En 1995-1996, l'environnement économique en Amérique latine et dans les Caraïbes a beaucoup souffert des contrecoups de la crise financière qui a ébranlé d'abord le Mexique à la fin de 1994, puis l'Argentine. La profonde récession qui a suivi ces crises dans les deux pays a été la principale cause du net ralentissement de la croissance du PIB dans toute la région. Toutefois, la réduction des flux de capitaux vers la région a été moins marquée qu'on ne l'avait craint; la croissance a légèrement ralenti dans les autres pays, l'inflation a continué de diminuer partout sauf au Mexique et les exportations sont restées dynamiques. Les déficits courants, extrêmement élevés, surtout au Brésil, restent toutefois préoccupants, et l'on craint que les afflux de capitaux ne soient éphémères et que la surévaluation de la monnaie et la dégradation des conditions sociales dans plusieurs pays ne sapent la compétitivité. Dans ce contexte général, les résultats de l'agriculture sont restés décevants dans la région malgré des succès remarquables dans certains pays, surtout dans le secteur des exportations agricoles.
La croissance économique, satisfaisante (3,6 pour cent par an) entre 1991 et 1994, a atteint en 1994 le taux le plus élevé depuis la fin des années 70, 5 pour cent, pour retomber à moins de 1 pour cent en 1995. La crise financière et les mesures visant à réduire les déséquilibres macroéconomiques et à rendre confiance au crédit international ont provoqué une grave récession économique au Mexique (- 7 pour cent) et en Argentine (- 4,4 pour cent). En Uruguay également, l'activité économique a ralenti, essentiellement à cause de l'interdépendance croissante avec l'Argentine dans le cadre du Marché commun austral (MERCOSUR). En revanche au Brésil, le succès éclatant du plan de stabilisation du real a favorisé une notable relance de la production en 1994 et 1995. La croissance du PIB a un peu ralenti, mais a tout de même atteint le taux satisfaisant de 4,2 pour cent en 1995, grâce, en particulier, aux excellents résultats du secteur agricole. Toutefois, on prévoit pour 1996 une nette décélération de la croissance, qui tombera probablement à 2 pour cent au moins; de nouveau, le facteur déterminant, cette fois-ci négatif, sera la performance de l'agriculture. Au Venezuela, on enregistre une légère amélioration après la grave récession de 1994, grâce, notamment, aux bons résultats du secteur pétrolier. Au Chili et au Pérou, les taux de croissance ont dépassé 7 pour cent.
Le chômage s'est aggravé et les salaires réels ont diminué, principalement en Argentine, au Mexique et en Uruguay. Face à la crise économique, l'Argentine et le Mexique ont été obligés de recourir à des ajustements budgétaires douloureux, notamment à des hausses considérables des impôts et des tarifs des services publics et, dans le cas de l'Argentine à des réductions des salaires du secteur public. Ces mesures ont inévitablement aggravé la pauvreté et les tensions sociales.
Entre 1994 et 1995, le taux moyen d'inflation dans la région est passé d'environ 337 pour cent à 25 pour cent: il n'avait jamais été aussi bas depuis 25 ans. Ce progrès spectaculaire tient principalement au succès des politiques anti-inflationnistes appliquées au Brésil, à la politique monétaire rigoureuse appliquée en Argentine et à d'autres mesures de stabilisation prises partout dans la région. En février 1996, le taux d'inflation annuel était tombé à 0,3 pour cent à peine en Argentine et le taux mensuel à 0,7 pour cent au Brésil; pour le Brésil, c'est le meilleur résultat depuis plus de 20 ans. Au Mexique, au contraire, la crise financière et la dévaluation du nouveau peso ont provoqué une flambée inflationniste: l'inflation a atteint 52 pour cent en 1995. Au Venezuela aussi, le taux d'inflation était de l'ordre de 50 pour cent. Dans le secteur extérieur, la balance commerciale s'est nettement améliorée: en 1995, l'excédent a atteint 8 milliards de dollars EU pour la région, grâce à une augmentation de 13 pour cent des exportations réelles; cette croissance a été de 30 pour cent pour l'Argentine et supérieure à 10 pour cent pour huit autres pays de la région. Le redressement des résultats d'exportations est dû surtout à la hausse des prix des produits de base, en particulier du cuivre, du coton, du blé et de la laine, grâce auxquels les termes de l'échange de la région ont progressé de près de 2 pour cent. Dans le cas du Mexique, l'amélioration de la compétitivité résultant de la dévaluation a donné une forte impulsion aux exportations, ce qui, joint à la contraction des importations, a permis de pratiquement rééquilibrer à la fin de 1995 la balance courante, autrefois très déficitaire.
L'agriculture: résultats et problèmes
Pour l'ensemble de la région, on estime que la production agricole (culture et élevage) n'a augmenté que de 1,8 pour cent en 1995, ce qui est beaucoup moins que les 4,0 pour cent de l'année précédente et à peine mieux que le taux moyen médiocre de 1,4 pour cent enregistré de 1990 à 1994. Ce résultat global masque des contrastes entre les pays. En Argentine, qui est au nombre des principaux producteurs, la production, qui stagnait depuis le début de 1990, a augmenté de 5,5 pour cent en 1994/95, particulièrement grâce à de bonnes récoltes de riz, de blé et de tournesol. Cette reprise a toutefois été éphémère: la sécheresse qui a frappé de vastes zones agricoles du pays en 1995, la pire que le pays ait connue depuis 20 ans, provoquera une chute de la production en 1995/96. L'agriculture a aussi souffert des séquelles de la crise financière, qui ont fait monter le coût du crédit. La compétitivité des produits agricoles argentins sur les marchés internationaux souffre encore de la surévaluation du peso, mais l'élimination des taxes à l'exportation a fourni une compensation aux exportateurs. Parmi les principaux produits d'exportation, les perspectives du marché de la viande semblent particulièrement bonnes, grâce au progrès de l'éradication de la fièvre aphteuse, à l'accroissement de la demande de viande argentine en Europe (dû aux préoccupations que suscite la maladie de la «vache folle»), et à l'accès préférentiel aux marchés brésiliens dans le cadre du MERCOSUR. Les perspectives semblent aussi bonnes pour les exportations de céréales étant donné la tension actuelle sur les marchés internationaux et le prix élevé de ces produits.
Au Brésil, le plan de stabilisation semble avoir eu des effets négatifs sur les exportations agricoles à cause de la surévaluation de la monnaie et des restrictions du crédit qui ont suivi et qui ont coïncidé avec un fléchissement du cours de plusieurs produits d'exportation importants. La production agricole, qui avait augmenté d'environ 6 pour cent en 1995, devrait baisser de quelque 5 pour cent en 1996, essentiellement à cause des restrictions du crédit introduites l'année précédente. On prévoit une chute de 10 pour cent de la production de céréales et de graines oléagineuses en 1995/96 tandis que la production de viande devrait beaucoup augmenter.
Au Chili, le secteur agricole reste très dynamique, particulièrement les cultures d'exportation avec, en tête, les produits forestiers et la pâte à papier. En 1995, la croissance de ce secteur a atteint 5 pour cent, malgré la sécheresse de l'hiver. Un facteur décisif de l'expansion de l'agriculture a été la forte hausse des prix, en particulier de ceux de la farine de poisson (plus de 20 pour cent d'augmentation) et de la pâte de bois (plus de 60 pour cent). Les exportations de produits forestiers ont, pour la première fois, dépassé les exportations de produits agricoles traditionnels et la superficie des plantations forestières commerciales a continué d'augmenter, en partie aux dépens des cultures traditionnelles. La production et le commerce de fruits frais et transformés sont aussi restés dynamiques.
Au Mexique, les difficultés économiques et financières et le marasme de la demande intérieure, conjugués avec la grave sécheresse dont a souffert le nord du pays, ont entraîné une forte baisse de la production, en particulier de celle de céréales et de graines oléagineuses. La politique d'austérité monétaire a provoqué une réduction de 36 pour cent des financements agricoles pendant les premiers mois de 1995. Les taux d'intérêt ont atteint des niveaux exceptionnellement élevés avant de se stabiliser à 30-40 pour cent à la fin de l'année. La dévaluation du peso a favorisé les exportations de fruits et légumes, qui étaient déjà compétitives sur les marchés internationaux, mais elle a aussi fait monter le coût et baisser la demande des intrants importés.
Au Pérou, le secteur agricole est resté très dynamique, malgré un taux de croissance qui avait atteint 14 pour cent en 1994, grâce à des conditions météorologiques favorables, au renforcement de la demande intérieure et à un contexte plus favorable aux investissements. L'accroissement de la production est imputable principalement aux pommes de terre, au sucre, au café, à la viande et aux produits animaux, tandis que la récolte de riz a un peu baissé. Dans le cas des pommes de terre, les bonnes conditions de culture ont même provoqué une certaine surproduction, et une baisse des prix qui a surtout frappé les petits producteurs et qui fait ressortir la nécessité de mieux programmer et gérer les cultures, d'améliorer l'information sur les marchés et de diversifier les spéculations.
A Cuba, les réformes mises en place ont aidé à la renaissance de plusieurs sous-secteurs, y compris ceux de la viande, du tabac et des légumes, qui ont été en forte hausse en 1995. Toutefois, le secteur principal de la canne à sucre traverse une crise grave: la production, avec 3,3 millions de tonnes, est tombée au niveau le plus bas depuis des décennies. Les pénuries de matériel agricole et d'engrais, ainsi que les problèmes de main-d'oeuvre au moment de la récolte ont aggravé cette crise.
Dans deux sous-régions - Amérique centrale et Caraïbes - les résultats de l'agriculture ont été médiocres ou franchement mauvais. En 1995, la production agricole a baissé à Antigua-et-Barbuda, au Belize, à Cuba, en El Salvador, en Dominique, à Haïti, au Panama et à la Trinité-et-Tobago; toutefois, dans ce dernier pays, la récolte avait été exceptionnellement bonne en 1994. Le taux de croissance de la production agricole n'a nettement dépassé celui de la population que dans un petit nombre de pays, notamment Guyana, Guatemala, Honduras et Nicaragua. Ces mauvais résultats s'inscrivent dans le prolongement d'une tendance qui était déjà peu brillante depuis le début des années 90 . Le cas de l'Amérique centrale est décrit dans La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 1995.
Les politiques agricoles des pays de la région ont été très influencées par les politiques économiques générales. Dans l'ensemble, la libéralisation et l'ouverture des marchés agricoles ont continué, mais avec plus ou moins de détermination selon les pays: en Argentine, par exemple, la libéralisation a été résolument poursuivie, alors qu'au Venezuela, les interventions de l'Etat sur les marchés et sur la formation des prix sont restées importantes.
En Argentine, toutes les subventions, interventions sur le marché et taxes à l'exportation ont été supprimées. Seules des mesures mineures de soutien de la production agricole ont subsisté telles que la ligne de crédit spéciale introduite au milieu de 1995 par la Banque nationale pour financer la culture des graines oléagineuses et du maïs; encore les conditions de crédit sont-elles proches de celles du marché. Ces financements spéciaux étaient destinés à compenser la pénurie et le coût élevé du crédit résultant de la politique d'austérité monétaire. La seule autre mesure de soutien direct encore en place est le fonds spécial du tabac; mais son élimination est actuellement à l'étude.
Au Brésil, un des éléments du programme de stabilisation en cours est le remplacement du vieux système de taux d'intérêts indexés par un système de taux d'intérêts variables, qui s'appliquera aussi au crédit agricole. Grâce au ralentissement spectaculaire de l'inflation, les taux d'intérêts ont baissé de moitié, mais beaucoup d'agriculteurs considèrent encore que le crédit agricole est insuffisant et trop coûteux. Toutefois, de nouveaux prêts avec des taux d'intérêts fixes ont été introduits pour la production de maïs et des lignes spéciales de crédit assorties de conditions libérales ont été créées à l'intention des petits exploitants et pour certains produits (coton, riz, manioc). De plus, les banques sont tenues de réserver au secteur agricole une partie de leur portefeuille et le gouvernement cherche à inciter les gros producteurs à intervenir sur le marché à terme des produits. Les mesures de soutien du real ont entraîné une surévaluation de la monnaie qui a réduit la compétitivité des exportations et stimulé les importations. Cela a créé un mécontentement chez les agriculteurs, qui souffraient déjà de la suppression des programmes de subventions. Les agriculteurs se plaignent aussi des taxes élevées qui frappent les exportations de produits primaires et qui sont dégressives selon le degré de transformation. L'harmonisation des règlements phytosanitaires et l'adoption de tarifs communs dans le cadre du MERCOSUR ouvrent de nouveaux créneaux, mais en même temps remettent en cause la compétitivité des produits brésiliens. Les droits de douane ont été ramenés au taux moyen de 20 pour cent; toutefois, pour certains produits, ils ont été relevés: dans le cas du riz, ils ont été portés de 10 à 20 pour cent. Pour la première fois, le Brésil importera du cacao en concurrence avec la production locale.
Au Chili, le régime de l'agriculture comprend le soutien de certains produits, la fourniture de crédit aux agriculteurs défavorisés, la promotion des exportations et des investissements dans l'infrastructure ainsi que dans les services d'appui technique et de commercialisation. Les mesures de soutien ont été renforcées et de nouvelles mesures ont été prises notamment pour amortir la perte de compétitivité provoquée par l'appréciation de la monnaie depuis la fin de 1994. Deux des plus importantes mesures sont la création d'un Fonds de promotion des exportations, avec une dotation initiale de 10 millions de dollars EU et la perception de droits additionnels sur les importations de certains produits (notamment, blé, sucre, huile végétale) quand les prix tombent en dessous d'un certain seuil et pendant certaines saisons. Les importations font aussi l'objet de certaines restrictions phytosanitaires. Le Chili a un système tarifaire diversifié, les droits étant modulés selon les accords avec ses partenaires commerciaux. Des entreprises agricoles ont récemment conclu que l'adhésion du Chili à l'Accord de libre échange nord-américain (ALENA) et au MERCOSUR réduirait sensiblement la production des cultures traditionnelles. Le MERCOSUR aurait des effets négatifs sur l'ensemble de l'agriculture chilienne, tandis que l'ALENA serait bénéfique pour les exportateurs, principalement ceux de produits transformés.
L'aménagement des forêts est un problème particulièrement important au Chili. Selon une étude récente de la Banque centrale, si la déforestation se poursuit au rythme actuel, la moitié des 7 millions d'hectares de forêts existantes auront disparu d'ici 25 à 30 ans. Les industries du bois ont contesté ces chiffres. Selon une autre étude, parrainée par le service des forêts français, toutes les essences sempervirentes auront disparu d'ici 30 ans si l'exploitation se poursuit au même rythme. La gravité du problème a incité le gouvernement à introduire de nouvelles lois pour réglementer l'exploitation forestière.
Au Mexique, l'ALENA a eu un impact considérable sur l'agriculture. La libéralisation du commerce a provoqué en 1994 une forte augmentation des échanges avec les Etats-Unis: +17 pour cent pour les importations et +7 pour cent pour les exportations. La crise financière et la dévaluation du nouveau peso ont bouleversé la structure des échanges: en 1995, les exportations de produits agricoles à destination des Etats-Unis ont augmenté de 35 pour cent et les importations ont diminué d'autant. Parallèlement à la suppression graduelle des droits de douane, pour laquelle une période de transition de 15 ans est prévue29, des négociations sont en cours en vue d'harmoniser les normes phytosanitaires et les normes d'étiquetage. Après une période d'essai, le programme PROCAMPO de soutien direct des revenus des agriculteurs, qui a remplacé le vieux système de soutien des prix, a été institutionnalisé en 1995. Il comporte un versement de 440 pesos à l'hectare (en 1995) et une aide différenciée selon le type de produit (céréales, coton, riz). Le gouvernement a aussi annoncé un nouveau programme de restructuration de la dette agricole pour faire face aux séquelles de la crise financière; ce programme risque toutefois de coûter cher et d'avoir des effets inflationnistes.
Au Pérou, à la suite de l'élection présidentielle d'avril 1995, le gouvernement a pris d'importantes mesures en faveur de l'agriculture. Une nouvelle loi sur la propriété foncière, promulguée en juillet 1995, devrait notamment créer un climat plus favorable au crédit et à l'investissement. Par ailleurs, de nouveaux règlements ont été édictés pour protéger les petits agriculteurs et les communautés autochtones dont les terres étaient occupées par d'autres groupements de populations ou risquaient de l'être. De nouvelles lois sont à l'étude pour réduire les pertes et le gaspillage de l'eau par la vente de droits d'utilisation. Le Parlement étudie une nouvelle loi de protection de l'environnement, qui comportera aussi des dispositions touchant l'emploi et l'investissement. L'introduction d'une taxe de 18 pour cent sur les intrants agricoles a fait l'objet d'un débat intense. Le Ministère de l'agriculture entreprend un grand programme de régularisation des titres de propriété, qui permettra d'utiliser les terres comme garantie pour le crédit agricole. En effet, le manque de crédit est un des principaux facteurs limitant le développement agricole au Pérou. Le secteur public offre des lignes de crédit spéciales pour l'achat d'intrants, mais elles sont loin de suffire à la demande. Certaines associations d'agriculteurs ont proposé de créer une banque rurale qui offrirait des crédits à long terme et serait ainsi complémentaire des actuels fonds de financement rural. Une autre initiative du gouvernement a été de créer un réseau d'information sur les marchés, mais les agriculteurs n'y ont guère recours jusqu'à présent.
La politique agricole du Venezuela se démarque de celle de la plupart des autres pays de la région: elle a conservé un caractère interventionniste et protectionniste très marqué, malgré diverses ébauches de libéralisation entre 1988 et 1993. Une nouvelle législation relative au développement agricole est actuellement à l'étude; elle constituera le cadre juridique des politiques agricoles des 10 prochaines années. L'objectif général est d'atteindre l'autosuffisance alimentaire au moyen de divers mécanismes de protection de l'agriculture. Des mesures provisoires de contrôle des changes ont été appliquées en 1995 pour limiter les importations. Certains produits ont été désignés comme importations prioritaires, notamment des produits alimentaires essentiels et des intrants pour la production agricole et agro-industrielle. Un système de fourchette des prix a été adopté en mai 1995, conformément aux dispositions du Pacte andin (PA), pour stabiliser les prix sur le marché intérieur et assurer une certaine protection aux agriculteurs quand les prix internationaux tombent en dessous de niveaux prédéterminés. Des mesures de contrôle et des réglementations phytosanitaires strictes basées sur plus de 300 normes obligatoires ont été mises en place pour réguler les importations. Les prix de plus de 120 produits de consommation, y compris des denrées alimentaires, sont contrôlés depuis 1994. Une tentative de libéralisation des prix a été faite en 1995 dans le cadre d'un pacte anti-inflation entre le gouvernement et les entreprises, mais elle n'a pas eu d'effet concret. Un des principaux programmes de soutien de l'agriculture est le refinancement des dettes à des taux d'intérêt subventionnés. Des denrées alimentaires sont vendues à des prix subventionnés aux groupes pauvres et vulnérables (écoles, enfants, mères allaitantes). En décembre 1995, un nouveau programme pilote permettant aux groupes pauvres d'acheter des denrées alimentaires essentielles moins cher que le prix contrôlé a été lancé dans cinq villes.
A Cuba, la réforme économique progresse lentement dans le contexte de graves difficultés économiques et financières. Un aspect important de la réforme de la politique agricole est l'accélération de la décollectivisation des terres. Les fermes d'Etat occupent moins du tiers des terres cultivables (contre environ les trois quarts au début des années 90); le reste a été alloué par étapes à des coopératives de divers types et à de petites exploitations privées. L'Etat continue à fournir des intrants à des conditions préférentielles et fixe des quotas à livrer au secteur public, mais le secteur privé peut commercialiser sur le marché libre toute la production hors quota.
Perspectives et nouveaux problèmes
Les perspectives de l'agriculture dans la région dépendront beaucoup de l'environnement macroéconomique, actuellement caractérisé par des difficultés et des incertitudes. Le choc violent provoqué par la crise mexicaine, s'il a prouvé la résistance de l'économie des pays de la région, qui ont beaucoup mieux réagi qu'après la crise du début des années 80, a également fait ressortir les risques liés à l'instabilité des flux de capital et la nécessité de rester fermement dans la voie de la stabilité économique et de la réforme pour maintenir la confiance internationale. Si l'économie des pays de la région a été relativement épargnée par la crise récente, c'est en grande partie parce que l'Argentine et le Mexique, mais aussi d'autres pays, ont montré qu'ils étaient résolus à poursuivre dans cette voie. En outre, deux aspects fondamentaux du processus de réforme ont joué un rôle important: l'ouverture économique, grâce à laquelle les exportations sont devenues un des pivots de l'ajustement après la crise, et le processus de libéralisation et d'intégration économiques, notamment dans le cadre de l'ALENA et du MERCOSUR, qui se sont révélés d'importants facteurs de stabilité.
Toutefois, si la nécessité de poursuivre et de renforcer les réformes économiques est incontestable, certains éléments de ce processus suscitent des inquiétudes, notamment pour l'agriculture. Les conséquences de la déréglementation de l'économie agricole et rurale (ou l'idée que s'en font les intéressés) font l'objet de vives controverses. Un des arguments du débat est que, depuis la mise en place du processus de libéralisation accélérée du marché, au début des années 90, les résultats du secteur agricole sont décevants. Il est vrai que les rendements moyens ont beaucoup augmenté (de 3,3 pour cent par an, contre 1,3 pour cent pendant les années 80); en revanche, la superficie cultivée, qui avait augmenté au cours des années 80, a diminué de 2,2 pour cent par an, de sorte que la production n'a crû que de 1,4 pour cent par an. Un tel taux de croissance, inférieure aux 2 pour cent enregistrés pendant la dépression des années 80 est nettement insuffisant pour que l'agriculture puisse jouer de façon satisfaisante son rôle à l'appui de la sécurité alimentaire et de la croissance économique de la région. Bien sûr, ces résultats médiocres sont dus à de multiples facteurs qui ne sont pas tous liés à la réforme; mais comme on l'a vu plus haut, de nombreux aspects des politiques appliquées ces derniers temps, telles que la surévaluation des taux de change, la réduction de l'aide publique, la hausse des coûts du crédit et la contraction de la demande résultant de l'austérité budgétaire et monétaire ont certainement aussi joué un rôle important.
Un autre sujet de controverse est la mesure dans laquelle la libéralisation économique a contribué à aggraver les inégalités de revenus, à l'échelle nationale et dans les zones rurales. Selon la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), les inégalités de revenus, déjà particulièrement flagrantes dans la région, n'ont fait que s'accentuer dans beaucoup de pays pendant toute la période allant de 1980 à 1992. Les effets que cela a produit sur le secteur rural ces dernières années ne sont pas encore complètement étudiés, mais tout porte à croire non seulement que l'inégalité des revenus s'est aggravée, mais que la paupérisation augmente dans les zones rurales, où plus de la moitié de la population vit dans la pauvreté absolue. Cela tient en grande partie à la déréglementation de l'économie rurale, dont bénéficient principalement les gros producteurs et commerçants qui sont déjà compétitifs et qui sont mieux à même de profiter des créneaux offerts par les marchés libres. Le désengagement graduel de l'Etat a au contraire créé de graves problèmes pour une grande partie de l'agriculture traditionnelle dont la viabilité économique était très tributaire des aides publiques. Les difficultés financières qu'ont récemment connues plusieurs pays ont encore réduit leur possibilité d'aider les petits producteurs par des activités d'assistance technique, de crédit, de réduction de l'endettement, etc.
Tout cela montre combien il est difficile de définir une politique permettant à la fois de consolider la stabilité macroéco-nomique, de relancer une croissance durable et d'assurer une répartition équitable des fruits de la croissance entre toutes les parties de la société. Cela fait aussi ressortir la nécessité d'appliquer des politiques cohérentes pour aider le monde rural à entrer sans heurts dans l'économie de marché. Il faudra notamment restructurer la propriété des facteurs dans des conditions propres à assurer le partage équitable des ressources, la sécurité des investissements, le dynamisme des marchés fonciers et l'utilisation efficiente des ressources. L'expérience prouve - le Pérou en est l'exemple le plus récent - que ce type de politiques peut compenser la réduction ou la suppression des soutiens directs traditionnels. Parallèlement, la politique fiscale devra orienter l'activité économique vers les zones rurales potentiellement productives. Ces politiques sont nécessaires pour éviter que la transformation du monde rural ne se limite à un abandon de la terre.
Dans une région où l'instabilité économique est la norme, la Colombie se distingue par une relative stabilité économique, grâce à des décennies de politiques budgétaire, monétaire et de change prudentes et stables. Ces politiques ont permis d'isoler l'économie colombienne des accès successifs de surchauffe et de récession qu'ont connus les autres pays d'Amérique latine. Ainsi, pendant les années 80, la Colombie n'a pratiquement pas subi d'effets de la crise de l'endettement et a au contraire affiché le taux de croissance du PIB le plus élevé de la région.
La stabilité et une profonde transformation de la structure économique ont été réalisées simultanément. Après la période d'or du café, au milieu des années 70, la croissance économique a été tirée par le secteur des services jusqu'en 1982. Pendant les années 80, ce sont les industries extractives qui ont connu une expansion spectaculaire à la suite de la découverte d'importants gisements de charbon et de pétrole. Vers la fin de la décennie, après un programme modéré d'ajustements macroécono-miques, l'agriculture et le secteur manufacturier, stimulés par la dévaluation du taux de change réel, ont tous deux dépassé le secteur des services.
A partir de 1986, une nouvelle politique d'«internationalisa-tion» de l'économie s'est manifestée par un programme d'ouverture graduelle aux forces du marché mondial. Ce programme s'est beaucoup accéléré en 1990, et de vastes réformes embrassant toute l'économie ont été annoncées dans le cadre de l'apertura (ouverture). L'apertura fut la version colombienne des programmes de libéralisation des échanges et de l'économie mis en place dans toute la région depuis le milieu des années 80. En Colombie, les réformes étaient considérées comme l'antidote du ralentissement de la croissance de la productivité que l'on avait observé dans divers secteurs pendant les années 80 et des contraintes résultant de l'étroitesse du marché intérieur.
L'économie a bien réagi à la nouvelle politique. Le taux de croissance annuel est supérieur à 5 pour cent depuis 1993. L'investissement privé a atteint des niveaux records et le chômage ne cesse de baisser depuis 1990. Toutefois, certaines réformes ont créé des difficultés pour des secteurs traditionnellement protégés de l'instabilité des marchés mondiaux, notamment celui des produits agricoles faisant l'objet de commerce international. La baisse de la rentabilité du secteur a été aggravée par l'appréciation de la monnaie, elle-même due à l'afflux massif de capitaux étrangers attirés par des taux d'intérêts élevés, par la découverte de vastes réserves de pétrole et par la confiance croissante dans l'économie.
Dans l'ensemble la libéralisation des échanges a été bénéfique pour l'agriculture car les obstacles à l'importation des produits industriels favorisaient traditionnellement l'allocation de ressources aux autres secteurs. Toutefois, immédiatement après la réforme du commerce extérieur et de la commercialisation, la rentabilité de beaucoup de productions entrant dans le commerce international a chuté à cause de la baisse des droits de douane, du déclin des prix mondiaux et de l'appréciation de la monnaie. Par ailleurs, les autres produits agricoles, tels que les tubercules, les légumes, les produits carnés, ont largement bénéficié de l'accroissement de la demande intérieure et des nouvelles possibilités d'échanges intrarégionaux avec l'Equateur et le Venezuela, malgré les pertes provoquées par la grave sécheresse de 1991/92. Cependant, les mauvais résultats de 1991/92 ont rendu les agriculteurs hostiles aux réformes et les ont incités à réclamer des mesures compensatoires.
Depuis 1993, les superficies ensemencées et la production n'ont cessé de croître en partie à cause des mesures d'urgence prises par le gouvernement, de l'amélioration des conditions météorologiques et de la hausse des prix internationaux. Malgré la croissance rapide des importations de produits agricoles, les agriculteurs colombiens, après une période d'ajustement à la baisse des prix réels, sont maintenant mieux placés pour affronter la concurrence étrangère. Tant le secteur public que le secteur privé ont beaucoup investi dans la recherche et l'infrastructure nécessaires pour garantir la rentabilité à long terme. C'est pourquoi l'agriculture colombienne est maintenant mieux préparée à relever le défi du deuxième millénaire qu'elle ne l'était avant 1990.
Résultats économiques d`ensemble
Le cadre économique: 1985-1990. Après une période de récession et de déséquilibres économiques croissants au début des années 80, l'économie colombienne a bénéficié d'un programme modéré d'ajustement qui a commencé en 1985. Les dépenses publiques ont été réduites, la charge fiscale a été accrue, un programme de dévaluation de la monnaie a été lancé pour corriger la surévaluation qui n'avait fait que croître depuis la fin des années 70. Ces mesures ont permis d'améliorer rapidement l'équilibre budgétaire et la balance courante, déficitaire en 1985, est devenue excédentaire en 1986. Le taux de croissance du PIB est monté à 4,4 pour cent par an en moyenne pendant la période 1985-1989 contre 2,5 pour cent seulement de 1980 à 1984.
Grâce aux termes de l'échange favorables et à la baisse du taux de change réel, la croissance des exportations a été particulièrement rapide pendant la deuxième moitié des années 80, et a créé un excédent assez considérable de la balance commerciale. Le taux de change réel est tombé de 20 pour cent en 1985 et a continué de baisser en moyenne de 4,5 pour cent par an jusqu'en 1989, date à laquelle est intervenue une nouvelle dévaluation de 13,5 pour cent. En conséquence, les exportations non traditionnelles ont augmenté à raison de plus de 20 pour cent par an. La croissance des exportations s'est encore accélérée en 1988, quand des mesures ont été prises pour remettre en uvre un plan d'internationalisation de l'économie.
Les nouvelles politiques: l'apertura. En août 1990, la libéralisation s'est accélérée lorsque des réformes des régimes du commerce, des finances et des investissements étrangers ont été annoncées. Pendant les trois années suivantes, de nouvelles lois concernant le change, les services financiers et le droit du travail ont été promulguées.
En ce qui concerne le commerce, la libéralisation graduelle annoncée à la fin des années 80 s'est accélérée en 1990 quand les contingents d'importations et les autres restrictions aux échanges ont été supprimés. Un calendrier de réduction des droits de douane étalée sur trois ans a été annoncé. Les objectifs ont en fait été atteints en moins de 24 mois. Les droits de douane ont été ramenés de 36,3 pour cent en 1990 à 11,6 pour cent en 1993. En outre, un programme dynamique de négociations commerciales a débouché sur des accords spéciaux avec le Venezuela, l'Equateur, le Pacte andin, le G3 (Mexique, Venezuela et Colombie) et le Chili. La Colombie a aussi bénéficié de la loi de commerce préférentiel avec les pays andins adoptée par les Etats-Unis en 1992, en vertu de laquelle la plupart des marchandises colombiennes seront admises en franchise sur le marché américain jusqu'en 2001. Un programme analogue a été négocié avec l'Union européenne (UE), les préférences devant durer jusqu'en 2004.
Un nouveau régime des services financiers a été approuvé en 1990 pour stimuler la concurrence et l'entrée de nouveaux participants, y compris les investisseurs étrangers, dans ce secteur. Un système bancaire universel a remplacé les institutions spécialisées qui se partageaient les marchés financiers. Les investissements obligatoires ont été réduits et le gouvernement a annoncé un calendrier de privatisation à courte échéance d'un certain nombre de banques d'Etat. Le nouveau régime a aussi renforcé les normes de contrôle des banques et harmonisé leurs ratios de capitalisation avec les normes internationales.
Les restrictions à l'investissement étranger mises en place au début des années 70 ont été supprimées en 1990. La réglementation des investissements étrangers a été levée dans la plupart des secteurs de l'économie et l'égalité fiscale a été garantie aux investisseurs étrangers. La réglementation des transferts a également été assouplie.
En 1991, le contrôle des mouvements de capitaux a été supprimé et les colombiens ont pu emprunter directement à des créanciers étrangers. Le monopole de la Banque centrale sur les opérations en devises a été supprimé et le marché des changes a été transféré au système financier privé. Le régime de parité mobile a été remplacé à la fin de 1991 par un flottement contrôlé de la monnaie et, depuis 1994, par un flottement dans une fourchette prédéterminée, afin que les forces du marché aient plus d'influence sur la détermination de la valeur du peso.
La réforme du droit du travail de 1990 a supprimé les incertitudes qui pesaient sur le coût du personnel et assoupli les régimes contractuels. Le régime de sécurité sociale, financé par répartition, a cédé la place en 1993 à un régime financé par une capitalisation privée. La nouvelle législation a étendu à une plus grande partie de la population les prestations de retraite et d'assurance maladie et a autorisé les caisses de pension privées à concurrencer l'organisme public de sécurité sociale. En outre, un nouveau système universel de santé a été mis en place; tous les travailleurs bénéficient d'une assurance médicale obligatoire pour laquelle ils versent une cotisation égale à 12 pour cent de leur rémunération.
En 1991, une nouvelle constitution a affranchi la Banque centrale du pouvoir exécutif. La nouvelle autorité monétaire donne une haute priorité à la réduction de l'inflation. La politique monétaire, autrefois axée sur la croissance des agrégats, consiste maintenant à agir sur les taux d'intérêt par des opérations sur le marché libre. La constitution a aussi mis en place un régime ambitieux de décentralisation budgétaire: une proportion croissante des recettes de l'Etat est transférée aux administrations locales. Pour compenser la réduction des recettes résultant de ces transferts et de l'abaissement des droits de douane, le régime des impôts sur le revenu, sur le chiffre d'affaires et sur l'essence a été modifié en 1992. Le gouvernement a réussi à maintenir l'équilibre budgétaire pendant la période 1992-1994, ce qui atteste la priorité élevée qu'il attache au maintien de la stabilité macroéconomique.
Résultats. On avait craint que la libération des échanges n'entraîne une crise économique, mais l'économie colombienne a été remarquablement prospère pendant la période 1990-1995. Le taux de croissance du PIB s'est accéléré: il a atteint 5,7 pour cent en 1994 et 5,3 pour cent en 1995 contre 2,0 pour cent seulement en 1991. Les investissements, qui avaient baissé en valeur réelle en 1991, ont augmenté à un taux réel moyen de 19,0 pour cent par an pendant la période 1992-1994, grâce à la baisse du coût des biens d'équipement résultant de la réduction des droits de douane, à l'appréciation de la monnaie et à la confiance dans l'avenir de l'économie. Les emplois urbains se sont développés rapidement, offrant du travail à une population active toujours plus nombreuse et réduisant le taux de chômage et le rôle du secteur non structuré.
Grâce à la hausse du taux de change (voir ci-après), l'expansion a été particulièrement rapide dans les secteurs non exportateurs. L'activité économique a été tirée par la croissance dans les secteurs du logement urbain, du pétrole et du charbon, des services publics et privés et des activités financières. Dans le secteur agricole, les taux de croissance les plus élevés ont été enregistrés pour les viandes, les légumes, les tubercules, le sucre et l'huile de palme.
Contrairement à ce qui s'était passé pendant la période 1985-1989, le taux de change a augmenté de 13 pour cent de 1990 à 1994, sous l'effet des afflux croissants de devises. Les causes de ce phénomène ont fait l'objet d'un vif débat entre les économistes colombiens. Parmi les facteurs qui semblent avoir joué un rôle important, on peut citer le regain de confiance dans l'avenir de l'économie colombienne à la suite des réformes structurelles, la différence entre la rentabilité des investissements à court terme dans le pays et à l'étranger et le doublement des réserves de pétrole connues. Ce dernier facteur est dû aux découvertes de vastes gisements de pétrole de grande qualité dans les champs pétrolifères de Cusiana et de Cupiagua grâce auxquels les réserves connues sont passées en 1992 de 1,8 à presque 4 milliards de barils.
L'appréciation du peso a suscité une forte augmentation des importations, qui ont crû à un taux réel de plus de 40 pour cent en 1992 et 1993. Les résultats des exportations ont souffert de la réduction de la rentabilité et des faibles cours sur le marché international, particulièrement pour les exportations traditionnelles telles que le café. En conséquence, la balance courante a affiché un déficit de 4,5 pour cent du PIB en 1994, contre un excédent de 5,6 pour cent en 1991.
Politiques 1994-1995. En août 1994, le nouveau gouvernement a réaffirmé sa volonté de poursuivre les réformes lancées en 1990, y compris la libéralisation des échanges. Toutefois, il était résolu à mettre fin à la montée du taux de change et à utiliser les recettes fiscales croissantes que procurait la production de pétrole pour accroître les dépenses sociales et les investissements dans l'infrastructure. La création d'emplois est aussi un objectif important, qui sera poursuivi au moyen de programmes publics visant à stimuler le développement des petites entreprises privées.
Malgré les incertitudes politiques croissantes, la croissance du PIB a atteint 5,3 pour cent en 1995, en grande partie grâce au dynamisme du secteur pétrolier et des services publics. La Banque centrale a appliqué une politique d'austérité monétaire pour neutraliser les anticipations inflationnistes dans le contexte d'une politique budgétaire plus active. Des symptômes très nets de ralentissement économique étaient évidents au deuxième semestre et la croissance devrait ralentir en 1996.
Réorientation des politiques sectorielles et résultats
Le rôle de l'agriculture dans l'économie. En Colombie, l'agriculture fournit traditionnellement une part du PIB plus élevée que dans la plupart des autres pays de la région. Cette part était d'environ 19,9 pour cent en 1980. En effet, le pays était riche en terres propres à l'agriculture et manquait d'autres sources de devises, telles que le pétrole ou d'autres minéraux. En 1990, l'agriculture représentait encore près de 17 pour cent du PIB et la proportion de ruraux dans la population était encore proche de 25 pour cent. Environ 20 pour cent de la population active vit de l'agriculture.
Etant donné la grande diversité de conditions écologiques et de structures foncières, l'agriculture colombienne est très hétérogène. Les produits exportables représentent environ 30 pour cent de la valeur de la production; certains sont produits par de petits exploitants, comme le café, d'autres sont des cultures de plantation comme la banane, les fleurs, le sucre et le coton. Les produits agricoles importables représentent près de 35 pour cent de la valeur de la production agricole. Ils proviennent des minifundia (orge, blé, maïs) ou des grandes et moyennes exploitations (sorgho, soja, huile de palme). Les produits non exportables traditionnels représentent environ 45 pour cent du PIB agricole; ce sont les produits du secteur de l'élevage, dominé par les grandes exploitations ainsi que les légumes, fruits, tubercules et autres aliments de base produits dans de petites exploitations.
La part du PIB provenant de l'agriculture diminue depuis 30 ans. Le taux de croissance du secteur agricole n'a pas dépassé 1,6 pour cent par an pendant la période 1980-1984, en raison de la chute des prix, de l'appréciation de la monnaie, de la contraction des investissements du secteur public et de la violence croissante en milieu rural. Ce taux a toutefois plus que doublé pour atteindre 3,7 pour cent en 1985-1989, grâce à la hausse des prix, à la baisse du taux de change et à des politiques de restriction des importations vivrières qui protégeaient les prix à la production. En particulier, le secteur agricole a bénéficié du Plan de Oferta Selectiva (plan d'offre sélective) mis en uvre en 1988 et 1989 pour promouvoir la production de céréales et d'oléagineux en garantissant des prix élevés à la production.
La croissance de l'agriculture colombienne a été caractérisée par une utilisation plus intensive de la terre et du capital que de la main-d'uvre. L'emploi dans l'agriculture n'a guère augmenté depuis les années 60, car les politiques agricoles et économiques - structure des investissements publics dans l'agriculture, orientation du régime commercial et allocation des subventions - favorisaient les sous-secteurs de l'élevage et des grandes exploitations mécanisées.
Politique d'apertura. Les politiques sectorielles ont changé du tout au tout dans le cadre du programme général de libéralisation des échanges lancé au milieu de 1990. Le nouveau régime a relégué au second plan les politiques sectorielles et vise à mettre en place un environnement macroéconomique neutre qui permette aux secteurs possédant un avantage comparatif de prospérer. On pensait qu'il serait bénéfique à l'agriculture, parce que les riches ressources naturelles lui donnaient un avantage considérable et parce que les mesures qui privilégiaient traditionnellement le secteur manufacturier avaient été supprimées.
C'est dans le domaine du commerce que les réformes ont été le plus radicales. Les restrictions à l'importation ont été supprimées, y compris le monopole d'Etat des importations de la plupart des céréales et des graines oléagineuses. Les droits de douane ont été réduits plus que de moitié: ils ont été ramenés à 15 pour cent en 1992, contre 31 pour cent en 1991. Pendant la même période, les droits de douane sur les intrants agricoles ont été ramenés de 15 à 2 pour cent. Certains produits agricoles importables (riz, maïs, sorgho, soja, blé, orge et lait) et un produit exportable (sucre) ont bénéficié d'un régime exceptionnel de droits de douane variable liés à une fourchette de prix. Ce système visait à amortir les fluctuations excessives des prix internationaux pour que les signaux parvenant aux producteurs locaux ne donnent des indications que sur l'évolution à moyen et à long terme.
Les interventions de l'office de commercialisation des produits agricoles, l'IDEMA, ont beaucoup diminué. L'IDEMA n'achète plus que dans les zones marginales où les agriculteurs ont beaucoup de mal à faire parvenir leur production au marché. Les stocks publics de céréales ont été réduits. Les prix garantis à la production pour les céréales et les graines oléagineuses ont été remplacés par des prix minimums fixés selon l'évolution récente sur le marché mondial. Ces mesures ont été complétées par la suppression de tous les contrôles des prix à la consommation.
Un programme spécial de modernisation et de diversification des secteurs défavorisés a été lancé en 1991 pour amortir le choc de la concurrence extérieure et faciliter la réorientation nécessaire des ressources dans le cas de certaines cultures pour lesquelles les producteurs locaux n'étaient pas du tout compétitifs. Le programme était ciblé sur quatre cultures des petites exploitations, à savoir blé, orge, tabac noir et fique (une sorte de jute). Ce programme comprenait des activités d'assistance technique, un soutien temporaire des prix et des mesures d'incitation au changement de culture. En pratique, la mise en uvre de plusieurs de ses principaux éléments a été retardée, et c'est à ce retard que l'on a, par la suite, imputé les difficultés qu'ont connues les agriculteurs en 1992.
Un effort particulier a été fait pour ouvrir de nouveaux marchés aux produits agricoles colombiens au moyen d'accords commerciaux. Beaucoup d'exportations agricoles non traditionnelles ont bénéficié des préférences commerciales accordées par les Etats-Unis et l'Union européenne. Le renforcement de l'intégration avec les Etats du Pacte andin a ouvert de nouvelles perspectives aux agriculteurs car, dans le secteur agricole, la Colombie bénéficie d'un avantage comparatif sur les autres pays andins. Toutefois, les avantages qui auraient pu résulter de l'intensification des échanges entre pays du Pacte andin ont été érodés par le manque d'harmonisation des systèmes de fourchette de prix appliqués aux produits agricoles importables.
Les réformes du crédit agricole lancées en 1989 visaient à accroître le volume de ressources mises à la disposition des agriculteurs en créant un nouveau fonds de réescompte, le FINAGRO, et en accroissant le rôle des forces du marché dans la détermination du coût du crédit et de son utilisation. Le FINAGRO était destiné à compléter les fonds propres des banques pour le crédit d'équipement à moyen et à long terme. Depuis 1990, les grandes et moyennes exploitations paient les taux d'intérêt du marché. Un programme de quatre ans de libéralisation des taux d'intérêt du crédit aux petits exploitants a été annoncé. Malgré ces mesures, le crédit agricole s'est beaucoup amenuisé depuis 1991, quand l'octroi de nouveaux prêts a été paralysé du fait des pertes accumulées par la Banque de développement agricole, la Caja Agraria.
Dans les années 1990-1994, plusieurs réformes importantes ont été entreprises dans des aspects essentiels des politiques sectorielles. Un nouveau régime d'aide à l'investissement dans l'irrigation a été mis en place en 1991 pour accroître la participation du secteur privé à la construction et à l'entretien des périmètres d'irrigation. Un plan de 10 ans a été adopté pour accroître le soutien du secteur public aux investissements dans l'irrigation et le drainage, et plus particulièrement dans les grands périmètres.
La responsabilité de la recherche agricole, qui était autrefois du ressort d'un organisme public, l'ICA, a été transférée à une nouvelle société mixte, la CORPOICA, pour accroître la participation du secteur privé à la définition des priorités et au financement. Cette réforme a été complétée par la création de nombreux fonds de recherche sur des cultures particulières, financés par des recettes provenant du secteur agricole. Ces fonds devaient servir à parrainer des projets de recherche et à promouvoir l'amélioration des pratiques de commercialisation. La responsabilité de la vulgarisation et de l'assistance technique aux petits exploitants a été transférée des organismes centraux aux municipalités.
La politique de réforme agraire a radicalement changé: aux termes d'une nouvelle loi, l'Etat subventionne directement les bénéficiaires, qui choisissent eux-mêmes les parcelles qu'ils souhaitent acquérir; la participation de l'organisme d'Etat (INCORA) se limite maintenant à choisir les bénéficiaires, à surveiller les négociations privées et les prix pratiqués et à fournir aux bénéficiaires une certaine assistance technique. La rédaction de normes détaillées régissant les négociations privées a pris du temps. C'est pourquoi le nouveau système n'a été appliqué qu'à la fin de 1995, au moment où les premières acquisitions directes par les bénéficiaires ont été annoncées.
Pour compléter les réformes d'ensemble décrites ci-dessus, les organismes sectoriels ont aussi été radicalement réformés, y compris l'office de l'irrigation (INAT), l'organisme de recherche et d'assainissement (ICA), l'institut de la réforme agraire (INCORA), l'office de commercialisation (IDEMA) et le fonds de développement rural intégré (DRI). En outre, les fonctions de protection des ressources naturelles du Ministère de l'agriculture et de son office des ressources naturelles (INDERENA) ont été transférées à un nouveau ministère de l'Environnement en 1993.
Réformes et résultats de l'agriculture. Depuis le deuxième semestre de 1991, la production de plusieurs sous-secteurs importants de l'agriculture colombienne, principalement les cultures de produits importables (céréales et graines oléagineuses), est brutalement tombée. Le faible cours des cultures d'exportation a contribué à la crise, qui s'est aggravée en 1992, provoquant un déclin de 1,5 pour cent du PIB agricole. Beaucoup d'agriculteurs ont alors protesté contre les politiques officielles. Les dissentiments au sujet des causes de la crise ont suscité un débat national. Selon les associations de producteurs de céréales et de graines oléagineuses, la crise était due à la libéralisation des échanges et à l'interruption des aides à la commercialisation de l'IDEMA. Selon le gouvernement, elle était due à la sécheresse et à l'effondrement des prix internationaux, facteurs sur lesquels il ne pouvait pas agir.
La question est toujours controversée, mais il semble que les causes de la baisse de la production et des revenus agricoles en 1991/92 varient selon les cultures considérées. Pour le café et le coton, l'effondrement des prix mondiaux a été le facteur déterminant (la production de café avait beaucoup augmenté pendant la période 1989-1993); peut-être l'appréciation du peso, qui commençait alors, a-t-elle aussi joué un certain rôle. Pour le blé, l'orge, le riz, le maïs, le soja, l'huile de palme et le sorgho, la perte de revenu des producteurs semble due à l'effet conjugué de l'impact de la réforme de la commercialisation sur les prix à la production et des mauvaises récoltes provoquées par la sécheresse sans précédent depuis 30 ans dont a souffert la plus grande partie du pays à la fin de 1991 et en 1992. La baisse des prix réels à la production est due à la chute des cours mondiaux et à l'appréciation du peso, qui n'ont pas été compensés par une augmentation suffisante des protections. Pour les légumes, les fruits et les tubercules, c'est la baisse de production provoquée par la sécheresse qui semble avoir joué le principal rôle dans la réduction des revenus des agriculteurs. La seule culture qui soit restée abondante et rentable pendant toute la période 1990-1995 est le sucre. La crise a fait tomber les revenus ruraux globaux de 15 pour cent entre 1990 et 1992.
A partir d'un modèle d'équilibre général, on a estimé que la baisse des prix mondiaux et l'assouplissement des mesures internes de soutien des prix expliquaient 70 pour cent de la détérioration observée des revenus ruraux. En revanche, la libéralisation des échanges a eu des effets bénéfiques pour les populations urbaines et rurales. En effet, elle a fait monter les revenus agricoles et favorisé une répartition plus équitable des revenus.
Les événements de 1991 et 1992 ont porté un dur coup au niveau de vie des ruraux. La proportion de la population rurale qui vit dans la pauvreté absolue est passé de 26,7 pour cent en 1991 à 31,2 pour cent en 1992. L'écart entre les salaires ruraux et les salaires urbains, qui rétrécissait assez régulièrement depuis le début des années 70, a nettement augmenté. Après avoir crû de 4,1 pour cent par an entre 1988 et 1991, l'emploi rural est tombé de 3,7 pour cent en 1992, soit une perte de quelque 200 000 emplois. Le taux de chômage global n'a pas beaucoup changé, à cause d'une réduction du nombre des actifs et d'une accélération de la migration vers les villes, où les ruraux trouvaient à s'employer dans le secteur du bâtiment.
La physionomie du commerce des produits agricoles a été très influencée par l'évolution des taux de change et des prix sur le marché international. Les exportations, hors café, ont continué à croître, mais moins vite qu'à la fin des années 80. Leur taux de croissance a été de 15,7 pour cent par an en valeur entre 1990 et 1992. A l'inverse, les importations agricoles ont progressé de près de 30 pour cent par an entre 1990 et 1992 du fait de la suppression des restrictions à l'importation et de l'augmentation rapide de la demande intérieure.
Mesures de relance: 1993-1995. L'ampleur de la détérioration des revenus ruraux en 1992 a exacerbé les tensions entre certains groupes d'agriculteurs et le gouvernement. Les producteurs les plus touchés par la crise réclamaient des subventions directes et l'abrogation des mesures de libéralisation. D'autres, favorables aux réformes, demandaient des mesures temporaires pour amortir les effets de la crise.
A partir du milieu de 1992, le gouvernement a adopté des mesures d'urgence qui ont été regroupées au début de 1993 dans un plan de relance comprenant diverses mesures touchant le commerce: par exemple, le système de fourchette de prix a été modifié de façon à accroître modérément la protection. L'IDEMA a recommencé à acheter des céréales et des graines oléagineuses à des prix supérieurs aux cours du marché. Un programme d'urgence a été entrepris pour améliorer l'emploi dans les zones où celui-ci avait le plus souffert. L'effort a principalement porté sur les régions infestées par le borer du café et celles où les plantations de coton avaient été remplacées par des pâturages. Des mesures d'urgence ont été adoptées pour refinancer les dettes des producteurs des cultures touchées par la crise et fournir des financements publics à la Caja Agraria, devenue insolvable. Les investissements publics dans les offices agricoles ont aussi beaucoup augmenté.
Le Parlement, soucieux des intérêts des agriculteurs, a été amené à la suite des tensions entre le gouvernement et les groupes d'agriculteurs, à adopter une nouvelle loi générale de développement agricole à la fin de 1993. Considérant que la violence rurale justifiait un traitement spécial de l'agriculture, la nouvelle législation prévoyait une intervention plus active de l'Etat dans la commercialisation, un renforcement des droits compensateurs et des mesures antidumping pour barrer la voie aux importations de produits alimentaires subventionnés, la création de fonds de stabilisation pour plusieurs produits, des programmes de crédit agricole à taux bonifiés et le financement d'un programme d'assurance agricole. La loi a, en outre, créé un nouveau système de subvention des équipements pour stimuler les investissements privés dans le secteur rural. Un fonds spécial, l'EMPRENDER, a été mis en place pour promouvoir la création de nouvelles entreprises de commercialisation et de transformation, intéressant particulièrement les petits exploitants, en coentreprise avec le secteur privé. Toutefois, à la fin de 1995, une partie seulement des dispositions de cette loi avaient été mises en uvre.
Le nouveau gouvernement entré en fonction en août 1994 a poursuivi l'application des mesures contenues dans le Plan de relance; il a complété les initiatives de 1993 en donnant effet au programme de subventions créé par la Loi générale sur le développement agricole. Des subventions ont été autorisées pour l'équipement de périmètres d'irrigation et l'achat de nouvelles machines. Un nouveau programme de refinancement des arriérés de dettes des petits producteurs et de réduction des intérêts ont également été mis en uvre en 1995.
Le gouvernement a lancé un programme temporaire de «contrats d'absorption» aux termes desquels les industries de transformation -- fabriques d'aliments pour le bétail, huileries, etc. - s'engagent à acheter à des prix déterminés toute la production de certains produits. Ce programme a été complété par des subventions directes sous forme d'achats de soja, de coton et de riz. En 1995, le soutien des prix et les restrictions des importations que comporte ce programme ont accru la protection de 65 pour cent pour le riz, 25 pour cent pour le maïs jaune, 60 pour cent pour le maïs blanc et 25 pour cent pour l'orge.
La production de la plupart des cultures touchées par la crise de 1991-1992 a lentement repris en 1993-1995. Selon une étude du Ministère de l'agriculture, les marges de bénéfices ont commencé à augmenter à la fin de 1993; l'augmentation a été particulièrement rapide pour les cultures annuelles exportables. Le niveau général des prix des produits agricoles hors café a augmenté de 36 pour cent 1994. La même année, les exportations agricoles, hors café, qui avaient chuté de 4 pour cent en 1993, ont remonté de 18 pour cent. Cependant, la croissance rapide de la valeur des importations s'est poursuivie. Elle a atteint 38 pour cent en 1994, en grande partie à cause de la hausse des prix des céréales. Grâce à la hausse des cours internationaux et aux aides de l'Etat, la production de coton a nettement repris, dégageant en 1995 un excédent exportable. La banane est le seul produit agricole exportable dont la production ait stagné à cause de la pléthore mondiale, de l'application de contingents d'importation dans l'Union européenne et de la montée de la violence dans la région d'Urabá.
En 1995, la production agricole (hors café) a augmenté de 2,9 pour cent. La croissance a été entièrement imputable aux cultures pérennes; la production des cultures annuelles, quant à elle, a baissé de 0,1 pour cent, à cause de la performance médiocre des produits agricoles importables tels que le sorgho, le soja et le maïs. Les cultures des petites exploitations ont connu une forte progression, particulièrement le plantain, le manioc et l'igname. Pour la première fois depuis 1990, les exportations agricoles ont augmenté plus vite que les importations, en grande partie du fait de la hausse du cours mondial des produits exportés par la Colombie et de l'accélération de la dévaluation.
Les réformes économiques audacieuses des années 1990-1993 ont eu des résultats bénéfiques pour l'économie colombienne. Toutefois, dans le secteur agricole, le succès est inégal. A court terme, les réformes tendant à favoriser les mécanismes du marché ont été en partie responsables de la crise dont ont souffert la plupart des produits agricoles faisant l'objet de commerce international en 1991/92. La libéralisation des échanges et la suppression des restrictions à l'importation ont particulièrement nui à la rentabilité des céréales et des graines oléagineuses importables. Quoi qu'il en soit, les réformes sont venues au mauvais moment: alors que la production avait été stimulée par des prix internationaux élevés et par la baisse du peso pendant la période 1985-1990, les réformes ont coïncidé avec le début d'une période de cours extrêmement faibles sur les marchés internationaux et avec des afflux massifs de capitaux qui ont fait remonter le taux de change, réduisant ainsi les incitations à la production. En 1992, l'agriculture, déjà touchée par la baisse des prix à la production, a souffert dans bien des parties du pays d'une sécheresse sans précédent depuis 30 ans.
Des mesures d'urgence ont été prises et la plupart des secteurs qui avaient souffert d'une baisse de rentabilité en 1991 et 1993 se sont peu à peu rétablis. Par souci de pragmatisme, il a fallu renoncer dans certains cas au principe du marché libre qui inspirait les réformes, mais les grands objectifs des politiques restent compatibles avec le maintien d'un système ouvert de commerce agricole et la plupart des mesures de soutien mises en uvre depuis 1993 ont été temporaires. Malgré les difficultés initiales, les groupes d'agriculteurs ont maintenant accepté le principe fondamental de la nouvelle politique et ont commencé à faire le nécessaire pour améliorer leur compétitivité pour l'avenir.
Après la remarquable reprise de 1993-1995, l'agriculture colombienne semble sur la voie d'une croissance plus durable à long terme. La concurrence des importations a fait comprendre aux agriculteurs la nécessité d'améliorer leur productivité et de produire ce qui est demandé par le marché. La productivité augmente et des investissements dans les infrastructures et la recherche pavent le chemin de la croissance future.
Toutefois, il reste des obstacles à surmonter. L'agriculture colombienne continue de souffrir de l'extrême violence rurale qui freine depuis des décennies sa croissance. Selon une étude du Service national du plan, entre 10,6 et 17 pour cent du PIB agricole ont été perdus chaque année pendant les années 80 à la suite d'enlèvements, d'extorsions, de pertes de récoltes, de vols et de l'insécurité en général. Pour améliorer les perspectives de croissance de l'agriculture, il faudra juguler sérieusement la violence rurale.
La vague de prospérité due au pétrole, qui devrait durer encore pendant la première moitié de la prochaine décennie, pourrait peser sur la rentabilité des produits agricoles faisant l'objet de commerce international. A mesure que les recettes pétrolières sont absorbées dans l'économie, il faut s'attendre à de nouvelles hausses du taux de change et les prix relatifs deviendront plus favorables pour les produits n'entrant pas dans le commerce international. L'essentiel des revenus produits par l'essor pétrolier ira probablement au secteur urbain. Afin de réduire les effets négatifs sur la production de produits faisant l'objet de commerce international, le gouvernement a créé en 1995 un fonds de stabilisation pétrolière, qui devrait freiner l'appréciation de la monnaie. Pour que l'agriculture profite de la prospérité pétrolière, il faudra accroître les investissements publics dans des activités essentielles qui pourraient améliorer la compétitivité des agriculteurs colombiens tels que la recherche et les infrastructures de transport.
Enfin, l'agriculture colombienne ne tirera pas pleinement parti de son potentiel naturel tant qu'on n'aura pas entrepris d'optimiser l'utilisation des ressources. L'intensité de l'utilisation de la terre reste très variable selon les régions. Une partie des plateaux andins sont surexploités tandis que de vastes zones de la région de l'Atlantique et dans la région de Magdalena centrale sont sous-exploitées. Cette utilisation déséquilibrée des ressources continuera à provoquer d'importantes pertes sur le plan de l'efficience, de l'équité et des ressources naturelles tant que les distorsions des politiques qui favorisent les grandes exploitations mécanisées et l'élevage n'auront pas été corrigées. Cela devrait accroître l'emploi et réduire le paupérisme dans les campagnes et donc faire disparaître les causes de la violence.
29 Voir FAO. 1994. La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 1994. Rome.