En 1995, les pays en développement de la région Asie-Pacifique ont de nouveau affiché un taux de croissance nettement supérieur à celui de toutes les autres régions, en léger retrait par rapport à 1994: 7,9 pour cent contre 8,2. En République populaire de Chine, le taux de croissance, bien qu'en légère baisse, est resté élevé: 10,2 pour cent; en Inde, il a un peu diminué pour s'établir à 6,2 pour cent. Les pays nouvellement industrialisés - Hong-kong, République de Corée, Singapour et province chinoise de Taïwan, ont continué à restructurer leur économie et à améliorer leurs techniques industrielles pour faire face à la hausse du coût de la main-d'oeuvre; globalement, ils ont réalisé en 1995 un taux de croissance un peu supérieur à celui de 1994. Dans tous les pays d'Asie du Sud-Est, la croissance de la production s'est accélérée; le taux sous-régional est passé de 7,8 pour cent en 1994 à 7,9 pour cent en 1995, essentiellement grâce à la vigueur de l'activité économique en Malaisie, au Viet Nam et en Thaïlande. En Asie du Sud, le taux de croissance est resté stable, un ralentissement au Bangladesh, en Inde et à Sri Lanka ayant été compensé par une accélération au Pakistan. A l'échelle régionale, le taux de croissance restera élevé, mais un peu moins qu'en 1994: il sera de 7,1 pour cent en 1996 et de 7,3 pour cent en 199720.
Dans les pays en développement d'Asie les exportations sont en expansion rapide depuis le milieu des années 70. Les taux de croissance des exportations et des revenus y sont régulièrement supérieurs aux moyennes mondiales et aux taux des autres pays en développement. Leur part des exportations mondiales a presque triplé. Depuis 1979, les échanges intra-asiatiques, à l'exclusion du commerce avec le Japon, ont été multipliés par un peu plus de huit et leur part des exportations des pays d'Asie en développement est passée de 21 pour cent à plus de 35 pour cent. Si l'on inclut le Japon, près de la moitié des exportations de l'Asie sont intrarégionales.
L'intégration croissante des marchés et la libéralisation des échanges facilitent les transferts de technologie, la spécialisation basée sur les avantages comparatifs et une meilleure gestion des ressources, auxquelles peuvent être affectés des prix plus réalistes. La libéralisation du régime des investissements étrangers a favorisé un accroissement considérable des afflux de capitaux, particulièrement en Asie de l'Est. S'ajoutant aux investissements intérieurs, ces efforts de libéralisation et les investissements étrangers qu'ils ont suscités ont continué à alimenter une forte croissance tirée par les exportations. L'essor du commerce, en particulier entre pays d'Asie, se poursuivra probablement et restera le moteur de la croissance dans la région.
Depuis 15 ans, l'économie de la Chine est prospère, le taux moyen de croissance du PIB est de 9,4 pour cent et l'incidence du paupérisme diminue. L'économie s'est ouverte et a attiré beaucoup d'investissements étrangers directs. La part des exportations des marchandises dans le PIB a rapidement augmenté. La décélération de la croissance, amorcée en 1994, a continué en 1995 et se poursuivra probablement au cours des deux prochaines années. Les investissements sont restés considérables (39,5 pour cent du PIB en 1995), les exportations de marchandises ont augmenté de 23 pour cent et le taux d'inflation, malgré un net ralentissement, est encore de 14,8 pour cent, ce qui est plus que dans les autres grandes puissances économiques de la région. La réforme du secteur des entreprises d'Etat reste un objectif hautement prioritaire.
En Inde, la libéralisation de l'économie est beaucoup plus récente et les résultats sont beaucoup plus modestes. Toutefois, en 1995, la croissance s'est poursuivie au taux appréciable de 6,2 pour cent grâce aux conditions météorologiques favorables qui ont permis un accroissement de la production agricole. Les investissements, stimulés par des anticipations optimistes et par la poursuite du programme de libéralisation, ont atteint 24 pour cent du PIB et l'assainissement des finances publiques s'est poursuivi. La croissance des exportations, principalement imputable aux produits tirés de l'agriculture, aux textiles, aux vêtements et aux articles électroniques, est restée dynamique - 21 pour cent - tandis que la libéralisation économique a suscité un accroissement des importations de biens d'équipement.
Dans les pays nouvellement industrialisés, la croissance a été un peu plus forte en 1995 qu'en 1994, mais elle ralentira probablement en 1996 et 1997. A Hong-kong, grâce au volume considérable des exportations et aux investissements massifs de l'Etat dans les infrastructures, le taux de croissance économique a atteint 4,6 pour cent en 1995 et devrait se maintenir à peu près au même niveau en 1996 et 1997. En République de Corée, le bond économique de 1994 s'est poursuivi en 1995 et la croissance, tirée par le secteur industriel, a atteint 9,2 pour cent. La production agricole a augmenté de 6,1 pour cent. A Singapour, le taux de croissance, qui avait dépassé 10 pour cent en 1993 et 1994, est tombé à 8,9 pour cent en 1995.
Les pays d'Asie du Sud-Est ont des problèmes macroécono-miques semblables et connaissent tous une croissance rapide et des taux d'investissement élevés tandis que le niveau de vie et les degrés du développement sont plus contrastés. En Indonésie, le taux de croissance économique, en légère augmentation, a atteint 7,6 pour cent en 1995, grâce à l'expansion rapide de l'industrie et des services et à la forte augmentation des investissements privés (les investissements étrangers directs sont restés considérables). Les exportations indonésiennes se sont beaucoup diversifiées ces dernières années et la part des articles manufacturés dans les exportations totales est passée de 14,8 pour cent en 1980 à 78,3 pour cent en 1995, tandis que la part des produits agricoles et celle du pétrole et du gaz diminuaient. En Malaisie, le taux de croissance économique a atteint 9,3 pour cent grâce à une amélioration des résultats de l'agriculture et à une croissance dynamique de l'industrie. Aux Philippines, où la reprise amorcée en 1992 s'est poursuivie, le taux de croissance a été de 4,8 pour cent en 1995; la stabilité politique, une gestion macroéconomique prudente, la suppression de certains goulets d'étranglement dans les infrastructures (notamment en ce qui concerne l'électricité) et les réformes structurelles ont contribué à restaurer la confiance du secteur privé et à relancer les investissements. En Thaïlande, le taux de croissance, en légère baisse, a néanmoins atteint 8,6 pour cent en 1995. Au Viet Nam, la croissance du PIB tirée par l'industrie, a atteint 9,5 pour cent, contre 8,8 pour cent en 1994.
Dans les pays d'Asie du Sud, où le secteur primaire reste la principale base de l'activité économique et des exportations, la croissance des revenus par habitant est relativement moins rapide. Au Bangladesh, malgré la stagnation de l'agriculture, le taux de croissance global de l'économie a atteint 4,1 pour cent en 1995 grâce à la forte expansion du secteur industriel et l'on s'attend à ce que l'essor des petites entreprises privées reste le principal moteur de la croissance. Au Pakistan, le taux de croissance du PIB réel a plafonné à 4,7 pour cent, notamment du fait de la mauvaise récolte de coton. A Sri Lanka, la croissance du PIB s'est maintenue en 1995 au taux de 5,6 pour cent, mais la réforme générale des politiques agricoles et industrielles devrait continuer à améliorer les perspectives des exportations et à favoriser l'expansion du secteur industriel et des services d'appui. Le principal point d'interrogation en Asie du Sud est de savoir si les succès récents de la stabilisation macroéconomique et de la réforme structurelle pourront être maintenus et consolidés, et si les pays continueront à libéraliser leur économie et à améliorer leurs infrastructures de transport.
L'agriculture: résultats et problèmes
En Chine, la production agricole, qui avait diminué en 1994, a recommencé à augmenter; son taux de croissance a atteint 4 pour cent en 1995 et devrait monter à 4,5 pour cent en 1996, principalement grâce au renforcement des aides publiques. Malgré tout, les prix des céréales ont continué d'augmenter pendant le premier semestre de 1995. Les tickets de céréales ont reparu dans certaines villes grandes et moyennes, pour garantir aux groupes à bas revenus l'accès aux vivres. D'une façon générale, le secteur agricole a besoin d'être dynamisé, non seulement pour satisfaire les besoins alimentaires en augmentation constante, mais aussi pour réduire l'écart croissant entre les revenus ruraux et les revenus urbains. Le neuvième Plan quinquennal fait une fois de plus une place importante à la conservation des terres agricoles, à l'accroissement des investissements dans l'agriculture et à l'utilisation accrue de techniques modernes pour accroître les rendements.
En Inde, s'écartant de la tendance récente, le gouvernement a relevé les prix de soutien pour 1994/95 de 3 à 4 pour cent pour le blé et l'orge et de 8 à 10 pour cent pour les autres céréales. Comme les stocks avaient atteint des niveaux records, il a fallu promouvoir les exportations. C'est pourquoi le gouvernement a pris de nouvelles mesures pour stimuler les exportations de céréales: le prix minimum d'exportation du blé dur a été supprimé, un contingent d'exportation de 500 000 tonnes de blé ordinaire a été fixé pour 1994/95 et le contingent a été porté à 2,5 millions de tonnes pour 1995/96. Les exportations de riz sont restées libres depuis la fin de 1994, tandis que pour le maïs, le sorgho et le mil, les contingents d'exportation ont été fixés à 50 000 tonnes, à peu près comme l'année précédente. Les effets de la politique tendant à promouvoir les exportations de produits agricoles à forte valeur ajoutée et prix élevés pour transférer les dividendes de la libéralisation aux zones rurales continuent à se faire sentir: les exportations de fruits et légumes frais, viande et préparations à base de viande, fruits transformés et jus de fruits, autres préparations alimentaires et produits de la floriculture ont augmenté.
En Indonésie, où les résultats avaient été médiocres en 1994, à cause des inondations et de la sécheresse, la production agricole a augmenté de 2,5 pour cent. Les droits de douane ont été réduits ou supprimés sur le maïs, le sorgho et l'orge. La riziculture a bénéficié d'une hausse du prix de soutien du paddy et de l'introduction de variétés résistantes à la sécheresse et le gouvernement a annoncé un programme d'investissements de 900 millions de dollars EU pour améliorer l'irrigation sur plus d'un million d'hectares de rizières. De façon à accroître les achats de riz de l'Etat, les prix ont été relevés, les normes de qualité ont été assouplies et la subvention du transport a été augmentée.
En Malaisie, la performance du secteur agricole s'est améliorée en 1995, essentiellement grâce aux secteurs du palmier à huile, de la sylviculture et de l'élevage (principalement aviculture) ainsi qu'à la hausse des prix à l'exportation. La superficie des vergers a continué à progresser de façon spectaculaire. Le prix de la farine de blé est resté gelé en 1994/95 pour la quatrième année consécutive. Comme 1995 était la dernière année du sixième Plan quinquennal, d'importantes modifications des politiques seront introduites à partir de 1996, dans le cadre du septième Plan.
Aux Philippines, la production agricole a souffert de conditions météorologiques défavorables et pour l'exercice 1996, les résultats de l'agriculture refléteront probablement des effets des cyclones du dernier trimestre de 1995. Les importations de produits agricoles devraient augmenter rapidement car la population croît de 2,4 pour cent par an, les ressources en terres cultivables sont limitées et la croissance économique et la libéralisation des échanges devraient se poursuivre. Les prix intérieurs du riz, du maïs et du sucre ont atteint en 1995 presque le double des cours mondiaux, ce qui a obligé le gouvernement à augmenter les importations de ces produits sensibles. Il pourra y avoir d'importants changements en 1996 car une bonne partie des produits agricoles des Philippines (autres que le riz) qui étaient autrefois protégés, seront maintenant exposés aux forces du marché du fait de l'application des engagements consécutifs au Cycle d'Uruguay.
En Thaïlande, la croissance du secteur agricole a été d'environ 3 pour cent en 1995; elle devrait se poursuivre à peu près au même rythme en 1996. Les revenus agricoles augmentent grâce à l'effet conjugué du cours soutenu des produits primaires et de l'accroissement de la productivité; en outre, la consommation dans les zones urbaines est stimulée par la poursuite de l'essor du secteur manufacturier. Les contingents d'importation de maïs et de riz ont été augmentés et la subvention à la commercialisation des exportations de riz a été relevée. En 1995, le champ d'application du programme de subventions des semences a été élargi pour stimuler l'utilisation de semences de riz hybride à haut rendement. Le gouvernement a aussi approuvé la proposition de créer pour la première fois dans le pays un marché à terme des produits de base.
Au Viet Nam, le taux de croissance de l'agriculture, inférieur à celui de l'industrie, a néanmoins atteint 3,5 pour cent. L'expansion future sera probablement tirée par les cultures industrielles qui continuent à bénéficier d'incitations à l'exportation. Le nouveau régime d'impôts, basé sur l'utilisation des terres agricoles et la reconnaissance des droits de transfert des terres, devrait inciter à une utilisation plus rationnelle des terres agricoles.
Au Bangladesh, les mauvaises conditions météorologiques ont réduit la production agricole, qui représente plus du tiers de la production totale. En 1994/95, les prix minimums de soutien du paddy et du blé ont été gelés. Comme les engrais ont manqué dans la campagne de saison sèche (boro) alors que la récolte principale (aman) de riz avait déjà été décevante, le taux de croissance de l'agriculture, qui déjà les années précédentes ne dépassait pas 1,8 pour cent, est tombé à 0,2 pour cent en 1995. La diminution de la production végétale a été en grande partie compensée par la croissance dynamique des autres productions du secteur agricole, particulièrement des pêches et de l'élevage.
Au Népal, le gouvernement a adopté en 1995 un plan prospectif pour l'agriculture qui prévoit d'importants investissements dans l'irrigation, l'utilisation des engrais et l'infrastructure rurale.
Au Pakistan, où la récolte de coton a été mauvaise pour la troisième année de suite, la croissance du PIB est restée faible, ce qui pourrait compromettre la stabilité budgétaire.
A Sri Lanka, les achats publics de paddy avaient été minimes ces dernières années car les prix du marché dépassaient généralement le prix de soutien; toutefois, en 1994, la récolte de paddy a atteint un niveau record tandis que la demande de riz diminuait de sorte que l'Office du riz a acheté environ 10 pour cent de la production et un droit de douane saisonnier a été institué. L'interdiction d'importer de la farine de blé a été levée au début de 1995. Les prix du thé, du caoutchouc et de la noix de coco ne devraient pas augmenter sensiblement au cours des deux prochaines années, ce qui aura un effet négatif sur le secteur agricole sri-lankais.
Problèmes et perspectives du secteur agricole dans la région
La croissance économique rapide qui a caractérisé une bonne partie de l'Asie de l'Est a coûté cher sur le plan de l'environnement. Dans les zones urbaines, la pollution et les encombrements sont de règle. La déforestation et la désertification, l'épuisement et la contamination des eaux souterraines, la salinisation des sols dans les zones irriguées, la perte de diversité biologique et l'érosion ne sont que quelques-uns des problèmes qui menacent la productivité de l'agriculture asiatique. On ne sait pas encore très bien dans quelle mesure tous ces problèmes sont un corollaire nécessaire du développement et la plupart des pays remettent plus ou moins consciemment la décision d'intervenir pour protéger ou améliorer l'environnement jusqu'à ce qu'un certain niveau de développement - non précisé - ait été atteint. Dans le souci d'accroître les revenus, on tend à oublier qu'il est plus facile et moins onéreux de protéger l'environnement que de le restaurer.
En Asie, le paupérisme massif et la complexité des interactions entre pauvreté et environnement font qu'il est difficile de prévoir les effets de la croissance des revenus sur l'environnement. L'augmentation des revenus devrait donner une certaine marge pour investir davantage dans la protection de l'environnement, mais elle provoquera sans doute aussi un accroissement de la consommation et du gaspillage des ressources naturelles.
Les ressources naturelles de l'Asie font vivre plus de la moitié de la population du monde; la majorité des pauvres de cette région dépendent de l'environnement rural pour leur survie et une grande partie de la diversité biologique de la planète se trouve en Asie. Six pays de la région Asie-Pacifique, l'Australie, la République populaire de Chine, l'Inde, l'Indonésie, la Malaisie et le Myanmar, ont été classés comme pays à «mégadiversité» par les parties à la Convention sur la diversité biologique en raison de leur extrême richesse en espèces animales et végétales. Malgré la chute des taux de fécondité et le recul du paupérisme, les pays en développement d'Asie ajouteront, entre 1990 et 2010, près d'un milliard de nouvelles bouches à nourrir à une population qui représente déjà un lourd fardeau pour la capacité de charge des terres. Même en 2010, plus de la moitié de la population active de ces pays travaillera encore dans l'agriculture, ce qui implique une intensification encore plus poussée de l'utilisation des terres et des eaux et un accroissement de la consommation d'engrais et de pesticides.
L'Asie est déjà la région du monde où les disponibilités d'eau douce par habitant sont les plus faibles et la pénurie ne fera que s'aggraver. Dans beaucoup de zones, les sols sont déjà très dégradés. L'augmentation de la demande intérieure et extérieure de produits agricoles asiatiques aggravera encore les pressions que subit l'environnement.
On craint en particulier qu'en Chine, la demande de céréales vivrières et fourragères n'augmente rapidement alors que le potentiel agricole s'amenuise ou se dégrade et que les possibilités d'accroître les rendements sont incertaines. Etant donné l'immensité de la population de la Chine, certains craignent que sa demande d'importations céréalières ne fasse exploser les marchés mondiaux21. Toutefois ces craintes sont généralement fondées sur la conviction que la réforme des politiques et les mécanismes de marché ne permettront pas d'accroître la production autant qu'il le faudrait. Selon des études plus approfondies, les marchés céréaliers mondiaux et la production chinoise ne seraient pas menacés22.
Depuis une vingtaine d'années, à mesure que l'interdépendance économique et environnementale des pays en développement de la région Asie-Pacifique s'accentue, la coopération régionale et sous-régionale s'intensifie également. Ses principales manifestations sont le Forum de coopération économique pour l'Asie et le Pacifique, l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE), l'Association sud-asiatique de coopération régionale (ASACR), le Forum du Pacifique Sud et la Commission du Pacifique Sud. Les accords de coopération sous-régionale en Asie concernent notamment le triangle de croissance de la Chine méridionale, le triangle de croissance Singapour-Hohor-Riau, le développement du bassin du Tumen, le triangle de croissance Indonésie-Malaisie-Thaïlande, la zone de croissance de Brunei-Indonésie-Malaisie et Philippines dans l'est de la région de l'ANASE et la sous-région du grand Mékong. Ces programmes de coopération visent à promouvoir les échanges et les investissements intra-régionaux ainsi qu'une rationalisation de l'utilisation des ressources qui aura des effets bénéfiques sur l'environnement. Ils constituent aussi des tribunes pour examiner et programmer les initiatives de coopération visant à assurer la durabilité de l'agriculture et de l'utilisation des ressources naturelles.
La plupart des grandes initiatives de coopération sont orientées sur la libéralisation des échanges. Par exemple, le Forum de coopération économique pour l'Asie et le Pacifique prévoit la libération des échanges par les pays membres développés d'ici 2010 et par les pays membres en développement d'ici 2020; une zone de libre-échange des pays de l'ANASE est en cours d'établissement et un projet plus récent d'arrangement de commerce préférentiel en Asie du Sud entre les membres de l'ASACR est en préparation. La plupart de ces initiatives comportent une libéralisation graduelle, de sorte que la production des secteurs protégés diminuera probablement peu à peu au profit des branches moins protégées. Un modèle indique qu'aux Philippines la libération des échanges aggravera l'intensité de pollution de la production car elle suscitera une réorientation de la production vers l'exploitation forestière, les industries extractives et l'agriculture et, dans le secteur manufacturier, vers les industries polluantes telles que la transformation des produits alimentaires, des produits pour boissons et des produits du bois23.
Les politiques commerciales peuvent avoir des effets indésirables sur l'environnement, même lorsqu'elles sont appliquées pour protéger l'environnement. Ainsi la déforestation rapide a amené le Cambodge, l'Indonésie, les Philippines, la Thaïlande et le Vanuatu à interdire les exportations de grumes. Or, on a constaté que les restrictions à l'exportation visant à protéger les industries indonésiennes du bois ont incité à réduire le rendement-matière des grumes parce qu'elles ont fait baisser le prix intérieur du bois, de sorte qu'elles accélèrent la dégradation de l'environnement24. Dans ces conditions, la proposition des pays riches importateurs de bois tropicaux de limiter ces importations pour sauver la forêt tropicale pourrait en fait accélérer la déforestation.
Quand des ressources sont considérées comme propriété commune, ou quand les droits de propriété sont mal définis, elles sont en général mal gérées parce qu'on les utilise sans payer un prix réaliste. Dans une bonne partie de l'Asie, même les forêts appartenant à l'Etat et gérées par lui ne sont pas en bon état, tandis que des systèmes fonciers privés, s'appuyant sur les collectivités locales pourraient améliorer la gestion des forêts.
Les droits de propriété restent mal définis dans beaucoup de zones de la région Asie-Pacifique. Le traitement incohérent des occupants sans titres dans les forêts de Thaïlande a accéléré la déforestation dans ce pays et, en raison du commerce, dans les pays voisins. La réforme agraire reste un problème critique pour le développement des Philippines.
Les affrontements au sujet des îles Spratley, le débat sur la dérivation d'eau vers la mer d'Aral et la saisie, en 1995, par les Etats-Unis, de bateaux de pêche japonais dans le Pacifique, montrent bien que le problème des droits de propriété ne se pose pas seulement à l'échelle nationale mais aussi à l'échelle internationale. A mesure que la population s'accroît et que la demande de ressources augmente, il faut s'attendre à ce que les conflits concernant certains droits de propriété provoquent des tensions croissantes.
Les activités internationales en cours dans plusieurs instances de la région Asie-pacifique au sujet des interactions environnementales transfrontières sont très diverses: renforcement des capacités et des institutions, recherche biologique, contrôle des mouvements transfrontières des déchets dangereux, interdiction de la pêche au filet dérivant, initiatives visant à freiner le réchauffement du climat mondial et à protéger la couche d'ozone. Pourtant, étant donné l'urgence de beaucoup de ces problèmes, leur importance pour la sécurité alimentaire régionale et mondiale, et le risque d'escalade des conflits internationaux si on ne les résout pas assez vite, il faudrait intensifier ces efforts.
Au Pakistan, l'environnement politique est depuis longtemps un des principaux déterminants du développement économique et social. Depuis que le Pakistan s'est séparé de l'Inde, en 1947, de longues périodes de loi martiale succèdent à des intermèdes de fragiles coalitions élues. Les conflits extérieurs et intérieurs qui se poursuivent encore aujourd'hui ont coûté très cher aux pays, tant sur le plan financier que sur le plan politique. La gestion des affaires publiques a été conditionnée par de nombreux bouleversements, depuis la crise de 1971, qui a abouti à la sécession du Bangladesh, jusqu'à l'afflux de 3 millions de réfugiés afghans fuyant la guerre avec l'ex-URSS, en passant par la contrebande et le trafic de drogue, les conflits incessants avec l'Inde au sujet du Cachemire et les tensions entre les factions politiques, dont les plus récentes manifestations se sont fait sentir à Karachi, principale ville et unique port du Pakistan, et dans les environs. Ces problèmes contraignent le Pakistan à consacrer plus du quart du budget national à la défense alors qu'il aurait grand besoin d'investir dans les infrastructures publiques et qu'il lui faut procéder à des réformes macroéconomiques pour donner satisfaction à ses créditeurs et s'attaquer aux problèmes sociaux et environnementaux.
Le Pakistan reste un des pays les plus pauvres du monde; la pauvreté est particulièrement flagrante dans les campagnes, où vit plus de 70 pour cent de la population. Le revenu réel par habitant ne dépassait pas 430 dollars EU en 1993 bien qu'il ait augmenté au taux satisfaisant de 3,1 pour cent par an entre 1980 et 1993. Il n'y a pas eu de recensement depuis 1980, mais on estime que la population compte environ 127 millions d'habitants (1995). Le revenu par habitant a augmenté malgré ce taux élevé de croissance démographique, mais cela n'a pas suffi pour empêcher le nombre absolu de pauvres d'augmenter.
Le Pakistan a plus de mal à contenir la croissance démographique que les pays en développement voisins parce que les femmes y jouent un rôle économique limité et n'ont guère accès à l'éducation. Le taux de fécondité, 6,2 pour cent, n'est atteint dans aucun autre pays en développement hors d'Afrique et du Proche-Orient. Le taux d'alphabétisation des femmes est de 20 pour cent à l'échelle nationale, mais il est beaucoup plus faible dans certaines zones rurales. Un tiers des filles sont scolarisées dans le primaire, mais 13 pour cent seulement dans le secondaire. Le Pakistan se classe au 132è rang sur 173 pays pour l'indice du développement humain et les indicateurs de l'éducation et de la santé y sont particulièrement bas. Les infrastructures matérielles sont aussi mauvaises: 20 pour cent seulement de la population bénéficie de l'assainissement (10 pour cent en milieu rural); 80 pour cent a accès à de l'eau propre (45 pour cent en milieu rural) et quelque 10 pour cent seulement des villages ont l'électricité. Pour tous ces indicateurs, le Pakistan est nettement en retard sur d'autres pays d'Asie qui, selon la Banque mondiale, auraient une situation comparable25.
Les problèmes sociaux et l'insécurité alimentaire résultant de la croissance démographique et du sous-développement des services d'éducation et de santé accessibles aux pauvres et aux classes moyennes sont parmi les principaux défis à relever pendant la deuxième moitié des années 90.
Le Pakistan a joui pendant les années 50 et 60 d'un taux de croissance économique élevé grâce à l'afflux d'aide étrangère qui a fait suite à la séparation de l'Inde et à la croissance de l'agriculture stimulée par la révolution verte; en outre, la production initiale était faible tant dans l'industrie que dans l'agriculture. Le taux global de croissance du PIB a ainsi pu atteindre 6,1 pour cent par an pendant les années 60. Pendant les années 70, le gouvernement cherchait à créer des conditions propices au développement industriel pour transformer le Pakistan d'un pays agricole pauvre en un pays industriel moderne en essor rapide. Des ressources considérables étaient ainsi transférées de l'agriculture au secteur industriel naissant qui était considéré comme plus prometteur pour la croissance économique d'ensemble. Pendant cette période, le taux de croissance de la production agricole a été de 3 pour cent par an, celui de la production industrielle de 5 pour cent et celui du PIB de 4,9 pour cent.
Dans un souci d'autosuffisance, le gouvernement cherchait à privilégier les productions remplaçant les importations. La plupart des grandes industries ont été nationalisées; des droits de douane élevés et d'autres obstacles assuraient une protection absolue contre la concurrence étrangère; les flux d'intrants étaient dirigés; les prix étaient contrôlés et les biens de consommation subventionnés; les salaires ont été relevés et les grands projets d'investissement public ont été financés par le déficit budgétaire.
Situation et tendances macroéconomiques
Après le choc pétrolier et la crise mondiale des années 70, la situation macroéconomique s'est détériorée au Pakistan comme dans beaucoup d'autres pays en développement. Au début des années 80, le déficit budgétaire s'établissait à 5 pour cent du PIB, le déficit de la balance courante à 3,5 pour cent et la dette équivalait à 40 pour cent du PIB26. Un plan d'ajustement structurel a été mis au point en accord avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) en 1982 pour corriger ces déséquilibres et orienter l'économie pakistanaise vers l'exportation et le libéralisme. Des progrès ont été réalisés sur plusieurs fronts: libéralisation des échanges et des transferts internationaux, privatisation des banques et de l'industrie, assouplissement du régime des investissements (tant intérieurs qu'étrangers) et renforcement du système financier.
Les donateurs internationaux ont financé toutes sortes de programmes d'aide (voir encadré 11) et les réformes économiques encouragées par les créanciers internationaux ont rallié un consensus politique. La croissance macroéconomique a atteint le taux moyen de 6,3 pour cent par an pendant les années 80, et on a pu espérer que le Pakistan deviendrait un des «tigres» de l'Asie du Sud-Est. Toutefois, les deux principaux moteurs de la croissance n'étaient pas les mêmes que dans ces pays: premièrement, les très nombreux travailleurs pakistanais émigrés, notamment dans les pays du Golfe persique, envoyaient chaque année 2 à 3 milliards de dollars EU; deuxièmement, grâce à des emprunts considérables, les dépenses publiques ont de plus en plus dominé l'économie. Ces deux facteurs ont permis de développer dans une certaine mesure les infrastructures physiques et d'accroître peu à peu les revenus. La croissance a été surtout rapide dans les secteurs des services de viabilité, du bâtiment et des industries extractives.
ENCADRÉ 11 Le Pakistan a bénéficié de beaucoup de programmes d'aide des donateurs multilatéraux. Les principaux objectifs de l'ajustement étaient de faire plus de place aux forces du marché, de développer les infrastructures, prêt d'ajustement structurel du FMI: 1,6 milliard de dollars EU en 1980; La BIRD et l'IDA sont les guichets de prêt de la Banque mondiale. Source: Qureshi, Pakistan Institute of Development Economics, 1995. |
Malgré ces progrès sectoriels, la situation macroéconomique s'est détériorée à la suite du programme de réforme. En 1987, le déficit budgétaire atteignait 8,5 pour cent du PIB - deux fois plus que la moyenne dans les pays d'Asie voisins. La dette intérieure de l'Etat représentait 43 pour cent du PIB, et la dette extérieure à peu près autant. L'épargne représentait environ 13 pour cent du PIB (contre une moyenne mondiale de 23 pour cent) et l'investissement quelque 18 pour cent, la différence étant financée par les emprunts et les investissements étrangers. Les pressions sur la balance extérieure étaient encore aggravées par les besoins d'importation croissants et par l'amenuisement des envois des travailleurs émigrés.
Le Pakistan a eu du mal à s'affranchir du carcan de son lourd appareil de planification et de sa politique industrielle protectionniste. Les conditions économiques essentielles à une croissance durable n'étaient pas encore réalisées. L'existence de goulets d'étranglement dans des secteurs essentiels de l'économie devenait flagrante, de même que la détérioration des conditions sociales. Le secteur manufacturier était dominé par la transformation des produits de base tandis que la croissance de la productivité dans l'agriculture était freinée par le manque d'infrastructures et de recherche. L'industrie et l'agriculture dépendaient l'une et l'autre d'un système complexe de contrôle des intrants et souffraient de l'insuffisance des infrastructures.
La masse monétaire a beaucoup augmenté ces dernières années, ce qui a créé des pressions inflationnistes et réduit la confiance dans la gestion des affaires publiques. Le taux d'inflation a été maintenu à moins de 10 pour cent pendant la plupart des années 80, mais il a ensuite monté pour osciller autour de 16 pour cent et au-delà pendant les années 90. Le cours de la roupie pakistanaise a régulièrement fléchi depuis l'adoption en 1982 d'un régime de flottement contrôlé; la roupie a perdu 52 pour cent de sa valeur entre 1980 et 1992 et a de nouveau été dévaluée en 1993 et 1995 en raison du taux élevé d'inflation.
De nouveaux programmes d'ajustement structurel ont été lancés en 1988 et en février 1994 avec l'appui du FMI et de la Banque mondiale pour accélérer la croissance du PIB, réduire le déficit budgétaire, rendre la roupie pleinement convertible et réduire le déficit de la balance courante. En outre, la Banque mondiale demandait que la déréglementation et la privatisation de l'économie continuent et que les investissements dans les services sociaux et les infrastructures de transport, de communication et d'irrigation ainsi que dans le secteur de l'énergie, soient accrus. De plus, un programme d'action sociale, financé par un apport de 200 millions de dollars EU de la Banque mondiale et un appui bilatéral d'autres donateurs, devrait aider à remédier à certaines des principales carences dans le domaine social et dans celui des ressources humaines. Ce programme est axé sur l'éducation de base, sur la santé primaire et la nutrition, sur la planification démographique et sur l'approvisionnement en eau et l'assainissement en milieu rural.
Aux deux tiers du programme, les grands indicateurs macro-économiques s'étaient visiblement améliorés: en 1994, le déficit budgétaire était tombé à 5,5 pour cent du PIB, les dépenses publiques à 20 pour cent du PIB et le déficit de la balance courante avait été réduit presque de moitié, tombant à 3,6 pour cent du PIB. Les taux d'épargne et d'investissement se sont aussi un peu améliorés. Toutefois les progrès ont été moins rapides qu'on ne l'espérait. Les intérêts et les dépenses militaires coûtent encore très cher; le service de la dette absorbe 34 pour cent des recettes en devises. Le FMI menace d'interrompre son assistance financière tant que de nouvelles réformes n'auront pas été faites, d'où un nouveau sentiment d'urgence: le gouvernement s'efforce donc de réduire le déficit budgétaire en rognant sur ses dépenses, notamment sur les subventions, d'où une hausse récente des prix des denrées alimentaires essentielles et de l'électricité.
Importance du secteur agricole
Le secteur agricole joue un rôle social et économique crucial au Pakistan: c'est encore lui qui fournit le quart de la production économique du pays, 50 pour cent de l'emploi et 13 pour cent des exportations. Il est en outre le seul secteur à employer un nombre notable de femmes: celles-ci constituent 16,5 pour cent de la main-d'uvre agricole salariée. L'agriculture est le principal moteur de l'économie, comme on a pu le constater en 1993 quand de graves inondations et une maladie virale du coton ont fait baisser de 5,3 pour cent la production agricole: le taux de croissance du PIB est alors tombé à 1,9 pour cent cette année-là, contre 7,8 pour cent l'année précédente. Environ 60 pour cent de la production industrielle du Pakistan consistent en produits agricoles transformés et 70 pour cent de ses exportations sont des vêtements et des textiles.
Le Pakistan jouit d'un climat très favorable et d'une excellente base de ressources naturelles pour l'agriculture. Grâce aux étés chauds et aux hivers tempérés, les doubles récoltes sont possibles pour beaucoup de cultures; dans une grande partie du pays, la topographie se prête bien à toutes sortes de cultures. Sur les 31 millions d'hectares propres à l'agriculture, 22 millions sont actuellement cultivés.
La production agricole a augmenté en moyenne d'environ 3,0 pour cent par an entre 1970 et 1995, mais elle varie beaucoup d'une année sur l'autre. Ces fluctuations sont dues à plusieurs facteurs, dont certains, bien qu'ils ne soient pas inévitables, ont eu des effets de plus en plus graves ces dernières années. Il s`agit des inondations, des ravageurs et maladies, de l`incertitude des approvisionnements en intrants et de la dégradation des ressources. Il faut y remédier avec une certaine urgence pour que l'agriculture pakistanaise puisse continuer à nourrir la population et à alimenter l'industrie en matières premières.
L'agriculture pakistanaise est caractérisée par un niveau inégal de développement, qui accentue les fluctuations dues aux caprices du climat et provoque de grands écarts de productivité. L'agriculture du Pakistan n'est pas encore entièrement modernisée. En effet, selon les experts nationaux, environ 25 pour cent des agriculteurs emploient encore des méthodes traditionnelles telles que les charrues à bras ou à traction animale, environ 55 pour cent utilisent un mélange de méthodes modernes et de méthodes traditionnelles et 20 pour cent seulement ont adopté des techniques et un équipement modernes. Le degré de technicité de l'agriculture influe non seulement sur les coûts de production (et donc sur le niveau des prix de soutien) mais aussi sur le choix des cultures, la vulnérabilités aux ravageurs et aux maladies, le rendement de la production animale et végétale et, bien évidemment, les revenus.
Le tableau 4 illustre l'évolution des superficies, de la production et du rendement des principales cultures.
Le Pakistan est presque autosuffisant pour la plupart des produits végétaux et animaux; toutefois, il a besoin d'importer de plus en plus de blé, d'huile alimentaire, de sucre et de thé. Le tableau 5 indique les importations des principaux produits agricoles. La part de l'agriculture dans le PIB baisse régulièrement; elle n'est plus que de 24 pour cent, contre 53 pour cent en 1947. Toutefois, ce secteur conserve une importance macroéconomique cruciale car il alimente le secteur manufacturier en plein essor en matières premières et fournit des recettes d'exportations essentielles.
En dehors du rôle macroéconomique de l'agriculture, certains produits agricoles sont importants pour des raisons sociales et politiques. Le blé - sous forme de pain - est le principal aliment de base des Pakistanais: il fournit près de la moitié de la ration énergétique. Le gouvernement continue à maintenir le bas prix de la farine de blé à coup de subventions, même lorsqu'il doit pour cela importer du blé quand la récolte a été mauvaise. En 1994, la subvention du prix de la farine importée a coûté environ 14,4 millions de dollars EU, soit quelque 40 pour cent de la facture totale de la subvention du blé. En 1995, le Pakistan n'a importé qu'environ 200 000 tonnes de blé, car la récolte avait été bonne, mais il n'est pas moins nécessaire de remédier aux problèmes structurels du secteur céréalier pour éviter que la demande d'importation n'augmente.
TABLEAU 4 | ||||||
Pourcentage moyen annuel d'augmentation de la superficie, de la production et du rendement des principales cultures (1947-1988 et 1990-1994) | ||||||
Superficie |
Production |
Rendement | ||||
1947-1988 |
1990-1994 |
1947-1988 |
1990-1994 |
1947-1988 |
1990-1994 | |
Blé |
1,68 |
0,62 |
2,35 |
1,24 |
4,02 |
0,63 |
Riz |
2,35 |
1,15 |
4,52 |
7,00 |
2,17 |
5,82 |
Canne à sucre |
3,79 |
2,89 |
4,53 |
7,28 |
0,74 |
4,26 |
Coton |
1,94 |
0,61 |
0,14 |
-5,78 |
2,21 |
-6,36 |
TABLEAU 5 | ||
Principales importations de produits agricoles (1993) | ||
Quantité |
Valeur | |
(milliers de tonnes) |
(millions de dollars) | |
Huile alimentaire |
1 131 |
491 |
Blé |
1 408 |
240 |
Thé |
112 |
182 |
Légumes secs |
154 |
44 |
Sucre |
48 |
15 |
La production alimentaire par habitant augmente d'environ 1,2 pour cent par an depuis 1979; les besoins de la population croissante sont à peine satisfaits. Environ 40 pour cent des enfants de moins de cinq ans souffrent encore de malnutrition.
La consommation de matières grasses par habitant augmente et les besoins nutritionnels minimums des adultes sont satisfaits; toutefois la consommation de protéines et la ration énergétique stagnent depuis 1989. La consommation de produits laitiers et de fruits est en général insuffisante; toutefois, les ruraux ont plus facilement accès au lait de bufflonne et aux céréales que les habitants des villes, tandis que ceux-ci consomment davantage de viande. Le lait et le beurre de bufflonne tiennent une place importante dans l'alimentation des Pakistanais, surtout des pauvres ruraux; plus riche en matière grasse que le lait de vache, le lait de bufflonne fournit une part importante de la ration alimentaire.
Les principaux autres produits de l'agriculture sont le bétail et les produits laitiers, le riz, le sucre et le coton. La production végétale prédomine, mais l'élevage fournit 33 pour cent de la production agricole. Les légumes secs, les fruits, les légumes, le poisson et les produits forestiers jouent un rôle mineur.
Les recettes en devises du Pakistan dépendent beaucoup du coton, qui alimente en matières premières la vaste industrie textile. La production de coton a culminé en 1991 à 12,8 millions de balles; mais ces dernières années, elle a souffert des inondations, puis d'une grave maladie virale. La lutte contre les ravageurs pose de graves problèmes au gouvernement, qui n'a pas réussi à distribuer à temps des variétés résistantes et des pesticides. De plus, le coton pakistanais, vendu à bas prix sur les marchés d'exportation, n'est pas de bonne qualité et il est de plus en plus concurrencé par le coton indien, chinois et thaïlandais.
Les industries de transformation du coton souffrent du manque de matières premières. La production a été de 8,6 millions de balles en 1994 et le Pakistan a dû importer un peu de coton brut. La capacité combinée des 1 100 usines d'égrenage et de 1 200 presses est de l'ordre de 12 millions de balles par an. Le prix du coton pakistanais a augmenté, mais les prix internationaux sont encore plus élevés, de sorte que l'industrie n'a pas pu en importer suffisamment: beaucoup d'usines ont dû fermer temporairement tandis que les entreprises cherchaient à négocier des prix plus élevés pour leur production.
Intervention de l'Etat dans le secteur agricole
L'influence de l'Etat et les interventions publiques jouent un grand rôle dans l'agriculture pakistanaise, comme dans les autres secteurs de l'économie. Un ensemble de mesures sectorielles, commerciales et macroéconomiques ont été utilisées pour maintenir un bas niveau des prix à la consommation, stabiliser les prix à la production et soutenir les industries agricoles. Traditionnellement, les prix agricoles étaient fixés à un niveau inférieur aux cours internationaux et protégés par des obstacles au commerce. Depuis 1988, le gouvernement a entrepris un nouvel effort de déréglementation, de privatisation et de promotion des exportations. Les réformes économiques ont consisté principalement à supprimer les contrôles des prix et des quantités ainsi que certaines rigidités résultant de l'intervention de l'Etat dans le transport et la distribution. Les subventions ont été graduellement réduites et réorientées vers les consommateurs aux dépens des producteurs.
L'Etat continue néanmoins à tenir un rôle important dans l'économie, tant par ses interventions directes que parce que le secteur privé n'est pas capable de le remplacer dans certaines fonctions essentielles. En 1994, le gouvernement a financé 33 pour cent des investissements agricoles. Sa part a augmenté depuis le milieu des années 80 parce que le secteur privé n'a pas toujours réussi à prendre la relève. Malgré les réformes récentes, beaucoup de prix restent fixés et les autorités provinciales imposent souvent des contrôles quand elles craignent une pénurie. Le soutien des prix des principaux produits reste un important instrument pour influer sur l'allocation des ressources et le volume de la production.
La Commission des prix agricoles recommande chaque année, avant les semailles, le niveau des prix de soutien des principaux produits agricoles (blé, riz, coton, canne à sucre, pois chiches, graines oléagineuses non traditionnelles, pommes de terres et oignons). L'objectif est de stimuler la production et de protéger les agriculteurs contre les augmentations des coûts de production. Pour déterminer le prix à recommander, la Commission se fonde sur la conjoncture du marché national et international, l'évolution de la productivité, les coûts de production, les possibilités de substitution entre cultures et les objectifs de production fixés par le Ministère de l'agriculture. Pour le prix de soutien du blé, la Commission tient compte en outre de l'effet des variations éventuelles des prix sur les budgets des consommateurs et sur l'indice général des prix.
Les prix de soutien sont censés être des prix minimums garantis, mais peuvent en définitive être la seule option offerte aux agriculteurs à cause des rigidités du marché et du pouvoir prédominant qu'y détient le gouvernement, du fait qu'il fournit les intrants et achète la production du secteur. Par exemple, les agriculteurs, faute d'entrepôts suffisants, doivent souvent vendre leurs produits à l'Etat au moment de la récolte, quand les prix sont bas, plutôt que de les laisser s'abîmer. En moyenne, l'Etat achète chaque année 20 pour cent de la récolte de blé, qu'il revend aux moulins.
En plus des prix de soutien à la production, le gouvernement fixe aussi certains prix à la consommation et les prix des intrants. Les prix à la consommation du blé et de l'huile alimentaire sont subventionnés. En particulier le prix du blé est resté bas par rapport au prix à l'importation et au prix des autres céréales. Mais ce sont principalement les agriculteurs étrangers et les moulins qui en profitent, et non les consommateurs: en effet le prix du blé à la production est déterminé par les décisions du gouvernement concernant les quantités à importer, et il a beaucoup moins augmenté que le prix que touchent les moulins pour la farine.
La subvention des pesticides et des semences a été progressivement supprimée, mais non celle de l'eau, du crédit et de l'électricité; celle des engrais a été rétablie en 1995. L'exploitation et l'entretien des réseaux d'irrigation sont financés par une redevance à l'hectare, mais l'investissement initial n'est pas à la charge des irrigants. Les agriculteurs possédant au moins 5 ha peuvent bénéficier de subventions pour forer des puits profonds. Le crédit est aussi sous la coupe du gouvernement, car celui-ci détermine les allocations de crédit, les taux d'intérêt et les conditions des prêts.
Le niveau général des droits de douane et les obstacles au commerce ont été réduits (le droit de douane maximum a été ramené à 65 pour cent en 1995 et ne sera plus que de 35 pour cent en 1997) mais les prix restent faussés par des mesures commerciales spécifiques visant à garantir les approvisionnements intérieurs. La demande croissante de graines oléagineuses pour l'alimentation humaine a amené à imposer un droit d'importation pour stimuler la production; les sucreries sont aussi protégées par des droits à l'importation. Les importations de blé sont subventionnées tandis que jusqu'à récemment des taxes étaient perçues sur les exportations de riz et de coton pour accroître les recettes budgétaires. Le coton a été frappé en 1994 d'un droit spécial à cause de la chute de la production.
Le problème de la productivité
Les interventions omniprésentes de l'Etat ont freiné le développement du secteur agricole pakistanais. Si la croissance de la production a été rapide et si elle n'a pas été distancée par la demande, c'est parce que les conditions naturelles étaient favorables et parce que l'agriculture pouvait compter sur une nombreuse main-d'uvre travaillant dans de mauvaises conditions sociales et économiques. Quoi qu'il en soit, pour la plupart des cultures, la productivité est loin d'avoir augmenté comme elle aurait pu depuis le début des années 80.
A en juger par l'écart entre les rendements moyens de l'agriculture pakistanaise et ceux qui sont obtenus dans le reste du monde ou par les agriculteurs novateurs du pays-même, la production agricole pourrait beaucoup augmenter. Une étude effectuée sous les auspices conjoints de la FAO et du Ministère pakistanais de l'agriculture a révélé que les rendements moyens du blé augmenteraient de 50 pour cent si les pratiques appliquées par les agriculteurs novateurs étaient généralisées27. Selon une autre étude, la productivité moyenne de l'agriculture pourrait augmenter d'au moins 15 à 20 pour cent moyennant une bonne utilisation des intrants et une amélioration des pratiques agricoles28. Les rendements de la plupart des cultures sont pratiquement stagnants, sauf ceux du riz, (grâce aux variétés nouvelles), et du sucre, (qui est très protégé). Le coton est la seule culture pakistanaise dont le rendement s'approche de la moyenne mondiale.
Les agriculteurs pakistanais ont fait des gros efforts pour accroître la production de façon à nourrir la population croissante du pays. En dehors des politiques de prix et des politiques commerciales qui ont généralement pénalisé l'agriculture, d'autres facteurs limitent sa productivité, à savoir:
Ces problèmes sont à l'origine de la faiblesse relative de l'agriculture pakistanaise et font craindre qu'elle ne réussisse pas à maintenir l'autosuffisance dans le contexte d'une demande croissante. Ils sont passés en revue ci-après. Ils sont la cause de pertes importantes à l'exploitation et après la sortie de l'exploitation, de la faiblesse relative des rendements par rapport aux pays concurrents et du fait que la production ne réagit guère aux réformes et aux variations des prix. On estime qu'environ 35 pour cent de la production est perdue à l'exploitation même à cause de la précarité et du mauvais ciblage dans le temps des approvisionnements en eau, en électricité et en engrais ainsi que de l'absence quasi générale d'entrepôts. Par ailleurs, la mauvaise qualité des routes de desserte accroît de 30 pour cent le coût des produits agricoles, car 18 pour cent seulement des routes pavées sont en bon état.
Comme si ce n'était pas assez, certains de ces problèmes ne font que s'aggraver. L'accroissement de 55 pour cent de la production observé pendant les années 80 a été dû à une augmentation de 13 pour cent des superficies cultivées, de 20 pour cent du volume d'eau disponible à l'entrée des exploitations, de 80 pour cent de la consommation d'engrais et de 260 pour cent du parc de tracteurs. La superficie cultivable et les quantités d'eau disponibles ne pourront guère augmenter et le rendement marginal des apports d'engrais et de la mécanisation semble avoir atteint un maximum; en fait, l'utilisation excessive de ces intrants aggrave peut-être l'érosion et la dégradation des sols qui risquent de freiner sérieusement la production.
Morcellement foncier. Malgré la forte concentration de la propriété foncière au Pakistan, le morcellement des exploitations devient un grave problème. Environ 80 pour cent des exploitations ont moins de 5 ha et 47 pour cent moins de 2 ha. Les partages successifs à l'occasion des successions accroissent le nombre des exploitations, ce qui réduit l'efficience des services et les rend plus difficiles à assurer. En général, les petites exploitations ont plus difficilement accès au crédit, à l'équipement et aux autres intrants qui accroissent la productivité. En outre, elles évitent les risques, diversifient moins la production et jouissent de moins de souplesse pour la commercialisation. Le manque de titres fonciers, le coût élevé des droits de mutation, le manque de crédit pour le remembrement et les restrictions imposées aux subdivisions sont autant de facteurs qui freinent le progrès. Plusieurs timides tentatives de réforme ont été faites depuis 1958 mais il n'y a guère eu de changement réel. Logiquement, les Pakistanais considèrent qu'il est important de posséder de la terre pour assurer leur sécurité alimentaire et pour se prémunir contre les revirements des politiques officielles.
Ressources limitées en eau pour l'irrigation. Le climat pakistanais permettrait une intensité de culture proche de 200 pour cent mais celle-ci ne dépasse pas en moyenne 116 pour cent faute d'un approvisionnement en eau suffisant toute l'année. Les pluies sont très variables et saisonnières de sorte que le Pakistan est tributaire de l'irrigation, avec de l'eau dérivée de l'Indus. Il possède le plus vaste réseau mondial de distribution d'un seul tenant: 36 000 milles (près de 58 000 km) de canaux de dérivation et plus de 1 million de milles (1,6 million de kilomètres) de canaux, conduites et rigoles de distribution, permettant d'irriguer 10,4 millions d'hectares. Soixante-dix-huit pour cent des terres cultivées sont irriguées; le reste sont des terres barani (pluviales). Actuellement, 90 pour cent de la production provient des terres irriguées mais on estime que la superficie de ces dernières ne pourra pas augmenter de plus de 10 pour cent; encore cette augmentation coûtera-t-elle très cher. Même l'irrigation n'empêche pas la saisonnalité: 85 pour cent du débit du réseau est concentré pendant la saison kharif et 15 pour cent seulement a lieu pendant la saison rabi.
Comme l'eau provient du bassin de l'Indus, il est difficile de maîtriser l'approvisionnement et de faire payer l'eau aux irrigants en fonction du volume consommé; en outre les écoulements incontrôlés provoquent des pertes considérables. Les pertes d'eau se produisent dans les canaux de dérivation et de distribution ainsi qu'à l'exploitation. On estime que le rendement est de l'ordre de 35 à 40 pour cent. C'est au moins aussi bien que dans les autres pays, mais la dégradation et le taux inférieur de recyclage réduisent les quantités effectivement disponibles au Pakistan. Les canaux de distribution sont exploités et entretenus par les irrigants; le revêtement est en cours dans le cadre de projets coopératifs auxquels participent les agriculteurs et l'Etat. Environ 25 pour cent du réseau a été revêtu en 20 ans.
L'approvisionnement en eau devient problématique tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. L'agriculture consomme plus de 90 pour cent des disponibilités actuelles mais les besoins ménagers - tant urbains que ruraux - commerciaux et industriels augmentent. En outre, la qualité de l'eau se dégrade du fait de son utilisation pour l'agriculture et pour les autres activités. Environ 25 pour cent des zones urbaines manquent d'assainissement efficace et 3 pour cent seulement des industries traitent leurs effluents conformément aux normes internationales.
Les agriculteurs commencent à comprendre l'intérêt des cultures intercalaires tant pour la conservation que pour la rentabilité, mais beaucoup sont à la merci du débit d'eau provenant de l'Indus. La plupart des zones possédant des eaux souterraines utilisables sont déjà équipées de puits forés et les investissements privés suffisent tout juste pour maintenir le nombre des forages en production. La surexploitation des forages existants commence à provoquer des infiltrations d'eau salée dans les nappes d'eau douce. La salinisation a obligé à retirer de la production environ 10 pour cent des terres cultivables et 5 pour cent de plus sont devenus improductives pour la même raison; elle est légère à moyenne sur environ 10 pour cent de la superficie cultivée, où elle fait perdre entre un tiers et deux tiers de la récolte. On commence à observer une salinisation secondaire.
La topographie est relativement plate et, dans bien des zones, les périmètres ne sont pas dessinés en courbes de niveau, si bien que l'utilisation de l'eau n'est pas optimale et que le drainage est mauvais. Il en résulte de graves problèmes d'engorgement. Plus de 20 pour cent des terre cultivées sont engorgées à des degrés divers. L'installation de réseaux de drainage progresse lentement et les besoins augmentent plus vite que les effets bénéfiques du drainage. Des programmes de conservation des sols et d'aménagement des bassins versants ont été aussi entrepris, mais ils sont encore d'ampleur limitée.
L'érosion des sols entraîne la sédimentation des barrages, à raison de 60 millions de tonnes de sédiments par an. On estime que la capacité des réservoirs diminuera ainsi de 11 pour cent d'ici l'an 2000. Or, les réservoirs ont une grande importance car, en régime de pluie torrentielle, ils permettent de maîtriser l'écoulement des eaux et de fournir un débit régulier.
Les infrastructures sociales et matérielles laissent cruellement à désirer et les services disponibles dans les provinces et les villages sont très inégaux. Là où il existe des services d'éducation et de santé, ils manquent souvent de fournitures et de personnel qualifié. La complexité de la répartition de la responsabilité des services et des intrants agricoles entre les administrations provinciales et le gouvernement central ne fait qu'aggraver les effets de l'inefficacité du réseau de transport et de distribution. Faute d'infrastructures matérielles - routes, entrepôts, chambres froides, camions frigorifiques et services de fret dans les aéroports - le secteur privé n'a guère de possibilité de moderniser l'agriculture et d'en faire bénéficier les agriculteurs.
Insuffisance quantitative et qualitative des intrants. L'électricité, le crédit, les semences, les engrais et les pesticides sont distribués à des prix subventionnés, mais souvent pas au moment où les agriculteurs en ont besoin; en outre, ils sont de mauvaise qualité. La corruption généralisée, le détournement et l'adultération de marchandises ont empêché le développement d'un marché fonctionnel des produits de sorte que la distribution des intrants essentiels est inefficace et inéquitable. A mesure que les subventions sont supprimées, les prix augmentent, sans que les agriculteurs bénéficient d'une amélioration des approvisionnements.
Le crédit agricole est toujours très subventionné, mais de façon inefficace et inéquitable. Les montants disponibles pour le crédit sont insuffisants (30 pour cent seulement de la demande est satisfaite); les mécanismes de décaissement sont lourds et inefficaces (75 pour cent des fonds disponibles ont effectivement été décaissés en 1994); la corruption règne dans le système bancaire; les compétences techniques font défaut et les systèmes datent d'une autre époque. Les taux d'intérêt réels négatifs et le manque de moyens d'assurer le recouvrement des prêts incitent à gaspiller les crédits ou à les utiliser de façon non rentable. Dans une optique plus large, les quelque 300 millions de dollars EU de crédits agricoles octroyés par l'Etat à des taux d'intérêt négatifs gonflent la masse monétaire, accélèrent l'inflation et ont un effet dissuasif sur l'épargne.
D'autres aspects du système de crédit agricole ont des effets plus directs sur la productivité de l'agriculture. Par exemple, le taux d'intérêt est identique pour tous les prêts bancaires et jusqu'à récemment seule la terre était acceptée comme garantie, de sorte que l'accès au crédit était limité aux propriétaires fonciers. Maintenant, les agriculteurs jouissant de baux à long terme peuvent obtenir du crédit sur la base de ces baux et sont incités à accroître leur production, tandis que 6 pour cent seulement des ménages de métayers ont accès au crédit bancaire: ces ménages sont donc moins incités à investir dans des outils propres à accroître leur productivité. A la suite d'entente entre les banquiers et les gros agriculteurs, l'essentiel du crédit était monopolisé par les gros propriétaires et les agriculteurs jouissant d'une influence politique particulière. La Banque de développement agricole du Pakistan a récemment rationalisé ses procédures de prêt, spécialement pour les petites exploitations, en ouvrant des guichets où toutes les opérations peuvent être effectuées en une seule fois et en développant sa représentation dans les villages.
Une autre initiative a été prise pour appuyer le développement rural: des crédits modestes sont accordés à des femmes pour créer les entreprises artisanales. Ce programme a commencé en 1993, avec une dotation de 150 millions de roupies (4 millions de dollars EU). Les banques emploient du personnel féminin pour traiter avec les femmes qui cherchent à obtenir des prêts pour la commercialisation de leur production artisanale ou pour d'autres activités, ce qui a permis de surmonter les obstacles culturels qui empêchaient les femmes d'obtenir des crédits et de se lancer dans des activités commerciales. Comme dans le cas de la Banque Grameen, le taux de recouvrement est proche de 100 pour cent, contre 60 à 80 pour cent seulement pour les prêts classiques de la Banque de développement agricole du Pakistan.
Manque d'information. Dans tout le secteur agricole, l'information circule mal. Qu'il s'agisse de la multitude de paysans analphabètes ou quasi analphabètes, qui ne peuvent guère être atteints que par des vulgarisateurs circulant en mobylette, ou, à l'autre extrême, des instituts de recherche et d'enseignement dont les structures sont rigides et qui fonctionnent de façon entièrement autonome, les connaissances ne sont guère partagées. Les paysans eux-mêmes se communiquent entre eux leur expérience directe lorsqu'ils se rencontrent après le coucher du soleil. Ils souhaitent imiter ceux qui réussissent mais ils n'ont pas les connaissances techniques nécessaires pour comprendre pourquoi tous n'obtiennent pas les mêmes rendements. Une étude a révélé que c'est principalement par la radio et par les conversations avec leurs pairs que les agriculteurs acquièrent des informations sur les techniques agricoles.
Le programme de vulgarisation agricole est très bureaucratique. Les techniciens spécialisés se déplacent peu et se contentent généralement d'organiser des journées de terrain pour faire passer l'information. Pour le suivi, ils s'en remettent à des agents de base sous-équipés et peu instruits, responsables de vastes zones qu'ils doivent parcourir à mobylette, ce qui est lent et difficile pendant les pluies. Le plus grave, c'est que ces agents de base sont mal formés et ont peu d'expérience. L'information circule dans un sens seulement et les femmes et les petits paysans sont souvent laissés à l'écart.
Dégradation de l'environnement. Enfin, la plupart des problèmes évoqués ci-dessus entraînent une dégradation de l'environnement dont les effets sur l'agriculture n'ont pas encore été chiffrés mais qui de plus en plus semble être responsable des mauvais résultats obtenus dans le secteur agricole.
L'utilisation excessive d'engrais azotés et de pesticides provoque une contamination inquiétante des aquifères et 75 pour cent des eaux parvenant aux exploitations sont saumâtres. Les agriculteurs n'ont pas appris à utiliser correctement les engrais et connaissent mal les exigences des sols et des cultures. Souvent, ils se contentent d'épandre tout ce qui leur a été distribué; la consommation d'engrais a doublé entre 1980 et 1993. Toutefois, les doses sont insuffisantes pour la plupart des cultures mais excessives pour les cultures de rente telles que le coton, le riz, la canne à sucre, les fruits et les légumes. Le mode d'emploi des engrais n'est pas respecté. L'utilisation des pesticides a quintuplé depuis 1981, mais les produits sont de mauvaise qualité et risquent de faire apparaître des résistances.
Les inondations qui ont détruit la récolte de coton en 1994/95 sont probablement en partie dues à la sédimentation et à l'érosion. Le pâturage incontrôlé aggrave encore la situation. La plupart des agriculteurs n'ont aucune possibilité de faire analyser leur sol ou examiner leurs semences, leurs récoltes ou leur bétail. Dans ces conditions, ils ne peuvent pas mettre fin aux attaques de ravageurs et de maladies ni à la dégradation des sols: tous ces problèmes rendent vains les efforts faits pour accroître la productivité.
En un mot la faible productivité et la lenteur avec laquelle elle s'améliore sont des problèmes complexes dont la solution demandera un large éventail de mesures. Certains experts pakistanais sont pessimistes: ils font observer que même si les objectifs fixés par le gouvernement sont atteints chaque année, la production alimentaire risque de ne pas croître aussi vite que la population. Ils estiment qu'il faudrait un accroissement annuel de la production de 4 à 5 pour cent rien que pour nourrir convenablement la population, sans compter les pertes. Selon d'autres, il y aurait au contraire des possibilités évidentes d'accroître les rendements et d'améliorer la gestion des exploitations.
Le Gouvernement pakistanais s'efforce de résoudre ces problèmes. Il cherche en priorité à diffuser plus largement les nouvelles variétés à haut rendement, à irriguer les zones actuellement pluviales et à améliorer la distribution des intrants. Un haut fonctionnaire du Ministère de l'agriculture a déclaré qu'il suffirait, pour que le Pakistan devienne autosuffisant en blé d'ici trois ou quatre ans, de retirer de la production les terres marginales, d'intensifier la production sur les autres, d'utiliser efficacement les intrants et de promouvoir la culture du blé tout en réduisant les incitations à produire du sucre. La distribution des intrants reste essentiellement entre les mains du gouvernement, mais celui-ci s'en remet de plus en plus au secteur privé pour la commercialisation de la production. Un Comité de coordination de haut niveau pour l'agriculture a été créé pour accélérer l'exécution des programmes existants tels que le programme d'aménagement des eaux, et pour en lancer de nouveaux.
Il est clair que les experts pakistanais de l'agriculture savent ce qu'il faudrait faire pour améliorer la productivité. Malheureusement, les crédits budgétaires affectés au secteur agricole diminuent, les interventions de l'Etat sont vouées à diminuer et la limitation de ressources rend la tâche de plus en plus difficile. Le gouvernement sait que pour rendre le secteur agricole plus efficient, il est nécessaire mais non suffisant de laisser les prix s'établir à des niveaux correspondant mieux aux avantages comparatifs. A part la politique de prix, il étudie aussi les mesures d'assistance appropriées (développement de l'information, de la recherche et des moyens d'analyse et d'inspection, mesures de lutte contre la pollution).
Pendant cette deuxième décennie de réforme économique, les possibilités qui s'offrent au Pakistan sont considérables, mais les obstacles ne manquent pas de s'accumuler. Les grandes réformes de la politique économique et des institutions, pourvu qu'elles soient maintenues, permettront de rationaliser la structure des prix et l'utilisation des ressources, de renforcer le secteur privé, et d'intégrer l'économie pakistanaise dans l'économie mondiale. En définitive, cela se traduira par une amélioration des résultats économiques et de la confiance des investisseurs. Encore faut-il que les avantages à long terme de la réforme économique se fassent sentir avant que les problèmes à court terme résultant de la détérioration sociale, politique et environnementale ne deviennent insurmontables.
Face à la détérioration de la situation économique et à l'aggravation du paupérisme, la nécessité d'accroître les dépenses sociales et le budget de développement devient de plus en plus criante alors qu'une bonne partie des réformes appliquées à la demande des créanciers internationaux ont réduit la marge de manuvre du secteur public, déjà submergé. L'objectif était d'accroître graduellement les dépenses dans les secteurs prioritaires tout en réduisant le budget des subventions, de la défense nationale et éventuellement le coût des intérêts. Les coupes budgétaires ont durement frappé l'agriculture. Dans chaque plan quinquennal, les crédits à l'agriculture étaient inférieurs à ceux du plan précédent; dans le huitième (1993-1998), ils représentent environ 1 pour cent du total.
La rationalisation des prix des intrants et du régime commercial aidera l'agriculture à survivre à la réduction des subventions, mais seulement si les institutions de l'économie de marché peuvent se développer. La suppression des obstacles au commerce et de la protection de certains produits doit s'accompagner d'une amélioration de l'accès aux biens et services publics essentiels. Les plus importants de ces services sont la recherche et la vulgarisation dans le domaine de la production végétale, afin de réduire les dégâts que provoquent les maladies; les assurances; le crédit; un système de soutien des prix ou des revenus qui ne crée pas de distorsions afin d'amortir les chocs s'exerçant du côté de l'offre et enfin la mise en place d'une infrastructure de commercialisation et de distribution des intrants et de la production. Parmi les autres domaines d'action identifiés, on citera le développement de la production de fruits et légumes, d'huiles alimentaires non traditionnelles et d'autres productions végétales tolérantes aux irrégularités du régime hydrique et de l'état des sols dont souffre l'agriculture dans certaines parties du Pakistan.
Dans les villes comme dans les campagnes, les problèmes sociaux et environnementaux croissants compromettent la production et la distribution des aliments et affaiblissent la confiance dans le gouvernement. Celui-ci devra en priorité assurer la fourniture des services publics essentiels: éducation et santé; assainissement et eau salubre; développement et diffusion des technologies et de l'information pour prévenir la pollution; enfin, limitation de la croissance démographique. Certains craignent que la politique privilégiant les villes ne prive l'agriculture pakistanaise de la terre et de l'eau dont elle a besoin. Quelles qu'en soient les causes, les tensions sociales risquent de s'aggraver à mesure que ces ressources se feront plus rares.
Parmi les problèmes omniprésents, dans l'agriculture comme dans les autres secteurs, il faudrait combattre la contrebande, tout ce qui favorise la corruption et les détournements et la passivité de la bureaucratie, notamment pour ce qui est de l'application des lois. La violence politique croissante à Karachi et dans le reste du pays est très dissuasive pour les investissements étrangers, de même que la précarité de l'environnement commercial dans le port.
Le gouvernement a entrepris de résoudre certains de ces problèmes, mais il reste beaucoup à faire. Les dépenses sociales ont augmenté de 33 pour cent en 1994, pour atteindre 2 pour cent du PIB; le programme de privatisation des industries a été réalisé à 72 pour cent et les investissements sont maintenant autorisés dans des secteurs autrefois fermés tels que la banque, les transport et l'énergie. La volonté d'améliorer la qualité des services publics et de développer des systèmes de protection et de gestion des ressources naturelles est évidente. Il faudra persévérer dans ces efforts, tout en s'attaquant simultanément à la régulation de la croissance démographique, à la réforme économique et à la lutte contre le paupérisme.
20 Le taux de croissance et les projections sont tirés de Asian Developement Bank. 1996. Asian Development Outlook 1996 and 1997.
21 On trouvera un scénario particulièrement pessimiste dans L.R. Brown. 1994. Who will feed China? World Watch, septembre/octobre 1994, p. 10-19.
22 Voir encadré 15 sur les Perspectives du commerce des céréales de la Chine p. 276.
23 P. Intal Jr. et P. Quintos. 1994. Adjusting to the new trade and environment paradigm: the case of the Philippines. Document présenté au colloque en l'honneur de Gelia Castillo, Quezon City, 27-28 septembre 1994.
24 C. A. P. Braga. 1992. Tropical forests and trade policy: the case of Indonesia and Brazil. Dans P. Low, éd. International Trade and the Environment, World Bank Discussion Paper No. 159, p. 173-194. Washington.
25 Banque mondiale. 1993. Pakistan: Country Economic Memorandum, FY 1993. Washington.
26 L'exercice budgétaire pakistanais va de juillet à juin; les dates citées dans le présent rapport se rapportent à la première partie de l'exercice: par budget de 1987, on entend le budget de 1987/88.
27 FAO. 1995. Strengthening wheat productivity enhance-ment programme. En collaboration avec le Ministère pakistanais de l'alimentation, de l'agriculture et de l'élevage, Islamabad.
28 A. Mahmood et F. Walters. 1990. Pakistan Agriculture. Islamabad.