Chapitre IV: Rôle de l'arbre et participation des femmes dans la foresterie
La forêt et l'arbre en particulier jouent une rôle de premier plan dans la vie quotidienne des populations rurales.
En effet, nos résultats d'enquête ont révélé que dans toutes les trois zones les populations se servent de la forêt comme une source de pâturages pour les animaux, d'aliments et de médicaments et de lieu de culte. Les populations tirent de la forêt du bois de chauffe et de service, du charbon de bois, des fibres pour fabriquer des cordes et autres, du fourrage et des fruits (tels que balanites, tamarin, ziziphus, néré, etc.) et des produits économiques tels que la Gomme arabique. Comme partout ailleurs, ce sont les femmes qui sont chargées de la collecte du bois et des produits divers.
Les espèces d'arbres ou de plantes herbacées qui constituent la source d'aliments, de médicaments ou de combustibles et qui sont les plus couramment utilisées sont:
- Source de bois: Eucalyptus camaldulensis, Prosopis juliflora, Acacia nilotica, Acacia adansonii, Acacia senegal, Acacia seberiana, Acacia seyal, Sclerocarya birrea, Terminalia sp., Anogeisus leiocarpa, Dalbergia melanoxylon, etc...
- Source d'aliments (fruits): Balanites aegyptinca, Acacia senegal, Acacia seyal, Acacia albida, Acacia raddiana, Tamarindus indica, Ziziphus mauritiana, Diospiros mespiliformis, Anacardium occidental, Sclerocarya birrea, Feretia apodonthera.
- Source de médicaments: Balanites aegyptieca, Piliostigma reticulatum, Ziziphus mauritiana, Mitragyna inermis, Anageisus leiocarpus, Combretum glutinosum, Guierra senegalensis.
- Source d'ombrage et divers: Neem (Azadirachta indica), Terminalia mantali, Khaya senegalensis, etc...
Les plantes médicinales sont utilisées sous diverses formes: racines, feuilles, écorces, etc. On les utilise sous forme de tisane après les avoir fait bouillir, en décoction ou mélangées aux aliments.
4.2.1. Gestion des ressources forestières
De manière générale, on peut dire que les femmes participent très peu aux activités de gestion des ressources forestières.
Les femmes se sentent peu concernées par les actions de protection de l'environnement, car la plupart de celles que nous avons enquêtées pensent que la forêt appartient à l'Etat et que c'est à lui qu'il revient le rôle de la protéger. D'autre part ces actions de protection relèvent des hommes compte tenu de l'effort physique que cela demande. D'ailleurs certaines affirment que de tout temps ce sont les hommes qui s'occupent de la forêt, les femmes ne servant qu'à aller chercher du bois et des produits divers.
Selon certaines femmes, leur non participation serait due surtout au fait que personne ne les a contactées pour participer aux actions de gestion des ressources forestières. Elles seraient intéressées par apporter leur contribution si on le leur demandait, car elles connaissent l'intérêt que présente la forêt pour la préservation de leur environnement écologique et le développement durable.
Néanmoins, dans la zone périphérique de Ndjaména, telle qu'au village de Walia sara, un groupement de femmes encadrées par le projet CHD/93/005 avaient participé à la gestion de la forêt de Walia, par des opérations d'ouverture de pare feu et d'exploitation d'arbres morts. Aussi dans presque tous les villages il existe des espèces d'arbres protégées par les populations pour des considérations, soit économiques (Khaya senegalensis), soit d'ordre religieux (culte) telle que Tigelia africanna qui ne peut être coupée que par les membres d'une famille pour des sacrifices (zone de Mogroum) (A. Martella, 1991).
C'est surtout dans le domaine de l'économie du bois que les femmes ont pris une part active dans la lutte contre la dégradation des ressources naturelles. Grâce aux projets antérieurs beaucoup de femmes utilisent aujourd'hui des foyers améliorés, surtout au niveau des centres urbains tels que Guélendeng, Ndjaména, Djedda et Koundiourou. Plus de 1200 foyers (Martella, 1992) ont été construits par les femmes avec l'encadrement du projet GCP/CHD/020/NET. L'emploi de ces foyers améliorés, fait gagner aux femmes non seulement du temps mais surtout diminuer la consommation de combustible ligneux.
Grâce aux efforts de sensibilisation déployés par les différents services d'encadrements, projets et services étatiques, les femmes ont après à diversifier leurs sources d'énergie de manière à limiter la consommation du bois de chauffe.
Contrairement à ce que l'on pense, la collecte de bois et d'autres produits que les femmes effectuent au niveau de la forêt n'entrainent pas ou très peu de dégradation, car celle-ci concerne souvent du bois mort. Ce sont plutôt les hommes, pour des raisons économiques qui entrainent le déboisement par des coupes abusives d'arbres de valeur, les mises en cultures et la carbonisation.
4.2.2. Reboisement
Dans les trois zones du projet, les résultats d'enquête révèlent des situations diverses qui varient selon le village ou selon les considérations socio-culturelles.
Dans la zone de Guélendeng les femmes participent peu aux actions de production des plants et de plantation d'arbres. Cependant elles sont très actives pour la plantation d'arbres d'ombrage et de plants fruitiers (manguiers, goyaviers, citronniers, orangers, etc...). Malgré la présence de l'ONDR/ADER, des anciens projets et de celui en cours, les femmes ne sont pas bien impliquées dans les activités de reboisement. Elles souhaitent réaliser leur propre boisement en vue de produire du bois de service et de feu.
C'est dans la zone de Ndjaména rural que la participation des femmes commence à prendre de l'ampleur, grâce surtout avec l'arrivée du projet GCP/CHD/024/NET qui a réussi à mettre en place des pépinières villageoises. C'est surtout dans les villages de Lamadji et de Walia Sara que les femmes ont réalisé avec l'encadrement du projet, des mini-pépinières d'une capacité de 300 à2000 plants. Au niveau de Lamadji les femmes ont réalisé ensemble avec les hommes un bois communautaire de près 1 ha. Quant à Walia Sara ce sont les femmes seules avec l'appui du chef de village qui ont réalisé leur propre bois pour le groupement. Dans les autres villages encadrés par le projet les femmes ont produit les plants et réalisé des plantations ensemble avec les hommes.
Par contre au niveau du Batha, la participation des femmes au reboisement peut être considéré comme minime, car très peu de femmes s'intéressent à la foresterie. Dans les villages enquêtés tels que Ati, Djedda et Koudiourou, les femmes ne se sentent pas concernées par les activités forestières, car elles estiment que la forêt est une affaire d'hommes et de Dieu. Néanmoins par une sensibilisation adéquate on pourrait leur faire changer d'idée.