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4. CADRE DE PLANIFICATION ET INSTRUMENTS DE POLITIQUE

4.1 Cadre de planification

4.1.1 Politique macro-économique

Depuis le début des années 80, la RCA suit des programmes d'assainissement financier et de redressement économique, avec le soutien de la communauté des bailleurs de fonds, et en particulier de la Banque Mondiale, du FMI, du PNUD et de la France. Au début des années 90, le Programme d'ajustement structurel (PAS) s'articulait principalement autour des orientations suivantes: promotion du développement rural par le biais de la relance et de la diversification agricole; encouragement de l'initiative privée en assurant un environnement économique et fiscal favorable; poursuite de la réforme de la fonction publique et accélération du programme de restructuration du secteur parapublic; et prise en compte de la dimension régionale au travers de programmes régionaux.

En fin d'année 1993, un Programme de relance économique à moyen-terme a été élaboré, en l'absence d'un Plan de développement économique et social (le dernier Plan a couvert la période 1986-90). Ce Programme s'appuie sur les grandes lignes du PAS, et accorde notamment une large place aux domaines agro-pastoral et forestier.

Dans le domaine de l'agriculture et de l'élevage, les objectifs de développement ont été définis en juin 1989 lors de la consultation sectorielle sur le développement rural. Ceux-ci visent l'autosuffisance alimentaire, l'accroissement des exportations, et l'amélioration du niveau de vie en milieu rural. L'approche retenue pour atteindre ces objectifs reposent notamment sur une redéfinition du rôle de l'Etat "qui doit se limiter aux services strictement nécessaires à l'instauration et au maintien du processus de développement rural".

Les grands axes de cette politique agricole sont les suivants: (i) abandon de l'approche filière et choix d'une approche système de cultures, intégrant notamment la pêche et la pisciculture au titre des activités de diversification; (ii) régionalisation des opérations de développement rural intégré par zone agro-écologique; et (iii) participation des paysans à leur propre développement. Différents programmes d'appui aux institutions agricoles et de développement régional intégré, financés par la communauté de bailleurs de fonds, accompagnent cette politique agricole.

En matière d'environnement et développement durable, le Gouvernement a initié divers programmes dont la mise en oeuvre de certains concerne directement le secteur des pêches et de la pisciculture. Il s'agit, en particulier, de programmes régionaux en faveur de la gestion des ressources naturelles (ex. PDRN). Un Plan national d'action environnemental (PNAE) pourrait par ailleurs être élaboré prochainement.

S'agissant du cadre global de planification du développement rural en RCA, on peut souligner que le pays est aujourd'hui découpé de facto en plusieurs zones, correspondant globalement aux zones agro-écologiques du territoire. Chacune de ces zones sont le plus souvent "gérées" en fonction des objectifs et stratégies poursuivis par les programmes/projets régionaux et les agences de développement soutenus par l'aide extérieure.

Par ailleurs, des projets de développement des infrastructures de communication, destinés à désenclaver les zones rurales sont à l'étude. Cependant, à l'heure actuelle, la plupart des programmes et projets conçus visent surtout à réhabiliter et entretenir l'existant (infrastructures routières, bacs et équipement pour le transport fluvial).

4.1.2 Politique et plan de développement du secteur pêche et pisciculture

Dans le passé, le secteur des pêches n'a jamais bénéficié d'attention particulière, contrairement à celui de la pisciculture. Des études sectorielles sur certaines pêcheries ont été réalisées de manière occasionnelle, mais l'administration n'a jamais été engagée dans un programme régulier de développement de la pêche.

Au cours des années 80, un Séminaire national sur les pêches a été organisé en vue de définir une politique sectorielle (Bangui, mai 1984). Les principales recommandations ont porté sur le développement du mouvement coopératif et la mise en fonctionnement d'un Office des pêches et de la commercialisation du poisson, créé par décret. Faute de moyens financiers, cette politique n'a cependant pas été mise en oeuvre.

Le dernier Programme quinquennal pour le développement du secteur pêche et pisciculture (1986-1990), a mis l'accent sur le manque de structures pour la commercialisation, la faiblesse des techniques de pêche et de transformation des produits, les problèmes d'approvisionnement en matériel de pêche, et l'absence d'encadrement des pêcheurs sur le terrain. La stratégie de développement du secteur, inscrite dans le cadre général de la recherche de l'auto-suffisance alimentaire, était également articulée autour de la mise en place de l'Office des pêches et de commercialisation du poisson.

A l'heure actuelle, le secteur des pêches ne dispose d'aucun cadre d'orientation stratégique. Les politiques de développement sectoriel sont identifiées au cas par cas au niveau régional, dans le cadre des programmes de développement régionaux.

Cette planification décentralisée de fait ne constitue pas une contrainte majeure au développement du secteur, dans la mesure où les différentes pêcheries ne présentent pas les mêmes caractéristiques socio-économiques, selon que l'on se trouve en zone forestière, caféière, cotonnière, diamantifère ou de réserves nationales. En outre, les objectifs assignés au secteur peuvent différer considérablement d'une zone à l'autre. Néanmoins, il est devenu urgent que le Ministère se dote d'un cadre d'orientation stratégique national destiné à donner les grandes lignes de la politique des pêches, et pouvant être adapté aux spécificités locales, ainsi que d'une capacité administrative en matière de planification du développement et de l'aménagement des pêcheries.

En ce qui concerne la pisciculture, la stratégie de développement pendant les années 80 a notamment reposé sur un interventionnisme de l'Etat, à pratiquement tous les niveaux de la conduite de l'élevage et de la commercialisation des produits. La politique globale était d'approvisionner les producteurs en alevins produits dans les stations piscicoles, et d'organiser le transfert de technologie ainsi que l'encadrement technique par l'intermédiaire de moniteurs piscicoles, rémunérés et recrutés parmi les pisciculteurs. Différents programmes et projets de développement ont accompagné cette politique.

Les raisons de l'échec relatif de la pisciculture en RCA ont été décrites dans les sections précédentes. Parmi celles-ci, l'assistance excessive apportée aux producteurs, parfois proche de l'assistanat, a constitué l'une des principales erreurs de stratégie.

A l'heure actuelle, les grands axes de la politique de développement de la pisciculture sont de poursuivre les efforts déjà entrepris par le passé au plan de l'encadrement technique, mais en évitant d'intervenir sur la gestion économique des exploitations. L'approche globale consiste à viser des objectifs "qualitatifs" et à responsabiliser les producteurs de manière à pérenniser les entreprises. Le MEFCP encourage par ailleurs le développement d'une pisciculture artisanale en zone péri-urbaine, et une pisciculture familiale en zone rurale tournée vers l'auto-consommation.

La ligne politique en matière de pisciculture, définie par le MEFCP, est aujourd'hui relativement bien suivie, et adaptée au cas par cas, dans le cadre des programmes de développement régionaux (relevant du MEFCP ou du MAE), qui, seuls, disposent des moyens humains et financiers nécessaires à sa mise en oeuvre. Néanmoins, certains projets de développement relevant du MAE adoptent parfois une approche très différente de celle du MEFCP (ex. assister les producteurs à tous les stades de la conduite de l'élevage, distribuer les alevins à un prix fortement subventionné, viser des objectifs quantitatifs...etc).

Le Gouvernement affiche aujourd'hui une volonté certaine de développer le secteur des pêches et de la pisciculture, ainsi qu'il en a été fait mention dans le discours-programme du Premier Ministre en début d'année 1995. Un Séminaire national sur la pêche et la pisciculture s'est par ailleurs tenu en octobre 1995 à Bangui, avec l'appui de la FAO. Une proposition de politique halieutique et piscicole à long terme, ainsi qu'un programme d'action à court-moyen terme ont été discutés et fait l'objet d'une adoption de principe.

La proposition de politique halieutique et piscicole à long-terme s'articule notamment autour des axes suivants:

S'agissant de la pêche :

- accorder une priorité à la conservation de la qualité des écosystèmes aquatiques au titre de l'aménagement des pêcheries, compte tenu des caractéristiques physiques, biologiques et socio-économiques particulières de ces dernières;

- des potentialités de développement halieutique pourraient se réaliser si le Gouvernement définit clairement sa politique d'aménagement du territoire, et que dans ce cadre il accorde un espace au développement de la pêche (zones frontalières, enclavées et protégées);

- améliorer les conditions socio-économiques des pêcheurs en priorité à travers une meilleure valorisation des produits, une plus grande participation des pêcheurs aux processus de gestion des pêcheries (droits d'accès, mesures réglementaires prises au niveau local, gestion des conflits...), et un meilleur accès des communautés de pêcheurs aux services sociaux;

S'agissant de la pisciculture :

- poursuivre globalement les efforts en matière de responsabilisation des producteurs sur les plans techniques et financiers, de manière à consolider et progressivement étendre le noyau d'agro-pisciculteurs existant, en ajustant notamment les techniques d'élevage aux conditions naturelles, sociales et économiques, en évitant d'intervenir sur la gestion économique des exploitations, et en mettant en place les conditions qui permettront l'entrée graduelle et volontaire de nouveaux candidats (sécurisation du foncier, libéralisation du prix des alevins...);

- pour la pisciculture artisanale en particulier, encourager la mise en place d'un environnement économique favorable à l'initiative privée en milieu péri-urbain, ou dans des zones où les conditions du marché le permettent, pour permettre la création d'écloseries et d'unités de production agro-piscicoles utilisant des technologies maîtrisées aujourd'hui au niveau national.

Le programme d'action à court-moyen terme proposé s'articule autour des trois grands axes suivants:

(i) Renforcement du cadre institutionnel du secteur des pêches et de la pisciculture (réorganisation des services de l'administration des pêches et de la pisciculture, renforcement des fonctions des programmes régionaux et agences de développement en matière d'exécution et de suivi des activités de développement du secteur, mise en oeuvre de programmes de recherche appliquée dans le cadre de l'ICRA, mise en place d'un mécanisme de concertation interministérielle, constitution de groupements de pêcheurs en Organisations de producteurs);

(ii) Etablissement des bases d'un développement durable des pêcheries (définition et mise en place d'un système national de suivi statistique et de l'information socio-économique, définition d'une politique de conservation de la qualité des écosystèmes aquatiques, sécurisation de l'accès aux pêcheries selon des stratégies différentes selon qu'il s'agisse de celles du bassin du Chari ou de celles du bassin de l'Oubangui et de la Sangha, amélioration de la valorisation des produits de la pêche, et amélioration des conditions sociales des communautés de pêcheurs); et

(iii) Consolidation et extension graduelle du noyau d'agro-pisciculteurs (prise en compte de diverses recommandations à l'attention des décideurs politiques et des partenaires institutionnels concernés par le développement de la pisciculture, mise en place d'un environnement économique favorable à l'initiative privée à travers notamment la création d'une ferme pilote devant servir de "vitrine" pour d'éventuels candidats à la pisciculture artisanale ainsi que d'interface entre la recherche et le développement, prise en compte de recommandations techniques diverses à l'attention des vulgarisateurs sur la conduite de l'élevage piscicole).

4.2 Instruments de politique

4.2.1 Statistiques

Le secteur des pêches n'a jamais été suivi de manière régulière en RCA, en particulier compte tenu de l'absence de système de suivi statistique au niveau national. La production est estimée à environ 10000t/an depuis plusieurs années. Des informations détaillées peuvent parfois être recueillies au niveau de certains projets de développement, mais celles-ci ne permettent pas, dans la plupart des cas, de fournir un cadre d'analyse suffisant pour la planification et l'aménagement des pêches. Il convient de mentionner par ailleurs que la production halieutique sur les cours d'eau mineurs n'est jamais prise en compte dans les estimations. Or, si l'on considère que la production moyenne est de l'ordre de 10Kg/Km², environ 6000 t/an de poisson pourraient être produites à partir de ces pêcheries.

Les informations d'ordre socio-économique, qui constituent également un outil d'analyse précieux pour les décideurs politiques, sont pour leur part localisées, et ponctuelles, ce qui ne permet pas de suivre les grandes tendances de l'évolution des systèmes de production.

En dépit de la dispersion des pêcheries, un système de suivi statistique de la pêche au niveau national pourrait être envisageable. Le système, qu'il conviendrait de définir sur la base d'une étude approfondie, pourrait notamment reposer sur les statistiques portant sur la commercialisation des produits de la pêche recueillies aux postes frontières ou de contrôle (ex. Ndélé, PK 12 à Bangui, douanes...), sur les informations disponibles dans le cadre des projets de développement, et sur le suivi de quelques zones de pêche (méthodes combinant enquêtes cadres et échantillonnage à intervalle régulier).

On peut par ailleurs mentionner que la Direction des statistiques agricoles du MAE, créée récemment, a mis au point une méthodologie de collecte et traitement des données, avec le soutien du PNUD et de la FAO.

En ce qui concerne la pisciculture, des informations sur la production totale sont disponibles depuis plus d'une décennie. La méthodologie employée consiste à multiplier la superficie totale d'étangs piscicoles par le rendement annuel moyen calculé à partir du suivi d'un certain nombre d'exploitations. Ce système statistique présente néanmoins des faiblesses dans la mesure où il se fonde sur des rendements de production obtenus sur des exploitations qui sont suivies par l'administration. De plus, il est assez difficile de recenser régulièrement le nombre d'étangs en activité. Cela se traduit par une légère surestimation de la production totale. Par ailleurs, le système de suivi ne fournit aucune indication sur les aspects socio-économiques, qui pourtant ont une incidence certaine sur le développement de la pisciculture.

4.2.2 Législation des pêches

La Loi N° 61/283 du 22 décembre 1961 réglementant l'exercice de la pêche consacre le principe de la liberté de pêcher dans tous les cours d'eau, étangs permanents, ou temporaires. Selon ce principe, les ressources halieutiques n'appartiennent à personne, et peuvent être capturées par tous (régime de libre accès). La pêche dans les biefs du domaine public ou privé ayant fait l'objet d'une interdiction par voie réglementaire, ou la pêche dans les eaux situées sur un fond privé, échappent néanmoins au champ d'application de la loi.

La loi de 1961 constitue le texte de base du cadre juridique actuel. C'est un texte à caractère répressif, dont l'objectif principal est de définir les différents types d'infractions. La loi prévoit aussi que des textes d'application devront réglementer l'utilisation des engins et procédés de pêche. Mais à l'heure actuelle, seul un Arrêté ministériel, non appliqué, précise un maillage minimal pour les filets maillants en fibres synthétiques (35-40 mm maille étirée). De manière générale, la pêche fluviale en RCA n'est soumise dans les faits à aucune réglementation particulière sur les engins et techniques de pêche.

La loi de 1961 a été modifiée par l'Ordonnance N° 71/090 du 06 août 1971 réglementant l'exercice de la pêche et la salubrité des eaux en RCA. Il s'agit en réalité d'une retouche du texte de 1961 visant à interdire la pêche traditionnelle à l'aide de substances d'origine végétale, et à élargir le champ d'application du texte précédent au problème de la pollution des eaux.

En ce qui concerne la pisciculture, aucune disposition juridique particulière n'a été prise pour le moment en RCA. Cependant, de par sa nature, l'exercice de la pisciculture fait notamment appel à des règles de droit régissant, d'une part, l'accès à la terre (droit foncier) et, d'autre part, l'utilisation des ressources en eau (régime juridique de l'eau).

Les règles de droit sur le foncier sont définies par la loi N° 63.41 du 09 janvier 1964 relative au domaine national. Le texte reconnait notamment le principe de concession des terrains du domaine public au profit des personnes physiques ou morales. Les règles de droit sur l'utilisation des eaux sont pour leur part inexistantes. Par conséquent, aucune hiérarchie entre les différentes utilisations de l'eau (usage domestique, élevage, irrigation, pêche, pisciculture...) n'a été établie, en dépit du fait qu'un éventuel classement pourrait faciliter la résolution des différents opposant parfois différents utilisateurs de l'eau.

De l'analyse des textes juridiques réglementant la pêche et la pisciculture en RCA, il ressort notamment qu'il n'existe pas de cadre juridique global qui poserait les bases d'un cadre général à l'intérieur duquel les activités du secteur pourraient se développer, et qui répondrait à un objectif de politique sectorielle. L'édifice juridique correspond plutôt à un catalogue de textes circonstanciels sans véritable lien les uns avec les autres (Cacaud, 1994). Le cadre juridique présente également d'autres lacunes et insuffisances, dont le manque de publicité des textes de loi et des règlements, ainsi que le manque de sensibilisation des populations au contenu des règles de droit, ce qui ne facilite pas leur bonne exécution sur le terrain.

Les textes ne font par ailleurs aucunement mention de l'existence de pratiques traditionnelles de gestion des pêcheries, notamment en ce qui concerne l'accès aux zones de pêche. Or, dans certains cas, les règles de gestion traditionnelles sont encore pertinentes, pour assurer en particulier une certaine cohésion sociale dans des régions enclavées, ou frontalières, où l'administration ne dispose pas suffisamment de moyens pour faire appliquer les règles de droit.

Dans un contexte général de flou juridique, l'administration répond de manière ad hoc lorsque surgissent des problèmes liés à l'exploitation de la ressource halieutique, le plus

souvent à la demande des pêcheurs autochtones. On peut mentionner à cet égard l'Arrêté ministériel pris en 1993 sur le lac M'Bali.

Enfin, il convient de mentionner que, en raison de la prédominance des pêcheries fluviales partagées en RCA, et du manque d'harmonisation des législations entre les pays concernés, les pêcheurs opérant en zone frontalière sont fréquemment confrontés à des contraintes administratives ("tracasseries") avec les agents des pays voisins.

En ce qui concerne plus spécifiquement la pisciculture, la faiblesse du cadre juridique se traduit notamment par des problèmes relatifs au foncier. Les procédures pour l'accès au foncier reposent en effet essentiellement sur des règles issues du droit coutumier, ce qui ne permet pas une bonne sécurisation des investissements. Il en est de même pour la question du règlement des litiges entres différents utilisateurs de l'eau sur le même terroir. Lorsque l'administration était présente sur le terrain à travers les projets de développement, ces problèmes étaient facilement résolus avec les notables des villages. Aujourd'hui, les problèmes du foncier préoccupent de plus en plus les pisciculteurs.

Les questions juridiques ont été abordées au cours de la dernière session du Séminaire national sur la pêche et la pisciculture, tenu à Bangui en octobre 1995. Un projet de loi sur les pêches et la pisciculture a notamment été présenté pour discussion. Sur la base de ces discussions, une version amendée du projet de loi devrait être élaborée prochainement, avec l'appui de la FAO.

Par ailleurs, on peut mentionner qu'un projet de loi portant code sur la protection et la mise en valeur de l'environnement en RCA est pour le moment à l'étude, dans le cadre d'un projet d'appui du PNUE. Le projet de loi intègre les objectifs environnementaux adoptés lors de la Convention de Rio en juin 1992, dont l'utilisation rationnelle des ressources naturelles, la lutte contre toute forme de pollution portant atteinte à l'environnement, et l'harmonisation du développement économique avec la conservation du milieu naturel. L'adoption de ce projet de loi pourrait avoir une incidence sur le libre entreprise des établissements de pêche et de pisciculture.

4.2.3 Fiscalité

Le système de taxation en vigueur ne concerne pas directement les pêcheurs, qui ne sont soumis à aucune contrainte fiscale particulière. Le commerce du poisson fait en revanche l'objet d'une taxation importante, officielle et officieuse.

Parmi les taxes officielles, on peut notamment mentionner les patentes prélevées par le Ministère du Commerce, les taxes de marché municipales, les "laissez-passer" qui sont des autorisations administratives délivrées par les agents des Eaux et Forêts pour transporter les produits sur de longues distances, les taxes prélevées par les services vétérinaires, et parfois les certificats médicaux renouvelables tous les 6 mois comme à Mobaye.

A cela s'ajoutent les diverses formes de taxation officieuse, dont l'évaluation est difficile à faire, mais qui, selon de nombreux témoignages de commerçants, pourraient être conséquentes.

En ce qui concerne les taxes sur les importations de poisson, on peut par ailleurs souligner que celles-ci représentent environ 30% de la valeur CAF des produits, dans la mesure où le poisson est un produit considéré comme un produit de luxe (3° catégorie) selon les barèmes de la Direction générale des douanes.

4.2.4 Pratiques traditionnelles de gestion des pêcheries

Traditionnellement, en RCA, l'accès aux ressources naturelles (terre, forêts, eau) repose sur le principe de l'appartenance du droit de propriété à la collectivité, incarnée par un chef. Le chef de clan administre la portion de territoire placée sous son autorité, et veille à ce qu'aucun étranger ne viole impunément cet espace.

Pour la pêche, et contrairement à la législation qui ne reconnait que le libre accès, on peut distinguer en pratique plusieurs régimes d'accès aux pêcheries:

- les "zones libres" sur les cours d'eau principaux, qui sont effectivement accessibles à toute personne désirant pratiquer la pêche autour des centres urbains (ex. zones péri-urbaines);

- les "zones héritées" (Ndoumés, ou Karas, sur l'Oubangui), correspondant le plus souvent à des trous d'eau qui apparaissent pendant la décrue sur les cours d'eau principaux, et dont l'exploitation est gérée par leurs détenteurs;

- les zones situées sur les cours d'eau importants en bordure des villages, dont l'accès pour les pêcheurs migrants implique le paiement de droits d'usage territoriaux (DUTs), en nature le plus souvent, aux chefferies traditionnelles, aux notables du village, voire à des confréries religieuses;

- les "zones villageoises", qui se situent généralement dans des zones enclavées, sur des portions de cours d'eau secondaires, et qui sont gérées par les autorités coutumières, soit dans le cadre de pêches collectives organisées pendant la saison sèche, soit dans le cadre de concessions accordées à des villageois.

On peut par ailleurs mentionner que, pour les cours d'eau frontaliers, il existe une limite territoriale juridiquement reconnue qui correspond généralement à une ligne de partage au milieu de la rivière. Cette ligne de partage est assez bien respectée dans la mesure où, sur une zone donnée, les pêcheurs sont souvent issus de la même ethnie, et que les DUTs sont bien acceptés de chaque côté du cours d'eau, indépendamment du critère de nationalité.

Les pratiques traditionnelles concernant l'accès aux pêcheries sont bien respectées par les pêcheurs. Cependant, compte tenu du caractère contraignant que celles-ci sous-entendent, en particulier lors des migrations saisonnières, une catégorie de pêcheurs conteste ce frein au développement de leur activité, en invoquant la liberté de pêcher en RCA en vertu de la loi.

Des pratiques traditionnelles régissant l'exercice de la pêche peuvent exister par ailleurs, en particulier pour l'utilisation de certains engins. Les diverses restrictions qui en résultent portent le plus souvent sur la protection de la ressource halieutique du point de vue écologique. Elle s'inscrivent rarement dans le cadre de la recherche d'une gestion "rationnelle" de la ressource halieutique, du point de vue bio-économique (ex. maillage, périodes de fermeture...). On peut cependant rencontrer, au cas par cas, des groupements de pêcheurs désireux de voir s'établir des règles "modernes" telles que l'augmentation du maillage pour certains types de pêche qui portent préjudices à leur activité.

L'exercice de la pêche accorde par ailleurs une large place au fétichisme (croyance en des esprits et divinités) et à la superstition (rêves prémonitoires, mauvais présage en cas de la présence de femmes au bord de l'eau, nécessité de pêcher certaines zones en silence...). Mais les comportements des pêcheurs qui en résultent, ne constituent pas en soi des pratiques d'aménagement des pêcheries.

Les conflits entre pêcheurs sont relativement rares en RCA. De manière générale, les litiges et différends se règlent au niveau des groupements de pêcheurs ou des chefferies de village ou de quartier, sans que les autorités territoriales ne soient associées aux procédures de règlement. Les conflits, en dehors des vols, ont généralement pour origine les problèmes de territorialité lors des migrations de pêcheurs.

4.3 Projets passés, en cours et en préparation

L'assistance extérieure en faveur de la pêche et de la pisciculture a essentiellement porté dans le passé sur le développement de la pisciculture. Plusieurs projets d'assistance technique ont ainsi été initiés en RCA à partir des années 70. A titre indicatif, il a été estimé que le budget de l'ensemble des projets financés jusqu'en 1985 par le système des Nations Unies, s'est élevé à près de 5,4 millions $EU. A partir de cette date, les budgets ont été cependant sensiblement réduits.

Les principaux projets passés en faveur de la pisciculture ont été les suivants: Projet de vulgarisation et formation - 1973-79 (PNUD, UNICEF, FENU, FAO); Projet de vulgarisation et de remise en état des stations secondaires - 1974-89 (USAID/ Corps de la paix); Projet de vulgarisation, autofinancement des stations, formation et recherche - 1979-85 (PNUD, FAO); Projet de développement de la pisciculture artisanale et mise en place d'un système de crédit - 1986-89 (PNUD, FAO).

Depuis le début des années 90, il n'existe plus de projets spécifiquement consacrés au développement du secteur pêche et pisciculture. Toutefois, conformément aux orientations de la politique agricole centrafricaine tournée vers l'approche système, la plupart des projets de développement rural comprennent aujourd'hui un volet pêche/pisciculture. Les principaux projets de développement intégré concernés par la pêche sont décrits ci-dessous.

Le Programme de développement de la Région Nord (PDRN) est un programme de développement intégré relevant du MEFCP, sur un financement FED depuis 1988. Le projet est surtout axé sur la protection de la faune dans les zones protégées, et couvre une surface territoriale de l'ordre de 100000 Km² en région nord (environ 1/6 du territoire national). La deuxième phase du projet, initiée en septembre 1994, s'étale sur une période de 6 ans avec un budget estimatif de 30millions$EU.

Les actions du PDRN en matière de développement rural ont notamment permis jusqu'à présent de diversifier et d'intensifier l'agriculture dans les zones situées autour des zones protégées. Un Expert en agronomie est aujourd'hui basé en permanence à Ndélé. Dans le domaine de la pêche, le projet PDRN a réalisé au début des années 90 des études et expérimentations sur les méthodes de capture et de transformation des produits par fumage. D'autres activités sont prévues au cours de la deuxième phase, mais dont le contenu n'a pas encore été défini.

Le Gouvernement, à travers le projet PDRN, pourrait être amené prochainement à modifier sa stratégie globale de conservation de la faune, en tenant davantage compte des préoccupations sociales et économiques de la population, et en révisant, le cas échéant, sa politique globale d'aménagement du territoire dans la région nord. Dans cette éventualité, la pêche pourrait se voir offrir une espace territorial plus grand, sous réserve d'une révision de la législation sur la faune, et de la définition de règles permettant le développement d'une pêche responsable vis-à-vis de la protection de la faune. Par ailleurs, lors du Séminaire national tenu en octobre 1995, il a été recommandé la tenue d'un Séminaire spécialement consacré à la région nord, et abordant le problème de la pêche dans sa globalité.

Le Projet Dzanga-Sangha, soutenu par la Banque Mondiale et le World Wildlife Fund (WWF) est un projet de développement intégré (tourisme, santé, éducation environnementale), avec un forte composante protection de la faune. Le projet, qui relève du MEFCP, est basé à l'extrême sud-ouest dans le bassin de la Sangha. Le projet a mené une action en faveur de la pêche sur la Sangha en 1990, en réalisant une étude sur les rythmes de pêche au niveau de la frontière avec le Congo.

Le projet a récemment mis en place à Bayanga un Comité de développement rural, dont l'objet est d'améliorer les conditions économiques des agriculteurs et de sédentariser les habitants (protection indirecte de la faune). Ce Comité comprend plusieurs Commissions dont une Commission pêche. Mais il semblerait que cette dernière se heurte au manque de professionnalisme des pêcheurs, qui sont généralement également des chercheurs de diamants, ainsi qu'à l'individualisme des producteurs.

Le Programme de développement de la région Centre-Sud (PDRCS), financé par le FED depuis 1988, est un projet de développement régional intégré relevant du MAE. Le projet couvre un ensemble géographique important, incluant trois préfectures (Bambari, Mobaye et Bangassou). Le siège du projet est actuellement en cours de transfert, de Bambari vers une ville proche de Bangassou - ce qui coïncide avec l'extension du rayon d'action de l'ACDA vers la préfecture de Bambari. L'équipe du volet pêche/pisciculture est composée de deux cadres dont un expatrié, cinq chefs de secteur et quatre enquêteurs.

Le volet pisciculture du PDRCS, élaboré en 1989 et débuté en 1991, a pour objet de développer une pisciculture rurale "indépendante", sur la base des recommandations du CPN. Le PDRCS donne aujourd'hui des conseils techniques à environ 188 pisciculteurs pratiquant la monoculture de tilapia, localisés essentiellement dans la région de la Basse-Kotto.

Depuis 1993, le PDRCS a initié par ailleurs un programme d'étude de la pêche, en particulier sur l'Oubangui-M'Bomou, entre Kuango et Bangassou (recensement des pêcheurs et des engins, potentialités de développement de la pêche...). Le projet mène également des expériences de fumage amélioré avec le four Chorkor à Kuango, auprès d'un groupement de femmes. Dans le court-moyen terme, le PDRCS a prévu d'améliorer les connaissances sur l'état des stocks halieutiques (pêches expérimentales) et sur les aspects socio-économiques de la pêche, et également d'intervenir dans la zone de Bangassou (introduction de fours améliorés et appui aux groupements de pêcheurs).

Le Projet de mise en valeur des bassins versants en RCA, financé par la coopération Chine/Taïwan depuis 1993 pour un montant de 11milliardsFCFA (environ 22millions$EU) sur une durée de 7 ans. Le projet relève du MAE. Il comprend une Composante "Appui à la production agro-pastorale" dont l'objet est d'améliorer les systèmes de production dans la zone du projet, et d'expérimenter et vulgariser de nouvelles techniques d'aquaculture (crevetticulture et pisciculture artisanale de tilapia et de carpe chinoise). Le projet dispose d'une ferme piscicole installée au PK 26 (centre d'activités de la Mpoko), dans la zone d'influence économique de Bangui.

En ce qui concerne la crevetticulture, les responsables du projet mènent à l'heure actuelle des expérimentations sur la conduite de l'élevage d'une crevette importée du Congo (Macrobrachium dux) dans le milieu centrafricain. Au courant de l'année 1996, les conditions d'acceptabilité socio-économique des techniques mises au point par le projet, devraient être étudiées. Le projet prévoit de produire environ 500000 crevettons à la station du PK26.

Pour la pisciculture artisanale, le projet "bassins versants" a prévu d'articuler sa stratégie de développement autour de l'utilisation de la station du PK26 (siège des activités) et de la réhabilitation des stations/centres de production de Boyali, de Bozoum, de Bambari et d'Alindao. L'ensemble de ces centres pourrait permettre au projet de produire plusieurs centaines de milliers d'alevins pour la vulgarisation, et de les distribuer à prix subventionné.

En ce qui concerne les projets en cours et en préparation, on peut également mentionner l'existence d'un projet privé de création d'une unité de fumage à froid de capitaine à Bangui (capacité de fumage d'environ 250 Kg/semaine), en cours de formulation avec le concours financier de la Caisse française de développement (CFD).

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