La nécessité dun sens des responsabilités dans les activités après capture du secteur de la pêche
1. Le Code de conduite pour une pêche responsable propose une responsabilité à trois niveaux:
2. Ces trois domaines de responsabilité se retrouvent dune manière ou dune autre à travers tous les articles du Code. L'article 11 (Pratiques post-capture et commerce) met particulièrement laccent sur les responsabilités vis-à-vis du consommateur. Cependant, les trois domaines se recoupent car la responsabilité dans lun entraîne une responsabilité dans les deux autres. Il convient de noter que le Code de conduite sadresse à une industrie qui cesserait dexister si personne nachetait ou ne consommait de produits de la pêche, en dautres termes sil ny avait pas de consommateurs.
3. Dans ses Principes généraux, le Code souligne également certains aspects de ces responsabilités:
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6.7 La capture, la manutention, la transformation et la
distribution du poisson et des produits de la pêche devraient être
effectuées de manière à préserver la valeur
nutritionnelle, la qualité et l'innocuité des produits, à
réduire le gaspillage et à minimiser les effets négatifs
sur l'environnement. |
4. Bien que la plupart des articles du Code aient été rédigés de manière à placer la responsabilité de sa mise en application sur les gouvernements et les États, le Code fixe également des normes pour tout le secteur de la pêche. L'Article 2, qui énumère les objectifs du Code, indique que celui-ci fixe des normes de conduite pour tous ceux qui interviennent dans le secteur de la pêche.
5. La pêche revêt une importance aux plans social, économique, nutritionnel et de la sécurité alimentaire. La FAO estimait, en 1994, quau moins 30 millions dindividus étaient engagés dans la production primaire de poissons - capturés dans leur milieu naturel ou en aquaculture (Unité de l'information, des données et des statistiques de la FAO, 1997). Le tableau ci-après donne une comparaison de la production primaire par région, ainsi que le nombre de personnes impliquées dans la production de ce type de poisson. Ainsi, on note une répartition inégale tant dans le nombre de personnes que dans l'ampleur des opérations de par le monde, avec une forte concentration dopérateurs pour de faibles niveaux de production en Asie. La production moyenne par personne en Asie est en effet de moins de deux tonnes par an, contre quelque 30 tonnes en Europe. Ces chiffres illustrent le degré variable dindustrialisation du secteur de la pêche suivant les continents, mais aussi le rôle très important joué par la pêche «artisanale» dans la production alimentaire, notamment en Afrique et en Asie. Les quantités considérables de poisson pêchées par un nombre relativement réduit de personnes employées dans lindustrie de la pêche aux petits pélagiques, destinées essentiellement aux aliments pour animaux, en Amérique du Sud, expliquent probablement le ratio élevé de production par personne de cette région.
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Continent |
Production nominale (tonnes) 19901 |
Pourcentage de production |
Nombre de personnes engagées dans la production2/B> |
Pourcentage de personnes |
Production par personne (tonnes/an) |
Afrique |
5 138 400 |
5,3 |
1 857 692 |
6,5 |
2,8 |
Asie |
46 080 200 |
47,1 |
24 252 822 |
85,0 |
1,9 |
Europe |
110 457 600 |
11,7 |
391 781 |
1,4 |
29,2 |
Amérique du Nord |
9 584 400 |
9,8 |
844 675 |
3,0 |
11,3 |
Amérique du Sud |
14 453 900 |
14,8 |
785 556 |
2,8 |
18,4 |
Ex-URSS |
10 389 100 |
10,6 |
251 000 |
0,9 |
41,4 |
Océanie |
747 800 |
0,8 |
143 701 |
0,5 |
5,2 |
TOTAL |
97 851 400 |
28 527 227 |
3,4 |
Source: 1 FAO 1997a 2
Unité de l'information, des données et des statistiques sur les
pêches de la FAO, 1997.
6. Outre ces personnes engagées dans la production primaire directe de poisson, on compte dautres intervenants dans les industries corollaires telles que les chantiers ruraux, la fabrication dengins de pêche, les fabriques de glace, les fabricants demballage, la commercialisation, la distribution, la réfrigération, lingénierie, etc., ainsi que ceux qui sont engagés dans la recherche, le développement et ladministration dans le secteur. On ne dispose pas destimation du nombre de personnes impliquées dans la transformation, la commercialisation et la distribution des produits de la pêche et de laquaculture. Cependant, il est certain quen Afrique et en Asie, les entreprises familiales à petite échelle et la dépendance des faibles volumes des capacités dans le secteur après capture en Asie et en Afrique restent similaires à ce qui se passe dans le secteur de production primaire.
7. Il est probable que pour chaque personne impliquée dans la production primaire, au moins quatre emplois sont créés dans ces autres activités dont laprès capture, soit quelque 150 millions demplois dans ce qui est communément appelé «lindustrie de la pêche». Ces chiffres approximatifs représentent ceux qui gagnent totalement ou partiellement leur vie à partir de cette industrie de la pêche, et pourraient être multipliés par trois au moins pour inclure les personnes à charge et autres parents dépendant deux, soit 450 millions dindividus ou 7 à 8 pour cent de la population mondiale.
8. Au cours des dernières années, la production mondiale de poisson a été de 100 à 110 millions de tonnes par an, avec un pic de 112 millions de tonnes en 1995. Environ 80 millions de tonnes de cette production annuelle sont destinées à la consommation directe humaine, et pratiquement les 30 millions de tonnes restantes sont utilisées dans lalimentation des animaux destinés eux aussi à la consommation humaine, ou pour la production de produits laitiers ou d'ufs qui entrent également dans la chaîne alimentaire. (FAO, 1997a et FAO, 1997b).
9. La valeur au débarquement des produits de la pêche est estimée à plus de 83 milliards de dollars E.-U., en plus des 42 milliards de dollars des produits de laquaculture. Dans le commerce mondial de poisson et autres produits de la pêche, plus de 52 milliards de dollars E.-U. de produits ont franchi les frontières en 1995 (FAO, 1997b). Cinquante et un pour cent de ces transactions transfrontalières proviennent des pays en développement. Ainsi, les recettes nettes en devises des exportations de produits de la pêche en provenance des pays en développement étaient passées de 5,1 milliards de dollars E.-U. à 18 milliards de dollars E.-U. en 1995. (FAO, 1997c et FAO, 1997. Service des ressources des eaux intérieures et de laquaculture, Division des ressources halieutiques).
10. De très grandes parties des stocks mondiaux de poisson sont pleinement exploitées; certaines sont même surexploitées, voire épuisées, doù la nécessité de permettre la reconstitution si lon veut maintenir les niveaux actuels de production sur le long terme. Le développement de laquaculture a, dans une certaine mesure, contribué à atténuer le problème de la stagnation ou de la réduction des ressources traditionnelles, mais la croissance démographique entraîne un risque de pénurie. En dautres termes, loffre par habitant va diminuer et causer une augmentation des prix. On estime que la demande en produits de la pêche - tous usages confondus - passera de 140 à 150 millions de tonnes dici à lan 2010 (FAO, 1997c).
11. La réduction des quantités de produits gaspillés ou perdus entre la capture et la consommation fera baisser la pression visible exercée sur les stocks et contribuera donc à lexploitation durable des ressources.
12. Le poisson est capturé pour une consommation personnelle (pêche de subsistance), pour être échangé contre des produits autres que de largent (troc) ou encore pour le sport. Cependant, une grande partie est transformée pour être vendue. Par conséquent, une utilisation responsable de la production actuelle est primordiale pour le bon fonctionnement de lindustrie de la pêche, des personnes consommant du poisson dans le monde, et bien dautres dont la subsistance dépend du poisson. Lindustrie et linfrastructure des pêcheries mondiales dépendent largement de la vente finale des produits, par les détaillants aux consommateurs, où le poisson ou les produits à base de poisson vont dans une direction, et largent dans une autre. Sans cette transaction finale, on ne trouverait ni raison, ni justification aux efforts la précédant, à savoir: la capture ou l'élevage, la transformation et la conservation du poisson, la réglementation et la gestion de la pêche et l'implication des États et dorganismes internationaux dans la sauvegarde de lindustrie et des intérêts des personnes y travaillant. En réalité, il ny aurait pas dargent dans le système pour lacquisition des divers intrants nécessaires avant ce stade final.
13. Ainsi, pour des raisons écologiques, sociales et économiques, il est très important de veiller à ce que le poisson, une fois pêché, arrive au consommateur de la manière la plus efficiente et que les transactions finales se fassent à la satisfaction tant des consommateurs que des vendeurs (représentants des intérêts de tous les intervenants de lindustrie de la pêche).
14. Parmi les autres raisons justifiant la nécessité de faire parvenir les produits de la pêche aux consommateurs, avec un minimum de pertes pour un maximum defficacité, on note le fait que ces produits constituent une source précieuse de nutriments pour un très grand nombre de personnes dans le monde. Enfin et surtout, la majorité des activités de pêche ou daquaculture contribuent aux réserves alimentaires. Le poisson nest souvent pas considéré comme important dans la sécurité alimentaire des pays parce que celle-ci est mesurée en termes de disponibilités dhydrates de carbone par habitant, alors que le poisson a un faible apport calorique. Or, les populations ne vivent pas uniquement des hydrates de carbone contenus dans les céréales et les tubercules.
15. Au niveau individuel et des ménages, le poisson peut être très important sur le plan nutritionnel, car il constitue une source de protéines de bonne qualité contenant des acides aminés essentiels, notamment la lysine que lon ne trouve pas nécessairement ailleurs à daussi fortes concentrations. En outre, les graisses du poisson ont une forte teneur en acides gras polyinsaturés, surtout des acides gras oméga 3. Ceux-ci présentant de gros avantages pour la santé préviennent en effet les maladies cardiovasculaires, favorisent le développement du système nerveux et du cerveau, ainsi que celui du ftus et du nourrisson, et semblent également offrir une certaine protection contre le diabète, les infections chroniques et certains types de cancer.
16. Le poisson est également une source de vitamines B12, A et E, mais surtout de vitamine D naturelle. Il contient par ailleurs des oligoéléments, tels que liode et le sélénium. Le poisson a une faible teneur en sodium, facteur important pour les personnes ayant des problèmes de tension artérielle et donc susceptibles dêtre soumises à un régime hyposodé. Du point de vue nutritionnel, le poisson présente donc de nombreux avantages. Dans les régions où les sources de protéines animales sont soit rares, soit chères - comme dans les pays en développement - le poisson est souvent la principale source de protéines alimentaires.
17. Bien quil y ait des restrictions à la consommation de certains crustacés et de poissons sans écailles (pour les musulmans et les juifs), le poisson nest généralement associé à aucun tabou, ni à interdit religieux tel que cest le cas dautres produits alimentaires dorigine animale. Le poisson est également accepté par ceux qui ne consomment pas de chair animale. Dans de nombreux pays moins développés, le poisson représente aussi une source abordable de protéines animales, non seulement il est moins cher, mais est également préférable aux recettes locales ou traditionnelles. Les produits locaux de la pêche sont du reste généralement moins chers que les autres sources de protéines animales telles que le buf, le porc, la chèvre ou le mouton. Ils sont souvent conservés pour leur transport vers les communautés rurales où les autres sources de protéines animales ne sont pas toujours disponibles à un prix abordable pour une «consommation journalière».
18. La contribution du poisson à la nutrition varie considérablement dun endroit à un autre, suivant les traditions et habitudes alimentaires des différents groupes de population. Établis, à léchelle mondiale, les «Bilans Alimentaires» de la FAO (Lauretti, 1996) montrent quen 1993 lapport visible était de 13,4 kg de poisson entier par personne, soit 15,6 pour cent de la consommation de protéines animales. Dans les pays à faible revenu et à déficit vivrier, seuls 9,6 kg de poisson sont disponibles par habitant, mais cela représente plus de 20 pour cent des protéines animales disponibles. Ainsi, le poisson est souvent relativement plus important que les autres sources de protéines animales dans les pays moins nantis. Cependant, il y a de larges variations entre pays, selon la disponibilité de poisson et des autres produits alimentaires, mais aussi les traditions et habitudes alimentaires. Aux Comores, par exemple, 21,3 kg de poisson sont disponibles par an et par habitant, soit 61,5 pour cent de la consommation de protéines animales, alors quau Canada une quantité sensiblement égale de poisson est disponible par habitant (22,5 kg), mais représente moins de 10 pour cent des protéines animales consommées par les Canadiens. Cela indique que les Canadiens ont une consommation globale de protéines animales plus élevée et que le poisson est une denrée alimentaire plus importante aux Comores qu'au Canada. Pour les Comoriens donc, le poisson est probablement une source moins onéreuse et abondante de protéines animales, alors que la consommation de poisson au Canada sajoute à une gamme déjà variée de produits.
19. Le poisson se détériore et devient impropre à la consommation beaucoup plus rapidement que presque tous les autres aliments. À moins dêtre consommé aussitôt après avoir été capturé, il devient inutilisable et donc perd sa valeur nutritionnelle. Diverses techniques de conservation et transformation dont la mise à température (réfrigération ou congélation), le traitement à la chaleur (mise en boîte, ébullition et fumage), la réduction de la teneur en eau (séchage, salage et fumage) et la modification du milieu de stockage (emballage et réfrigération) contribuent à la réduction de la vitesse daltération et permettent donc la distribution et la commercialisation du poisson à léchelle mondiale. Cependant, en cas de défaillance des infrastructures et mécanismes conçus pour la conservation des produits, le poisson se détériore avant même darriver au consommateur. Cest le cas, par exemple, lorsquil y a des coupures délectricité entraînant une interruption de la réfrigération ou de la congélation dans les chambres froides utilisées pour la conservation à basse température; des défauts au niveau des matériaux demballage dans les conserveries provoquant une stérilisation incomplète; des problèmes sur les réseaux de transport des produits devant être distribués sur le marché; ou des pannes de véhicules transportant des denrées périssables.
20. La fragilité du poisson frais en tant que produit alimentaire signifie également que si les conditions du marché étaient perturbées ou devenaient anormales, le poisson qui ne serait pas vendu dans les limites de la durée de la conservation se détériorerait et devrait être jeté. Cela pose un problème particulièrement grave pour le poisson non conservé, laissé à température ambiante en zone tropicale et qui na que quelques heures de durée de conservation lorsquil arrive au stade de la vente au détail. Très souvent, sil nest pas vendu le jour même, il sera impropre à la consommation le lendemain.
21. La multiplicité des micro-organismes présents dans le milieu aquatique est incommensurable. Les pêcheurs ne sont généralement pas à même de sélectionner correctement les seuls spécimens pour lesquels ils ont, en termes despèces et de taille, un marché ou lautorisation de pêcher suivant les conditions du système de gestion destiné à réglementer et protéger les pêcheries dans lesquelles ils opèrent. En dautres termes, le poisson pour lequel il nexiste pas de débouché ou que la loi interdit de capturer ou de débarquer peut être et est souvent rejeté à la mer mort ou mourant. Ces poissons rejetés à la mer auraient pu servir à nourrir des hommes mais qui, faute de marché, sont perdus. Le volume des prises rejetées dépend de plusieurs facteurs dont le type de pêcherie, le type dengin, les variations saisonnières ou lhabilité et lexpérience des opérateurs.
22. Les mers, fleuves et lacs du monde recèlent plusieurs milliers despèces de poissons. Aussi, y a-t-il des milliers de types de produits alimentaires tirés du poisson qui doivent être conservés et transformés pour pouvoir atteindre le consommateur final dans les meilleures conditions et avec un minimum de pertes.
23. Bien que les principes généraux de conservation et de transformation des produits de la pêche soient les mêmes pour la plupart dentre eux et des espèces, et que ces principes soient interchangeables dun type à lautre, chaque type a ses propres compositions, une taille et une forme caractéristiques, ainsi quune biochimie intrinsèque. Par ailleurs, létat physiologique et donc chimique dun spécimen donné peut varier suivant lendroit et le moment où il a été capturé, quil sagisse dun mâle ou dune femelle, de son âge, de sa maturité et de bien dautres facteurs incontrôlables par le pêcheur.
24. En aquaculture, ces facteurs sont beaucoup plus facilement contrôlables et les modifications après capture des produits daquaculture devraient être plus faciles à déterminer et prévisibles. Cependant, la variété des matières premières, entrant dans le panier daliments généralement appelés poisson, fait que la recherche et le développement de systèmes après capture pour la manutention de ces matières premières sont essentiels; cela est particulièrement vrai pour lexploitation de nouvelles espèces et de stocks pour lesquels le mode de manutention et les propriétés nutritionnelles sont inconnues.
25. En tant qualiment, le poisson, comme toute autre denrée alimentaire, est susceptible de provoquer des maladies chez les consommateurs si des mesures appropriées ne sont pas prises pour prévenir ou empêcher la contamination par des micro-organismes pathogènes, toxines et contaminants. Linnocuité du poisson est très importante pour la protection des consommateurs et donc pour la viabilité de lindustrie. Si le consommateur n'a pas confiance en linnocuité du produit, la demande peut seffondrer et entraîner avec elle le reste de lindustrie. Il suffit, par exemple, dun épisode mineur dintoxication connu par le public pour que les consommateurs cessent dacheter des produits de la pêche et que lindustrie tout entière subisse les effets économiques désastreux.