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4. Analyse socio-économique

La ville de Korhogo et sa banlieue comptent un peu plus de 170 000 habitants, dont 61 000 ruraux et 109 000 citadins. Au nord de la ville, et en particulier, aux abords de la forêt classée de Badénou, la densité n'est que de 15 habitants/km2, principalement des Sénoufos, attachés à la terre (culture attelée et engrais).

En ce qui concerne le bois de feu, le bilan offre-demande en énergie de bois est fortement déficitaire (source: Plan National de l'Energie): 70 600 t/an en 1990 et 1 16 400 t/an en 1995 (et près de 240 000 tonnes en 2000).

Ainsi en 1995, 56% de la demande en bois énergie de la Sous-Préfecture devront être satisfaits dans un rayon d'approvisionnement supérieur à 20 km. Pour le bois d'oeuvre, ce sont des scieries de la zone forestière situées à plus de 500 km de Korhogo qui approvisionnent les menuisiers de la place. Ce bois coûte extrêmement cher.

La forêt classée est partiellement habitée si l'on s'en réfère à l'enquête de 1992 : 43 familles occupent la périphérie de la forêt classée de Badénou; 72 autres familles vivent en permanence dans trois villages dans cette forêt classée, soit un effectif d'environ 500 personnes (à raison de sept personnes par famille). La superficie occupée est de 1 100 ha (soit 4% de la superficie totale de la forêt Cette occupation est un phénomène récent et continu, qui a débuté après l'Indépendance.

D'autre part, cette région est parcourue par de grands troupeaux bovins, conduits par des Peuhls; ces troupeaux leur appartiennent généralement, tandis que certains sont la propriété des paysans Sénoufos ou des cadres de la région. Ces éleveurs pratiquent la transhumance saisonnière vers la région de Katiola, de décembre à mars. En saison pluvieuse, les troupeaux pâturent dans la région de Korhogo; ce pâturage itinérant est à l'origine de nombreux conflits entre éleveurs et agriculteurs. Ainsi, les éleveurs sont repoussés vers les zones les plus éloignées des villages: ce sont souvent des forêts classées.

Environ 15 000 bovins parcourent en saison pluvieuse la forêt Badénou, en provenance de sept campements peuhls situés au nord de la forêt, ce pâturage extensif s'accompagne de la coupe de certaines espèces ligneuses dont le feuillage est appété par les troupeaux (Khaya senegalensis, Afzelia africana) et de feux de saison sèche pour hâter la repousse d'herbe verte. D'autre part, un plus grand nombre d'animaux encore traverse cette forêt en décembre et en avril, lors des mouvements très importants de transhumance vers les pâturages méridionaux. Enfin, on estime à 5 000 environ le nombre d'animaux séjournant en saison sèche dans cette forêt. Cependant, elle ne contient pas de grosses installations relatives à cette activité pastorale, sauf le barrage de Nafoun.

L'utilisation des produits forestiers non ligneux (PFNL) a été peu étudiée dans cette région. Les plus communs sont: les écorces de Khaya senegalensis (très prisées en médecine traditionnelle) les gousses de Parkia biglobosa et les noix de Butyrospermum paradoxum, certaines espèces telle que Pterocarpus erinaceus, dont les cendres sont utilisées dans la fabrication de la potassé qui sert elle-même à la fabrication du savon noir traditionnel. Les singes, les phacochères, les antilopes sont les plus braconnés.

5. Aménagement de la forêt classée de Badénou

5.1. Inventaire et tarifs de cubage
5.2. Accroissement des peuplements forestiers et diamètre d'exploitabilité
5.3. Considérations générales et objectifs
5.4. Organisation spatiale des objectifs


5.1. Inventaire et tarifs de cubage

La forêt classée de Badénou a été inventoriée de la façon suivante:

- ouverture de trois layons traversant la forêt du nord au sud et passant par tous les types de végétation (surface inventoriée: 75,6 ha, soit un taux d'échantillonnage de 0,3%);

- inventaire de toute la végétation ligneuse sur 25 mètres de largeur (12,5 mètres de part et d'autre de l'axe du layon),

- mesures effectuées: effectif par classe de diamètre et par espèce (diamètre de précomptage: 10 cm) et par type de formation végétale.

Le tarif de cubage utilisé est le tarif toutes essences du Mali (VT = - 0,03263 + 0,16223 x C + 0,49943 x C3) à défaut de tarif local disponible.

Cet inventaire (tableau n° 24) a mis en évidence les volumes "bois fort" (vol. BF) suivants:

Tableau n° 24: Volume moyen bois fort par formation végétale.

Formations végétales

Vol. (BF) en m3/ha

Tiges par ha (diamètre supérieur à 10 cm)

Ilot de forêt

76,3

180

Savane boisée

35,9

115

Savane arborée

27,9

83

Savane arbustive

11,4

47

Savane herbeuse

0,5

7

La densité et le volume bois fort sur pied des arbres des savanes boisées et arborées étant comparables, la SODEFOR n'a pas distingué par la suite ces deux types de savanes.

Entre-temps en 1994, l'IDEFOR a réalisé des tarifs de cubage locaux pour les espèces suivantes: Afzelia africana, Anogeissus leiocarpus, Daniellia oliveri, Diospyros mespiliformis, Isoberlinia doka, Khaya senegalensis, Pterocarpus erinaceus, Butyrospermum paradoxum, Prosopis africana, Lophira lanceolata, Parkia biglobosa.

5.2. Accroissement des peuplements forestiers et diamètre d'exploitabilité

La SODEFOR a tenté d'estimer l'accroissement des peuplements forestiers de la forêt classée de Badénou (tableau n° 25). Il est évident que les résultats obtenus sont des valeurs indicatives, à prendre avec prudence.

5.2. 1. Méthodologie

- dix espèces ont été choisies pour cette étude: Khaya senegalensis, Afzelia africana, Daniellia oliveri, Isoberlinia doka, Butyrospermum paradoxum, Lophira lanceolata, Diospyros mespiliformis, Anogeissus leiocarpus, Terminalia macroptera, Parkia biglobosa;

- quatre arbres par espèce ont été abattus et une rondelle par arbre a été prélevée;

- sur chaque rondelle le nombre de cernes a été compté à partir du coeur du bois, tout en considérant que le cerne correspond à un an de croissance de l'arbre (et le diamètre d'accroissement a été mesuré en fonction de l'âge estimé de l'individu, des courbes de croissance ont été tracées à partir de ces valeurs).

5.2.2. Résultats d'accroissement annuel moyen sur le diamètre

Tableau n° 25: Accroissement annuel moyen pour dix espèces (à Badénou)

ESPECES

ACCROISSEMENT

PERIODE

Parkia biglobosa

10 mm/an

0-35 ans

Isoberlinia doka

10 mm/an

0-40 ans

Butyrospermum paradoxum

5 mm/an

0-60 ans

Afzelia africana

11 mm/an

0-40 ans

Lophira lanceolata

9 mm/an

0-35 ans

Khaya senegalensis

9 mm/an

0-50 ans

Daniellia oliveri

6 mm/an

0-100 ans

Terminalia macroptera

6 mm/an

0-40 ans

Diospyros mespiliformis

6 mm/an

0-60 ans

Anogeissus leiocarpus

8 mm/an

0-80 ans

5.2.3. Diamètre d'exploitabilité

En fonction des accroissements annuels moyens et des connaissances acquises par ailleurs, les diamètres minima d'exploitabilité suivants ont été retenus:

- 60 cm pour toutes les espèces des savanes boisées et arborées susceptibles de fournir du bois d'oeuvre;

- 50 cm pour Isoberlinia doka dont la croissance semble ralentir au-delà de cette valeur et dont on trouve rarement des sujets de gros diamètre.

5.3. Considérations générales et objectifs

L'aménagement de la forêt classée de Badénou doit permettre d'abord d'approvisionner en bois d'oeuvre et en bois de feu la ville de Korhogo et sa proche région sans recourir à des investissements lourds (c'est ce qui était prévu initialement). Elle pourrait fournir en abondance également du bois de feu, à la condition de protéger ces peuplements des feux de saison sèche, de mieux canaliser le bétail et de favoriser la régénération naturelle.

L'application de cet aménagement devrait permettre également la création d'une petite industrie de transformation du bois à Korhogo.

Les objectifs prioritaires sont:

- la production de bois d'oeuvre;

- la production de bois de feu, subordonnée à la production de bois d'oeuvre (récolte des sous-produits de l'exploitation des grumes; exploitation du taillis et récolte des arbustes en savane arbustive);

- la protection et la reconstitution de la forêt naturelle favorisant la régénération et la croissance des essences caractéristiques de la région.

Les objectifs secondaires visent à:

- associer les paysans et les éleveurs à la gestion de la forêt afin de canaliser le bétail et gérer le pâturage en forêt pour atteindre l'objectif prioritaire;

- favoriser la reconstitution des populations animales,

- améliorer la connaissance en ce qui concerne la dynamique des peuplements et la protection des milieux fragiles.

5.4. Organisation spatiale des objectifs

5.4.1. Parcellaire

La forêt classée de Badénou a été d'abord cloisonnée en blocs d'environ 1 000 ha par des pistes et pare-feu arborés, doublés de haies vives, d'une largeur totale de 80 m; chacun de ces blocs a été divisé en sous-blocs d'environ 500 ha par des pistes et pare-feu arborés d'une largeur totale de 30 m; chaque sous-bloc a été subdivisé en parcelles constituant l'unité de gestion et de travail de la forêt

Chaque parcelle est aussi homogène que possible du point de vue sol, topographie, peuplement forestier et conditions d'exploitation; en forêt classée de Badénou, les caractéristiques moyennes d'une parcelle sont les suivantes:

- sa superficie moyenne est de 150 ha;
- elle s'appuie autant que possible sur des limites naturelles;
- elle débouche directement sur une piste accessible aux camions;
- elle est constituée d'un type de peuplement dominant.

5.4.2. Partage en série

* Série de protection de la faune

Elle contient les parcelles situées loin des villages, près d'un cours d'eau et comportant une mosaïque de formations végétales, habitat préféré de la faune. Elle couvre 1 917 ha.

Les actions spécifiques à cette série sont les suivantes:

- pâturage strictement interdit à l'intérieur de la série;

- pas de coupe à but commercial, mais possibilité d'asseoir quelques coupes à but cultural ou paysager (création de lisières et de gagnages);

- mise à feu précoce chaque année (avant le 15 décembre);

- inventaire de la faune tous les deux ans;

- lutte contre le braconnage.

* Série de protection intégrale

Elle comprend des parcelles situées sur différents types de sol, couvrant l'ensemble d'un bassin versant et contenant tous les faciès de végétation. Elle couvre 1 660 ha.

Les actions spécifiques à cette série sont les suivantes:

- pâturage, feu, coupe et cueillettes strictement interdits;
- mise en place de placeaux permanents pour le suivi de l'évolution des formations.

* Série pastorale

Ce sont des parcelles situées dans la zone que l'on souhaite réserver au bétail (couloir de transhumance et pare-feu pâturés). Sa superficie est limitée à 625 ha.

Cette série étant destinée prioritairement au passage des troupeaux bovins, on n'entreprendra aucune coupe de régénération, ni de travaux associés. On se contentera de récolter les arbres ayant atteint ou dépassé le diamètre d'exploitabilité dans les seules savanes boisées et arborées; aucune autre formation végétale ne sera parcourue en coupe. Les coupes seront assises par bloc à la rotation de 20 ans. Pour assurer une continuité dans l'espace avec les coupes de la série de production, cette série sera parcourue en 2004.

Les règles à suivre sont les suivantes:

- série ouverte au pâturage toute l'année;
- mise à feu précoce chaque année (avant le 15 décembre);
- émondage des arbres autorisé;
- amélioration possible du pâturage.

* Série de production

C'est en superficie la série la plus importante: 22 778 ha. A long terme, l'ensemble de la série sera traité en futaie irrégulière. Pendant la durée de l'aménagement, les savanes arbustives seront régénérées par coupe rase en vue de leur conversion en futaie; les formations plus riches seront traitées immédiatement en futaie irrégulière.

- Effort de régénération

Toutes les savanes arbustives de la série de production seront régénérées pendant la durée de cet aménagement par coupe rase. Seules les friches agricoles de cette série, soit 1 100 ha, seront plantées en Khaya senegalensis. Dans les autres formations, la régénération sera favorisée par le contrôle des feux et du bétail.

- Mode d'assiette des coupes et possibilités

Les coupes sont assises par bloc pour mieux contrôler l'exploitation forestière et pour concentrer dans l'espace les travaux associés à ces coupes, pour un meilleur suivi.

La rotation des coupes est fixée à 20 ans; ainsi chaque parcelle de la série sera parcourue une fois et une seule pendant la durée de cet aménagement (1993-2012). Dans les savanes arbustives, cette rotation permettra de reconstituer un capital de bois de feu exploitable (2 m3/ha/an, soit 40 m3/ha, si la protection contre le feu est efficacement assurée) et de sélectionner les meilleures tiges; celles-ci, conduites en futaie, seront ensuite éclaircies jusqu'à la révolution de 80 ans correspondant vraisemblablement au diamètre d'exploitabilité fixé. Dans les autres formations, cette durée permettra aux meilleures tiges de réagir à l'éclaircie qui aura été marquée à leur profit.

En conclusion:

- les savanes arbustives sont parcourues sur 100% de leur surface par des coupes rases (abattage systématique de toutes les espèces et d'un diamètre supérieur ou égal à 7 cm);

- les savanes arborées et boisées, plus riches, sont parcourues par martelage sur 100% de leur surface par des coupes d'éclaircie (qui récolteront les arbres ayant atteint le diamètre d'exploitabilité et qui conserveront les fruitiers et les fourragers);

- les îlots de forêt, les prairies (y compris les savanes herbeuses) et les friches agricoles ne sont pas parcourues en coupe, sauf cas particulier, par exemple les peuplements très denses (plus de 400 tiges/ha), de superficie minimale égale à un hectare, où une éclaircie sera réalisée au profit des arbres d'avenir.

Les règles de gestion des feux et du parcours sont résumées ci-dessous:

- pour les feux, la protection intégrale d'une parcelle exploitée sera indispensable pendant trois années; ensuite, une mise à feu précoce sera réalisée chaque année;

- pour le bétail, le traitement sera particulier car l'objectif de la SODEFOR est:

• d'obtenir, à la mise en régénération de la parcelle, un sol aussi propre que possible (diminution de la concurrence des graminées) en surpâturant quelques années avant la coupe, afin d'éviter si possible les risques de feux incontrôlés;

• de fertiliser le sol;

• de trouver un compromis avec les Peuhls qui cherchent des pâturages.

En pratique, le surpâturage par bloc entier sera favorisé pendant cinq ans avant la première coupe dans le bloc. Dès que cette coupe interviendra, le pâturage dans l'ensemble du bloc sera interdit, et ce jusqu'à trois ans après l'exploitation de la dernière parcelle du bloc. Pendant ces cinq premières années, ces parcelles seront mises à feu précoce; le pâturage y sera donc autorisé toute l'année.

6. Mesures concernant l'association des populations riveraines

6.1. Limitation des implantations agricoles
6.2. Le contrôle des éleveurs
6.3. La création d'une Commission Paysans-Forêts (CPF)


6.1. Limitation des implantations agricoles

Etant entendu qu'il n'y aura pas d'extension des surfaces défrichées ou cultivées, la SODEFOR incitera la passation de contrats sur l'ensemble des terrains agricoles actuellement occupés en forêt classée (I 100 ha); aux termes du contrat, l'agriculteur assurera la plantation de placeaux de Khaya senegalensis et leur entretien, en même temps qu'il pratiquera ses cultures vivrières entre les placeaux; la durée du contrat sera limitée par la fertilité du sol et non par la croissance des arbres, les placeaux étant espacés de 10 m; l'agriculteur est rémunéré pour son travail au bénéfice des arbres forestiers.

Ensuite, la SODEFOR envisage:

- une aide à la réinstallation des paysans hors forêt classée (au sud du Bandama) notamment par intensification de l'agriculture,

- l'association prioritaire des populations aux travaux (exploitation forestière, récolte d'anacardes, pépinières, surveillance des incendies, surveillance de la chasse, plantation et entretiens des arbres forestiers) et appui à leur organisation en groupements villageois;

- l'appui à des actions de diversification dans les villages riverains (élevage d'animaux sauvages, apiculture, etc.), afin d'accroître leurs revenus.

6.2. Le contrôle des éleveurs

Les éleveurs et la SODEFOR ont convenu ensemble:

- la concession des pare-feu pâturés d'une superficie pâturable de 27 000 X 200 mètres; aux termes du contrat, les éleveurs bénéficieront du pâturage éventuellement amélioré (semis de Stylosanthes, mise en place de points d'eau, etc.) et assureront l'entretien du pare-feu en saison sèche par des feux précoces contrôlés (l'éleveur sera rémunéré pour cet entretien);

- la concession à titre gratuit de la série pastorale pour la durée de l'aménagement;

- la rotation des troupeaux, prioritairement sur les blocs devant passer prochainement en coupe; des mesures incitatrices devront favoriser cette rotation (mise en place de pierre à sel, de points d'eau, de compléments de nourriture, etc.).

6.3. La création d'une Commission Paysans-Forêts (CPF)

Une CPF a été créée et regroupe les autorités administratives, les représentants des villages et des éleveurs, les organismes encadrant les agriculteurs et les éleveurs, le chef de secteur de la SODEFOR.

7. Commentaires sur la situation de la foret de Badénou en mars 1995

Les principales observations formulées à l'issue de la visite de la forêt classée de Badénou sont les suivantes:

1. De très gros moyens sont mis à la disposition des forestiers chargés de cette opération-pilote d'aménagement: une base vie pour les techniciens (coût estimé à 60-80 millions de CFA), un réseau très important de coupe-feu (ouverts au bull D8 et sous-traités à des entreprises), la construction d'ouvrages d'art (ponts), etc. Ceci semble aller à l'encontre de l'option primitivement choisie: financement local, sans coût récurrent insoutenable.

2. Une réelle prise en compte des exigences des éleveurs est à signaler:

- couloir nord-sud de transhumance pour lequel ils sont entièrement responsables, y compris pour la mise à feu précoce;

- mise en défens limitée à trois années après l'exploitation;

- une série pastorale ouverte toute l'année de 625 ha [soit 2,3% de la superficie totale de la forêt] leur est réservée, en plus des 22 778 ha de la série de production, exception faite des blocs récemment exploités.

Cependant, les risques de conflits avec les villageois riverains ne sont pas entièrement nuis.

3. Si la "Commission Paysans-Forêts" a été créée, il semblerait que tous les aspects traités n'aient pas été résolus. Sachant que les populations fixées en forêt devront à terme déménager, il semble qu'elles ne soient encore que peu intégrées (sauf en ce qui concerne la main d'oeuvre: contrat de pépinière sèche [stumps], contrat de plantation et d'entretien, contrat de surveillance d'incendie, etc.). L'exploitation (bois d'oeuvre, bois de feu) n'a pas encore débuté. En forêt classée, les populations locales ont des droits d'usage limités, alors qu'en forêt du domaine rural, elles profitent de l'usufruit (à l'exclusion du bois d'oeuvre).

4. Les agriculteurs installés en forêt au sein de trois villages (Nawavogo-Est, Larrovogo, Kawavogo) ne sont plus autorisés à défricher de nouveaux espaces (riz). En compensation, ils ont obtenu l'autorisation provisoire de cultiver les vastes superficies des coupe-feu arborés, larges de 80 mètres; ils sont par ailleurs rémunérés pour divers travaux. Cependant, un effort d'intensification agricole est à mener parallèlement à la nouvelle répartition des revenus provenant de la vente du bois de feu (intrants, semences sélectionnées) afin de fixer définitivement les limites de la forêt

5. La filière-bois a été analysée en 1988 par Techno-Forêt SA et en 1990 par la Direction et Contrôle des Grands Travaux (DCGTX). Les consommations et les besoins en bois de feu, de service, d'oeuvre sont encore méconnus. Des estimations sont fournies pour chaque ville (potentiel disponible et consommation par habitant) dans le cadre du plan national de l'énergie.

6. L'accroissement des peuplements forestiers a été estimé à partir de très rares données empiriques connues, ainsi que les diamètres d'exploitabilité. De plus, l'inventaire réalisé de toute la végétation ligneuse au taux de 0,3%, dans un contexte d'aménagement par contenance, ne permet pas de sécuriser les acteurs économiques (industriels pour le bois d'oeuvre, bûcherons-villageois pour le bois de feu), qui verront leurs revenus varier dans de très larges proportions d'une année à l'autre.

7. Malgré tous les efforts consentis notamment en faveur des éleveurs et des agriculteurs, le point-clé de la durabilité de l'aménagement réside dans la gestion conjointe de ce qui doit devenir un "bien commun". Ce projet-pilote n'en est qu'à ses débuts et diverses corrections de cap seront réalisées au cours des prochains mois.

En conclusion, la SODEFOR s'est appropriée une démarche assez classique d'aménagement bien connue des pays du Nord. Les agriculteurs seront à terme exclus de la forêt. L'aménagement de Badénou ne prévoit pas de série agricole, au contraire de celui de forêts ivoiriennes plus fortement infiltrées par les populations. Mais par contre un réel effort en faveur des éleveurs est consenti, au bénéfice des deux parties en présence.

Etude de cas réalisée à partir des documents suivants: SODEFOR (1993); Affoué (1995).

Etude de cas n° 3 - La foret de Morondava (Cote Ouest de Madagascar)

1. L'aménagement des forêts sèches de Madagascar
2. Les forêts de Morondava


1. L'aménagement des forêts sèches de Madagascar

1.1. Historique
1.2. Le programme Menabe


1.1. Historique

Environ un million d'hectares de forêts sèches sont actuellement classées, dont deux Réserves Naturelles Intégrales, les Tsingy de Bemaraha et le massif de l'Ankarafantsika, qui couvrent environ 200 000 ha.

Dans le but de valoriser les forêts malgaches, au début des années 1970 avec l'appui de la FAO le service forestier entreprend différentes activités et notamment des inventaires forestiers localisés (FAO, 1972). Ces études débouchent entre autres sur la proposition de créer trois CFPF (Centre de Formation Professionnelle Forestière) pour chaque grande zone écologique de Madagascar la Côte Ouest, les Hautes-Terres et la Côte Est. Ces CFPF ont pour objectifs de mettre au point des méthodes rationnelles d'exploitation et de transformation du bois et de former des professionnels dans ces deux activités. Les CFPF de Morondava pour la Côte Ouest et de Fianarantsoa pour les Hautes Terres ont vu le jour en 1978, alors que celui sur la côte orientale n'existe toujours pas.

Face à la dégradation des forêts et de l'environnement, de nombreux projets ont démarré vers la fin des années 1980. En 1994-1995, trois études, financées dans le cadre du GPF (Gestion et Protection des Forêts), ont une grande importance pour l'avenir des forêts: aide à la formulation de la politique forestière nationale, inventaire forestier national, et gestion des ressources humaines dans le secteur forestier.


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