VII. Etude de cas: la commercialisation dans le cadre d'une boutique de céréales
7.2. Organisation pour la conduite de la boutique de céréales
7.3. La formation à la gestion des membres du comité de gestion
Une boutique de céréales est une entreprise (rurale pour ce qui nous concerne) de commercialisation de céréales, créée et gérée par un groupement villageois pour augmenter ses revenus, accessoirement pour assurer la sécurité alimentaire dans le village. C'est une activité à but lucratif (génératrice de revenus) même si elle participe à la sécurité alimentaire en assurant la disponibilité de céréales en toutes périodes; elle est différente d'une banque de céréales dont le but est d'abord la sécurité alimentaire et, incidemment, de faire des bénéfices.
Elle reflète l'organisation du groupement: une assemblée générale et un comité de gestion. L'assemblée générale élabore la politique et prend les grandes décisions, alors que le comité de gestion, composé de 3 ou 5 membres selon la taille de l'entreprise, assure la bonne marche et la gestion quotidienne de la boutique: c'est l'organe d'exécution.
Les documents de gestion d'une boutique de céréales sont:
- le livre de caisse
- le livre de stocks
- le carnet de reçus
- le livre des achats
- le livre des ventes
- le livre des crédits.
Tous ces documents sont tenus par le trésorier et le magasinier de la boutique de céréales pour suivre les achats, le stockage, la vente, la comptabilité et la gestion de la caisse, sous la supervision du Président et des membres du comité de gestion.
Elle doit se faire avant le démarrage de l'opération et se poursuivre en continu au cours du premier exercice au moins.
Avant le démarrage de l'activité, la formation portera sur les objectifs d'une boutique de céréales, ses organes de gestion, la compréhension des opérations d'achat, de vente, de stockage et l'initiation à la comptabilité.
Pendant le déroulement de l'opération, des formations dans l'action, plus approfondies et plus spécialisées, seront nécessaires; ainsi le magasinier sera formé pratiquement sur les techniques de stockage, la tenue des fiches de stocks,...
Le trésorier se familiarisera avec la tenue du livre de caisse, les carnets de reçu, le suivi des achats et des ventes...
Tous les membres du comité de gestion suivront cette formation afin d'être interchangeables en cas d'absence ou d'empêchement d'un membre.
Des notions de calculs (arithmétique simple) seront développées pour que les membres du comité de gestion sachent:
- calculer les prix de revient
- fixer les prix de vente
- dégager le bénéfice.
Pour financer son projet de boutique de céréales, le groupement aura sans doute besoin, en plus de son capital et autres ressources propres, de recourir à un emprunt auprès d'une banque, d'un projet de développement ou d'une ONG pour financer son stock initial. C'est à ce moment intervient la formation sur le crédit et ses mécanismes: comment constituer le dossier de demande de prêt, comment négocier avec le prêteur pour fixer les conditions (montant, taux d'intérêt, montant des remboursement, etc...).
Ensuite arrivent les actions de commercialisation: achats et ventes. La formation consistera, avec les paysans, à bien apprécier comment acheter et comment revendre en fonction des marchés, calculer les prix d'achat et de vente, bien suivre l'évolution du fonds de roulement.
Par exemple, on doit acheter quand les prix d'achat auprès du producteur sont les plus bas (c'est-à-dire au moment des récoltes), stocker les produits (suivant des techniques simples et en assurant les bonnes conditions de conservation), et vendre au moment où les prix du marché sont les plus élevés (par exemple à l'approche et au moment de la soudure), en incluant dans le prix de vente les frais occasionnés par le stockage, l'entretien, les manutentions, etc...
On maximise ainsi le bénéfice.
Retenons bien quelques définitions et éléments de calcul:
- Le prix d'achat: c'est le prix auquel on obtient les céréales auprès du producteur (ou d'autres intermédiaires); le prix d'achat de céréales de la banque correspond au prix de vente du producteur ou de l'intermédiaire;
- Le Prix de revient: c'est le prix d'achat plus toutes les autres dépenses ou charges;
- Le prix de vente: c'est le prix de revient plus le bénéfice que peut tirer la boutique de l'opération.
Les prix d'achat et de vente varient selon l'offre et la demande de céréales: au moment de la récolte, l'offre de céréales est supérieure à la demande, conséquence: les prix baissent et c'est le moment d'acheter.
Au contraire, à l'approche et pendant la période de soudure, l'offre de céréales diminue et les prix montent: il faut vendre ses stocks à ce moment là.
Le bénéfice: il est le résultat de la différence entre le prix de vente (PV) et le prix de revient (PR):
B = PV - PR
Après la mise en place et la structuration du comité de gestion (qui fait quoi?1), la formation de base des membres, la résolution du problème de structure de stockage (construction ou location d'un magasin), l'étude du marché des céréales, l'obtention du crédit pour financer le stock initial, la boutique peut commencer ses opérations d'achats et de ventes en y appliquant une gestion rigoureuse.
1 A titre indicatif, un comité peut se composer ainsi:
- le Président: coordonne les activités du comité et contrôle les opérations.
- le Trésorier: chargé des opérations financières et des pièces comptables y afférant: journal de caisse, carnet de reçus...
- le magasinier vendeur: gère les stocks (tenue de la fiche des stocks et du livre des ventes), veille à la bonne conservation des denrées et assure les opérations quotidiennes de vente.
- le(s) acheteur(s): chargé(s) des achats sur les différents marchés de la localité; il(s) tient (nent) les livres des achats.
Tous les documents de gestion (imprimés) et les divers matériels (coffre-fort, coffret) doivent être préparés avant le démarrage des opérations.
Chaque opération est enregistrée comme nous l'avons indiqué plus haut, chronologiquement, régulièrement, sans remettre à plus tard.
* Le livre journal fou journal de caisse): voir modèle
Il est tenu par le trésorier; toutes entrées et sorties d'espèces sont enregistrées en explicitant bien la pièce justificative (référence), le libellé, le montant en entrée quand il s'agit de recette ou en sortie quand c'est une dépense.
A chaque fin de page, le trésorier fera le total des montants de la colonne "entrée" et le total de la colonne "sortie". Il en tirera le solde en faisant "total des entrées - total des sorties", qui permet de vérifier si toutes les écritures ont été correctement faites.
Le président du comité de gestion de la boutique contrôle le journal de caisse en vérifiant les écritures, les pièces justificatives et la concordance entre le soldé théorique (sur le journal) et l'encaisse réelle (dans le coffre). Ce contrôle se fait périodiquement (chaque semaine, mois,...) ou inopinément.
* La fiche de stock: voir modèle
Elle est tenue par le magasinier-vendeur. Il y a une fiche par nature de produit: riz, mil, sorgho, maïs...
Elle est remplie et contrôlée comme un journal de caisse, sauf qu'il s'agit d'opérations en nature.
La situation générale des stocks fait l'objet d'un inventaire; l'inventaire est fait périodiquement en rapprochant les soldes figurant sur la fiche de chaque produit et le stock réel en magasin. Si la gestion des stocks est bien faite, il y a concordance entre le stock théorique et le stock physique. En cas de différence, il faut faire des recherches (pièces justificatives, erreurs d'écriture,...).
* Le carnet de reçus: voir modèle
Il est tenu par le trésorier, par exemple pour délivrer un reçu des recettes journalières au magasinier-vendeur en fin de journée, avant de les inscrire sur son journal de caisse en colonne entrée.
Rappelons-nous que le reçu d'espèces est une pièce justificative.
* Le livre des achats: voir modèle
Il est tenu par le magasinier-vendeur qui totalise chaque jour, pour chaque type de céréales, les quantités achetées par les équipes et les sommes dépensées pour ces achats.
Le trésorier (également le président) vérifie les opérations en divisant la somme dépensée par le prix unitaire.
Quand le contrôle est effectué, les quantités de produits achetées seront portées sur les fiches de stocks correspondantes.
* Le livre des ventes: voir modèle
Il est tenu par le magasinier-vendeur. Ce dernier totalise chaque jour les céréales vendues, par nature et reverse le total des recettes au trésorier contre un reçu d'espèces.
Les quantités vendues (sorties donc du magasin) sont portées sur les fiches de stocks correspondantes.
ATTENTION:
Les ventes se feront au comptant, sauf rares exceptions pour clients particulièrement dignes de confiance; en effet, il ne s'agit pas d'une banque de céréales, mais bien d'une boutique de céréales, activité à but lucratif.
Placarder dans la boutique de manière visible aux clients, quelque avertissement du genre:
LA BOUTIQUE NE FAIT PAS DE CREDIT |
En fin d'exercice:
La boutique doit établir son compte d'exploitation réel.
* Le compte d'exploitation réel: voir modèle
Sur la colonne des charges (à gauche), on fera figurer, en quantités et valeur:
- les achats de céréales
- la sacherie
- le coût du stockage
- la valeur des produits de traitement
- le coût des transports
- les éventuels salaires (ou gratifications)
- les frais financiers
- etc...
Sur la colonne des produits (à droite), on totalisera ce que les ventes ont rapporté, sans oublier la valeur des stocks restant éventuellement.
La balance entre les charges et les produits donne le résultat de l'exercice qui se traduit par:
- un bénéfice quand les produits sont supérieurs aux charges
- une perte quand les charges sont supérieures aux produits.
* Le bilan:
Il peut être établi à tout moment: c'est la photographie de la boutique à un instant donné. Il se présente sous le modèle suivant:
ACTIF |
PASSIF |
(où est le patrimoine de la boutique?) |
(D'où vient le patrimoine de la boutique?) |
Bâtiment |
Emprunt |
Coffre - bureau |
Capital social |
Stock de céréales |
|
Existant en caisse |
|
Créances |
Les comptes du bilan sont appelés comptes de situation car il permettent de connaître à tout moment les biens que possède la boutique (mobilier, marchandises, liquidités,...) et sa situation vis-à-vis des tiers (fournisseurs, banques,...).
Attention: Le résultat obtenu au dernier bilan doit toujours être égal au résultat du compte d'exploitation; il y a une erreur sur les comptes financiers quand on trouve une différence entre les deux résultats.
L'utilisation des bénéfices:
Quand la boutique génère des bénéfices par sa bonne gestion et le dynamisme de ses dirigeants, en fin d'exercice, il faut décider de ce que l'on doit faire de ces bénéfices. C'est l'assemblée générale du groupement qui décide en toute souveraineté de l'utilisation de ces bénéfices (se reporter au Chapitre IX).
Généralement, une partie du bénéfice est gardée en réserve pour augmenter la capacité d'auto-financement, une partie peut être distribuée aux membres au prorata de leur travail dans la bonne marche de la boutique.
Il est souhaitable dans tous les cas que ce bénéfice soit réinvesti au lieu d'être consommé.