de vérité et de réalisme.
Le dossier est transmis au prêteur qui l'étudiera et demandera sans doute des informations complémentaires avant de décider de l'octroi ou non du crédit demandé.
Si la demande de crédit est acceptée, une convention de financement est établie entre les deux parties, les engageant jusqu'au remboursement complet du prêt, comme nous l'avons vu plus haut.
5.4.6. Pour une bonne utilisation du crédit:
1°) Est-ce que le crédit est nécessaire? Il faut se poser cette question pour éviter le recours systématique au crédit qui peut entraîner le promoteur dans un cycle infernal qui finit par L'"enfoncer", car il ne faut pas oublier que le crédit coûte cher. Le crédit doit venir renforcer les ressources propres, il doit porter sur des actions véritablement rentables.
Ce n'est pas toujours de crédit dont a besoin le promoteur pour faire progresser son entreprise: ce peut être d'une meilleure organisation et d'une meilleure gestion, d'une meilleure formation, d'une réorientation complète de l'activité, etc... Le crédit doit être "libérateur", c'est-à-dire aider le client à se passer de crédit.
2°) Investissement immédiat: Il ne faut pas oublier que l'intérêt "court" à partir du moment où le crédit est débloqué. Il ne faut donc pas que le prêt obtenu "dorme", il doit tout de suite être investi dans l'opération pour laquelle il a été obtenu.
3°) Bien étudier les dates d'échéances afin qu'elles coïncident avec la période de valorisation de la production (commercialisation) pour de ne pas occasionner de retards dans les remboursements.
4°) Remboursements ponctuels: l'obtention du crédit est une marque de confiance entre le prêteur et l'emprunteur; il ne faut pas trahir cette confiance, ce qui serait préjudiciable aux relations futures entre les deux parties. Il faut donc rembourser ses crédits; c'est un point d'honneur.
En cas de remboursement anticipé (c'est-à-dire avant la date de l'échéance établie) ne pas oublier, si le prêteur ne le fait pas automatiquement, de réclamer l'excèdent d'intérêt qu'il aurait ainsi perçu.