III. Quelques questions importantes
L'AGRICULTURE URBAINE: UNE CONTRADICTION DANS LES TERMES?
L'agriculture urbaine a une longue tradition dans de nombreuses sociétés, en particulier en Asie et en Europe. Plusieurs facteurs expliquent l'intérêt croissant pour le phénomène de l'agriculture urbaine au cours des dernières années: l'urbanisation croissante du monde en développement; les conditions de vie toujours plus difficiles des citadins pauvres; les guerres et les catastrophes naturelles, qui perturbent les approvisionnements en provenance des zones rurales; les atteintes au milieu naturel et l'insuffisance des ressources, cause d'aggravation des pénuries alimentaires; la tendance à l'autonomie des communautés; enfin, la reconnaissance de valeurs indépendantes des lois du marché. La plupart des facteurs énoncés ci-dessus ne sont pas nouveaux, mais la répétition des catastrophes et l'aggravation des tendances ont orienté la réflexion vers l'agriculture urbaine en tant que solution possible. Les tenants de cette théorie soutiennent que les décideurs, les scientifiques et le public en général devraient prendre conscience des perspectives offertes par l'agriculture urbaine et commencer à dégager la voie et à fournir une assistance à cette activité aux avantages nombreux.
Dans ce chapitre, nous examinons l'idée selon laquelle l'agriculture urbaine offre des avantages que l'on ne saurait attendre de l'agriculture rurale. Nous analysons également les politiques qui affectent l'agriculture urbaine, et nous nous interrogeons sur les changements qu'il faudrait apporter, compte tenu du potentiel offert par l'agriculture urbaine, afin d'améliorer les conditions de vie dans les villes de notre planète.
En quoi consiste l'agriculture urbaine?
Aux fins du présent chapitre, nous définirons l'agriculture urbaine comme la production de denrées alimentaires à l'intérieur du périmètre des villes, c'est-à-dire dans les cours, sur les toits, dans des potagers et des vergers communautaires, de même que dans des espaces laissés vacants ou des espaces publics. L'agriculture urbaine peut être le fait d'entreprises commerciales exploitant des verres et autres espaces; toutefois, il s'agit plus souvent d'une activité sur petite échelle et éparpillée sur tout le périmètre urbain.
Cette définition étroite exclut certains aspects importants de l'agriculture urbaine tels que la foresterie, la pêche et les circonstances propres à l'agriculture périurbaine, celle-ci représentant souvent une forme plus intensive d'agriculture rurale. Quoiqu'importantes, ces activités agricoles ont leurs caractéristiques propres et leur analyse déborde le cadre du présent chapitre.
Les produits de l'agriculture urbaine sont tout aussi variés que ceux de l'agriculture rurale. L'agriculture urbaine est le plus souvent concentrée sur des produits qui n'exigent pas de surfaces arables importantes, sont capables de survivre avec peu d'intrants et, souvent, sont périssables. On peut donc observer, dans les villes, la culture de fruits et de légumes, de denrées de base telles que le manioc, le maïs et les haricots, mais aussi de la pisciculture, du petit bétail voire, ici et là, une vache. Mais la production des villes comprend également des baies, des noix, des herbes aromatiques et des épices.
A l'image de la diversité de leurs produits, les agriculteurs urbains appartiennent à des groupes extrêmement variés, selon les régions et les conditions économiques. La plupart d'entre eux sont des citadins de longue date, appartenant à des catégories relativement défavorisées - et souvent, ce sont des femmes. Ces agriculteurs se trouvent aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement, et dans toutes les régions du monde. Cependant, ils opèrent dans des conditions extrêmement variables.
Les études portant sur l'agriculture urbaine fournissent souvent l'image de citadins pauvres, de pays sous-développés, nourrissant leurs familles grâce à cette activité. Même s'il ne s'agit pas là de la seule forme importante que peut prendre l'agriculture urbaine, c'est elle que nous mettrons en relief dans ce chapitre, du fait de son rapport étroit avec la sécurité alimentaire et de son importance pour la FAO et pour d'autres organisations internationales tournées vers le développement.
Il n'est guère aisé de centrer cette réflexion sur les citadins pauvres des pays en développement, en raison des ambiguïtés quant à la définition du périmètre urbain, des définitions divergentes de ce qui constitue l'agriculture, et des différents niveaux de collecte des données dans les villes et dans les pays concernés. Un autre obstacle, plus important, à une mesure de son incidence tient au fait qu'une bonne partie de ce qui est considéré comme agriculture urbaine échappe aux circuits normaux de commercialisation. Souvent, lorsque les autorités constatent une activité d'agriculture urbaine, elles se contentent de fermer les yeux sur ce qui constitue une infraction à la réglementation sur l'utilisation des sols, ou elles essaient de décourager l'activité.
En dépit des difficultés de quantification, l'agriculture urbaine, si l'on exploite son potentiel, peut atténuer deux des problèmes les plus ardus à l'échelle mondiale: la pauvreté et le gaspillage. Dans son rapport de 1987, la Commission Brundtland commente ainsi la question: «Si elle fait l'objet d'une reconnaissance et d'une promotion officielle, l'agriculture urbaine peut devenir une composante importante du développement urbain et fournir de quoi manger aux populations pauvres des villes... Elle peut également offrir des produits de plus grande fraîcheur et à meilleur prix, ouvrir des espaces verts, aider à l'élimination des dépotoirs et au recyclage des déchets ménagers»2. En outre, tant la pauvreté que la qualité de l'environnement sont des questions pour lesquelles, vu l'impuissance du marché, l'Etat doit intervenir.
L'agriculture urbaine et la pauvreté
On a vu dans l'agriculture urbaine une solution possible à plusieurs tendances qui, actuellement, sont sources de préoccupation. La première est représentée par la croissance phénoménale que devraient connaître les villes du monde en développement au cours des prochaines décennies. En 1994, 45 pour cent de la population mondiale vivait dans les villes. Cette proportion passera à plus de 50 pour cent d'ici l'an 2000, pour atteindre 65 pour cent d'ici 20253. C'est dans les grandes villes du monde en développement que la population croît le plus rapidement, alors que l'urbanisation s'est ralentie en Amérique du Nord et en Europe, avec même une inversion de tendance dans certains pays. Dans le tiers monde, c'est aujourd'hui l'Amérique latine qui connaît la proportion la plus élevée de citadins, suivie par l'Asie et par l'Afrique. Cependant, le taux de croissance urbaine est plus élevé en Afrique, où les villes se développent au taux de 4,4 pour cent par an, et en Asie, avec un taux de 3,7 pour cent par an (tableau 1).
TABLEAU 1 | |||
Pourcentage de la population vivant dans les zones urbaines, répartition régionale | |||
Région |
1970 |
1995 |
20251 |
EN DÉVELOPPEMENT |
25,1 |
37,0 |
57,0 |
AFRIQUE |
23,0 |
34,4 |
53,8 |
ASIE (JAPON EXCLUS) |
21,0 |
34,6 |
54,0 |
AMÉRIQUE LATINE |
57,4 |
73,7 |
84,7 |
OCÉANIE (AUSTRALIE ET NOUVELLE-ZÉLANDE EXCLUES) |
18,0 |
24,0 |
40,0 |
Développée |
67,5 |
74,7 |
84,0 |
AUSTRALIE ET NOUVELLE-ZÉLANDE |
84,4 |
84,9 |
89,1 |
EUROPE |
64,4 |
73,3 |
83,2 |
JAPON |
71,2 |
77,5 |
84,9 |
AFRIQUE DU NORD |
73,8 |
76,1 |
84,8 |
1 Projections. |
Les causes directes de l'aggravation des conditions de vie des catégories défavorisées sont les guerres civiles, la dégradation ou l'inadéquation des infrastructures et le fardeau que représentent, pour les consommateurs, les programmes d'ajustement structurel. En règle générale, ces programmes comprennent un volet de réformes du marché orientées vers l'exportation dont l'effet est d'augmenter le prix des denrées de base, ils sont accompagnés d'une dévaluation qui augmente les prix à l'importation, et ils réduisent les subventions des denrées alimentaires destinées aux consommateurs urbains. A court et à moyen terme, les réformes ainsi imposées représentent un carcan économique pour les citoyens pauvres des pays en développement qui, souvent, doivent recourir à des activités parallèles au marché pour survivre. Ce phénomène est aggravé par d'autres facteurs, tels que la baisse des salaires réels des travailleurs urbains, le déclin de la stabilité et de la sécurité d'emploi offertes par le secteur formel, la démarcation toujours plus floue entre les secteurs formel et informel, le rétrécissement de l'écart de revenus entre les citadins et les ruraux, et l'accélération de l'exode rural vers les villes.
Si l'on définit la sécurité alimentaire comme le fait de pouvoir disposer, en tout temps, d'une certaine quantité de nourriture, il semble que l'agriculture urbaine apporte une contribution substantielle à cette sécurité dans bon nombre de villes du monde en développement. En outre, une proportion importante, quoique non définie, des denrées alimentaires achetées sur le marché informel (auprès des vendeurs de rue, par exemple) et dans les marchés locaux, sont produites dans des villes du monde en développement. Mougeot soutient, et son point de vue a été largement repris, qu'il y a aujourd'hui dans le monde 200 millions d'agriculteurs urbains qui approvisionnent 700 millions de personnes, soit environ 12 pour cent de la population mondiale4. Il est impossible d'opérer, à l'heure actuelle, une vérification de ces chiffres; mais il y a augmentation effective de la production, du fait, notamment, de l'assistance internationale déployée pour organiser des coopératives locales et fournir des informations et des intrants aux citadins.
Bien qu'effectués en ordre dispersé, les sondages indiquent que l'agriculture urbaine fournit 30 pour cent de la consommation de légumes au Katmandou5, 45 pour cent à Hongkong, 50 pour cent à Karachi6, et 85 pour cent à Shanghaï7. On estime que plus de 50 pour cent des ménages de l'Asie pratiquent l'agriculture urbaine, contre une estimation de 25 pour cent en Amérique du Nord8. En revanche, selon Gutman, les cultures vivrières destinées à l'autoconsommation sont beaucoup plus importantes en Amérique du Nord qu'en Amérique du Sud9. Pour les villes d'Afrique, les chiffres varient considérablement, allant de 25 pour cent à 85 pour cent selon les villes, ces dernières produisant, estime-t-on, entre 20 pour cent et 80 pour cent de la consommation des ménages10.
Les conditions de l'agriculture urbaine et les catégories défavorisées
Les catégories défavorisées qui pratiquent l'agriculture urbaine ne répondent guère aux stéréotypes prévisibles. Il s'agit généralement de personnes des deux sexes établies de longue date dans la ville, avec un emploi à plein temps ou à temps partiel et n'appartenant pas à la couche la plus pauvre des habitants de la ville; ils se situent un cran au-dessus des plus défavorisés. Ils ont résidé suffisamment longtemps dans la ville pour disposer de l'intrant le plus important de tous: un accès à la terre. Cette terre, qui leur appartient rarement, ils ont pu l'obtenir en vertu d'un bail officiel ou officieux, ou en vertu d'une entente plus ou moins tacite avec les voisins; dans certains cas, ils exploitent tout simplement un espace public. De telles conditions signifient que ces personnes ont survécu dans la ville jusqu'au moment où elles ont réuni les conditions pour se lancer dans l'agriculture urbaine. Selon une enquête, les personnes migrant vers Lusaka, en Zambie, devaient attendre en moyenne 10 ans avant d'investir dans l'agriculture urbaine, et d'autres ont observé des tendances analogues. Même si ces caractéristiques sont loin d'être universelles, elles réapparaissent de façon suffisamment régulière dans les études sur cette activité pour être considérées comme confirmées.
Les femmes jouent, semble-t-il, un rôle déterminant dans la production vivrière urbaine. Même si certaines villes font exception, les femmes sont les principales productrices, tant en Afrique qu'en Amérique latine11. Ces femmes ne sont pas employées dans le secteur formel et, généralement, elles ajoutent la production vivrière à leurs nombreuses fonctions au sein du ménage, car c'est à elles qu'il incombe de nourrir la famille. En cultivant le jardin du ménage ou dans le voisinage, elles peuvent réduire les dépenses à la charge du mari, ou encore compléter le salaire du mari par le produit de leurs ventes. Selon des études faites à Kampala, il arrive même que les femmes n'informent pas leur mari du soutien critique que représente leur activité pour le budget du ménage.
Les agriculteurs urbains sont, en général, exposés à l'avancée du tissu urbain, avec les inconvénients mais aussi les avantages correspondants. Ils cultivent principalement des fruits et légumes périssables, dans les villes ou à la périphérie, sur petite ou sur grande échelle, en vue de l'autoconsommation ou de la vente sur le marché urbain. Ils jouissent d'un avantage précieux: la proximité des consommateurs. Leurs cultures, d'une valeur élevée, peuvent s'effectuer sur des espaces réduits grâce à des investissements. Une exploitation horticole, de taille moyenne ou importante, n'a pas les mêmes besoins en terre arable que les exploitations produisant des cultures vivrières ou fourragères ou que les grands élevages; elle peut s'adapter à la croissance du tissu urbain et à ses empiétements.
Les populations pauvres ont à leur disposition une grande variété de fruits et de légumes que l'on peut cultiver sur de petits espaces et qui, en peu de temps, fournissent des nutriments difficiles à obtenir à partir d'autres sources alimentaires (prévenant ainsi les carences en micronutriments), produisent leurs propres semences et pousses, ne nécessitent qu'un outillage rudimentaire et s'intègrent dans le régime alimentaire habituel. Ainsi, les populations pauvres peuvent, sans trop de difficultés, améliorer leur quotidien grâce à ces produits et écouler leurs excédents éventuels sur les marchés informels du voisinage ou auprès de vendeurs de rue. De la sorte, bon nombre de citadins pauvres améliorent leur alimentation ou leur revenu grâce à la culture des fruits et légumes.
L'élevage est également important dans de nombreuses villes, pour des raisons liées à la tradition aussi bien qu'à l'économie. Le petit bétail peut être élevé à bon compte dans de petits espaces, tandis que toutes les formes de bétail constituent une source de protéines de plus en plus importante à mesure que l'augmentation des revenus induit une modification du régime alimentaire. En règle générale, on élève dans les villes de la volaille, des oiseaux et des animaux de petite taille, élevés par les moins nantis dans les centres densément peuplés des villes. A Dar-es-Salaam, des représentants de toutes les catégories sociales ont déclaré élever quelques poulets. Les cochons et la volaille sont extrêmement répandus dans les principales villes d'Asie et leurs environs; on considère que Singapour est parfaitement autonome pour ce qui est des porcs et de la volaille et que Hong-kong couvre, dans son périmètre, la majeure partie de ses besoins en volaille. Enfin, au Kenya, 17 pour cent des ménages élèvent des animaux, mais de façon moins systématique et moins intensive.
Les avantages de l'agriculture urbaine
L'agriculture urbaine offre aux citadins des avantages économiques, récréatifs et écologiques. Au premier plan figurent, bien entendu, les compléments de revenu et d'approvisionnement en nourriture pour la famille. Bien que l'on ne dispose pas de chiffres précis, on estime que l'agriculture urbaine est source de revenus directs pour 100 millions de personnes dans le monde12. L'un de ses grands avantages, dans de nombreux pays pauvres, tient au fait qu'elle offre des revenus réels ou en nature, basés sur un travail effectif, plutôt que liés à des subsides gouvernementaux.
L'agriculture urbaine introduit aussi une plus grande souplesse dans les sources de revenus. En effet, les citadins peuvent, grâce à elle, se consacrer à temps partiel ou sur une base saisonnière à des activités rémunératrices ou leur procurant des ressources en nature, sans pour autant négliger les soins aux enfants. D'après une étude portant sur 11 pays d'Amérique latine, l'agriculture urbaine n'est pas suffisamment rentable pour supplanter un emploi à temps plein, mais elle offre un complément de revenu. On estime qu'une journée à une journée et demi de travail est nécessaire à une famille moyenne d'Amérique latine pour l'entretien d'une parcelle urbaine qui lui permet d'économiser entre 10 et 30 pour cent de ses dépenses alimentaires. Ainsi, cette activité offre aux économiquement faibles une augmentation de revenu de l'ordre de 5 à 20 pour cent13.
L'agriculture urbaine présente cependant d'autres avantages, moins directement perceptibles. Le fait, pour le producteur, de se trouver plus près du consommateur réduit l'effort de commercialisation, de transport et d'emballage, offrant ainsi un avantage, en matière de coûts, par rapport aux exploitants ruraux. Dans certaines villes, le souci de protection de l'environnement rend certains secteurs impropres à d'autres activités que l'agriculture. Enfin, il faut mentionner les avantages pour l'écosystème, extrêmement importants mais trop souvent ignorés, qu'il s'agisse des réseaux hydrologiques, de la biodiversité ou de la qualité de l'air; ainsi se trouvent remplacés quelques-uns des éléments détruits par les systèmes urbains.
Les obstacles à l'agriculture urbaine
Cependant, l'agriculture urbaine doit affronter des obstacles et des risques généralement inconnus de l'agriculture rurale. Le premier est constitué par l'utilisation des sols servant à l'agriculture urbaine qui, le plus souvent, ne sont pas la propriété de l'exploitant mais lui sont loués ou prêtés et peuvent, par conséquent, lui être retirés à tout moment. Face à une telle insécurité, l'exploitant n'est guère incité à investir. Par ailleurs, les régimes fonciers varient considérablement en fonction de la tradition et des régimes d'application en vigueur. Ainsi, dans certaines villes, on trouve bien des terres disponibles, mais il demeure difficile, pour les exploitants pauvres, de trouver des terres de qualité qu'ils peuvent exploiter avec des garanties suffisantes. Selon une enquête intéressant les principales villes du monde en développement, les autorités municipales pourraient mettre à disposition des exploitations une superficie moyenne de 200 à 300 m2 provenant du patrimoine foncier communautaire. Pour pallier le manque de mécanismes coopératifs, on cultive souvent sur les accotements de routes, des emprises et d'autres surfaces publiques non surveillées. Il s'ensuit un risque de contamination par le plomb et autres polluants, mais aussi de vols, et des problèmes d'accès aux lopins à travailler.
L'utilisation des terrains publics pose un autre problème. Le préjugé urbain, souvent encore répandu dans les pays en développement, pousse à vouloir une ville moderne et débarrassée des pratiques traditionnelles qui rappellent la campagne. Ainsi, les agriculteurs urbains sont souvent confrontés à des obstacles d'ordre politique ou réglementaire, pouvant prendre la forme d'actions judiciaires et de confiscation de leurs produits.
La pénurie de terre est contraignante pour les citadins les plus pauvres, ruraux d'implantation récente en ville, sans emploi et manquant des maigres ressources nécessaires à l'exploitation d'une parcelle même modeste. Les recherches indiquent que ces nouveaux venus, quoique possédant souvent des connaissances en matière agricole, ne sont pas suffisamment bien placés dans la hiérarchie sociale pour avoir acquis de la terre ou avoir trouvé des surfaces inutilisées à exploiter14. D'après les sondages effectués, nombreuses sont les personnes pour qui seul le manque d'accès à la terre est le seul facteur qui les empêche de se livrer à l'agriculture15.
Par ailleurs, l'agriculteur urbain manquant de moyens a souvent du mal à se procurer les autres intrants, et doit remplacer par un travail intense les matières premières ou l'équipement auxquels il n'a pratiquement pas accès. Les semences et les engrais sont fréquemment inabordables; les fertilisants chimiques représentent une menace pour la qualité de l'eau; les déchets solides pouvant servir d'engrais ne sont pas ramassés ou ne sont pas triés, et les outils les plus simples peuvent manquer en ville. Bien souvent, l'eau coûte cher ou il faut l'obtenir par des voies illégales. Enfin, l'obtention d'un crédit suppose des droits bien établis sur la terre, c'est-à-dire généralement la propriété pure et simple.
Les femmes pratiquant l'agriculture urbaine sont confrontées aux mêmes problèmes que leurs homologues rurales - accès difficile au crédit et à la propriété des terres. Cependant, étant donné que l'agriculture urbaine est souvent le fait de femmes à la fois mariées et chefs de famille, la stabilité et la productivité de l'agriculture urbaine souffrent des préjugés dont les femmes font l'objet.
L'agriculture urbaine est souvent perçue comme un gaspillage, en même temps qu'une activité peu esthétique ou contraire à la santé. En règle générale, les responsables de l'utilisation des sols et les pouvoirs publics préfèrent isoler ce genre d'emploi des terres, et ils n'ont pas l'expérience nécessaire pour intégrer l'agriculture à d'autres activités. Il est indéniable que l'agriculture urbaine peut concurrencer les autres modes d'utilisation des ressources et entraîner des conflits graves, liés notamment à la santé ou aux risques pour l'environnement. L'exemple le plus évident en est constitué par les éleveurs de bétail, pour qui les problèmes de gêne et de tracas s'intensifient à mesure qu'ils se rapprochent de la ville, sans parler du risque de perte de cheptel, étant donné que les systèmes d'élevage intensif sont plus exposés aux dégradations de l'environnement et aux dangers pour la santé des animaux, à mesure que les déchets produits par ces derniers s'accumulent et que la vulnérabilité du bétail s'accroît. En conséquence, le principal obstacle à l'agriculture urbaine, après celui des droits d'utilisation des terres, est constitué par l'autorisation d'exercer de la part des autorités et la fourniture d'une infrastructure essentielle.
A titre, d'exemple, l'Office national des eaux urbaines de la République-Unie de Tanzanie s'est déclaré fermement opposé à l'utilisation des ressources en eau pour l'agriculture urbaine. Ayant estimé que 35 pour cent de l'eau potable se perdait par suite de fuites ou de branchements illégaux, il a décidé de pénaliser l'utilisation de l'eau urbaine à des fins agricoles. On peut trouver des solutions de rechange à ce genre de pratique, mais elles supposent l'existence de mécanismes de dialogue entre les autorités et les agriculteurs urbains.
Nous voyons donc que l'agriculture urbaine n'est pas une panacée capable de résoudre les problèmes les plus graves de sécurité alimentaire dans les villes. Elle constitue, tout au plus, une technique de survie pour les populations pauvres des villes qui peuvent y recourir en période de difficultés économiques, ou pour améliorer leur approvisionnement en nourriture. Cependant, il ne s'agit que d'un complément partiel qui ne saurait remplacer les subventions alimentaires ou les activités rémunératrices. Par ailleurs, certaines denrées ne se prêtent pas à la culture urbaine, et les citadins les plus pauvres n'ont pas accès à ces moyens de production. L'agriculture urbaine ne contribuera donc pas de façon marquée à modifier la répartition actuelle des revenus.
Cependant, ce phénomène contribue de façon substantielle à l'alimentation des populations pauvres des villes, grâce à l'autoconsommation par les ménages et à l'augmentation de l'offre alimentaire du secteur urbain informel. En outre, l'agriculture urbaine contribue à offrir des nutriments à des citadins qui n'y auraient pas accès, notamment en raison de leur prix. Ce sont surtout les fruits et légumes, le porc et la volaille qui, produits localement, contribuent le plus directement à la sécurité alimentaire urbaine, puisqu'ils couvrent entre 10 et 40 pour cent des besoins nutritionnels des familles urbaines dans les pays en développement.
L'agriculture urbaine est un moyen permettant aux citadins pauvres d'améliorer leur sécurité alimentaire ou leur niveau de vie. Sa productivité relativement faible et les conditions d'incertitude qui l'entourent la disqualifient, dans la plupart des cas, comme source exclusive d'approvisionnement alimentaire des familles urbaines. Pour de nombreuses raisons, l'agriculture urbaine ne remplacera jamais, et ne réduira pas non plus de façon substantielle le rôle de l'agriculture rurale comme source d'approvisionnement alimentaire de groupes importants de population.
En premier lieu, le volume de production vivrière réalisé dans les villes ne saurait se comparer aux quantités produites dans les zones rurales. Même si l'on tient compte des gains de productivité qui pourraient découler d'un soutien élargi, l'agriculture urbaine n'aura jamais un potentiel permettant de produire la plupart des cultures vivrières dans des volumes importants, et les contraintes qu'elle connaît aujourd'hui ne pourront que s'aggraver avec la croissance des populations urbaines.
En second lieu, les agriculteurs urbains produisent pour un marché local et non pas pour un marché régional, national ou mondial. Leur avantage éventuel, face à la concurrence, tient au fait qu'ils alimentent les populations locales, sans devoir supporter les coûts habituels d'emballage, de commercialisation, de distribution et de transport.
Le soutien à l'agriculture urbaine
Dans ce contexte, que peut-on et que doit-on faire pour améliorer les conditions de l'agriculture urbaine? On peut envisager une intervention pour aider les agriculteurs urbains à trouver des parcelles adéquates, de même que les autres intrants nécessaires à des niveaux acceptables de productivité. Plusieurs pistes d'intervention s'offrent aux agences internationales de développement, mais aussi aux organisations non gouvernementales (ONG): planification, transfert de technologie, assistance technique, et campagne pour l'élimination des obstacles juridiques et réglementaires.
Les responsables doivent, dans un premier temps, sélectionner des approches convenant aux différentes régions et se demander si des systèmes d'agriculture urbaine convenant à certaines régions sont effectivement transposables. Ainsi, en Asie, l'agriculture occupe une place traditionnellement reconnue dans la planification urbaine, et elle est relativement institutionnalisée et commercialisée. Cependant, on ne saurait extrapoler à d'autres régions les niveaux élevés d'autosuffisance agricole des villes d'Asie, car ils sont le fruit de conditions difficilement transférables, telles que la tradition de la planification centralisée et les investissements élevés.
Les politiques appropriées à chaque ville doivent prendre en compte plusieurs paramètres: les caractéristiques des agriculteurs et le but de leur activité (subsistance ou commercialisation); la durabilité de l'activité agricole urbaine; les besoins les plus urgents des exploitants (intrants de base, connaissances, élimination des obstacles juridiques et institutionnels, campagne de soutien); la nature de la relation entre la ville et les zones rurales; enfin, le rôle économique et social de l'agriculture au sein de la communauté. D'autres aspects doivent être pris en compte, en fonction des circonstances propres au pays et à la ville concernés. Il faudra prévoir, pour l'élaboration en amont de ces politiques, le temps nécessaire, de même qu'une structure conceptuelle permettant d'intégrer les considérations pertinentes, et un complément de collecte d'informations dans les villes étudiées.
ENCADRÉ 3 Le développement de l'agriculture urbaine peut-il améliorer, de façon générale, la qualité de vie d'une grande diversité de citadins, dans des villes différentes? Les tenants de l'agriculture urbaine donnent une réponse positive, car ils pensent que l'agriculture est l'une des méthodes permettant de rendre les villes autonomes de façon durable et d'en faire des endroits plus agréables à vivre. Qu'entend-on par ville autonome de façon durable? Cette notion reste à éclaircir comme celle d'agriculture urbaine. A l'évidence, elle est censée incorporer les aspects écologiques de la vie urbaine, mais elle pourrait également y intégrer les aspects sociaux et économiques. Citons, parmi les éléments qui pourraient être pris en compte, une moindre dépendance à l'égard des intrants provenant de l'extérieur de la ville, une utilisation plus efficace des flux de ressources à l'intérieur du périmètre urbain, de même que la réduction et la réutilisation optimales des déchets. Dans cet encadré, nous donnons une brève énumération des effets directs et indirects de l'agriculture urbaine sur le bien-être d'une ville, aux plans social, économique et écologique. Cette liste n'est qu'une évocation des avantages et des coûts, pris au sens large, de l'agriculture urbaine; si l'on devait établir une liste plus détaillée, il faudrait alors adopter des définitions précises afin d'éviter les doubles recensements. Bon nombre de ces effets ne sont pas directement quantifiables en termes monétaires, mais ils n'en sont pas moins réels. Avantages de l'agriculture urbaine création de revenus pour les producteurs (en argent ou en nature); Inconvénients de l'agriculture urbaine On pourrait, sans aucun doute, élargir cette liste et l'adapter aux conditions propres à chaque ville. Il est certain que les avantages et les coûts réels que représente, pour une ville, le fait d'autoriser ou d'encourager l'agriculture urbaine dépendent, dans une grande mesure, des conditions sociales et économiques que connaissent ses citadins, de même que de l'ensemble de ressources qui y sont disponibles ainsi que dans les campagnes environnantes. A titre d'exemple, les chances sont meilleures de voir les avantages de l'agriculture urbaine l'emporter sur les coûts/inconvénients lorsque la densité démographique est moindre, atténuant ainsi la concurrence pour les terres. Dans le même ordre d'idées, une ville comptant une population nombreuse et croissante de défavorisés doit pouvoir utiliser de façon plus immédiate toutes les ressources contribuant à la survie. Les avantages les plus faciles à quantifier de l'agriculture urbaine sont, entre autres, la création d'emplois et de revenus, de même que les produits résultant de cette activité. Partant de l'hypothèse que, si l'agriculture urbaine n'existait pas, les personnes et les ressources mises à son service demeureraient oisives (ce qui est souvent vrai dans les villes du monde en développement) l'augmentation du nombre d'emplois et de la productivité représente un avantage indéniable pour la société. Il est d'autres avantages, mais plus difficiles à mesurer, tels que la valorisation de terres qui, jusque-là non utilisées, reçoivent les soins et l'attention permettant de les transformer en parcelles d'agriculture urbaine, ou encore l'amélioration de la qualité de l'air apportée par un bois situé dans la ville. Mais l'agriculture urbaine est également source de facteurs extérieurs négatifs tout aussi difficiles à mesurer, tels que les odeurs et la vue de certaines manifestations liées à l'élevage d'animaux, que tout le monde n'apprécie pas. En revanche, l'existence de cultures vivrières au sein du périmètre urbain permet d'éviter, entre autres, la pollution engendrée par les camions qui sillonnent la ville pour y apporter la production de campagnes distantes. L'un des facteurs positifs de l'agriculture urbaine tient à l'emploi de ressources inutilisées ou sous-utilisées. Alors que l'urbanisation attise la concurrence pour l'obtention des terres, elle force également les citadins à s'adapter à des conditions qui se détériorent. Pour ce faire, ils peuvent notamment utiliser les terres et l'eau qui s'offrent gratuitement et se servir d'outils de fortune pour essayer, grâce à cette forme de culture, de nourrir leurs familles avec plus de certitude que s'il fallait dépendre de la nourriture achetée. Certains des intrants utilisés par les agriculteurs urbains pauvres sont, certes, de très mauvaise qualité; mais, sans cela, ces intrants auraient été tout simplement perdus ou soumis à des traitements coûteux. En fait, dans certains pays d'Afrique, les terres rurales connaissent un phénomène de dégradation, tandis que les terres urbaines, qui bénéficient de l'alimentation en eaux usées et de fertilisants, peuvent connaître une augmentation de productivité. Nous présentons, ci-dessous, deux exemples concrets de réutilisation des ressources par l'agriculture urbaine. Les déchets de l'élevage. Selon certaines études de cas de la FAO, l'élevage intensif et sur une longue durée dans les zone périurbaines risque de ne pas être viable si l'on ne résout pas la question des déchets et des problèmes connexes liés à l'environnement et à la santé. Il faut également veiller à ne pas excéder les seuils d'absorption de nutriments des végétaux, et éviter les problèmes tels que la volatilisation (pollution aérienne), le lessivage des sols (pollution de la nappe Le traitement des eaux usées et l'irrigation. Les exploitations agricoles combinant aquaculture et production maraîchère sont particulièrement répandues à proximité des villes asiatiques. L'un des exemples les plus anciens d'aquaculture urbaine se trouve dans les marécages situés à l'est de Calcutta, où des étangs alimentés par les eaux usées permettent de produire, chaque année, 8 000 tonnes de poisson, tout en assurant le traitement de 680 millions de litres d'eaux usées. Le poisson représente ainsi la principale source de protéines pour les résidents de Calcutta, et l'on a estimé que l'aquaculture alimentée par les eaux d'égout pourrait doubler sa production, qui satisfait actuellement 10 pour cent de la consommation quotidienne de la ville. Depuis plusieurs années, les organismes internationaux étudient de nouvelles possibilités d'adaptation de l'aquaculture pour la production d'aliments du bétail en mettant à profit les étangs de traitement des eaux usées. Les recherches, déjà avancées dans ce domaine, indiquent que les eaux usées sont utilisées dans de nombreuses régions arides et semi-arides de la planète, et que cette utilisation, qui ne présente pas de risques marqués pour la santé, peut donner des rendements supérieurs aux traitements conventionnels. En outre, facteur décisif pour le monde en développement, cette activité met en uvre une technologie relativement simple et peu coûteuse, pour la construction comme pour l'entretien. La principale exigence, lorsqu'on veut utiliser des étangs pour le traitement des eaux usées, consiste à trouver les surfaces disponibles, à savoir 20 ha pour environ 100 000 personnes. Les chercheurs ont constaté que le traitement en étang permet d'éliminer la quasi-totalité des helminthes et la majeure partie des bactéries et des virus, tout en obtenant un effluent à la fois salubre et riche en nutriments. L'irrigation au moyen des eaux usées permet d'apporter à la plupart des cultures la quasi-totalité de l'azote et une bonne partie du phosphore et du potassium dont elles ont besoin, ainsi que d'importants micronutriments. L'effluent des étangs présente une forte teneur en biomasse algale et agit comme fertilisant, libérant lentement ses ingrédients. Enfin, les matières organiques contenues dans les eaux usées contribuent également à alimenter la couche arable et à entretenir la fertilité à long terme du sol. Le coût principal de création de tels systèmes réside dans la collecte des eaux usées. Bon nombre de villes du monde en développement ne sont pas aujourd'hui dotées de systèmes de collecte. Cependant, en raison de la priorité accordée par les autorités locales et internationales à l'enrayement des sources de maladies, il devient possible d'intégrer la collecte des eaux usées et les systèmes de traitement aux opérations de recyclage, justement celles que met à profit l'agriculture urbaine. |
Cependant, la planification urbaine pourrait, au lieu de les rejeter, commencer d'ores et déjà à intégrer les besoins des agriculteurs urbains. On pourrait, par exemple, encourager l'allocation d'espaces municipaux à l'agriculture, prévoir des potagers communautaires favorisant les échanges de connaissances et de ressources, et même détourner les flux de déchets solides et d'eaux usées vers les exploitations agricoles urbaines à des fins de fertilisation et d'irrigation. On pourrait prévoir une planification invitant à la collaboration des entités gouvernementales, notamment celles en charge de l'énergie, de l'approvisionnement en eau, de l'infrastructure, du transport et des déchets16.
Grâce au transfert de technologie, on pourrait mettre à la disposition des exploitants des variétés de semences résistantes et saines, aider à la création de coopératives, en vue de l'achat d'intrants et de la commercialisation des produits, et proposer des systèmes nouveaux tels que les processus de traitement biologique des eaux usées. La FAO offre déjà diverses formes d'assistance technique, notamment des journées d'étude sur le recyclage des déchets de l'élevage, et la divulgation de connaissances permettant de sélectionner les cultures appropriées afin de réduire les risques pour la santé et améliorer la productivité. Même les initiatives sur petite échelle visant à aider les familles à recueillir l'eau de pluie ou à fournir de petits outils adaptés aux méthodes agricoles indigènes pourraient s'avérer utiles. Enfin, s'agissant des lacunes du régime foncier, les organismes intéressés ne peuvent certes pas empiéter sur les prérogatives des autorités locales, mais il leur est possible d'évoquer les modèles grâce auxquels des droits temporaires, associés à l'utilisation multiple, se sont avérés avantageux tant pour les fermiers que pour les propriétaires des terrains (comme, par exemple, les incitations fiscales en faveur des baux ruraux).
Il faudra cependant que certaines lacunes de recherche soient comblées pour que l'on puisse appréhender pleinement le potentiel et l'importance de l'agriculture urbaine. En premier lieu, il faut s'entendre sur une définition commune à l'intention des chercheurs qui effectuent des études de cas. On pourra ainsi quantifier l'ampleur et la progression de l'agriculture urbaine. Il faudra également analyser, dans une optique élargie, les coûts et les avantages de ce phénomène, en tenant compte de l'éventail complet des effets non liés au marché, notamment l'utilisation des déchets, mais aussi les risques pour la santé et l'environnement (voir encadré 3). Enfin, on pourra comparer le prix de revient de la production urbaine à celui de l'agriculture rurale, afin de déterminer à quels coûts la société s'expose lorsqu'elle autorise ou encourage la poursuite de l'agriculture urbaine dans un monde toujours plus urbanisé. Il faudra également se demander si de telles politiques risquent d'affecter l'amélioration de la productivité et de la qualité de vie des agriculteurs ruraux.
Quelles sont, en définitive, les caractéristiques des villes où l'agriculture urbaine a de bonnes chances de présenter un bilan positif des avantages par rapport aux coûts, et qui présentent les besoins les plus pressants d'assistance technique et de soutien pour de telles entreprises? On pourrait citer, parmi de telles caractéristiques:
Le phénomène de l'agriculture urbaine existe dans la plupart des villes. Dans certaines d'entre elles, il reste assez peu perceptible et demeurera probablement tel à mesure que la ville prendra de l'ampleur et que les agriculteurs urbains s'adapteront aux nouvelles circonstances. Dans d'autres villes, l'agriculture urbaine demeurera principalement une activité d'arrière-cour. Cependant, il est d'autres catégories de villes pour lesquelles l'agriculture urbaine - tout comme ses «clients» - se heurtera à des obstacles et à des conflits d'une envergure nouvelle à mesure que les conditions de la vie urbaine deviendront plus insupportables, que les ressources urbaines seront davantage mises à contribution et que les pouvoirs publics seront moins à même de répondre aux besoins de populations toujours plus nombreuses.
LA TECHNOLOGIE DE L'INFORMATION: SON RÔLE DANS L'AGRICULTURE
Situation et développements en cours
Dans de nombreux pays, le développement et la mise en uvre de la technologie de l'information (TI)17 connaissent une incessante mutation qui a pour effet de remodeler en profondeur les activités du secteur public et du secteur privé, affectant pratiquement tous les aspects de la vie quotidienne des particuliers et des entreprises dans toutes les branches de l'économie. Dans le secteur public comme dans le secteur privé, les organisations adoptent cette nouvelle technologie en vue d'accroître leur efficacité18 et leur compétitivité propre ou celle du secteur, pour améliorer la qualité du service, introduire de nouveaux moyens de formation et réduire les coûts de fonctionnement. Les gouvernements de ces pays voient en outre dans la nouvelle technologie le moyen de créer de nouveaux emplois, pour remplacer, notamment, ceux qui ont été perdus du fait de son adoption. La rapidité du changement à l'uvre tient à un matériel de télécommunications et d'informatique toujours plus performant et meilleur marché - le coût du traitement et de la transmission de l'information diminue de 50 pour cent tous les 18 mois - ainsi qu'au développement foudroyant des nouveaux logiciels, à la convergence des technologies de l'information, des télécommunications et de la radiodiffusion, et au succès phénoménal d'Internet.
La nouvelle technologie de l'information améliore l'accès des utilisateurs aux données et aux services. Elle leur permet aussi de mieux partager l'information, accroît les possibilités de communications bilatérales entre fournisseurs et utilisateurs, élargit et diffuse davantage les sources d'information spécialisée et favorise l'accès au marché mondial de l'information: le tout d'une manière rapide, peu coûteuse et fiable. La nouvelle technologie de l'information va au-delà de la communication traditionnelle unilatérale ou linéaire. Elle permet une liaison interactive entre personnes ayant des intérêts ou des préoccupations semblables étendant considérablement la gamme des informations offertes aux particuliers ou aux organisations. A ces dernières, la technologie de l'information apporte une meilleure adaptabilité structurelle, davantage d'aptitude à la participation et une moindre centralisation.
Dans le secteur agricole, on voit se généraliser les nouvelles applications de la TI, au nombre desquelles le Système d'orientation géographique (GPS) qui permet, grâce aux informations recueillies par satellite, de doser avec précision à l'échelon local les applications de produits chimiques et d'engrais. Le GPS peut aider à la formation et assurer la mise à jour des compétences professionnelles - en fournissant, par exemple, des conseils en matière de gestion grâce aux techniques de télé-enseignement. Citons, parmi ses autres applications, l'accès à l'information et, notamment, aux données concernant les marchés et la météorologie qui doivent parvenir en temps utile. Le GPS permet également de se renseigner sur les progrès de la recherche et de la technologie concernant les produits, les intrants, les marchés et les méthodes d'exploitation. Il donne des informations sur les programmes gouvernementaux ou les services du secteur privé et la manière d'y accéder, et il est souvent utilisé pour les échanges d'informations par l'intermédiaire du système d'information télématique, du publipostage et d'Internet.
Les applications de la TI sont en train de devenir cruciales pour la coordination verticale du réseau de distribution agroalimentaire. La livraison en temps voulu, la production spécialisée pour des marchés ciblés et le contrôle plus étroit de l'utilisation des intrants bruts, tout cela nécessite davantage de communication entre acheteur et vendeur à chaque phase de la production, de la transformation, de la distribution et de la vente au détail. La TI est une composante de base de la coordination accrue entre les opérateurs de la chaîne alimentaire. Elle permet aux entreprises d'alléger leurs stocks, d'éviter le gaspillage, de disposer d'une plus grande variété de produits, de réduire les coûts d'achat, d'évaluer l'incidence des campagnes de promotion et d'améliorer le service fourni aux clients. Pour qui veut s'assurer que les normes régissant le contrôle de qualité sont bien respectées tout le long de la chaîne alimentaire, il est aujourd'hui possible de remonter le parcours de certains produits de détail, comme la viande, depuis le point de vente final jusqu'à l'élevage d'origine, et de demander à la technologie de l'information de collecter et d'enregistrer les documents des transactions auxquelles le produit a donné lieu.
A mesure que l'environnement mondial s'ouvre davantage et que se multiplient entre les divers pays les échanges de produits à haute valeur ajoutée, le besoin et l'importance des informations à caractère commercial ne font qu'augmenter. La TI est employée pour commercialiser les produits destinés aux marchés spécialisés afin de répondre à la différenciation croissante des goûts des consommateurs. Elle remplacera, probablement, certaines fonctions de routine du courtage comme la fourniture d'informations de base sur la disponibilité et les prix des produits. Par exemple, les vendeurs et les acheteurs peuvent communiquer par messagerie électronique les disponibilités et les besoins des produits de base échangés, ainsi que les prix demandés et offerts, dans une sorte de vente aux enchères électronique. Pour réussir dans un milieu très compétitif, les entreprises devront disposer des toutes dernières applications de la TI.
L'isolement constitue un obstacle majeur au maintien d'un secteur rural viable et durable, car les communautés rurales n'attirent ni la même densité ni la même qualité de services que les agglomérations urbaines. Il est aujourd'hui possible de contourner une telle difficulté en augmentant, grâce à la TI, la capacité d'accès et de partage de l'information. Les communautés isolées pourraient retrouver un nouvel élan si elles avaient accès, avec la même facilité et à des prix accessibles, aux services et aux modes de communication dont disposent les centres urbains. La nouvelle TI améliore les avantages comparatifs des zones rurales ou éloignées en réduisant considérablement le coût des communications à longue distance.
En dépit des nombreux avantages que comporte la nouvelle technologie de l'information, l'élargissement de son utilisation se heurte à de nombreuses difficultés, parmi lesquelles: les insuffisances des infrastructures de communication; le coût élevé des ordinateurs, du matériel de télécommunications et des logiciels correspondants ainsi que les frais d'exploitation des télécommunications; la carence de ressources humaines ayant la capacité de mettre au point, de faire fonctionner et de gérer la nouvelle technologie; enfin, l'absence d'un secteur privé capable d'offrir l'infrastructure, d'élaborer les logiciels et d'en promouvoir les applications.
Le développement des compétences et la formation dispensée à cette fin représentent, sans aucun doute, le facteur le plus important pour la propagation de la TI et, peut-être, le volet le plus délicat des nouvelles applications de la TI. Comme pour toute nouvelle technologie, il faudra, pour que les avantages se fassent pleinement sentir, que les programmeurs, les opérateurs et les utilisateurs aient acquis les capacités techniques nécessaires pour exploiter au mieux la technologie. L'évolution accélérée qui se produit dans la TI impose de considérer la formation comme un processus continu concernant, entre autres, les programmeurs des systèmes et des logiciels, les opérateurs et les techniciens ainsi que les utilisateurs des systèmes d'information. La mise à jour des compétences peut aller des cours accélérés pour des utilisateurs occasionnels, à la formation technique avancée, dispensée dans les universités, pour les personnes s'occupant de la programmation et du fonctionnement des applications. Dans beaucoup de pays en développement, il n'existe pas de formation technique supérieure, au niveau universitaire, et les cadres ne connaissent pas suffisamment les applications de la nouvelle TI permettant de communiquer et d'échanger les informations, c'est pourquoi il faut envisager de nouvelles approches à la gestion et à la maîtrise de cette technologie.
La Banque mondiale19 a souligné les différences, d'un pays à l'autre, en matière d'infrastructures de télécommunications. La disparité du nombre de lignes téléphoniques entre pays développés et moins développés n'a guère changé dans la décennie écoulée. L'on prévoit que cet écart considérable se perpétuera au 21è siècle et que pour éviter une aggravation de la situation, il faudra investir 30 milliards de dollars EU supplémentaires. La fiabilité des équipements de télécommunications est bien inférieure dans les pays en développement, notamment à cause de la vétusté du matériel. Les infrastructures de télécommunications nécessitent d'importants investissements annuels; or, bon nombre de pays en développement ont investi trop peu pendant trop longtemps.
Compte tenu de leur faible nombre d'abonnés aux télécommunications et de la médiocrité des services, les pays en développement auraient besoin d'envisager des formes d'organisation et d'infrastructure autres que celles employées actuellement dans les pays développés pour communiquer des informations à leurs utilisateurs. Ainsi, profitant du fait que les téléphones portables utilisant les ondes radio nécessitent un investissement initial plus faible, et grâce à une politique des prix et de la concurrence, Sri Lanka fournit un service parmi les moins chers au monde; cependant, les abonnés risquent d'être peu nombreux pour une application viable dans les secteurs ruraux. Les transmissions par satellite ont un bon rapport avantages-coût pour la radiodiffusion, sauf pour les communications bilatérales (surtout dans les zones rurales) car les transmissions au sol sont très chères. En Chine, dans certaines zones isolées de montagne, les communications, au lieu de s'effectuer par câble, se font par ondes radio ultracourtes. Les gouvernements ont traditionnellement pourvu aux infrastructures (chemins de fer, routes, électricité, télécommunications); toutefois, les contraintes budgétaires pourraient les amener à se contenter de fixer les règles et à encourager le secteur privé à développer l'infrastructure pour les applications de la TI. C'est ce que l'on observe dans beaucoup de pays développés ou en développement, à mesure que les systèmes de télécommunication sont privatisés ou soumis à la concurrence, ce qui tend à promouvoir les investissements et les nouvelles applications à coûts plus bas.
ENCADRÉ 4 La United States Cooperative Extension Service a été l'un des premiers utilisateurs d'Internet à fournir des informations à ses clients. Dès 1995, la plupart de ces résaux avaient créé leur propre site World Wide Web (WWW). Ces sites constituent un moyen de communication et de commercialisation pour les utilisateurs des services de vulgarisation. Un site WWW présente, généralement, les programmes et les services disponibles mais il fournit parfois des informations sur les marchés. On ne sait pas, cependant, quel est le degré d'utilisation d'Internet en tant que véhicule de services aux clients. Beaucoup de membres du personnel ne sont pas formés à ce type d'utilisation de la TI et, à ce qu'il semble, aucun programme de formation sur une large échelle n'a été adopté. Parmi les exemples d'utilisation d'Internet on peut citer le projet «Demandez à l'expert» (Ask an Expert). Il s'agit d'un progiciel réalisé par le Département de l'agriculture des Etats-Unis (USDA), destiné aux résaux de services de vulgarisation pour leur permettre de communiquer efficacement avec des clients qui utilisent des instruments comme Internet ou la messagerie électronique. Ce logiciel, outre ses fonctions de communication, contient une base de données où sont recensées les questions les plus courantes et les réponses correspondantes des experts. Ainsi les utilisateurs qui veulent obtenir d'Internet des réponses à leurs questions en matière d'agriculture peuvent commencer par le parcourir. Le programme s'articule en trois phases: la question parvient à une interface spéciale qui l'insère dans une base de données de questions qui n'ont pas encore reçu de réponse, et qui est à la disposition d'un groupe d'experts; dans un deuxième temps, un ou plusieurs experts peuvent décider de répondre à la question, mais si personne ne répond, le programme adresse automatiquement la question au premier expert disponible. Enfin, l'ensemble des questions et des réponses peut être parcouru ou examiné par toute personne ayant accès à Internet. Cette procédure permet aux experts de s'intéresser à de nouvelles questions au lieu de répéter des réponses déjà données. Ce progiciel a été utilisé en public au cours de deux expositions agricoles dans l'Indiana, en septembre 1995. Des spécialistes en vulgarisation de l'USDA et de sept Etats ont ainsi pu, dans un laps de temps d'une heure environ, répondre aux questions posées par les visiteurs de l'exposition. L'expérience a été considérée comme tout à fait réussie, mais on ignore si les spécialistes de la vulgarisation voudront se prêter à ce type d'effort, ni comment ils pourraient être compensés pour ces activités par leur propre organisation. |
Dans un contexte de concurrence réglementée, les pays en développement sont particulièrement bien placés pour attirer des investissements étrangers en technologie des télécommunications porteuse de réduction des coûts et d'innovation. C'est ce qui s'est produit dans un certain nombre de pays comme l'Argentine, le Chili, la Hongrie, la Jamaïque, la Malaisie, le Mexique et le Venezuela20. Il importe que les pays en développement se donnent les moyens de produire de nouvelles applications de la TI, sous peine de rester pendant longtemps importateurs nets d'information et de logiciels informatiques lesquels, ce qui est plus grave, risquent de ne pas être appropriés à leur situation. Il est donc indispensable qu'une industrie locale de logiciels se développe pour répondre aux exigences informatiques du marché intérieur.
ENCADRÉ 5 Le Ministère de l'agriculture, de l'alimentation et du développement rural (AFRD) de la province canadienne de l'Alberta a constitué, dans le cadre du «Projet orge», une équipe chargée de donner, par voie informatique, des renseignements à 76 exploitants et aux fournisseurs agricoles de 13 districts ruraux de la province. Les informations portent sur des sujets comme la production et la gestion des cultures, le matériel agricole et ses fournisseurs, la fertilité des sols, l'irrigation, la récolte et l'emmagasinage, la commercialisation, les perspectives du marché, les marchés et les coûts de production, à savoir une part importante des informations et des services offerts par le ministère. Le projet permet aussi un accès guidé à d'autres informations disponibles sur Internet et présentant un intérêt en la matière, à un forum de discussion pour les utilisateurs du projet pilote et il donne la possibilité, tant aux clients qu'au personnel du projet, d'utiliser la messagerie électronique. Le projet comporte près de 600 pages (4 méga-octets) d'informations sur la production et la commercialisation de l'orge dans l'Alberta. En outre, le projet permet de se relier à 165 autres sites, situés dans le monde entier, donnant accès à près de 5 000 documents. Dans tout l'Alberta, 14 points de contact équipés d'ordinateurs ont été ouverts, grâce auxquels les clients pouvaient être initiés à Internet. Quelque 450 exploitants et agents commerciaux ont utilisé les ordinateurs, et un nombre au moins double de personnes a essayé de le faire, sans parvenir à se relier. Sur une période de trois mois, le site a reçu environ 4 800 visites, dont 2 425 provenant de la province (y compris des points de contact), 575 provenant du personnel du projet et le reste (1 800) de diverses parties du monde et/ou de lieux non identifiés. Plus de 90 pour cent des participants au projet pilote ont continué d'utiliser Internet après la fin du projet, bien qu'à ce stade le service soit devenu payant. Les utilisateurs ont vu dans ce système un moyen de communiquer avec des spécialistes, de les approcher plus facilement, et ils ont rapidement compris qu'Internet représentait une solution de remplacement au fait de devoir se rendre personnellement dans un bureau et demander l'intervention d'un spécialiste. Pour avoir pris cette initiative nouvelle, le ministère a vu son prestige considérablement renforcé, tant aux yeux des producteurs agricoles que du personnel. Les producteurs participant au projet pilote se sont montrés enthousiastes et ont soutenu l'initiative, en dépit de problèmes techniques frustrants, de la qualité souvent médiocre du service offert, et du fait que le projet se déroulait en période de semis. Les producteurs étaient ravis d'expérimenter Internet, mais les agents d'information qui ont été en contact avec eux ont estimé qu'ils n'étaient pas assez préparés pour lancer le projet. Quant aux spécialistes qui ont mis au point l'information, ils ont apprécié les résultats de leur travail d'équipe et les progrès rapidement accomplis, tout en étant déçus par l'insuffisance du soutien technologique et de la formation. Cette expérience a fait ressortir plusieurs facteurs essentiels pour assurer à l'avenir la réussite d'un tel projet: dispenser au personnel une formation et un soutien technologique adéquats; amener le personnel du ministère, et surtout les spécialistes et les scientifiques, à se familiariser avec le système et à l'utiliser pour communiquer entre eux et avec les producteurs; susciter au sein du ministère un changement culturel radical à l'égard de la technologie, afin d'éviter que les utilisateurs ne transfèrent leurs vieilles habitudes sur la nouvelle technologie; constituer un noyau de personnes fortement responsabilisées, se consacrant uniquement à la fourniture par voie électronique des informations et des services; formaliser la structure organisationnelle et les dispositions relatives à la dotation en personnel en fonction du projet; souligner l'importance et le prestige du projet à l'intention du personnel du ministère, de manière à encourager sa participation active et à lui montrer les bénéfices qu'il peut en obtenir; actualiser sans cesse le contenu du projet par le biais de groupes de discussion et de contributions quotidiennes des spécialistes, pour éviter que le système ne devienne un «dépotoir à données»; enfin, développer le partenariat avec d'autres groupes pour étendre l'ampleur et renforcer la spécialisation du système, et accroître la visibilité et la crédibilité du site. Source: les informations proviennent du rapport sur le Projet orge du Alberta Agriculture Food and Rural Development Department, comprenant aussi des informations tirées d'un Price Waterhouse Evaluation Report. |
Les pays en développement ont obtenu des résultats positifs dans l'implantation d'un nombre considérable d'applications nouvelles. On estime qu`à Taiwan (province de chine), relativement au nombre de travailleurs, il y a davantage d'ordinateurs qu'en Italie, alors que le revenu par habitant n'est que de la moitié. En l'an 2000, la Chine pourrait avoir autant de téléphones que les Etats-Unis aujourd'hui. A la fin de 1995, quelque 14 pays d'Afrique avaient une liaison permanente en temps réel avec Internet et, en 1996, la plupart des capitales africaines seront reliées à ce réseau. AT&T, société américaine de télécommunications, se propose de relier par câble à fibre optique tout le littoral africain et ce projet (Africa One), qui devrait démarrer en 1999, apportera une énorme amélioration des liaisons interafricaines et intercontinentales.
ENCADRÉ 6 L'office mexicain de commercialisation Apoyos y Servicios a la Comercialización Agropecuaria (ASCERCA), utilise le réseau national de télévision pour diffuser dans tout le pays des informations sur la commercialisation agricole. Grâce à des appareils de télévision spécialement équipés, les utilisateurs de tout le pays peuvent accéder, sur l'une des chaînes de télévision, à des informations sur l'économie et sur le marché des produits de base. Ce système, appelé teletexto, est largement connu de la population rurale du Mexique et une enquête récente a montré que 70 pour cent des exploitants en apprécient beaucoup les prestations. Les avantages de cette approche résident dans l'emploi d'une technologie relativement simple et déjà en place, qui permet aux clients d'accéder au service sans avoir à se relier à une infrastructure particulière. En plus des informations concernant le secteur agricole, le service diffuse d'autres informations économiques, répartissant ainsi le coût du service sur plusieurs secteurs. L'utilisation du système est toutefois limitée par la nécessité de disposer d'un appareil de télévision spécialement équipé et par l'absence de promotion de la part des fabricants de téléviseurs. |
Dans son effort pour utiliser la nouvelle technologie de l'information, le secteur agricole des pays en développement - mais aussi de certains pays développés - doit faire face à des difficultés considérables. Celles-ci tiennent à plusieurs facteurs: les zones rurales ne sont pas bien desservies par les infrastructures des télécommunications; le faible nombre d'utilisateurs limite le développement du marché des logiciels spécialisés; enfin, le niveau insuffisant d'instruction et de savoir-faire de beaucoup d'exploitants limite les applications, tant actuelles que potentielles. C'est le secteur agricole des pays en développement à très faible revenu qui est le plus durement éprouvé; mais en dépit de l'évolution qui se produit dans les centres urbains des pays en développement, les nouvelles applications de la TI, telles les multimédia, font, pour le moment du moins, partie des rêves impossibles.
Réduire l'écart entre les nantis et les démunis. Dans les pays déjà bien développés, nombre d'entreprises du secteur agroalimentaire sont en train d'adopter la nouvelle technologie de l'information et bénéficient de ce fait d'une meilleure productivité. Parallèlement, les entreprises du secteur agro-alimentaire des pays moins développés, ne disposant pas du matériel, des logiciels ou de la compétence informatique indispensable aux télécommunications modernes, risquent de se trouver encore plus distancées dans la course technologique. Face à la mondialisation des marchés, l'impossibilité de bénéficier de ces moyens d'améliorer la productivité, ne peut qu'affecter leur compétitivité. Il est donc essentiel que les autorités agricoles des pays en développement prennent conscience de la nécessité d'assurer à tous, à un coût raisonnable, l'accès à la nouvelle technologie afin de réduire l'écart technologique, et qu'elles amorcent la mise en uvre d'un plan de développement des secteurs agricole et rural.
Surmonter les contraintes infrastructurelles. L'une des principales difficultés que doivent affronter dans tous les pays les secteurs agricole et agroalimentaire, est l'absence d'une infrastructure de télécommunications dans les zones rurales et isolées. La plupart des investissements du secteur privé se concentrent sur les centres urbains, où les distances limitées favorisent le recouvrement des investissements infrastructurels. Dans les pays moins développés et à faible revenu, on compte en moyenne trois lignes téléphoniques pour 1 000 habitants, contre plus de 400 dans les pays développés. Il est crucial que les opérateurs des secteurs agricole et rural des pays en développement poussent leurs gouvernements à réduire le plus possible les coûts de la communication et à encourager les investissements, afin d'étendre et de moderniser le secteur des télécommunications.
Pour la mise en uvre de la technologie de l'information, les pays en développement pourront être amenés à choisir des approches différentes de celles suivies par les pays développés, en particulier dans les zones où les moyens de télécommunications sont très limités. On pourrait, par exemple, considérer comme plus opportune la création de centres d'information aisément accessibles aux producteurs et aux clients de l'industrie agroalimentaire, au lieu de baser l'implantation technologique sur l'utilisation de l'ordinateur dans chaque entreprise.
Développer efficacement la formation et l'amélioration des compétences. La difficulté la plus considérable que posent l'adoption et l'utilisation efficaces de la nouvelle TI, réside sans doute dans le développement de ressources humaines adéquates. L'acquisition d'une compétence professionnelle nécessite une variété d'approches, en fonction d'applications diverses. La formation risque d'être un processus très coûteux, et, voire de surcroît, si l'utilisateur ne peut pas exercer rapidement ses nouvelles capacités, ou si la formation ne convient pas à l'application. Le recours au secteur privé, ou à des établissements d'enseignement, est peut-être la solution la plus rentable.
Définir le rôle des gouvernements. Il importe que les gouvernements fixent clairement les objectifs à poursuivre et établissent une stratégie pour l'application de la technologie de l'information au secteur agricole. Ils peuvent en outre jouer un rôle essentiel de catalyseur en donnant l'exemple. Ainsi, du fait qu'il est l'un des principaux utilisateurs de la technologie de l'information, un gouvernement peut en influencer considérablement le développement et l'utilisation grâce à ses achats de matériel et de logiciels. Il peut servir de modèle à tout le secteur en permettant l'accès à ses services, à son information et à ses programmes. Il peut aussi encourager le développement et l'utilisation de la TI par le biais de programmes d'assistance, et promouvoir le partage de l'information sur les nouvelles applications.
Dans beaucoup de pays, les déficits budgétaires importants ou les rivalités entre priorités exigent que les décisions en matière d'investissements soient prises sur la base de choix soigneusements médités. Il est essentiel, dans tous les cas, que l'approche choisie soit fonction des priorités du client.
Assurer un contenu approprié d'information. La technologie de l'information a pour objet de fournir des informations et des services plus accessibles et plus efficaces et d'améliorer les communications. Il est absolument nécessaire de garantir que le contenu de l'information réponde aux besoins du client, qu'il soit mis à jour et que sa procédure d'utilisation offre un service d'une efficacité optimale. Si le contenu de l'information est périmé ou s'il est insuffisant par rapport aux besoins des utilisateurs, ceux-ci n'auront aucun intérêt à employer l'application et l'expérience échouera.
Les utilisateurs seront également insatisfaits si l'information est redondante, non pertinente aux fins d'une décision à prendre. Il faudra veiller à ce que les procédures informatiques filtrent le flux de données, afin de fournir en temps utile les données exactes requises par les décisions. Ce contrôle peut également être effectué par les spécialistes de l'information.
Développer le partenariat. Le gouvernement n'est pas en mesure d'assumer, à lui seul, le rôle de fournisseur d'information et de services par voie électronique au secteur agricole. Il faut donc établir des rapports de collaboration entre les ministères et autres organismes publics et le secteur privé, les universités et les institutions éducatives. Grâce à une telle approche, les utilisateurs auront un accès par «créneau unique», à un coût réduit et avec une meilleure qualité d'information et de service. L'agriculture doit pouvoir se relier à l'infrastructure et aux applications employées dans les autres secteurs, comme celui de la santé, afin d'accélérer son propre développement et de réduire ses coûts.
Des services payants. L'information et les services qui l'entourent doivent être considérés comme un produit destiné à un marché. C'est l'existence de ce marché qui permet aux opérateurs du secteur privé de développer l'infrastructure, les logiciels et les nouveaux services souhaités par les décideurs et les divers clients. Les services d'information par voie électronique doivent être considérés à l'instar des fournisseurs de services juridiques, financiers ou comptables. Les gouvernements peuvent donc envisager des formes de paiement de leurs prestations qui les inciteraient à étendre certains services, tout en tenant compte des indications du marché à l'égard des services privilégiés des utilisateurs.
Le rôle des gouvernements et des organisations internationales dans la promotion de la technologie de l'information
Mettre au point une stratégie. Les gouvernements doivent élaborer des stratégies nationales pour l'utilisation d'une technologie de l'information capable d'améliorer la productivité et les communications dans les secteurs rural et agroalimentaire, et permettant aux pouvoirs publics d'offrir aux utilisateurs des services meilleurs à un coût plus économique. Une stratégie bien conçue en fonction de ces objectifs suppose un calendrier détaillé, des ressources supplémentaires et de ferme volonté d'aboutir. Les ministères de l'agriculture doivent prendre acte des possibilités offertes par la nouvelle technologie de l'information et s'engager directement pour les réaliser, en assurant au secteur agroalimentaire un accès à la technologie à un coût raisonnable. Pour cela, il faudra peut-être promouvoir, dans l'intérêt du secteur rural, certaines réformes réglementaires et la détermination des prix par le marché.
Encourager l'amélioration des qualifications et les investissements. Les gouvernements peuvent jouer un rôle important dans la promotion et la mise en uvre des programmes de formation professionnelle, et encourager l'investissement de capitaux pour l'implantation de la nouvelle technologie de l'information. S'agissant des capacités professionnelles, les pouvoirs publics pourraient s'assurer la collaboration d'établissements d'enseignement et de spécialistes du secteur privé. La formation professionnelle devra s'adresser de manière particulière aux jeunes. Les gouvernements doivent encourager le développement à l'échelon national, dans le secteur public ou dans le secteur privé, des applications de la technologie de l'information, pour éviter d'avoir à dépendre des importations. Afin de promouvoir les nouvelles réalisations, on peut instituer un bureau central chargé d'étudier les applications de la nouvelle TI et les meilleurs procédés employés dans le secteur. Enfin, les gouvernements devraient aussi encourager la mise au point de normes communes qui rendraient compatibles les systèmes, faciliteraient l'accès à l'information et éviteraient aux utilisateurs de devoir se plier à une foule de procédures différentes.
Faire les choses de manière différente. La mise en uvre de la nouvelle technologie de l'information nécessite, de la part des gouvernements, une approche globale. Il ne s'agit pas, en effet, de passer simplement du support papier au support électronique. Il faudra étudier le processus dans son ensemble et comprendre comment les utilisateurs peuvent s'adapter au nouveau type de service. Si l'on veut profiter à plein de la nouvelle technologie, il faudra refondre entièrement le processus; il semble toutefois préférable de commencer sur une petite échelle, sous forme de projet pilote, par exemple, pour tirer des enseignements du fonctionnement du système et obtenir des clients des informations en retour valables. Il est important que les progrès réalisés reçoivent une publicité effective; c'est pourquoi le recours aux projets pilote pourrait favoriser un développement global des systèmes, plus efficace et mieux compris par les utilisateurs.
Encourager les services commerciaux privés. Les gouvernements peuvent aider indirectement l'introduction, dans le secteur rural et agricole, de services commerciaux privés (dans les domaines bancaire, juridique, comptable, des assurances ou de l'information) en mettant leurs propres services et programmes informatiques à la disposition de l'utilisateur. Les services publics et les services commerciaux privés, une fois à l'uvre dans les zones rurales, se renforceront mutuellement, facilitant l'adoption d'une technologie de l'information qui compensera l'éloignement et pourrait même créer de nouveaux emplois dans les zones rurales. Il est tout aussi important que les pouvoirs publics assurent une bonne infrastructure des télécommunications, basée sur des tarifs modiques et des équipements adéquats, pour encourager les services commerciaux de TI. De toute évidence, le fait qu'un modem coûte, en Inde, quatre fois plus cher qu'aux Etats-Unis et qu'en Thaïlande, l'accès à Internet revienne 12 fois plus cher, ne peut manquer d'entraver l'adoption de la nouvelle technologie.
Les bailleurs de fonds internationaux doivent tenir compte des avantages financiers et autres. Le financement de la nouvelle technologie exige que les prêteurs internationaux prennent conscience des bénéfices, tant financiers que d'un autre ordre, qu'ils peuvent tirer de leurs investissements. Il faudra de nouvelles analyses pour démontrer que l'adoption de la nouvelle technologie de l'information entraînera des rendements élevés, tant dans le secteur spécifique que dans l'ensemble de l'économie. Les organismes internationaux et les pays donateurs doivent collaborer à la promotion de cette idée, au développement des investissements et de la formation professionnelle et aux améliorations de la technologie de l'information. Un représentant du secteur rural devrait être désigné pour s'assurer que l'infrastructure est adéquate et basée sur des prix compétitifs, afin que les agriculteurs puissent accéder à la nouvelle technologie de l'information. Il importe également de disposer d'un projet structuré d'implantation commerciale, établi en fonction des applications économiques, qui facilitera le financement des projets et des programmes de technologie de l'information.
Faire prendre conscience des avantages. Des organisations internationales comme la FAO peuvent aider à faire prendre conscience des avantages de la nouvelle technologie de l'information. La FAO pourrait en donner la démonstration en en faisant elle-même usage et en assurant l'accès informatisé à ses informations et à ses services; elle pourrait, par exemple, diffuser électroniquement toutes ses données et tous ses rapports, organiser des vidéoconférences et des forums interactifs pour l'échange d'informations techniques. Les agences internationales peuvent également contribuer à analyser les avantages de la technologie de l'information, notamment dans les zones où l'expérience dans ce domaine est limitée et où l'utilisation de la technologie de l'information en est encore à ses débuts. Ces organismes pourraient aussi jouer un rôle important en mettant sur pied un centre international servant de plaque tournante des applications et des documents informatisés, contribuant ainsi à la coordination entre les gouvernements et les organismes d'assistance, de même qu'à la formation professionnelle.
Le terme de désertification désigne non pas l'avancée de déserts existants mais l'apparition, l'extension ou l'intensification de la dégradation de parcelles de terre ou de couverture végétale, essentiellement localisées autour de zones rurales densément peuplées, de centres urbains, de fermes mal exploitées et de points d'eau. La désertification21 peut se produire sous n'importe quel climat, mais les régions les plus touchées se situent dans les zones arides, semi-arides et subhumides, toutes regroupées sous le vocable de zones arides (environ 30 pour cent de la surface totale des terres émergées du globe). Une portion non négligeable de ces zones a, depuis longtemps, tellement souffert de la dégradation de ses ressources humaines et naturelles au cours de longues périodes de sécheresse, que cette dégradation risque de devenir irréversible. Ce phénomène est à l'origine d'un ensemble complexe de problèmes économiques, écologiques et sociaux, réunis sous le terme de désertification, à ne pas confondre avec ce que recouvre le mot désert et le fonctionnement des écosystèmes désertiques.
ENCADRÉ 7 Le Système mondial d'information et d'alerte rapide sur l'alimentation et l'agriculture de la FAO (SMIAR) est un exemple important de la manière dont on peut appliquer la technologie de l'information pour affronter les problèmes de l'agriculture et de la sécurité alimentaire. Le SMIAR constitue, en effet, la seule source internationale de données et d'analyses complètes sur la situation et les perspectives de l'offre et de la demande de denrées alimentaires dans tous les pays du monde. Il a été institué en 1975, sur requête de la Conférence de la FAO de 1973 et de la Conférence mondiale de l'alimentation de 1974. Les buts principaux du SMIAR sont de surveiller en permanence, sur la base d'informations précises et mises à jour, les conditions prédominantes de l'offre et la demande alimentaire - y compris la production, la consommation, les stocks, les importations et les exportations - et d'identifier les pays exposés à des pénuries alimentaires imminentes ainsi que leurs besoins en aide d'urgence. Les signaux d'alerte du SMIAR concernent aussi bien les pénuries que les excédents alimentaires exceptionnels. Ses prévisions avancées ont pour objet la production, la consommation, les stocks, les importations et les exportations, les besoins et les disponibilités d'aide alimentaire, les besoins d'urgence, les contributions des donateurs et les expéditions. Tous les facteurs pouvant influer sur l'offre et la demande de produits vivriers sont pris en compte: les conditions météorologiques, les maladies des plantes et des animaux, les ravageurs, l'état des pâturages et des terres cultivées, les problèmes de transport et d'emmagasinage, les politiques gouvernementales à l'égard de la production, de la consommation, des prix et du commerce des denrées alimentaires de base, ainsi que les taux de fret maritime. Le SMIAR relève du Service mondial d'information et d'alerte rapide de la Division des produits et du commerce international du Siège de la FAO. Le Système maintient des contacts réguliers avec la plupart des unités techniques de la FAO pour le partage des informations et sert de centre de coordination pour les situations d'urgence. A partir de 1975, des rapports institutionnels et des accords sur le partage des informations ont été établis avec 110 pays, trois organisations régionales et plus de 60 organisations non gouvernementales (ONG), à la fois fournisseurs et utilisateurs d'informations. De nombreux instituts internationaux de recherche, des agences de presse et des organisations du secteur privé collaborent également avec le SMIAR, lui fournissant des informations à titre bénévole. Les donateurs d'aide alimentaire sont les principaux utilisateurs du Système, tout en lui fournissant des informations et en lui apportant le soutien nécessaire à son développement. Les donateurs bilatéraux sont tenus de communiquer au SMIAR toutes les promesses de contribution et les livraisons d'aide alimentaire. Se basant sur plus de 20 ans de statistiques chronologiques, les observatoires du SMIAR à l'échelon des pays mettent à jour et analysent en permanence les données sur la production de vivres, les échanges, l'aide alimentaire, les stocks, la consommation et la sécurité alimentaire au niveau sous-national. Le SMIAR relève les conditions des cultures vivrières dans tous les pays et régions du monde et collecte des informations sur les facteurs qui peuvent affecter la surface cultivée et les rendements. Un ordinateur spécialement conçu permet de traiter une vaste gamme de données, allant de l'interprétation des images par satellite aux estimations des besoins d'importations alimentaires. Pour les zones africaines exposées à la sécheresse, pour lesquelles on ne dispose pas d'informations suivies et fiables en matière d'agro-météorologie et de conditions des cultures, le SMIAR se base sur la surveillance et l'interprétation des images par satellite. La durée des nuages froids (CCD) donne une estimation sur la probabilité de précipitations antérieures substantielles, tandis que l'indice normalisé de différence végétative (NDVI) trace la croissance de la plante durant toute la campagne afin de repérer l'apparition de la sécheresse. Le SMIAR suit aussi les marchés alimentaires internationaux. Il estime l'offre et la demande mondiale de vivres en agrégeant les informations au niveau des pays, et il relève les prix mondiaux à l'exportation ainsi que les transactions sur les places boursières les plus importantes. Le Système signale les principaux mouvements des marchés, note les tendances de fond des principales variables et lance un avertissement en cas de risque d'une forte hausse des prix alimentaires. Bien que le SMIAR ait une portée mondiale, la surveillance au niveau des pays est axée sur le groupe particulièrement vulnérable des 82 pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV). L'analyse est centrée principalement sur les céréales, car les informations sur les autres produits vivriers sont souvent lacunaires: cependant, le Système est en train d'étendre ses observations aux produits de base non céréaliers, en particulier dans les pays où ces produits représentent une proportion considérable du régime alimentaire. Dans certains pays, où la situation du ravitaillement alimentaire est parmi les plus précaires du monde et où les données précises font généralement défaut, le SMIAR s'appuie sur des missions d'évaluation rapide effectuées sur place. Dernièrement, le SMIAR a axé son attention sur la sécurité alimentaire au niveau sous-national. A cette fin, un logiciel spécifique, conçu pour tenir compte des interactions complexes des économies alimentaires locales, a été mis au point, conjointement à la préparation de cartes des risques, spécifiques aux pays des régions sujettes à famine. Des communications rapides et efficaces, composante clé du Système, ainsi que le recours à la technologie informatique, ont permis au SMIAR d'accélérer l'établissement et la diffusion de ses rapports. Le SMIAR publie régulièrement: Perspectives de l'alimentation, Cultures et pénuries alimentaires, Situation alimentaire et perspectives des cultures en Afrique subsaharienne, ainsi qu'un Rapport sur le Sahel. En outre, environ 30 rapports d'alerte et rapports spéciaux sont publiés chaque année. Les publications du SMIAR sont mises gratuitement à la disposition des institutions et des individus. Le Système répond également à des demandes spécifiques d'information. Le SMIAR a misé sur la communication informatisée pour étendre son audience et accélérer la diffusion de l'information. Les informations produites par le Système, y compris les dernières publications, sont maintenant accessibles sur le principal site Internet de la FAO. Dans les pays francophones, les informations du SMIAR sont disponibles sur le réseau Minitel, et par messagerie électronique sur le Réseau intertropical d'ordinateurs en Afrique. La recherche d'outils innovateurs se poursuit, afin de renforcer la collecte, le traitement et l'analyse des données vitales pour la sécurité alimentaire. |
La Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED), qui s'est tenue en 1992 à Rio de Janeiro, au Brésil, a retenu la définition suivante: «la désertification est la dégradation du sol causée par différents facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines, dans les zones arides, semi-arides et subhumides»22. Les divers processus de dégradation des terres n'agissent pas tous simultanément et en un même lieu. Les rapports entre le climat, la désertification et la société sont propres à chaque zone.
Les différentes étapes menant à la désertification, de caractère évolutif, ne sont pas toujours perceptibles ( notamment au niveau local par les agriculteurs ou les éleveurs de bétail). Leur cycle temporel est donc sensiblement différent de celui d'autres phénomènes, comme celui de la sécheresse, et leurs effets sont continus. Contrairement aux conséquences de la sécheresse, celles des processus de désertification ne sont pas perceptibles d'emblée et de façon globale, mais altèrent progressivement le fragile équilibre écologique qui a permis à la vie végétale, animale et humaine de se dérouler dans les régions arides, semi-arides et subhumides.
Les zones arides sont caractérisées par une pluviométrie basse et extrêmement variable, qui donne lieu à de fortes fluctuations de la production de biomasse; les terres présentent donc d'importantes variations de potentiel de production de denrées alimentaires, de fourrage ou de biocombustible. Les écosystèmes des zones arides font preuve d'une grande capacité d'adaptation, et ils récupèrent presque toujours après les périodes de sécheresse, à condition de n'avoir pas trop été maltraités pendant la période sèche. Les pratiques traditionnelles d'exploitation des zones arides sont souvent de type opportuniste: les agriculteurs traditionnels cherchent à obtenir un rendement maximum pendant les périodes favorables, tout en s'efforçant de réduire les pertes en période sèche. Un ensemble complexe de systèmes de production, combinant cultures multiples, élevage et agroforesterie, autorise ces pratiques. Hormis la culture d'irrigation, l'introduction de procédés nouveaux et plus productifs n'a pas, jusqu'ici, obtenu de franc succès dans les zones arides.
Une grande partie des réserves de carbone de la planète sont stockées dans le sol et dans la végétation des zones arides. La désertification influe sur les échanges liés au cycle du carbone et la diminution des réserves de carbone contribue à l'effet de serre. L'impact de l'activité humaine sur l'évolution de la pluviométrie demeure au centre de nombreux débats mais, dans l'avenir, ces effets pourraient entraîner d'importants dérèglements de la quantité et de la régularité des pluies, avec un retentissement sur tous les processus de dégradation des sols. En l'absence d'une augmentation marquée de la pluviométrie, l'élévation (prévue) de la température dans le monde augmentera l'évapotranspiration, avec comme corollaire une extension de la désertification dans les régions arides, semi-arides et subhumides du globe.
Le type de sol est un paramètre déterminant de la vulnérabilité à la désertification, surtout lorsque celle-ci est due aux activités humaines (anthropiques). Comme tous les autres maillons de la chaîne écosystémique, les êtres humains agissent sur les processus de désertification et en sont, à leur tour, affectés de diverses manières; les pratiques humaines sont parfois à l'origine de ces processus, elles peuvent les accélérer ou en intensifier l'impact. Dans l'ensemble, les causes et les conséquences de la dégradation des sols éprouvent davantage les fractions les plus pauvres de la population des pays en développement, qui en sont souvent réduites à faire face à l'urgence en adoptant des stratégies de survie, limitées au court terme.
L'étendue et les causes de la désertification
Dans les zones arides, semi-arides et subhumides, les processus de désertification sont influencés par l'interaction entre la densité de la population, les conditions économiques et les facteurs locaux spécifiques. Les variations climatiques jouent un rôle moins prononcé, au moins dans les zones subhumides où la détérioration est surtout le résultat d'une mauvaise exploitation des ressources. La dégradation des sols induite par l'homme n'est nullement un phénomène récent, puisque dès les années 30, il est fait allusion au rôle joué par l'homme dans la désertification23. La capacité de charge des terres diminue à mesure que la désertification réduit leur productivité biologique. Dans de nombreux pays, cette combinaison de divers facteurs constitue une grave menace pour la sécurité alimentaire. Les pressions exercées sur le patrimoine naturel, avec comme conséquence probable la surexploitation, laissent supposer que les moyens de subsistance (et, en dernier ressort, de survie) de certaines collectivités humaines sont menacés et qu'il faut craindre un déclin à grande échelle de la diversité biologique.
A l'échelle du globe, près de 2 milliards d'hectares sont atteints, à des degrés divers, par la désertification. La figure 6 p. 76 montre qu'en termes absolus, les zones semi-arides et sèches subhumides du continent asiatique sont les plus exposées pour ce qui est de l'étendue, suivies des zones arides du même continent et de celles du continent africain. Ce dernier totalise plus de 70 millions d'hectares de terres que l'on peut classer comme fortement dégradées et 3,5 millions d'hectares de terres dégradées au dernier degré. Ainsi, environ 70 pour cent de la totalité des zones arides - soit plus de 20 pour cent des terres du globe - se dégradent, à un degré ou à un autre.
Il existe des différences marquées, d'une région aride à l'autre, entre les principales causes de désertification (figure 6). Les activités directement liées à l'agriculture représentent un facteur significatif de dégradation des sols dans toutes les régions, à l'exception de l'Australie, et en Amérique du Nord, 52 pour cent des zones arides sont dégradées du fait de l'agriculture. Les plus atteintes se situent au nord du Mexique, dans les Grandes Plaines et les Prairies des Etats-Unis et du Canada. A des degrés divers, l'agriculture contribue aussi de différentes manières à la dégradation des terres dans les pays de développement. En Afrique subsaharienne - mais aussi ailleurs, l'intensification de la production agricole et la diminution des périodes de jachère se sont souvent soldées par un prélèvement net de substances nutritives du sol et par une forte diminution de la fertilité du sol à plus long terme. Pendant les années 80, le développement accéléré des cultures de rapport, souvent dicté par la nécessité de rééquilibrer la balance extérieure pour se conformer aux programmes d'ajustements structurels, a mené dans nombre de cas à la réduction des temps de jachère et à la dégradation des zones arides. La structure des sols a parfois été détruite, là où la mécanisation a fait utiliser des machines agricoles qui se sont révélées néfastes pour des sols fragiles. Ces dernières années, la réduction des crédits et des subventions aux engrais, liée à l'accélération du processus de libéralisation du marché, a parfois entravé les améliorations de la productivité agricole et favorisé l'expansion vers des terres marginales.
La surexploitation de forêts et d'autres zones boisées, d'arbres et d'arbustes est un autre facteur décisif de dégradation de la terre. L'Asie, suivie par l'Amérique latine et les Caraïbes, a les taux les plus élevés de déforestation, cette dernière étant, après le surpâturage, le principal agent de désertification dans ces régions (figure 6). La végétation boisée est généralement défrichée pour étendre les surfaces de culture ou de pâture, tandis que sa surexploitation vient en majeure partie de la récolte du bois de feu au-delà de la capacité de régénération des ressources ligneuses, du surpâturage et des feux de brousse répétés. Le feuillage et la couverture végétale représentent la principale protection contre les rayons solaires. Si cette protection venait à disparaître, ou si elle se trouvait endommagée, même partiellement, l'albédo (la réflectivité de la surface terrestre), la température de surface et les niveaux d'évaporation s'en trouveraient bouleversés. En fonction de l'intensité de son utilisation, du degré spécifique de vulnérabilité du sol et de la résilience de l'écosystème (l'aptitude à revenir à l'état antérieur après avoir été endommagé), ces atteintes risquent de mener à la dégradation des sols.
La désertification est aussi causée par le surpâturage des graminées, des arbustes et de l'herbe. La figure 6 montre que le surpâturage atteint 678,7 millions d'hectares, soit plus du tiers du total des zones arides dégradées. En Afrique de l'Est et au Sahel surtout, le surchargement a provoqué une grave dégradation des sols, en partie causée par l'abattage des arbres dans les prairies ayant lui-même entraîné un abaissement de la quantité de fourrage, et une mauvaise gestion des troupeaux après la réduction de la mortalité grâce aux soins vétérinaires.
Il faut également évoquer, comme élément sous-jacent aux causes déjà citées de dégradation des sols, le processus général d'une expansion démographique se heurtant aux limites du fonds de terres disponibles, le tout aggravé par les facteurs techniques et institutionnels liés à l'utilisation des terres et au régime foncier. La pression démographique a entraîné la surexploitation des sources de bois et la pénurie de bois de feu dans les campagnes de l'Afrique subsaharienne. Dans certaines parties du monde, la sollicitation excessive des ressources locales impose, en les rendant non viables, l'abandon progressif de certaines pratiques agricoles traditionnelles, comme par exemple la culture itinérante. La sédentarisation des nomades et les plans de transmigration mis au point dans les pays qui ont une répartition très inégale de la population n'ont pas suffisamment tenu compte de ces facteurs. Les migrations, en particulier saisonnières et annuelles, risquent d'aggraver l'abattage excessif d'arbres qui exigent beaucoup de temps pour repousser - or, ce processus naturel est gravement entravé lorsque des colons migrants manquent d'un minimum d'expérience et d'informations sur leur nouvel environnement. Le problème a été exacerbé, dans la dernière décennie, par l'augmentation des mouvements de réfugiés, d'origine écologique ou politique. Par ailleurs, les régimes de baux ruraux peuvent influer sur le processus de dégradation du sol, si les exploitants locataires ou métayers sont tenus d'en tirer le maximum pendant la durée du bail. Ils risquent de ne pas se soucier d'investir à long terme dans des terres dont le propriétaire peut être absent la plupart du temps.
La pluviométrie annuelle et le taux d'évaporation des pluies sont les variables microclimatiques qui agissent le plus directement sur la baisse de la nappe phréatique, en liaison avec l'utilisation de la terre pour l'agriculture intensive, les espaces urbains et la bioindustrie. La texture du sol, l'hydrologie et le relief physiographique jouent un rôle prédominant dans l'érosion d'origine éolienne ou hydrique, cette dernière affectant à peu près la moitié de toute la zone dégradée dans les régions arides. En Afrique, elle a causé une grave détérioration sur plus de 50 millions d'hectares
de zones arides et une dégradation marquée dans le sud de l'Asie. En outre, la salinisation, la sodication et l'alcalinisation des sols sont susceptibles d'empirer lorsque les systèmes d'irrigation sont mal conçus ou mal gérés. Les études de la FAO indiquent que plus de 35 pour cent des sols africains situés au nord de l'Equateur sont touchés par la salinisation ou par l'érosion. La détérioration des terres irriguées est parfois due à l'engorgement des sols (ou élévation de la nappe phréatique) principalement occasionnée par un drainage inefficace ou par une irrigation excessive.
L'accroissement de la pression démographique, conjuguée à une expansion excessive en direction des zone arides durant les longues périodes humides laissent des groupes de plus en plus nombreux de population sans ressources pendant les périodes sèches. L'élimination d'éléments essentiels de production servant de solution de repli, comme par exemple les pâturages de saison sèche, par suite de l'introduction de cultures, irriguées ou non, et de l'utilisation industrielle et urbaine de l'eau aux dépens de l'agriculture rurale, rompent les chaînes traditionnelles de production - et, là où cette rupture n'est pas compensée, elle s'étend à l'ensemble des réseaux de production. Parallèlement, la perte de cohésion sociale, notamment le déclin de l'autorité au niveau de la communauté ou de la tribu, et l'abandon de pratiques collectives comme la transhumance et le nomadisme, ont aggravé la vulnérabilité des populations des zones arides aux variations climatiques.
Les politiques de prévention et de lutte de la désertification
La lutte contre la désertification est un phénomène politique, social et technologique. Comme l'a établi la Convention internationale de lutte contre la désertification, les paramètres décisionnels varient en fonction des conditions spécifiques, qu'elles soient géographiques ou agroclimatiques. Dans de nombreux cas, cependant, l'un des moyens les plus efficaces pour réduire la pression sur les terres consiste à encourager la diversification des revenus dans les zones rurales. Les revenus non agricoles peuvent permettre aux ménages ruraux de s'orienter vers des activités nouvelles, laisser les plantes vivaces (qui favorisent la récupération des sols) atteindre leur pleine maturité et, en fournissant de l'argent pour l'achat de produits alimentaires, diminuer le besoin de mise en culture de terres marginales. La diversification des revenus facilite ainsi une utilisation plus intensive de la terre en encourageant l'adoption de techniques nouvelles, qui devient un investissement moins risqué, même dans des conditions agroclimatiques instables.
ENCADRÉ 8 La Convention internationale de lutte contre la désertification a été rédigée par le Comité intergouvernemental de négociation sur la lutte contre la désertification (CIND) à la demande expresse de la représentation africaine à la CNUED. Adoptée en juin 1994, elle avait été signée par 115 pays fin janvier 1996, et 25 d'entre eux l'ont déjà ratifiée. La session de juin 1994 du CIND avait été ponctuée par la création de deux groupes de travail et de l'Assemblée plénière, qui se sont réunis à nouveau en août 1995 et ont amorcé les travaux préparatoires de la première Conférence des Parties (prévue pour fin 1997). Il est vraisemblable qu'en septembre 1996, les questions de financement multilatéral seront résolues et la Convention ratifiée dans la majorité des pays signataires. La Convention préconise, en particulier: une approche intégrée du problème; Durant la phase intérimaire de la Convention, le défi consistait à mettre en uvre la résolution sur les mesures urgentes en faveur de l'Afrique sans négliger pour autant d'agir dans les autres pays atteints. L'un des pays à avoir réagi le plus rapidement est le Mali, qui a mis en uvre une composante nationale de l'action urgente pour l'Afrique prévue dans la ratification de la Convention de lutte contre la désertification. En octobre 1994, le Gouvernement malien a fusionné le processus d'établissement d'un Plan national d'action pour l'environnement avec celui du Plan national de lutte contre la désertification; il a, en outre, créé un organisme institutionnel chargé de l'environnement et de la lutte contre la désertification: cet organisme se compose d'un co-mité interministériel pour le volet politique, d'un Comité consultatif chargé de suivre et d'orienter les progrès accomplis d'un point de vue technique, et d'un Secrétariat permanent auquel il incombe de coordonner la formulation du Programme national d'action pour l'environnement et la lutte contre la désertification; enfin, les autorités maliennes ont demandé au Gouvernement allemand et à la FAO de les aider dans l'élaboration du Programme. Grâce à l'aide de la FAO, à la contribution du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et à l'action des agents nationaux compétents, le plan d'action malien a été mis en uvre dès janvier 1995. Il comportait une première étape d'information et de sensibilisation aux questions d'environnement (en particulier à la dégradation des ressources naturelles) axée sur le suivi d'une série de problèmes, grâce au dialogue avec la population locale et à un système de rapports établis par des experts nationaux. Ce mécanisme de collecte d'informations et de sensibilisation basé sur la réciprocité devait déboucher, en février-mars 1996, sur la tenue d'un Forum national sur le Programme national d'action. Le forum présente, après les avoir débattues, des propositions spécifiques sur les problèmes majeurs et les paramètres d'une action portant sur la conservation et la réhabilitation des ressources naturelles; sur les problèmes posés par l'urbanisation, le développement industriel et la pollution; sur les questions institutionnelles et la nécessité de s'engager dans une protection de l'environnement et dans une lutte contre la désertification aux effets durables; et, enfin, sur une planification, établie dans le cadre de la convention, et portant en particulier sur la nature de la participation nationale, la démocratisation, la décentralisation, le développement au niveau local et l'engagement total des ressources humaines de la nation, à tous les niveaux. Soutenu par l'office allemand de la coopération technique (GTZ), la FAO, le PNUD et d'autres donateurs, le Mali s'est engagé, depuis mars 1996, dans la deuxième phase de son exercice de programmation, qui prévoit un programme national intégré comportant une approche stratégique, des objectifs décrivant le contenu des initiatives nationales, un ensemble détaillé de programme nationaux et une série de programmes locaux de développement; le tout, sous la conduite d'autorités et d'institutions locales, favorisera l'application de mesures au niveau (décentralisé) des villages. Le Programme comportera les mécanismes juridiques, réglementaires et financiers nécessaires, en particulier ceux adaptés à la mobilisation des ressources locales et à la découverte de systèmes adéquats de financement au niveau local. |
A moins que l'on ne réussise à investir dans des ressources productives, l'intensification de l'agriculture restera une stratégie nécessaire, car les densités croissantes de population provoqueront, à long terme, un appauvrissement des sols et un équilibre de bas niveau. Une diversification des revenus pourrait réduire la pression sur les pâturages aujourd'hui surexploités, en particulier dans les zones où prévaut une nette tendance à se prémunir contre la sécheresse ou l'insuffisance des récoltes en accumulant le bétail. Toutefois, dans de nombreuses régions au potentiel agricole médiocre, l'élevage du bétail constitue un avantage comparatif et devrait, là où les sols ne sont pas trop fragiles, être encouragé comme complément de l'agriculture, sous l'angle des revenus comme sous celui de la production.
La diversification des revenus non agricoles devrait être accompagnée, autant que possible, de mesures destinées à élargir l'éventail des activités agricoles et des sources de valeur ajoutée, telles que la pêche et l'aquaculture lorsque les conditions s'y prêtent. Dans les zones pourvues d'infrastructures commerciales adéquates et d'un potentiel de développement suffisant, l'apiculture et la transformation des produits forestiers autres que le bois d'uvre pourraient offrir des perspectives. L'application de techniques novatrices, en réduisant le temps et l'énergie requis par la production de denrées alimentaires et par d'autres tâches quotidiennes, pourrait apporter un concours non négligeable en permettant aux ruraux de prendre une part accrue aux mesures de conservation.
La lutte contre la désertification demande une interaction étroite entre les agents publics et privés engagés dans l'utilisation et la gestion de la terre. Les approches institutionnelles et administratives conjointes réclament une décentralisation de la prise de décision et doivent laisser une large place à l'information en retour. Il faut déléguer plus d'autorité aux membres des communautés rurales, en particulier aux femmes, qui restent à l'écart de ces démarches dans la plupart des régions concernées - sauf dans les régions d'émigration masculine massive. L'engagement au niveau local est favorisé par l'amélioration des conditions sociales, qui sont à leur tour influencées par un environnement national et international propice. Les membres d'une communauté devraient être encouragés à mettre leurs aptitudes au service de l'élaboration, de la mise en uvre et du suivi des programmes. Les stratégies de gestion de la terre devraient s'appuyer sur la formation de groupes communautaires d'utilisateurs des ressources, qu'il s'agisse de l'eau ou de systèmes d'irrigation par rotation, à l'image de ce qui se fait dans le sud de l'Asie. Parallèlement, les chercheurs en agronomie devraient tenter d'établir des passerelles entre le patrimoine de savoir-faire des ruraux et leurs propres investigations. Les problèmes pourraient ensuite être identifiés, débattus et hiérarchisés avec, comme objectif, l'adoption de stratégies et de mesures répondant de façon spécifique aux besoins du lieu.
La révolution verte a apporté une contribution fondamentale à la sécurité alimentaire de la planète. Cependant, certains problèmes de «seconde génération» liés à la technologie de l'agriculture intensive doivent être pris en considération. A cette fin, diverses propositions techniques peuvent être envisagées, qui ne sont pas nécessairement coûteuses ni sophistiquées. Il est possible de mettre au point des systèmes agraires intégrés en introduisant des produits sylvicoles convenant à des pratiques agroforestières. Les systèmes de mise en défens et de rotation des pâturages permettent de gérer les parcours sur un mode écologique. Une remise en végétation et un matériel de culture bien étudiés sont susceptibles de remettre les sols en état et de planter sans déclencher le processus de désertification, surtout si l'on privilégie les polycultures, plus efficaces que les monocultures pour ce type de traitement du sol. Lorsqu'il est possible de rétablir la couverture végétale de terres dégradées, il faut utiliser un matériel adéquat pour planter des arbres, des arbustes ou des surfaces herbeuses afin d'aider à la conservation des sols et à la gestion des bassins versants, ce qui ne requiert pas nécessairement de gros investissements. Les barrières végétales apportent quelquefois aux problèmes de désertification des solutions supérieures à celles faisant appel aux technologies de pointe. Les digues, les terrasses, les caniveaux et les coupe-vents contribuent à améliorer de façon durable la retenue de la terre et conviennent aux ménages qui n'ont pas accès au crédit, en particulier pour des activités de conservation.
Il convient de se pencher sur les aspects juridiques de l'utilisation des terres, car les comportements varient selon les conditions d'accès à la terre et les régimes fonciers. Les communautés plus confiantes face à l'avenir sont motivées à l'égard de projets structurants à plus long terme. C'est pourquoi, pour promouvoir l'exploitation intégrée des ressources naturelles, il est souhaitable que l'utilisation de la terre soit garantie à moyen terme. Bien que la législation foncière constitue un problème notoirement complexe dans de nombreux pays, l'importance de la préservation de la terre devrait à elle seule, dans de nombreux cas, justifier l'attention prioritaire des autorités nationales.
Un programme intégré de développement des zones arides et de lutte contre la désertification incluant les éléments ci-dessus exige des moyens financiers considérables. Toutefois, l'ampleur des coûts économiques, sociaux et environnementaux de la désertification défie la quantification. Abstraction faite des paramètres non économiques, on a estimé que, sur le long terme, la perte de revenu annuel entraînée par la dégradation des sols représente 250 dollars par hectare de terre irriguée, 38 dollars par hectare de culture pluviale et 7 dollars par hectare de parcours; soit une perte annuelle totale de 42,3 milliards de dollars24. Le maintien de la qualité du sol est de la première importance, non seulement à cause des répercussions directes sur la productivité, mais aussi parce que la dégradation du sol entraîne celle des écosystèmes des zones arides. Même si la perte de fertilité n'est pas irréversible, le coût de la réhabilitation peut être exorbitant. Il faut, par ailleurs, prendre en compte le prix de la non-protection du sol. Pour qu'une société accepte les coûts de la prévention et de la lutte contre la désertification, il faut qu'elle soit pleinement sensibilisée à l'enjeu. Il faut susciter cette sensibilisation tant au sein de la population directement concernée, en créant à son intention des conditions propices à une participation active, que parmi les organismes s'occupant de l'aide au développement. On s'est acheminé dans cette direction en publiant un certain nombre de guides de lecture facile concernant la Convention internationale sur la lutte contre la désertification.
Il faut également mentionner les multiples projets et initiatives des Nations Unies sur le sujet, en particulier les études entreprises par la FAO en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et avec l'Institut international pour l'analyse des systèmes appliqués (IIASA), sur l'appréciation des capacités de charge des terres des pays en développement. Il convient, pour assurer à l'avenir la sécurité alimentaire, de déterminer les seuils critiques de densité démographique et de réduire la vulnérabilité aux aléas climatiques et autres sources de catastrophes. L'évolution de la qualité des sols sur une certaine durée est difficilement contrôlable, ce qui gêne les chercheurs dans leur analyse de l'impact écologique de technologies et de politiques néfastes pour l'environnement. Il est donc souhaitable que les instituts de recherche agronomique établissent un ensemble d'indicateurs de la qualité des sols, afin de garantir l'uniformité et la viabilité, à l'échelle internationale, des méthodes de rassemblement des données. L'utilisation de bases de données telles que le Système mondial d'information et d'alerte rapide pour l'alimentation et l'agriculture (SMIAR) de la FAO devrait permettre de disséminer les données obtenues par la télédétection. Quelques pays, dont l'Ethiopie, ont un système d'alerte rapide pour la sécheresse et la famine.
Enfin, compte tenu du coût souvent très élevé de la remise en état des sols déjà dégradés, les responsables devraient mettre l'accent sur les mesures et sur les dispositions réglementaires destinées à prévenir la dégradation des terres.
LES POLITIQUES DE SERVICES POUR LE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE
Les services de support agricole au développement
Les exploitations agricoles qui pratiquent des cultures commerciales ont besoin de services de support basés sur trois types de relations:
La relation d'amont comprend les services liés aux intrants, comme les semis aériens de graines pour les pâturages, le défrichage, la distribution de chaux et d'engrais, la gestion de la pulvérisation et l'information technique. La relation vers l'aval concerne la production: sélection et conditionnement des produits, réfrigération, transport ou encore informations sur la commercialisation. Parmi les exemples de relation descendante on peut citer les services comptables et juridiques, les conseils en gestion commerciale de l'exploitation ainsi que la planification et la formation.
A mesure que le système agricole se développe, les services de support dont il a besoin deviennent de plus en plus variés et spécialisés. Une production agricole intensive est tributaire d'une gamme considérable de services de support spécialisés, dont un bon nombre peuvent être obtenus contractuellement, au lieu d'être assurés par l'exploitation elle-même. Cela est particulièrement vrai lorsque la technologie mise en uvre par le service se prête aux économies d'échelle - l'ensemencement aérien et la pulvérisation en sont des exemples évidents - ou quand elle s'appuie sur des informations et des compétences complexes, comme la réduction des charges fiscales et le respect de normes juridiques. Des services spécialisés de ce type sont fournis de plus en plus souvent par le secteur privé, alors que les services publics se retirent progressivement ou laissent le terrain tout à fait libre. En fait, les services de support agricole que l'on associe à une agriculture plus développée sont caractérisés par un besoin toujours accru d'informations spécialisées. «L'information est faite de données qui ont à la fois une pertinence et un but. C'est pourquoi la transformation de données en information nécessite un savoir: par définition, le savoir est spécialisé»25. A mesure que l'agriculture devient une entreprise de plus en plus complexe, les notions générales perdent de leur importance. L'information est pertinente et utile lorsqu'elle est adaptée à l'exploitation, et les agriculteurs, confrontés à une masse toujours croissante de données brutes ou semi-traitées, sont disposés à payer pour que ces données soient transformées en informations susceptibles d'améliorer le fonctionnement de leur entreprise agricole.
Lorsque le niveau de développement est faible, les services de support sont rares, peu spécialisés et, en général, assurés par le secteur public. Le rôle joué par l'information peut avoir une application plus générale, mais il n'en est pas moins important. Ainsi, les ventes d'engrais et de pesticides doivent être accompagnées d'une diffusion d'informations impartiales sur les conditions garantissant l'efficacité et la sécurité d'emploi du produit - sécurité pour l'utilisateur, pour l'environnement et pour le consommateur. L'adoption de technologies agricoles plus performantes, capables d'améliorer le rendement agricole et de réduire les prix des produits alimentaires est un facteur clé de la croissance économique. Malgré cela, le développement agricole est entravé par l'absence ou par la médiocre qualité des services fournis; or, il n'est guère aisé, pour le secteur privé, de mettre sur pied des services de support de bonne qualité et fiables là où la productivité et le rendement de l'agriculture sont faibles. Ainsi, tant le développement agricole que celui de l'économie rurale se trouvent freinés. Il est nécessaire d'encourager la recherche, la vulgarisation et la formation en matière de services de support. Il est essentiel, si l'on veut assurer le développement et le bon fonctionnement de marchés compétitifs et la commercialisation des produits des petits exploitants, que soient mises à leur disposition des informations précises et fournies en temps voulu sur la disponibilité et le coût des intrants, les débouchés et les prix à la production.
D'après une étude de la FAO sur l'organisation et la gestion de services agricoles destinés aux petits exploitants en Asie: «...une partie considérable des fermes sont exploitées par de petits agriculteurs qui dépendent, dans une large mesure, des politiques et des services de support de l'Etat. ... Le réseau des services de support et de livraison des intrants est dirigé et administré par divers ministères, commissions et autres organismes, ainsi que par des ONG»26. Les auteurs de l'étude tirent comme conclusion principale que l'obstacle majeur à l'augmentation de la production est constitué par la carence de certains services tels que l'approvisionnement en intrants et l'achat des produits. On a observé une situation semblable dans la plupart des pays de l'Afrique subsaharienne où, bien que les programmes d'ajustement structurel aient favorisé les services de support agricole du secteur privé, il y a eu de nombreux cas de retards dans la livraison des engrais, de prêts accordés et jamais alloués, d'importantes pièces détachées de tracteur non disponibles, de retards dans le paiements des produits achetés et de nombreux problèmes semblables.
On est fondé à s'interroger sur les conditions dans lesquelles sont fournis les services de support agricole par le gouvernement27. En premier lieu, les fonctionnaires ne sont, souvent, pas suffisamment motivés pour donner un service efficace ni, surtout, pour intervenir en temps utile. En deuxième lieu, les incitations à accorder la priorité aux intérêts privés sont souvent fortes et amènent au favoritisme ou, pire encore, à la corruption. Troisièmement, la prestation, de la part de pouvoirs publics, de services qui pourraient être assurés par le secteur privé, risque d'étouffer le développement de ce secteur. Enfin, la fourniture des services par le secteur public présente une tendance intrinsèque à l'inefficacité, du fait qu'elle est suscitée par l'offre et non par la demande. Même lorsque les trois premières contraintes ne jouent pas, on échappe rarement à la dernière, ainsi qu'on a pu le constater abondamment lorsqu'on a entrepris de rendre les services payants. C'est ce qui s'est produit, par exemple, au Royaume-Uni avec la privatisation du Agricultural Development and Advisory Service (ADAS): «lorsqu'il a commencé à facturer ses prestations, l'ADAS a commis l'erreur commerciale classique qui consiste à élaborer un produit et à essayer ensuite de le vendre, au lieu de déterminer d'abord les besoins du marché pour mettre ensuite au point le produit qui répond à ces besoins»28. Il faut noter, cependant, que certains organismes du secteur public fournissent des services très satisfaisants: c'est le cas, cité par Roberts29, de la Bank of Agriculture and Agricultural Cooperatives de Thaïlande.
La question de la prestation de services de support agricole par les pouvoirs publics touche essentiellement à la mise en uvre des politiques et au rôle qui revient au gouvernement dans l'application de ses propres politiques.
Développement des services de support agricole
Services de support publics contre services de support privés. Les raisons économiques qui justifieraient qu'un gouvernement continue d'assurer des services de support agricole, comme la fourniture d'engrais, la commercialisation des produits et le crédit, qui pourraient être fournis par le secteur privé, sont basées sur le fait que, dans beaucoup de pays où la libéralisation est en cours, le secteur privé reste insuffisamment développé dans des zones clé. C'est pourquoi les pouvoirs publics sont, parfois, peu enclins à renoncer à leur présence dans des secteurs à vocation essentiellement commerciale, même lorsque cette présence s'est révélée particulièrement inefficace. Des risques d'ordre tant politique que commercial influent sur la volonté du secteur privé de se lancer dans la bataille; c'est probablement pour cette raison que, dans plusieurs pays d'Afrique, le secteur privé est bien plus actif dans la commercialisation des produits que dans l'approvisionnement en engrais. Ce problème est aggravé par la très faible productivité d'exploitants pratiquant en partie l'agriculture de subsistance, par la faible densité démographique et par la carence des infrastructures.
Dans l'Andhra Pradesh, en Inde, on a choisi d'instituer des centres de services ruraux planifiés, avec une participation mixte, publique et privée, afin d'accroître dans un premier temps la productivité agricole, et ensuite l'étendue des services, pour satisfaire la demande de biens de consommation suscitée par l'augmentation des revenus. Une enquête menée dans l'un de ces centres a montré30 que le secteur privé s'est graduellement élargi pour fournir des services dans les domaines de la santé mais aussi du transport et de la distribution d'engrais, de pesticides et de machines agricoles concurrençant les services assurés par les organismes gouvernementaux. Ce type d'approche peut s'avérer utile pour susciter la demande de services que le secteur privé pourra ensuite reprendre à son compte. Il faut toutefois veiller, afin de laisser ses chances au secteur privé, à ce que dans ses opérations commerciales, le gouvernement n'ait pas le monopole des approvisionnements et qu'il n'accorde aucune subvention déguisée.
Dans les cas où le secteur privé n'est pas représenté ni intéressé, on peut avoir recours à une autre méthode, consistant à mettre sur pied un service privé sous forme de projet bénéficiant, pour les toutes premières années, d'une assistance financière prenant fin lorsque le marché est suffisamment développé. Cette approche comporte des risques, principalement celui de voir l'opération déboucher sur un nouveau monopole d'Etat inefficace: c'est pourquoi la phase de projet doit être attentivement conçue, afin de s'assurer que les méthodes et les principes commerciaux sont appliqués dès le début. Le cas de la Grameen Bank31, au Bangladesh, est un excellent exemple de la réussite d'une telle approche. Lorsque le secteur privé est faible ou absent, il convient, en tout cas, que les gouvernements se posent la question de savoir si, face à des difficultés budgétaires croissantes, ils doivent utiliser les fonds limités dont ils disposent pour soutenir directement l'agriculture, ou s'il vaut mieux développer l'ensemble de l'économie rurale, ce qui aura aussi des retombées bénéfiques sur les agriculteurs. Il peut être tout aussi important d'investir dans les infrastructures institutionnelles des campagnes, que dans les infrastructures matérielles, comme les routes rurales.
L'argumentation en faveur des services de support gouvernementaux dans d'autres domaines - la vulgarisation, mais aussi la recherche et la formation - est basée sur un certain nombre de convictions, à savoir que les avantages de ces services au niveau social dépassent les bénéfices privés et que, de ce fait, les prestations du service privé seront inférieures à l'optimum social; que l'information dans un domaine public représente un bien public, dont les caractères sont la non-concurrence entre les consommateurs et l'admissibilité de tous les prestataires, ce qui implique que son coût ne peut pas être recouvré et par conséquent que le secteur privé ne peut pas fournir la prestation (nous reviendrons en détail sur ce sujet); qu'il est de l'intérêt de tous que certaines informations soient du domaine public; enfin, qu'il n'est pas vraiment juste que les agriculteurs, même les riches mais surtout les pauvres, aient à payer pour des services aussi essentiels pour le développement agricole et pour la sécurité alimentaire nationale.
Quelle que soit la validité de ces arguments, il faut distinguer entre ceux qui paient pour obtenir un service et ceux qui le fournissent; ainsi, bien qu'il existe des arguments économiques pour démontrer que certains services ne pourront qu'être fournis insuffisamment, voire pas du tout par le secteur privé, on ne peut pas soutenir pour autant que le secteur privé ne pourra pas les assurer, tout au moins en partie. La distinction devient de plus en plus évidente à mesure que le rôle traditionnel des organismes gouvernementaux, à la fois conseillers et exécutants en matière de politiques, est remis en question. Dans de nombreux pays, on a tenté de remédier aux carences du secteur public en instaurant des mécanismes et des règles de marché pour la fourniture de biens et de services gouvernementaux, ou en retirant entièrement au secteur public la fourniture de ces services32.
Au Royaume-Uni, par exemple, les services consultatifs agricoles ont été entièrement commercialisés et l'ancien Conseil de la formation agricole a été privatisé; en Nouvelle-Zélande, les activités scientifiques du Ministère de l'agriculture ont été transférées à neuf instituts de recherche de la Couronne tandis que le service de vulgarisation a été vendu à une société du secteur privé; la Chine a créé des sociétés de services agrotechniques et adopté un système de responsabilisation qui lie la rémunération du personnel de vulgarisation à l'efficacité du service fourni33; le Chili a interrompu la fourniture de services de vulgarisation aux exploitations agricoles grandes et moyennes et a introduit deux nouveaux services, à l'intention des petits exploitants, en sous-traitance avec le secteur privé et avec un certain partage de coûts entre le gouvernement et les agriculteurs34; au Mexique, où le gouvernement donne en sous-traitance à des consultants privés les services de vulgarisation, la part payée par les agriculteurs est fonction de leurs moyens financiers35; dans certains pays, les fonctionnaires chargés de la vulgarisation arrondissent leur maigre salaire, soit en faisant payer leurs services même aux paysans les plus pauvres (par exemple, en Sierra Leone), soit en passant avec eux des accords de partage des récoltes (en Equateur), soit, enfin, en se faisant vendeurs ou démarcheurs pour les fournisseurs privés d'intrants (en Asie du Sud-Est, par exemple)36; et l'on voit se diffuser de plus en plus le paiement des services en vue du recouvrement partiel des coûts. L'évaluation du degré de réussite de ces initiatives dépend essentiellement des paramètres choisis pour mesurer les résultats et des critères adoptés pour évaluer le succès. Dans beaucoup de cas, par exemple, les coûts budgétaires ont sans doute été réduits, mais il en a été de même de la dimension du groupe ciblé. Il serait utile d'évaluer les changements survenus dans le système de prestations en termes d'efficacité, de rendement, d'équité et de possibilités d'application, en les comparant avec les objectifs fixés37.
La première décision que doit prendre un gouvernement concerne le financement et l'étendue de la fourniture publique des services de support agricole. Quels sont les grands objectifs assignés aux services de support agricole? Quels sont les services de support que le gouvernement veut financer? Veut-il les financer entièrement, récupérer une partie du coût global ou facturer intégralement certains services? Veut-il, en matière de couverture et de tarifs, opérer une distinction entre les agriculteurs en fonction de leur niveau de revenu? Enfin, le financement gouvernemental sera-t-il versé directement au fournisseur du service, ou, par exemple, distribuera-t-on aux agriculteurs un «bon» leur permettant d'obtenir des services de vulgarisation, jusqu'à concurrence d'une certaine valeur préétablie, auprès de l'opérateur de leur choix? Il est un point important dont il faut tenir compte dans toute analyse concernant le paiement des services: c'est la question de savoir si le Ministère du trésor est disposé à accorder à celui de l'agriculture la possibilité de créer des centres de coût séparés avec une comptabilité autonome; dans le cas contraire, tout revenu dérivant du recouvrement du coût des services fournis serait encaissé par la trésorerie générale et non pas par le Ministère de l'agriculture, qui de ce fait n'aurait donc aucune incitation à participer à un tel plan.
La deuxième décision politique concerne la manière d'assurer la prestation du service en question. Sera-t-il fourni par un ministère, une université ou un institut de recherche, un office public autonome, des opérateurs du secteur privé, des agences internationales, des ONG, ou bien par une combinaison de différents organismes? Faudra-t-il moduler le schéma de prestations pendant la durée de la stratégie? Comment peut-on mettre le secteur privé en condition d'acquérir la compétence et la capacité nécessaires à la prestation de certains services spécifiques, libérant ainsi des ressources du secteur public? Comment les services gouvernementaux préposés devront-ils être organisés et dotés en personnel afin de fournir, en temps opportun, une assistance économique efficace? Quels sont les avantages et les inconvénients des services alternatifs? Quelles conditions doivent être remplies, dans le cadre politique générale de l'environnement, pour une mise en uvre réussie?
Le problème posé par la prestation de ces services ne peut pas être réduit à l'opposition entre le secteur public et le secteur privé; il s'agit plutôt d'attribuer à chacun un rôle approprié dans des circonstances données.
Information: quelques problèmes particuliers. Parmi les aspects de la prestation du service de support agricole, l'information semble poser des problèmes particuliers. On a souvent souligné que, dans le langage de l'économie, l'information est un bien public. En effet, les économistes définissent «bien public pur» celui dont «la consommation ne comporte pas de rivalité» - à savoir que l'utilisation qu'un individu en fait ne réduit pas la quantité dont peut disposer tout autre individu et dont «la fourniture n'entraîne pas d'exclusive» - ce qui signifie que l'on ne peut nier à personne l'accès à ce bien, une fois qu'il est mis en circulation. On peut citer, comme exemples de biens publics, l'air pur et la défense. Les caractéristiques d'un bien public pur font que la quantité de ce bien fournie par le marché sera inférieure à l'optimum social, car son universalité ne permet pas de recouvrer le coût total de la prestation. Il est évident, par exemple, que l'information n'entraîne pas de rivalité en matière d'utilisation; mais elle n'est pas nécessairement non exclusive pour ce qui est de la prestation. Certes, à mesure que l'information véhiculée par un service de support agricole acquiert une forte connotation temporelle et locale, elle devient également un bien privé que le secteur privé est disposé à fournir, ainsi que le démontre la complexité croissante des services de support agricole. Le développement de la technologie de l'information a, dans certaines situations, facilité l'interdiction d'accès des non-payants à l'information (c'est le cas de la télévision par câble) mais, dans d'autres cas, il a permis une diffusion plus facile et meilleur marché (Internet, par exemple).
Le problème, pour les gouvernements, tient donc moins à l'information en tant que bien public, qu'au besoin d'assurer que l'information censée faire partie du domaine public y demeure réellement. Cette question se répercute sur la manière de conduire la recherche comme service de support agricole. La recherche joue un rôle fondamental dans le développement agricole et dans la sécurité alimentaire à long terme, d'où la nécessité, pour les gouvernements, d'avoir une politique et une stratégie à long terme en matière de financement et de mise en uvre de la recherche liée à l'agriculture. S'ils veulent garantir que les résultats de la recherche restent dans le domaine public, les gouvernements doivent prêter une grande attention à toute forme de privatisation ou de commercialisation des institutions et des activités de recherche.
La qualité de la recherche dépend en partie de l'indépendance des chercheurs à l'égard de leur méthodologie scientifique et de leurs options. L'indépendance est aussi garantie de la fiabilité des données dont vont dépendre les résultats de la recherche. On peut même dire que la sauvegarde de l'indépendance de l'organisme qui collecte les données est particulièrement nécessaire lorsqu'il s'agit de données financières, comme celles de la comptabilité des exploitations agricoles. C'est pourquoi nul ne doit s'ingérer dans ces domaines strictement scientifiques, ni le gouvernement, ni des administrations publiques, ni aucune partie dont les intérêts (y compris commerciaux) sont liés aux résultats. Des hommes politiques, par exemple, pourraient être tentés de faire présenter les résultats de la recherche scientifique sous un jour particulier, afin de les utiliser pour soutenir une ligne politique donnée; or, les gouvernements se doivent de garantir que les besoins et priorités de la société soient pris en compte dans tout programme de recherche subventionné par l'Etat.
Cela ne signifie pas pour autant que les instituts de recherche agronomique doivent dépendre entièrement du Ministère de l'agriculture pour le financement et la planification de leur activité, ni que le secteur privé et les autres organismes n'aient pas un rôle à jouer. Il incombe toutefois au gouvernement de s'assurer que la recherche nécessaire à la préparation, la mise en uvre et l'évaluation des politiques soit réellement effectuée et que les informations ainsi obtenues qui servent l'intérêt public soient accessibles à ceux qui peuvent en bénéficier. Au lieu d'assumer l'entière charge financière des organismes de recherche, l'Etat pourrait, entre autres, accorder le financement de base nécessaire à la continuité d'un institut donné, ainsi qu'une somme forfaitaire annuelle en compensation de consultations en matière de politiques ou pour certains travaux réguliers, comme la préparation de rapports annuels. Des projets de recherche à court et à long termes pourraient être exécutés sur une base contractuelle, le gouvernement prévoyant, dans certains cas, un cofinancement. Les ressources des organismes de recherche peuvent être complétées par l'apport d'autres institutions, telles les universités; à ce propos, le Service international de la recherche agronomique nationale (SIRAN) met actuellement au point un projet pour renforcer le rôle des universités dans les réseaux nationaux de recherche agronomique38. Les institutions internationales appartenant au réseau du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI) ont également un rôle à jouer. On peut aussi prévoir que des organisations du secteur privé effectuent certains types de recherche.
Le transfert d'informations n'est pas un processus unilatéral. Si l'on veut que les fournisseurs des services puissent adapter leur produit aux objectifs et aux nécessités des exploitants, il faut que l'information provienne aussi des agriculteurs, pour atteindre les opérateurs des services, comme les agronomes-conseils et les agents de vulgarisation, et par leur intermédiaire remonte jusqu'aux chercheurs. Le gouvernement a également besoin d'informations, afin que les décisions concernant les services de support soient basées sur une bonne compréhension de la situation au niveau de l'exploitation. En effet, les choix de politique agricole sont ou devraient être un processus dynamique, et, quelle que soit la combinaison d'organismes publics et privés que l'on a adoptée pour exécuter une politique, le flux de ces informations doit être sauvegardé.
L'idéal serait que les gouvernements conçoivent le système de l'information agricole dans son ensemble, en formulant une politique bien définie et à long terme qui serait réalisée par une stratégie à moyen terme pour la fourniture de tous les services de support liés à l'agriculture, y compris la recherche de base et évolutive, les services consultatifs techniques (agriculture et environnement), économiques (prix et commercialisation), ceux liés à la gestion commerciale de l'exploitation, à l'éducation et à la formation touchant à l'agriculture, sans oublier un type de formation qui facilite les prestations des services de support fournis par le secteur privé.
L'échelonnement des changements dans la prestation des services de support agricole. Outre la question touchant aux rôles plus appropriés aux secteurs public et privé dans des circonstances données, se pose le problème de la manière dont doivent s'opérer les changements profonds de ces rôles. Il est aujourd'hui pleinement reconnu que l'ordre des changements qui interviennent lorsque le secteur public cesse de fournir un service ou le commercialise est un facteur déterminant et que cet agencement doit être soutenu par l'action des organismes donateurs et des ONG. Il est, par exemple, préjudiciable à l'implantation des fournisseurs d'engrais du secteur privé que les donateurs livrent des engrais au titre de l'aide aux offices gouvernementaux de commercialisation et que ceux-ci les cèdent aux agriculteurs à un prix inférieur au prix coûtant.
Bien que l'on ait particulièrement insisté sur l'ordre séquentiel des opérations, à propos des pays qui affrontent des programmes d'ajustement structurel, ce problème concerne directement les pays qui passent d'une économie à planification centralisée à une économie de marché. Ce processus de transition comporte des changements dans la manière de fournir les services de support. Les grandes fermes d'Etat ou exploitations collectivisées, par exemple, étaient en mesure d'employer des techniciens-conseils en matière de cultures et d'élevage, alors que les petites exploitations familiales ne peuvent pas se le permettre. Une fois réalisée la transformation structurelle de l'agriculture, l'étape suivante des réformes porte sur les conseils techniques à donner aux nouveaux exploitants sur petite échelle. La phase de transition peut aussi exiger des services entièrement nouveaux destinés à faciliter le développement des marchés, tels les conseils en gestion commerciale des exploitations ou sur l'établissement des prix de marché, ou encore sur l'emplacement des cultures. Dans ce genre de cas, il n'y a pas de demande préexistante, puisque le besoin pour de tels services n'existait pas antérieurement. Les nouveaux services de support ne peuvent donc être introduits qu'après la libéralisation des marchés porteurs. Lorsqu'on établit l'ordre séquentiel des réformes du secteur agricole, il faut planifier ces deux types de services de support et en organiser la prestation.
Un bon exemple d'ordre séquentiel des réformes est fourni par l'établissement du système d'information sur les marchés en Albanie. Par suite de problèmes budgétaires aigus, le gouvernement de ce pays a dû renoncer rapidement à la gestion publique, en particulier dans le secteur agricole, alors que l'économie de marché en était encore à ses débuts. L'agriculture a néanmoins été privatisée et la commercialisation de ses produits libéralisée; de ce fait, il a été possible d'adopter une série de mesures de soutien au développement du marché, sans trop grever le budget de l'Etat:
Ce qui faisait défaut en Albanie, c'était un service public relevant les prix agricoles de détail pratiqués sur les marchés du pays. D'où la création d'un service d'information sur les marchés, destiné principalement au système agricole, en particulier aux exploitants, afin de permettre aux opérateurs de prendre des décisions en matière de production, de distribution et de commercialisation des produits. Un service d'information commerciale peut assurer d'autres fonctions concernant:
les mouvements des prix signalant des possibilités de profit, fournissant par là aux agriculteurs des indications en matière de production;
La collecte et la diffusion des données sont réalisées en temps utile et tout le système a été conçu en fonction des besoins des utilisateurs. Les réactions ont été positives et de nouveaux utilisateurs, aux exigences spécifiques, commencent à s'adresser à l'office de commercialisation du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation. De plus en plus, le secteur agricole cherche de façon concrète à utiliser l'information sur les prix du marché, ce qui constitue la base de l'économie agricole de marché40.
L'ordre séquentiel des changements concerne aussi les pays développés. On a déjà cité la privatisation des services de consultation au Royaume-Uni. Ce processus, attentivement planifié et échelonné, s'est déroulé sur plus de 10 ans et sa progression a été évaluée à plusieurs reprises. Certains des enseignements tirés de la phase initiale d'imputation des frais ont une application de plus en plus large, à mesure que d'autres pays tentent, à des degrés divers, de s'aligner sur ce modèle. Dans la phase initiale, l'objectif des coûts était visé par le biais des objectifs de recettes:
Pensant seulement à atteindre l'objectif des rentrées financières, le personnel avait tendance, au début, à rechercher et à accepter n'importe quel travail, même le plus insignifiant. De ce fait, le service s'est constitué rapidement une large base de clients, chacun d'eux payant un faible tarif pour des prestations qui revenaient cher au service. D'autre part, la longue tradition du travail de vulgarisation et le désir d'être utile au paysan ou à l'exploitant amenait le personnel à ne pas prêter assez d'attention au rapport entre le temps passé à effectuer la prestation et la rémunération fixée, avec, comme résultat, un service pléthorique. [Du fait de ces objectifs liés aux recettes] on ne se souciait pas beaucoup de chiffrer le coût des interventions individuelles, et les systèmes, tels qu'ils avaient été conçus, n'y incitaient guère... Le passage de la notion de recette à celle de recouvrement des coûts a représenté un pas important, suivi d'une révision générale de la manière de planifier les activités du Service consultatif et de développement agricole du Royaume-Uni (ADAS), qui a permis d'étudier attentivement les coûts et d'amener le service à ne plus entreprendre n'importe quel type d'opération41.
En définitive, il appartient à chaque pays de planifier les services en vue de la prestation d'une forme de support répondant de façon spécifique aux besoins de l'agriculture. Pour y parvenir de manière appropriée, il lui faut disposer d'informations sur les services déjà assurés, et savoir s'ils apportent aux agriculteurs ce dont ils ont besoin ou plutôt ce que les fournisseurs veulent leur donner; la capacité des secteurs tant public que privé d'assurer des prestations de façon concrète, rentable et équitable; la volonté et la possibilité, de la part des agriculteurs, de payer pour l'obtention des différents types de service; enfin, les services considérés comme essentiels, que l'Etat doit prendre en charge pour préserver ses intérêts à long terme. Pour obtenir toutes ces informations, dont certaines devront être extraites par l'analyse de masses de données brutes, il faut effectuer un travail mobilisant d'importantes ressources, un travail que les organisations internationales seraient en mesure d'aider.
2 Commission mondiale sur l'environnement et le développement. 1987. Notre avenir à tous. Oxford University Press, Oxford, Royaume-Uni.
3 ONU. 1994. World Urbanization Prospects, 1994. New York.
4 L. Mougeot. 1994. Cities feeding people: an examination of urban agriculture in East Africa. Centre de recherche pour le développement international (CRDI). Ottawa, Canada.
5 I. Wade. 1987. Community food production in cities of the developing nations. Food and Nutrition Bulletin, 9(2).
6 Y. Yeung. 1988. Examples of urban agriculture in Asia. Food and Nutrition Bulletin, 9(2).
7 G.W. Skinner. 1981. Vegetable supply and marketing in Chinese cities. In Plucknett et Beemer, éds. Vegetable farming systems in China. Westview Press, Boulder, Colorado, Etats-Unis.
8 CRDI. 1995. Agriculture technology notes. Ottawa, Canada.
9 P. Gutman. 1987. Urban agriculture: the potential and limitations of an urban self-reliance strategy. Food and Nutrition Bulletin, 9(2).
10 Voir Mougeot, op. cit. note 4, p. 46.
11 J. Smit et A. Ratta. 1995. Urban agriculture: neglected resource for food, jobs and sustainable cities. Urban Agriculture Network, PNUD. (inédit)
12 K. Helmore et A. Ratta. 1995. The surprising yields of urban agriculture. In Choices. PNUD. New York.
13 Gutman, op. cit., note 9, p. 47.
14 Smit et Ratta, op. cit., note 11, p. 48.
15 CRDI, op. cit., note 8, p. 47.
16 E.J. Carter. 1994. L'avenir de la foresterie urbaine dans les pays en développement: un document de réflexion. Département des forêts, FAO. Rome.
17 L'expression «technologie de l'information» recouvre les supports avancés pour l'information et la communication de données électroniques, y compris la télévision par câble et par satellite, la radio numérique et par ondes traditionnelles, le CD-ROM, le téléphone sur bande large, bande étroite, sans fil (par exemple, GSM) et les réseaux d'ordinateurs sur réseau local (LAN) ou étendu (WAN) y compris Internet. Les applications de la TI concernent le logiciel et les données, ainsi que l'information textuelle et audiovisuelle fournie par la technologie.
18 L'efficacité accrue ou l'amélioration de la productivité qui s'obtiennent grâce à la TI découlent de la plus grande disponibilité, qualité et opportunité de l'information jointes à une meilleure communication bilatérale qui permet de réaménager l'ensemble des activités économiques et commerciales et d'augmenter la production avec une utilisation optimale des ressources.
19 Les pays ayant le revenu le plus bas ne disposent, en moyenne, que de trois lignes téléphoniques pour 1 000 habitants, et les pays modérément développés n'arrivent qu'à 45 lignes (données de 1990), contre 442 lignes pour 1 000 habitants dans les pays développés. Par ailleurs, les pannes affectant chacune des lignes des pays les plus pauvres sont cinq fois plus nombreuses que celles signalées dans les pays les plus riches. Voir Banque mondiale. 1994. Infrastructure for development, Table 32. Dans Banque mondiale, World Development Report 1994. Washington.
20 Banque mondiale. 1994. World Development Report 1994. p. 63, Washington.
21 Le terme a été inventé par A. Aubreville dans A. Aubreville. 1949. Climats, forêts et désertification de l'Afrique tropicale. Paris, Société d'Editions Géographiques, Maritimes et Coloniales. Le terme ne fait généralement pas référence au mouvement des masses de sable mobiles, qui existe mais que l'on estime à moins de 10 pour cent du processus total. La limite sud du Sahara, par exemple, connaît des phases d'extension et de régression selon les variations annuelles de la pluviométrie ; des séries de données sur un temps plus long sont nécessaires pour préciser cette tendance.
22 En 1990, une réunion consultative d'experts organisée par l'ONU a convenu qu'il n'y avait pas lieu de différencier la «désertification» de la «dégradation des sols» dans les zones arides car une telle distinction serait source de confusion. Dans cet article, nous avons employé indifféremment les deux termes; l'acception de la CNUED est utilisée comme définition de base.
23 Voir E.P. Stebbing, par exemple, E.P. Stebbing. 1938. The man-made desert in Africa. Journal of the Royal African Society, 36.
24 En fonction des prix de 1990 voir H. Dregne, M. Kassas et B. Rosanov. 1991. A new assessment of the world status of desertification. Desertification Control Bulletin, 20: 6-18. La CNUED (1992) a estimé le coût du programme, à l'échelle du globe, de 1993 à l'an 2000, à un total de 8,730 milliards de dollars par an (compte non tenu des programmes de développement nationaux auxquels il devrait, en fait, être intégré).
25 P.F. Drucker. 1990. The new realities. Mandarin, Londres.
26 A. Salehuddin et R. Shafiqur. 1991. Organization and management of agricultural services for small farmers in Asia. Rome, FAO et Dhaka, Centre de développement rural intégré pour l'Asie et le Pacifique (CIRDAP).
27 R.A.J. Roberts. 1995. Agricultural services: their role in development. Communication présentée à la Conférence de la Agricultural Economics Society, Université de Cambridge, Royaume-Uni, mars 1995.
28 R.J. Dancey. 1993. The evolution of agricultural extension in England and Wales. Journal of Agricultural Economics, 44(3), 375-393.
29 Roberts, op. cit. note 27.
30 S. Wanmali. 1993. Service provision and rural development in India: a study of Miryalguda Taluka. Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), Rapport de recherche No. 37. IFPRI, Washington.
31 Cette banque a été créée en 1976, en tant que projet d'action et de recherche, pour fournir des crédits aux paysans pauvres. C'est aujourd'hui une institution financière à charte gouvernementale, axée sur les groupes les plus pauvres de la société et qui jouit d'un excellent taux de recouvrement des prêts. Le caractère particulier de son approche et de sa philosophie, ainsi qu'une évaluation des 10 premières années de son activité, sont traitées dans M. Hossain. 1988. Credit for alleviation of rural poverty: the Grameen Bank in Bangladesh. IFPRI, Rapport de recherche No. 65. IFPRI en collaboration avec le Bangladesh Institute of Development Studies; P.S. Jain. 1996. Managing credit for the rural poor: lessons from the Grameen Bank. World Development, 24(1): 79-89.
32 F. Sandiford et G.E. Rossmiller. 1996. Many a slip: studying policy delivery systems. Communication présentée à la Conférence de l'Agricultural Economics Society, Université de Newcastle-upon-Tyne, Royaume-Uni, du 27 au 30 mars 1996.
33 D.L. Umali et L. Schwartz. 1994. Public and private agricultural extension: beyond traditional frontiers. Document de discussion No. 236 de la Banque mondiale. Banque mondiale, Washington.
34 Ibid.
35 Ibid.
36 Ibid.
37 On trouvera un schéma approprié d'évaluation des systèmes de prestations dans Sandiford et Rossmiller, op. cit. note 32.
38 SIRAN. 1995. A framework to strengthen the role of universities in national agricultural research systems. Document d'information du SIRAN No. 24, SIRAN, La Haye.
39 C. Grace. 1996. The Establishment of the Albanian market information service. Communication préparée pour le Network for Agricultural Policy Research and Development Meeting, parrainé par la FAO, Bucarest, 25-28 avril 1996.
40 On trouve une approche intéressante relative à l'information sur le marché destinée à des paysans illettrés ou semi-illettrés dans des pays soumis à une forte inflation, ou relevant de la série de réformes liées aux programmes d'ajustement structurel, dans l'étude, par F. Braudel, des paramètres du pouvoir d'achat d'un petit exploitant. Voir le résumé de cette étude fourni par le World Bank Social Dimensions of Adjustement Newsletter, 1(2), été 1991.
41 Dancey, op. cit. note 28, p. 87.